Il
y a quelques jours, j'ai regardé une intervention de
l'intellectuelle féministe Caroline Fourest dans l'émission de
télévision « C à vous » contre les turpitudes de
monsieur Tarik Ramadan, prédicateur de la pureté musulmane le jour,
agresseur sexuel sadique la nuit, loin des regards et des caméras de
télévision.
Il
y a quelques jours, j'ai écrit un article qui exprimait mes doutes
quant au hashtag #balancetonporc. Il faut néanmoins reconnaître que
ce dernier produit quelques effets bénéfiques, notamment celui de
faire tomber ce Tartuffe islamique qu'est Tarik Ramadan. Même si
celui-ci échappe à la justice - ses avocats invoqueront
probablement le manque de preuves - la lumière aura été faite sur
l'hypocrisie du personnage : voilà quelqu'un qui, à longueur
de prêches et de discours, prône un modèle rigoriste pour la
société qui condamne sans appel la sexualité hors-mariage, et qui
multiplie les « conquêtes » en étant dans ses relations
sexuelles violent, vulgaire, dominateur et sans pitié. Tout à fait
à l'image du double discours permanent des Frères Musulmans.
Néanmoins,
Caroline Fourest le reconnaît elle-même, le hashtag peut être
aussi la source de dénonciations calomnieuses en série : « On
n'a pas envie de vivre dans une société où on peut régler ses
comptes grâce à ça ». C'est l'aspect sombre aussi de ce
hashtag. Caroline Fourest ajoute aussi, après avoir longuement
chargé Tarik Ramadan durant toute l'émission, une réflexion qui
m'apparaît intéressante à propos de ce qu'implique ce hashtag
#balancetonporc et de manière plus générale à propos des
relations de séduction entre hommes et femmes (à 15' 15) :
« On a un devoir entre hommes et femmes sur la façon dont
on n'a pas le même ressenti quant à l'expression du désir. Les
garçons ont une expression du désir très extraverties dont ils
peuvent penser que c'est flatteur pour les filles. Les filles
généralement le vivent de façon assez agressive et demandent un
tout petit peu plus de subtilités. Et c'est sur cette subtilité
qu'il faudrait pouvoir discuter de temps en temps ».
Je
suis d'accord avec Caroline Fourest : il peut y avoir des
malentendus profonds du fait d'une incompréhension totale au niveau
de l'expression des émotions et du langage corporel. Peut-être
qu'un gros lourd pensera très sincèrement faire plaisir à une
demoiselle quand il lui fera des compliments sur son physique alors
que cela importune complètement la jeune femme. Et donc ce hashtag
#balancetonporc pose le problème d'une zone grise où les
interprétations vont varier complètement d'une personne à l'autre
sur ce qu'est un harcèlement, ce qu'est de la drague ou de la
séduction. J'en discutais avec un ami cette semaine, et il m'a dit
cette formule que je trouve très belle et très juste : « Le
porc de l'une sera le prince charmant d'une autre ».
Un
individu mâle aborde une jeune femme en lui disant une formule
bateau du style : « Vous avez de beaux yeux,
mademoiselle » en lui touchant le bras. Et la demoiselle va se
sentir agressé et crier au porc qui impose sa domination masculine
et qui la dénigre. Tandis que le même individu va tenter exactement
la même approche avec une autre femme, et cette dernière va trouver
sa tentative de drague touchante et entamer une conversation avec cet
homme, et plus si affinités....
Donc
personnellement, je ne suis pas contre plus de subtilités dans les
relations hommes/femmes, je suis même pour ; mais force est de
constater que aucun des séducteurs/dragueurs efficaces que je
connais n'est très subtil dès lors qu'il s'agit d'aborder une
femme. C'est toujours les mêmes formulations très stéréotypées
pour entamer la conversation, un intérêt soutenu et insistant à la
demoiselle, une volonté d'imposer son désir derrière les sourires
et les belles paroles. Cela s'accompagne d'un esprit de conquête et
de prédation : les séducteurs et les dragueurs disent qu'ils
sont « en chasse ». Et cela ne choque personne !
