Composé lors d'une visite à un moine
de la montagne sans le rencontrer
le sentier pavé de pierres pénètre
dans un val de cinabres
le portail en branchages de pin est
bloqué par de la mousse verte
sur le perron désert, des traces
d'oiseaux
dans la salle de méditation, personne
pour ouvrir
je regarde par la fenêtre, une brosse
blanche,
couverte de poussière, est accrochée au
mur
vaine visite, je soupire
sur le point de repartir, je musarde un
moment
des nuages parfumés s'élèvent de la
montagne
une pluie de pétales de fleurs tombe du
ciel
joyeuse est la musique céleste
plus encore, les cris plaintifs des
gibbons
allègre, dégagé des affaires du monde,
ici, je me sens à l'aise
Li Bo (Chine, 701-762)1.
Voilà un poème très intéressant d'un
des plus grands poètes de la Chine ancienne, Li Bo2.
Li Bo, à cette époque, voyageait par monts et par vaux pour
rencontrer des maîtres Chán ainsi
que des maîtres taoïstes. Il n'hésitait pas à faire la route
jusque dans leur ermitage de montagne. Dans ce poème, c'est ce que
fait Li Bo. Il va pour rencontrer un maître de sagesse et écouter
leurs paroles spirituelles. Mais ce pèlerinage est vain puisque le
maître en question est absent de son ermitage. « Vaine
visite, je soupire ».
Pourtant, cette absence n'est pas rien ; il reste une subtile
présence en ce lieu, une ouverture à la méditation et à la
contemplation, une invitation au lâcher-prise et à la joie de
l'instant présent. Il arrive qu'un sage brille par son absence.
1
Li Po, « L'immortel banni sur terre buvant seul sous la
lune », traduction de Cheng Wingfun et Hervé Collet,
Albin Michel, Paris, 2010, pp. 40-41.
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