Hier je discutais avec un ami à propos de la méditation ; et nous en sommes venus à parler de la compassion. Il me disait que la compassion était pour lui un idéal dur à atteindre : en écoutant les informations sur le crash de l'avion de la German Wings dans les Alpes il y a deux semaines. Il m'a dit qu'il ne parvenait pas à éprouver une détresse réelle face à cette tragédie car il avait trop de soucis et de tracas dans sa vie. Je lui ai alors répondu que ce n'était pas le but de la compassion. S'il fallait éprouver une détresse écrasante chaque fois que quelque chose de terrible se produit dans le monde, on ne s'en sortirait pas ! Le monde est tellement traversé par les troubles, les drames et la souffrance. Des milliards d'êtres humains souffrent et connaissent la misère en ce moment même ; et je ne parle même pas des animaux qui souffrent le martyre dans tous les coins de la planète.
Dans
la philosophie bouddhiste, la compassion est définie comme le
souhait ardent que les êtres sensibles soient libérés de la
souffrance et des causes de la souffrance. Cela implique une bonne
dose d'empathie car il faut pouvoir comprendre ce que les autres
ressentent, mais cela n'implique pas de ressentir la même souffrance
ou de se lamenter comme si c'était notre propre mère qui était
accablée par les tourments. En fait, dans le bouddhisme, la
compassion va de pair avec le détachement. Ce sont les liens
d'attachement qui nous emprisonne dans la détresse. Ces liens
d'attachement sont les causes de la souffrance. S'en libérer en
vivant dans le détachement permet de se libérer de la souffrance
elle-même. Il faut commencer par se détacher en se rendant
indifférent à soi-même et à ce qui nous arrive de bien ou de mal,
puis en se détachant de tout ce qui affecte dans le monde.
On
pourrait dire qu'il s'agit là de l'indifférence froide et glaciale
de l'égoïste qui ne soucie que de lui-même et de son propre
intérêt au détriment de ce que peuvent éprouver les autres. Mais
c'est là tout le contraire : l'indifférence est d'abord une
indifférence à soi-même, un oubli de soi qui nous libère de
l'égocentrisme et de la vision qui rapporte tout à soi. Cela crée
un espace immense où peut se déployer la compassion. Le Bouddha
parle de développer une compassion illimitée ou compassion
incommensurable. Dans la méditation, on développe cette compassion
en souhait qu'un nombre toujours croissant d'êtres sensibles, hommes
ou animaux, soient délivrés de la souffrance. On répand cette
compassion dans toutes les directions du monde, en haut, en bas,
devant vous, à gauche, à droite, derrière ; et il faut
s'entraîner à cette compassion encore et encore pour qu'elle prenne
vigueur et force dans notre esprit, qu'elle envahisse chacune de nos
pensées, chacune de nos considération, chacun de nos jugements sur
nous-mêmes et les autres. La compassion ne doit pas rester un mot et
s'incarner concrètement dans nos existences, nos attitudes et nos
gestes. Cette compassion qui croît dans la méditation doit imprégner
physiquement notre vie.
Cette
compassion-là n'est pas quelque chose qui nous accable et nous fait
tirer une gueule d'enterrement. Nous n'avons pas le temps d'être
atterré. La compassion véritable apporte un souffle de joie
bienveillante au monde. C'est peut-être difficile à comprendre
parce que nous associons la compassion à l'attachement affectif que
nous avons pour nos proches et qui fait que nous partageons la
douleur de nos proches comme un fardeau existentiel que nous avons le
devoir de porter. Mais le détachement nous libère de nos liens
d'attachement émotionnel, libérant du même coup une compassion
plus large et plus vaste. En même temps, cette compassion illimitée
apaise les attachements affectifs qui sont cause de douleur pour
soi-même et autrui. La compassion illimitée prônée par le Bouddha ne
rejette pas la bienveillance pour nos proches, nos amis et nos
parents, mais elle dépasse largement cette compassion limitée à
quelques personnes et nous met en contact avec une dimension
autrement plus vaste et divine de l'existence.
D'autres textes à propos de la compassion:
- La compassion selon Shabkar
- Soulager l'infinité des êtres
- Méditation des Quatre Incommensurables
- Bodhicitta : le désir d'apaiser les souffrances de tous les êtres vivants
- En quoi la bodhicitta est salutaire
- compassion et vacuité
- la compassion envers les êtres sensibles, et notamment les animaux
- la vache qui pleure
Voir aussi:
- Nés pour collaborer
- Rien n'est plus utile à l'homme que l'homme
- Il n'y a pas de remède à l'amour si ce n'est d'aimer davantage
- Spinoza: comprendre les actions humaines
- La parabole des hérissons
- le veau que la mère reconnait entre tous
D'autres textes à propos de la compassion:
- La compassion selon Shabkar
- Soulager l'infinité des êtres
- Méditation des Quatre Incommensurables
- Bodhicitta : le désir d'apaiser les souffrances de tous les êtres vivants
- En quoi la bodhicitta est salutaire
- compassion et vacuité
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- Il n'y a pas de remède à l'amour si ce n'est d'aimer davantage
- Spinoza: comprendre les actions humaines
- La parabole des hérissons
- Comme un éclair déchire la nuit (I,5)
- Vaincre la grande force du mal (I,6)
- La masse illimitées des êtres atteindra la suprême félicité (I,7)
- Vaincre la grande force du mal (I,6)
- La masse illimitées des êtres atteindra la suprême félicité (I,7)
- Égoïsme & altruisme selon Shântideva (IV, 125)
- Pour quel motif ?
- être sensible à la vie animale
- je suis homme et rien de ce qui est humain ne m'est étranger
- feuille de papier- Pour quel motif ?
- être sensible à la vie animale
- je suis homme et rien de ce qui est humain ne m'est étranger
- le veau que la mère reconnait entre tous
Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la Lune" autour de la philosophie bouddhique ici.
Merci pour ce texte qui éclaire la difficile question de la compassion
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