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samedi 30 août 2014

Les tâches ménagères à l'aune de l'impermanence


      Jusqu'à quel point devons-nous nous imprégner de l'impermanence ? Il nous faut avoir la conviction de Guéshé Kharak Gomchoung. Il était allé méditer dans les solitudes de Jomo Kharak, dans la province de Tsang. Devant l'entrée de sa grotte, il y avait un buisson épineux qui arracha son vêtement. Il commença par se demander s'il fallait le couper, puis se dit : « Après tout, il se peut que je meure à l'intérieur de la grotte, je ne sais pas si j'en sortirai ; il est plus important que je m'occupe de ma pratique ». Et il laissa le buisson. Comme il passait sa porte à nouveau, le même épisode se reproduisit et il songea cette fois qu'il ne savait pas s'il retournerait à l'intérieur... C'est ainsi que nombre d'années passèrent et qu'il devint un maître spirituel accompli. Quand il s'en alla, le buisson était toujours là.

          Mon maître racontait aussi une histoire au sujet du Vidhyâdhara Jigme Lingpa. Il n'y avait pas de marches pour descendre à l'étang au bord duquel il demeurait en automne, pendant le passage de l'étoile rishi, ce qui en rendait l'accès et le séjour très difficiles. Mais lorsqu'on lui demanda s'il fallait faire un escalier, il répondit : « Pourquoi tant de peine alors que vous ne savez même pas si vous dormirez ici l'an prochain ? ». Ainsi parlait-il sans cesse de l'impermanence.

jeudi 28 août 2014

Alceste et Philinte dans le "Misanthrope" de Molière

     Voici le début savoureux du Misanthrope de Molière. S'y affrontent deux amis que tout oppose, ou plutôt deux ex-amis, car Alceste, le Misanthrope, est très fâché à l'encontre de Philinte, car celui-ci a fait preuve de courtoisie chaleureuse et d'amabilités convenues envers un homme qu'il connaît à peine. « Je vous vois accabler un homme de caresses, et témoigner pour lui les dernières tendresses ; de protestations, d' offres et de serments, vous chargez la fureur de vos embrassements ; et quand je vous demande après quel est cet homme, à peine pouvez-vous dire comme il se nomme  ». C'en est trop pour Alceste qui ne veut pas d'un tel hypocrite, un tel bonimenteur comme ami. « Moi, votre ami ? Rayez cela de vos papiers ».




mercredi 27 août 2014

Comme en vous contemplant dans un miroir précieux

Comme en vous contemplant dans un miroir précieux,
La forme et le reflet se regardent.
Vous n'êtes pas le reflet, 
Mais le reflet est vous.


Dongshan Liangjie 洞山良价 (connu aussi sous son nom japonais : Tokan Ryokai, 807–869), 
Chant du Samadhi du Précieux Miroir, 
寶鏡三昧歌,  Baojing Sanmei Ge (ou Hôkyô Zanmai en japonais)



"Introspection" de Giulia Marangoni


dimanche 24 août 2014

Ni trop tendu, ni trop relâché

La Voie du Milieu dans la méditation

  Jadis, lorsque Ânanda enseignait la méditation à Shrona, celui-ci était parfois trop tendu, parfois trop relâché, et n'arrivait pas à méditer de la bonne manière. Il alla en parler au Bouddha qui lui dit :

« N'étais-tu pas un bon joueur de vînâ quand tu étais laïc ?
- Certes, j'en jouais bien.
- Ta vînâ sonnait-elle agréablement quand les cordes étaient très tendues ou quand elles étaient très relâchées ?
- Elle sonnait quand les cordes n'étaient ni trop tendues, ni trop relâchées.
- Eh bien ! Il en est de même pour ton esprit... »

Et Shrona atteignit son but.

Mabchik Labdrön dit de même :
Soyez en même temps à l'aise et concentrés,
Il y a là un point essentiel pour la vue.

vendredi 22 août 2014

Méditer longuement l'impermanence

Méditer longuement l'impermanence, c'est faire offrande à tous les Bouddhas.
Méditer longuement l'impermanence, c'est être conforté par tous les Bouddhas.
Méditer longuement l'impermanence, c'est recevoir l'instruction de tous les Bouddhas.
Méditer longuement l'impermanence, c'est être béni par tous les Bouddhas.
Les empreintes des éléphants sont le plus remarquables ; de la même manière, l'impermanence est l'idée la plus importante sur laquelle un bouddhiste puisse méditer.