Si,
a contrario, en tant qu'homme, vous êtes trop subtil, les
femmes risquent de ne pas comprendre vos intentions et de penser que
vous n'êtes pas intéressées par elles. Donc, bien sûr, ce serait
mieux sur un plan moral et psychologique d'être plus subtil dans
l'expression du désir, plus doux aussi, plus empathique, plus dans
la complicité et le partage. Je suis le premier à applaudir et à
appeler à ce changement de paradigme dans les relations
hommes/femmes. Mais la règle dominante tant chez les hommes et les
femmes (et y compris les femmes féministes) est et reste celle d'un
jeu de pouvoir entre proies et prédateurs... (NB : on
remarquera d'ailleurs que hommes et femmes, y compris les féministes,
admettent implicitement que la drague/séduction se fait toujours
dans le sens d'un homme qui tente de charmer une femme, UN prédateur
qui prend en chasse UNE proie. Pourquoi pas le contraire ?)
Par
ailleurs, ce jeu de séduction qui se double d'un jeu de pouvoir est
très intimidant. Pour beaucoup d'hommes, les timides notamment, il
est extrêmement stressant d'aborder une jolie femme. Ce stress qui
est d'autant plus intense que l'on a des sentiments envers cette
personne fait que souvent on est excessivement maladroit et que notre
approche apparaît comme pas du tout subtile. En outre, pour se
désinhiber de ce stress, la tentation est forte en soirée de boire
beaucoup d'alcool pour aller parle plus facilement à la personne qui
nous plaît. Or l'alcool est un poison mortel pour la subtilité...
Cela anesthésie notre empathie, et c'est souvent la cause de paroles
et d'actes que l'on regrette amèrement plus tard. « Tu t'es vu
quand t'as bu » disait le slogan publicitaires des années '90.
En
conclusion, je dirai que je ne sais pas à quoi aboutira tout le
remou autour de l'affaire Weinstein, de sa propagation à d'autres
affaires de moeurs (Ramadan, Kevin Spacey et d'autres...) et les
mouvements de prise de parole sur internet comme #balancetonporc ou
#metoo. À un retour rapide à la
normale, au business as usual ? À
un changement notable des rapports de force ? À
une culpabilisation massive des hommes, ce que je craignais dans le premier article ? À plus de dialogue et de subtilité entre les
hommes et les femmes ? Cette dernière option est évidemment
très souhaitable ; mais il ne faudra pas oublier les
difficultés et les obstacles qui se présenteront sur le chemin...
Frédéric Leblanc, le 5 novembre 2017.
Henri Cartier-Bresson, Jardin des Plantes, Paris, France, 1973. |
Voir l'article : Qui est un porc ?
Voir aussi :
- La parabole des hérissons (d'Arthur Schopenhauer)
- Song (d'Allen Ginsberg)
Robert Doisneau, Au Café Chez Fraysse, Rue de Seine, Paris, 1958 |
"Si, a contrario, en tant qu'homme, vous êtes trop subtil, les femmes risquent de ne pas comprendre vos intentions et de penser que vous n'êtes pas intéressées par elles."
RépondreSupprimerÇa, je n'y crois pas.
Un jour, je discutais avec une belle jeune femme que j'avais accosté dans la rue quelques jours plus tôt et je lui demande si ça lui arrive souvent de se faire accoster. Elle me répond oui et je lui demande aussitôt si elle trouve ça plutôt agréable ou désagréable. Elle me répond désagréable et voyant ma tête à sa réponse, elle éclate de rire et me dit mais toi c'est différent.
Et là je me suis dit que les autres devaient être bien lourds.
" Peut-être qu'un gros lourd pensera très sincèrement faire plaisir à une demoiselle quand il lui fera des compliments sur son physique alors que cela importune "
RépondreSupprimerJe suis tout à fait d'accord, j'ai dans mes connaissances beaucoup de gens qui sont plus ( pardonnez-moi cette vulgarité ) c*ns que c*nnards en amour et qui ne se rendent pas compte qu'ils peuvent faire vraiment mal.
C'est regrettable que, lors des nombreux débats dans les médias autour de la drague de rue, on ait oublié ces personnes; en mettant personnes insensibles et maladroites dans la case "PORC" ça a dû faire culpabiliser des gens un peu gauches et c'est dommage.
Peut-être que si la France (en s'inspirant de certains pays d'Europe du Nord) assumait davantage et plus tôt son rôle d'éducatrice à la sexualité et à l'amour dans les collèges et écoles, on aurait des futurs adultes plus respectueux, moins de problèmes de harcèlement et qui sait, les femmes hétéros pourraient peut-être enfin séduire les hommes dans la rue sans peur d'être mal vues.
Je pense vraiment que tout ces problèmes sont liés à l'éducation et que si l'on ne poussait pas les jeunes garçons à être les plus virils possibles, à faire tout pour obtenir ce qu'ils veulent, le monde se porterait mieux ( après je ne prétend pas que c'est chose aisée )