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dimanche 28 septembre 2014

La déconstruction du moi par Pascal

      Qu’est-ce que le moi ?

      Un homme qui se met à la fenêtre pour voir les passants, si je passe par là, puis-je dire qu’il s’est mis là pour me voir ? Non, car il ne pense pas à moi en particulier ; mais celui qui aime quelqu’un à cause de sa beauté, l’aime-t-il ? Non, car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu’il ne l’aimera plus.


      Et si on m’aime pour mon jugement, pour ma mémoire m’aime-t-on moi ? Non, car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même. Où est donc ce moi s’il n’est ni dans le corps ni dans l’âme ? Et comment aimer le corps ou l’âme, sinon pour ces qualités, qui ne sont point ce qui fait le moi puisqu’elles sont périssables ? Car aimerait-on la substance de l’âme d’une personne abstraitement et quelques qualités qui y fussent ? Cela ne se peut, et serait injuste. On n’aime donc jamais personne, mais seulement des qualités.


      Qu’on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n’aime personne que pour des qualités empruntées. 

Blaise Pascal, Pensées, (B 323 / L 688).

dimanche 21 septembre 2014

Comme le torrent




Comme le torrent qui court vers la mer,

Comme le soleil et la lune qui glissent vers les monts du couchant,

Comme les jours et les nuits, les heures, les instants qui s'enfuient,

La vie humaine s'écoule inexorablement.



Padmasambhava

Commentaires sur Alceste

Récemment, j'ai posté l'acte I, scène I du Misanthrope de Molière. En mettant en lien ce texte sur Facebook, j'ai eu le dialogue qui suit. La question est de savoir si le débat entre Alceste et Philinte est uniquement une question de franchise et d'authenticité, ou si Alceste y associe une dimension morale d'intégrité et d'honnêteté à la franchise que nous nous devons d'avoir avec nos contemporains. Evidemment, cela heurte nos propres conceptions d'intégrité, d'engagement et de militantisme.  


Alceste
Je veux que l'on soit homme, et qu'en toute rencontre
le fond de notre cœur dans nos discours se montre,
que ce soit lui qui parle, et que nos sentiments
ne se masquent jamais sous de vains compliments.

samedi 20 septembre 2014

Prière en sept vers à Padmasambhava

Hûm. Aux confins nord-ouest du pays de l'Oddiyâna,
Sur le pistil d'une fleur de lotus,
Vous avez atteint le suprême et merveilleux accomplissement.
Né-du-Lotus, on vous nomme,
Et une cercle de nombreuses dakinis vous entourent.
Je suis vos pas afin d'accomplir votre nature.
Veuillez venir me bénir.
Guru Padma Siddhi Hûm.




mercredi 17 septembre 2014

Pouvoirs supranormaux, activité merveilleuse

Pouvoirs supranormaux, activité merveilleuse: 
Tirer de l'eau, chercher du bois !

Le laïc Pang (740-808)




lundi 15 septembre 2014

Telle la génération des feuilles

Telle la génération des feuilles,
Telle la génération des hommes.

Homère, Iliade, chant VI.




dimanche 14 septembre 2014

Oubli & réparation

       « Oui, j'y voyais clair soudain : la plupart des gens s'adonnent au mirage d'une double croyance : ils croient à la pérennité de la mémoire (des hommes, des choses, des actes et des nations) et à la possibilité de réparer (des actes, des erreurs, des péchés, des torts). L'une est aussi fausse que l'autre. La vérité se situe juste à l'opposé : tout sera oublié et rien ne sera réparé. Le rôle de la réparation (et par la vengeance et par le pardon) sera tenu par l'oubli. Personne ne réparera les torts commis, mais tous les torts seront oubliés. »

Milan Kundera, La plaisanterie, 1967.

mercredi 10 septembre 2014

Soulager l'infinité des êtres

Si la pensée de soulager les êtres 
D'un simple mal de tête
Est une intention salutaire
Dont les mérites sont immenses, 

Que dire du désir d'apaiser 
Les souffrances infinies
De chaque être sensible
Et de les doter d'infinies qualités ?

Shântideva, Bodhisattvacaryâvatâra, I, 21-22.


mardi 9 septembre 2014

Dialoguer à la manière des sages ou à la manière des rois

Nâgasena
        Les questions de Milinda (en pâli: Milinda Pañha) sont un grand classique de la littérature philosophique bouddhiste du deuxième siècle avant notre ère. Il met en scène le roi indo-grec Milinda (Ménandre) qui questionne et débat avec le moine bouddhiste Nâgasena. 

        Dans l'extrait que nous allons lire, Milinda demande si Nâgasena accepte de dialoguer avec lui. Nâgasena lui répond alors en substance que le dialogue doit répondre à une éthique: celle des sages qui admet la contradiction et les arguments opposés à nos propres convictions. Quand le sage dialogue, il est animé par un esprit de tolérance, il écoute les arguments adverses et tente d'y répondre rationnellement. Il s'en prend aux arguments qui lui semble erroné, mais pas à la personne qui émet l'argument. Par opposition, dialoguer à la manière des rois implique une logique violente de conquête, de domination et de prise de pouvoir. Soit on accepte le point de vue de son contradicteur, soit on se voit menacé ou contraint d'abandonner sa conviction. Ce n'est pas seulement la logique des rois, c'est la logique de tous les fanatismes qui essayent d'imposer un dogme ou une croyance au reste de la société.  



            Le roi : « - Vénérable Nâgasena, accepterais-tu de t’entretenir avec moi ?
            - Je le ferai, ô roi, si tu entends t’entretenir avec moi à la manière des sages instruits ; mais si tu entends procéder à la manière des rois, je ne le ferai pas.
            - Comment s’entretiennent les sages instruits ?
           - L’un noue un argument et l’autre le dénoue, l’un présente une réfutation et l’autre la renvoie, l’un reconnaît l’habileté particulière de l’autre et réciproquement ; les sages instruits ne s’en irritent pas : voilà comment ils s’entretiennent.
           - Et comment les rois procèdent-ils ?
         - Quand ils s’entretiennent, ils approuvent un point et ordonnent de punir quiconque s’y oppose : voilà comment ils procèdent.
        - Vénérable, je m’entretiendrai avec toi à la manière des sages instruits, non pas à la manière des rois. Que le Vénérable parle en toute confiance, comme avec un moine, un novice, un disciple laïc ou un serviteur du monastère ; qu’il n’ait pas peur.
          - C’est bien, approuva l’Ancien.