Le Bouddha, cité dans Patrül Rimpotché, Le chemin de la grande perfection, éd. Padmakara, Saint-Léon-sur-Vézère (France), 1997,  pp. 89-90.





Sur la méditation de l'impermanence, voir aussi : En compagnie du souffle - sixième partie

Autres citations sur l'impermanence et la mort :
 - l'oubli de la mort (I, 6)
nonchalant de la mort comme de son jardin

Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la philosophie bouddhique ici.

Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.





mercredi 20 août 2014

L'ironie grinçante du destin

     Ennemis et proches sont impermanents. Un jour que le sublime Katyâyana1 mendiait sa nourriture, il rencontra un père de famille qui tenait un enfant sur ses genoux. Cet homme se régalait d'un poisson et lançait des pierres à une chienne qui en mâchait l'arête. Or, avec sa clairvoyance, le maître vit ceci : le poisson avait été le père de l'homme dans cette vie-ci, la chienne était la réincarnation de sa mère et un ennemi qu'il avait tué dans une vie passée avait pris renaissance, par un retour du karma, comme son fils. Et Katyâyana s'écria :

     On dévore son père et on frappe sa mère,
     On tient sur ses genoux l'ennemi qu'on tua ;
     Une femme mâchant les os de son époux...
     Devant le samsâra, l'envie me prend de rire !

     Dans cette vie, nous avons des ennemis mortels qui, plus tard, deviennent de bons amis, des parents ou des proches, nos relations les plus intimes. A l'inverse, on voit des gens de la même famille se haïr et se faire tout le mal qu'ils peuvent pour la moindre broutille, la moindre des possessions. On voit des époux et des proches qui, pour le motif le plus insignifiant et le plus fugace, deviennent ennemis et s’entre-tuent. Puisque n'importe quelle amitié ou inimitié est éphémère, répétons sans cesse qu'il faut traiter tout le monde avec amour et compassion.

Patrül Rimpotché, Le chemin de la grande perfection, éd. Padmakara, Saint-Léon-sur-Vézère (France), 1997,  pp. 89-90.



1Katyâyana était un des grands disciples du Bouddha.


mardi 19 août 2014

Que lentement passent les heures

Que lentement passent les heures
Comme passe un enterrement

Tu pleureras l'heure où tu pleures
Qui passera trop vite
Comme passent toutes les heures.

Guillaume Apollinaire, A la santé, V, Alcools, septembre 1911.


lundi 18 août 2014

Dialogue du chapon et de la poularde


    Voltaire met en scène dans ce dialogue peu connu de 1763 un chapon (coq castré) et une poularde qui discutent de la cruauté des hommes. C'est l'occasion pour Voltaire de faire l'apologie du végétarisme et d'une alimentation qui ne serait pas basée sur la cruauté.

   Voltaire en profite pour attaquer la religion, mais aussi Descartes qu'il accuse d'être complice et partie prenante de cette cruauté permanente à l'encontre des animaux. Il montre en quoi cette cruauté est indissociable de la cruauté des puissants à l'encontre du genre humain.



LE CHAPON.

Eh, mon Dieu! ma poule, te voilà bien triste, qu’as-tu?

LA POULARDE.
Mon cher ami, demande-moi plutôt ce que je n’ai plus. Une maudite servante m’a prise sur ses genoux, m’a plongé une longue aiguille dans le cul, a saisi ma matrice, l’a roulée autour de l’aiguille, l’a arrachée et l’a donnée à manger à son chat. Me voilà incapable de recevoir les faveurs du chantre du jour, et de pondre.

dimanche 17 août 2014

Le conte de Lune Célèbre

De l'inconvénient de s'attacher aux projets et aux spéculations à propos de l'avenir....

    N'allez pas au-devant du futur,
   Autrement, vous ressemblerez
   Au père de Lune Célèbre.


