John Keats (peint par William Hilton) |
Dans une lettre écrite au printemps de 1819 adressée à son frère George et sa belle sœur Georgiana, John Keats, un poète romantique anglais, parle d’un de ses amis, un jeune pasteur du nom de Bailey dont la légèreté en matière sentimentale avait choqué, scandalisé ou déçu plus d’une personne dans son entourage. Commentant cette petite histoire de mœurs, John Keats écrit :
« Cela
leur apprendra que l’homme qui se moque du romanesque peut bien
être le plus romanesque de tous ; que celui qui insulte les
femmes et fait profession de les mépriser les aime plus qu’un
autre ; que si quelqu’un parle de jeter un homme au feu, il
n’en ferait rien au moment de pousser pour de bon ; et surtout
que ceux-là sont bien superficiels qui prennent toutes choses à la
lettre. La vie d’un homme de quelque valeur est une allégorie
continuelle, et très peu de regards savent en percer le mystère ;
c’est une vie qui, comme les Écritures, figure autre chose, et ces
gens-là ne peuvent pas plus la déchiffrer que la Bible en hébreu.
Lord Byron est une figure, mais il ne figure rien. La vie de
Shakespeare fut une allégorie ; ses œuvres en sont le
commentaire ».
John
Keats, Poèmes
choisis,
éd. Aubier-Flammarion, traduction et préface d’Albert Laffay,
Paris, 1968, p. 18.
Edward Hopper, Nighthawks, 1942 |
Il
y a toujours un hiatus entre les discours et les comportements ;
que ce soit le cas volontairement, et c’est de l’hypocrisie, ou
que cela se produise involontairement, et cela relève de nos
contradictions, voire de nos déchirements intérieurs. Ce que pointe
Keats dans sa lettre, c’est que ces contradictions, même avec
toute la bonne foi, sont inévitables pour une très grande partie
d’entre nous. « Et
surtout que ceux-là sont bien superficiels qui prennent toutes
choses à la lettre ».
Un pasteur protestant sensé être un modèle de fidélité et de
respectabilité peut se perdre dans des relations amoureuses qu’une
morale puritaine reprouve fermement.
Mais
surtout John Keats insiste que ces contradictions et ces manquements
à nos idéaux et à l’image que l’on voudrait forger de soi-même
ont une signification profonde que l’homme de bien devrait pouvoir
écouter. Ces plis dans notre être peuvent paraître complètement
inintelligibles : « Je ne comprends pas comment j’en
suis arrivé là », dira-t-on après s’être laissé aller à
des penchants que l’on réprouve. Pourtant ces irritants replis de
notre personnalité intime sont autant d’allégories pour John
Keats. « La
vie d’un homme de quelque valeur est une allégorie continuelle, et
très peu de regards savent en percer le mystère ; c’est une
vie qui, comme les Écritures, figure autre chose, et ces gens-là ne
peuvent pas plus la déchiffrer que la Bible en hébreu ».
On
en doit donc pas s'en tenir à la figure d'un homme ou ce qu'on
attend de lui de par sa fonction ou son statut. Les replis et les
méandres dans son parcours de vie peuvent ne paraître signifiante
d'entrée de jeu. En même temps, c'est précisément dans ces replis
et ces mystères que se terre la nature humaine. Allégorie
continuelle. « La
vie de Shakespeare fut une allégorie ; ses œuvres en sont le
commentaire ».
Raphaël, La Fornarina, 1518-1519 |
Autre citation de John Keats :
- A qui est depuis longtemps confiné dans la cité
Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.
J'adore ton blog....
RépondreSupprimer