Spéculation
Étranges
sont ces pics, ce cortège de nuages,
La
source n'a pour cours que cette eau qui gargouille.
Marcher
dans la montagne n'épuise pas ses monts,
D'autres
massifs encore nous barrent le regard.
Baiyang
Fashun (XIIème siècle)
Song Zhang, Vue sur la montagne, 2013. |
Ce
poème d'un moine Chan résonne comme une métaphore de la Voie.
Quand on marche en montagne, on avance d'un pas décidé vers le
sommet majestueux qui se dessine bien distinct dans le ciel bleu. On
grimpe jusqu'au promontoire qui nous sépare de ce sommet. Et on est
content d'atteindre ce promontoire, mais cette joie est de très
courte durée. On se rend que derrière ce promontoire, il y a une
vallée ou un col que l'on doit franchir pour atteindre un second
promontoire. Et ce promontoire-là cache d'autres vallées, d'autres
cols, d'autres routes sinueuses, précipices et falaises. La route
peut être longue en montagne avant d'atteindre le sommet majestueux.
Il
en va de même avec l’Éveil. Quand on commence à pratiquer la
Voie du Bouddha, l’Éveil semble être proche. Mais plus on
chemine, plus on se rend compte que la route est longue avant de
dissiper nos penchants négatifs, nos fautes, nos obscurcissements.
Il y a un sommet majestueux incarné par le Bouddha, mais les
obstacles sont nombreux et subtils. De plus en plus subtils au fur et
à mesure que l'on progresse.
Il
y a une autre métaphore intéressante à ce sujet. C'est celle qui
compare l’Éveil à une fleur de lotus qui doit s'ouvrir pour que
l'on devienne soi-même un Bouddha. Cela semble être une opération
aisée. Quelques expériences de méditation, une conduite juste,
éprouver la béatitude et la concentration, et la fleur de lotus
s'ouvre sur l’Éveil suprême. Mais le souci est derrière les
premiers pétales de la fleur de lotus se cachent d'autre pétales.
On dit que la fleur de lotus de l’Éveil compte mille pétales,
probablement beaucoup plus ! Certains se sentiront très proches
de l'état d'un bouddha dès lors qu'ils auront ouvert quelques
pétales avec quelques expériences spirituelles rayonnantes. Mais en
fait, il faut toujours aller plus loin dans l'attention, dans la
bienveillance et l'équanimité pour espérer ouvrir le cœur vide de
cette fleur de lotus.
Eyvind Earle - Montagnes brumeuses |
Je
tire ce poème de Baiyang Fashun d'une petite anthologie très bien
faite « Poèmes Chan », publiée aux éditions
Picquier, traduction de Jacques Pimpaneau, Arles, 2005 (2016 pour
l'édition de poche).
Voir aussi :
Un jour, une photo |
Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la philosophie bouddhique ici.
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