  Il était une fois un pauvre homme qui trouva une grande provision d'orge. Il la versa dans une jarre qu'il attacha au plafond. Il se coucha sous la jarre et se mit à songer : « Cet orge va me rendre très riche. Quand je serai riche, je prendrai une femme. Elle aura un fils, à coup sûr, mais comment est-ce que je vais l'appeler ? » La lune parut ; il décida d'appeler son fils « Lune Célèbre ». Or, durant ce temps, un rat rongeait la corde qui retenait la jarre. La corde cassa, la jarre tomba et l'homme fut tué.

Patrül Rimpotché, Le Chemin de la Grande Perfection, éd. Padmakara, Saint-Léon-sur-Vézère (France), 1997, p.51.

samedi 16 août 2014

Y a-t-il d'autre but que le Dharma, maniwa ?

Heurts et malheur passés sont comme un dessin tracé sur l'eau :
Il n'en reste plus trace. Ne partez pas à leur poursuite !
Si malgré tout vous y pensez, dites-vous que prospérité et déclin vont et viennent !
Y a-t-il d'autre but que le Dharma, maniwa ?

Projets et préparatifs sont des filets jetés dans le lit d'un torrent sec :
On est toujours déçu. Réduisez donc désirs et aspirations !
Si malgré tout vous en avez, songez à l'heure incertaine de la mort.
A-t-on le temps de faire ce qui n'est pas le Dharma, maniwa ?

Les activités quotidiennes sont des travaux faits en rêve ;
Rejetez à jamais ces efforts qui ne riment à rien !
Même la nourriture conforme au Dharma, prenez-la sous le sceau du non-attachement.
Tout ce qu'on peut faire n'a aucun sens, maniwa !

Entre vos méditations, tant que pensées et apparences ne surgissent pas toutes comme le corps absolu,
Il est indispensable d'apprendre ainsi à dompter
Les pensées qui viennent des trois poisons ; pensez-y au moment voulu.
Ne laissez pas vagabonder les pensées trompeuses, maniwa !

Thogmé Zangpo (Gyelsé Rimpotché, 1295-1369)

NB : un maniwa était dans le Tibet ancien un ascète mystique errant qui récitait le mantra de Tchenrézi (Avalokiteshvara), Om Mani Padme Hum.

ཨོཾ་མ་ཎི་པ་དྨེ་ཧཱུྃ་ 





lundi 11 août 2014

L'homme, l’Éternité et son passage dans le temps

      Nous ne cessons de nous étonner du passage du temps : "Comment ! Hier à peine, ce père de famille chauve et moustachu était encore un gosse en culottes courtes !" Cela montre que le temps n'est pas notre élément naturel. Imagine-t-on un poisson qui s'étonnerait de la mouillure de l'eau ? C'est que notre vraie patrie est l'éternité ; dans le temps nous ne sommes que des visiteurs de passage. 

    N'empêche, c'est dans le temps que l'homme construit la cathédrale de Chartres, peint le plafond de la Sixtine et joue de la cithare à sept cordes — ce qui inspira la fulgurante intuition de William Blake : "L’Éternité est amoureuse des œuvres du temps".

Simon Leys, Le bonheur des petits poissons, 2008.

lundi 4 août 2014

Bientôt...

Bientôt, tu auras tout oublié.
Bientôt, tous t'auront oublié.


Marc-Aurèle, Pensées à soi-même.

dimanche 3 août 2014

Hâte-toi lentement

Σπεῦδε βραδέως
Festina lente.

Hâte-toi lentement.

Devise de l'empereur Auguste.

Rien de trop

ΜΗΔΕΝ ΑΓΑΝ

Rien de trop

Delphes. 

vendredi 1 août 2014

Décroissance & non-agir

Apprendre, c'est de de jour en jour s’accroître,
Suivre la Voie, c'est de jour en jour décroître, 
Décroître et décroître encore
Jusqu'à atteindre le non-agir.
Et par le non-faire, rien qui ne puisse se faire.

Lao-Tseu (Laozi), 
Livre de la Voie et de la Vertu, TaoKin(en pinyin: Dàodéjīng, 道德經), XLVIII.