Il
y a trois semaines ont eu lieu les attaques terroristes dans les rues
de Paris. Les médias commencent à parler d'autres choses,
l'attention médiatique devant toujours se porter sur d'autres sujets
pour ne pas lasser les spectateurs en demande de nouveauté. Les
nations européennes sont maintenant dans l'après-attentat où la
question se porte sur la réaction adéquate face à ce terrorisme.
Deux points majeurs sont au cœur des débats : que faire des
migrants ? Que faire de Daesh ?
En
ce qui concerne les migrants, ceux-ci risquent de faire les frais des
nouvelles politiques sécuritaires mises en place au lendemain des
attentats. Manuel Valls a d'ailleurs signé la fermeture des
frontières après plusieurs mois de débats houleux sur la question
en déclarant : « L’Europe
doit dire qu’elle ne peut plus accueillir autant de migrants, ce
n’est pas possible . Le contrôle des frontières extérieures de
l’Union européenne est essentiel pour le futur de l’UE. Si nous
ne le faisons pas, alors les peuples vont dire : ça suffit
l’Europe ! ».
En effet, il y aurait un des kamikazes qui serait un migrant qui
serait passé par la Grèce (tout cela est à mettre au conditionnel) : une passeport a été retrouvé
« miraculeusement » intact près du corps d'un des
terroristes qui s'était fait explosé. On oublie qu'il est bien
établi aujourd'hui que tous les autres terroristes étaient soit
Français, soit Belges... Mais l'état d'urgence n'incite pas à
avoir une réflexion nuancée sur le sujet... C'est tout profit pour
l'extrême-droite européenne, et notamment le Front National
français qui a le vent en poupe après les attentats.
En
ce qui concerne la réaction face à l’État Islamique, j'ai bien
aimé une réflexion du moine bouddhiste Matthieu Ricard sur son
blog :
Sortir de l'enfer grâce à la compassion. Matthieu Ricard y explique
notamment : « Dans
le cas d’une organisation comme Daesh, il ne s’agit pas de
tolérer leurs actions innommables. Nous devons tout faire pour y
mettre fin. Dans le même temps, il faut se rendre compte que ces
gens ne sont pas nés avec le désir de couper des têtes et de
massacrer tous les habitants d’un village. Un ensemble de causes et
de conditions les a conduits à ce terrible comportement. La
compassion, dans ce cas, c’est le désir de remédier aux causes,
comme un médecin souhaite mettre fin à une épidémie. Cela
implique, parmi d’autres moyens, de remédier aux inégalités dans
le monde, de permettre aux jeunes d’accéder à une meilleure
éducation, d’améliorer le statut des femmes, etc., pour que
disparaisse le terreau social dans lequel ces mouvements extrêmes
prennent racine ».
Il
ne faut pas voir Daesh comme une entité maléfique qui serait
apparue dans le monde comme un champignon, mais bien analyser les
causes et les conditions qui ont permises l'émergence de cette
mouvance qui sombre toujours plus dans la violence et la barbarie.
Comme le dit Matthieu Ricard à juste titre : on ne naît pas
avec le désir de couper des têtes. Face à cette situation, la
sagesse consiste à prendre du recul par rapport aux événements et
essayer de comprendre les facteurs et les causes de cette
radicalisation du jihadisme. Baruch Spinoza disait au XVIIème
siècle : « En ce
qui concerne les actions humaines, ne pas railler, ne pas pleurer, ne
pas même détester, mais comprendre ».
Face à leur volonté de nous détruire ou de nous massacrer, on
pourrait voir la colère naître en nous ainsi que le désir de
vengeance : « Ah, ils nous ont frappé à Paris.
Bombardons-les sans pitié en retour. Massacrons-les avant qu'ils ne
nous tuent jusqu'au dernier ». C'est oublier que sur les
territoires occupés par Daesh, il y a des populations civiles qui
sont prises en otage par la mouvance terroriste et qui n'ont rien
demandé. Si on bombarde ces populations civiles aveuglément sans
réfléchir, nous nous comportons nous-mêmes en terroristes et nous
ne valons pas mieux que les combattants de Daesh.
C'est
pourquoi il vaut mieux avoir l'attitude d'une médecin qui analyse
une maladie rationnellement, qui se demande comment la maladie est
apparue et comment on pourra la guérir, sans éprouver de colère et
de rage contre la maladie elle-même. Le médecin reste dans la
raison et essaye de juste de guérir son patient du mal dont il est
atteint. En ce qui concerne Daesh, il faut donc agir sur le terreau
de haine et de ressentiment sur lequel a pu grandir cette
organisation : les injustices, le manque d'éducation, le
dénigrement du statut des femmes, etc...
Matthieu
Ricard ajoute aussi : « Quand
la haine a déjà enflammé l’esprit de quelqu’un, la compassion
consiste à adopter face à lui l’attitude du médecin envers un
fou furieux. Il faut d’abord l’empêcher de nuire. Mais, comme le
médecin qui s’attaque au mal qui ronge l’esprit du fou sans
prendre un gourdin et réduire son cerveau en bouillie, il faut aussi
envisager tous les moyens possibles pour résoudre le problème sans
tomber soi-même dans la violence et la haine. Si la haine répond à
la haine, le problème n’aura jamais de fin. Le moment est venu
d’appliquer le baume de la compassion sur nos blessures et nos
peines et sur la folie du monde ».
Je
ne sais pas si on pourra éviter la violence. Comment neutraliser
cette folie furieuse qu'est devenue Daesh autrement que par les
armes ? De toute façon, les nations européennes se sont déjà
engagés dans le bombardement aérien des positions de Daesh.
Faudra-t-il des troupes au sol pour en finir avec la mouvance
islamiste ? Peut-être. Néanmoins il ne faudrait pas penser que
la violence soit la seule solution. En fait, la violence n'est pas
une solution du tout. On ne peut pas se contenter de vaincre
militairement Daesh, et les laisser les populations locales toujours
aussi désemparées et dans la misère. Il faut une approche plus
compatissante, car sinon les idées jihadistes et haineuses de Daesh
se répandront à travers le monde. En fait, Daesh essaime déjà un
peu partout dans le monde : en Libye, en Égypte, au Nigeria
avec la mouvance Boko Haram... Je pense qu'il faudra apaiser les
douleurs du monde, l'injustice, l'exploitation et assurer un avenir
meilleur aux populations sans quoi il y aura toujours un vivier pour
les mouvances qui vivent de la haine et de la terreur partout à
travers le monde...
Kobané, Syrie, photographie de Yasin Akgül. |
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