Penser
la Sangha
Je
me souviens d'une conversation qui remonte à presque quinze ans
maintenant où j'expliquais à un ami que, dans le bouddhisme
tibétain, il y a une retraite de trois ans, trois mois et trois
jours qui est un sorte de passage obligé pour devenir lama (souvent,
cette retraite est accomplie plusieurs fois par les pratiquants).
L'ami m'a tout se de suite répondu : « Mais comment
est-ce qu'on justifie une retraite de trois ans, trois mois et trois
jours sur un curriculum vitae ? ». Cette question
peut paraître saugrenue dans une perspective sociale. J'imagine que
des pratiquants du bouddhisme tibétain entendant cela estimeraient
qu'il s'agit là d'une réaction très matérialiste et très
carriériste, méprisable du point de vue de l'idéal de renoncement
et de détachement prôné par les grands maîtres tibétains.
Mais
pour ma part, je ne trouve pas cette objection sans intérêt. Il est
facile de discourir sur l'idéal de renoncement, mais il est beaucoup
plus difficile de le vivre au jour le jour. Surtout cette question
pose frontalement le rôle social que peuvent avoir les pratiquants
du Dharma dans les sociétés modernes européennes ou occidentales.
Le renonçant tibétain ne se soucie certes pas de son plan de
carrière, mais la société entière soutient son projet de vie.
Sociologiquement, il a une raison d'être dans sa société
tibétaine. Mais un moine ou un ascète bouddhiste en Occident ?
Est-il si facile de tomber dans la marginalité complète simplement
parce qu'on a envie de pratiquer le Dharma pour le bien du plus grand
nombre ?
Je
pense que les penseurs bouddhistes en Occident n'évoquent jamais cet
aspect social des choses. Ils réfléchissent toujours à la
méditation sur un plan strictement individuel. Bien sûr, ils
évoquent la compassion et l'altruisme pour autrui. Mais c'est
toujours sous l'angle d'une démarche morale individuelle. Ils se
soucient très peu de ce que vivent les jeunes intéressés par le
Dharma sans le sou et sans perspective d'avenir. Pourtant il seraient
intéressant de s'interroger sur ces questions. Comment trouver sa
place dans une société occidentale alors qu'on passe ses journées
en méditation ? Peut-on pratiquer intensivement le Dharma et
revenir à une vie normale ensuite, ou est-on condamné à vivre dans
la marginalité ? Il me semble que c'est une erreur majeure si
notre but est de répandre le message et la pratique du Dharma.
Voir aussi :
- Quand dire, c'est prendre refuge
- Le bouddhisme, philosophie, religion ou mode de vie ?
- Le Dharma, philosophie ou religion?
- Quand dire, c'est prendre refuge
- Le bouddhisme, philosophie, religion ou mode de vie ?
- Le Dharma, philosophie ou religion?
Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la philosophie bouddhique ici.
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