Choix et liberté
Suite
à un de mes articles récents (« Antispécisme et humanisme »), il y a eu une longue et intéressante discussion
sur un cas moral sous forme d'expérience de pensée, que j'avais
énoncé dans l'article en question : si, marchant le long d'un
fleuve, vous voyez un homme et un chien, tous les deux en train de se
noyer, et que vous plongez pour en sauver un des deux et le ramener à
la berge, tandis que l'autre se noiera emporté par le courant,
lequel allez-vous secourir ? Il y a toutes sortes d'arguments
avancés de part et d'autre et de variantes de ce cas moral. Je ne
reviendrai pas sur le cas moral en lui-même ; les personnes
intéressées n'ont qu'à aller consulter la page de l'article. Je
rappellerai juste que c'est une expérience de pensée, c'est-à-dire
une situation qu'on ne risque pas de rencontrer dans la vie réelle.
Il s'agit d'extraire de ce cas des principes philosophiques qui vont
diriger des priorités dans l'action et les choix de société. Mais
il ne faut pas non plus surinterpréter ce cas moral : si j'ai
dit que je choisirai de sauver l'homme plutôt que le chien, il ne
faut pas en tirer la conclusion que les chiens et les animaux ne
méritent pas d'être aidés, et qu'on peut les exploiter sans
vergogne. Au contraire, mon raisonnement cherchait à montrer que,
même si on choisit l'homme plutôt que les animaux, on éprouver de
la compassion envers les animaux et vouloir que ceux-ci ne soient pas
chassés, maltraités, torturés ou abattus par la main de l'homme.
L'humanisme n'est pas fondamentalement en contradiction avec
l'antispécisme.
Dans
les commentaires de l'article, j'ai cité ce passage du « Plaidoyer
pour les Animaux » de Matthieu Ricard que j'ai envie de
citer à nouveau : « Ce
livre a pour but de mettre en évidence les raisons et l'impératif
moral d'étendre l'altruisme à tous les êtres sensibles, sans
limitation d'ordre quantitatif ni qualitatif. Nul doute qu'il y a
tant de souffrances parmi les êtres humains de par le monde que l'on
pourrait passer une vie entière à n'en soulager qu'une partie
infime. Toutefois, se préoccuper du sort de quelque 1,6 million
d'autres espèces qui peuplent la planète n'est ni irréaliste, ni
déplacé, car, la plupart du temps, il n'est pas nécessaire de
choisir entre le bien-être des humains et celui des animaux. Nous
vivons dans un monde essentiellement interdépendant, où le sort de
chaque être, quel qu'il soit, est intimement lié à celui des
autres. Il ne s'agit donc pas de ne s'occuper QUE des animaux, mais
de s'occuper AUSSI des animaux ».
*****
Enfin,
une internaute, Tara, a aussi questionné le bien-fondé du choix
dans la mesure où l'ego est une illusion qui se croit libre, mais en
fait complètement déterminé par des causes extérieures. À quoi
bon faire un choix, puisque nous sommes conditionnés à aller dans
tel ou tel sens ?
« Jamais
je ne m'autoriserai à choisir. Quelle drôle d'idée ! Déjà dans
une situation d'urgence, il ne faut même pas choisir entre penser et
agir. C'est la situation et le terrain qui commande. Je ferai ce que
je peux dans l'instant, pas ce que je dois faire dans le futur. Ce
sont les circonstances qui dicterons mon attitude. Il n'y a pas de
Moi au commande. C'est un acte réflexe guidé par l'environnement
immédiat.
(...)
Lors de la décision de choisir entre qui doit vivre ou mourir :
le chien, l'homme (et pourquoi pas soi-même). Pensez-vous que vous
avez vraiment le choix ? Pensez-vous avoir l'entière liberté d'agir
indépendant de votre nature ou de votre caractère ? J'en doute très
fort... Chacun agira selon ses qualités propres, ses penchants et
son tempérament. Le lâche agira en lâche, l'homme courageux en
héros, le timide en timide, l'indécis sera indécis etc. Quoi
d'autre ? Où est la liberté là-dedans ? Une fois de plus "la
petite personne" s'attribue la paternité de "ses"
actes. »
(...)
« Croire que
la petite personne (le Moi) puisse influencer ou contrôler quoique
ce soit par des actions faussement libres est une illusion. (Il est
bon à ce propos de rappeler qu’une illusion n’est pas quelque
chose qui n’existe pas mais plutôt quelque chose qui n’est pas
ce qu’il semble être). Il n'y a pas de libre arbitre, et une
volonté conditionnée ainsi qu'une action conditionnée ne peuvent
être qualifiée de "libre" ».
Et
Tara termine en citant le sage indien Nisargadatta : « Quel
contrôle avez-vous sur quoi que ce soit quand votre être même est
en dehors de votre contrôle ? »
Dans
les commentaires, ne voulant être embarqué dans une discussion sur
la liberté et le déterminisme qui s'éloignait trop de la
discussion initiale, j'ai écrit : « Ce n'est pas une
expérience concrète. C'est vraiment une expérience de pensée:
s'interroger sur une situation imaginaire pour savoir à qui on
donnerait la priorité. Éventuellement, trouver des variantes de la
situation de base pour complexifier le problème de base.
Intellectuellement, je peux répondre A, et confronté à la
situation réelle, faire B. Ou alors ne pas s'autoriser à choisir,
mais alors laisser mourir et le chien et l'homme ».
Tara
a alors répondu : « Tu
dis : « Intellectuellement, je peux répondre A, et confronté à la
situation réelle, faire B (…)» Je suis entièrement d'accord. Il
y a effectivement un profond hiatus entre penser et agir.
Intellectuellement tu peux répondre A, B, C, D ... ou Z. Car grâce
à l'imagination les hypothèses sont nombreuses. En reliant des
abstractions l'esprit humain peut créer n'importe quelle relation,
même fantaisiste ou absurde. L'esprit est libre d'associer n'importe
quel concept avec n'importe quoi. De créer des combinaisons infinies
de relations de tout ordre, même d'un genre vers un autre et par là
même violer le principe d'homogénéité [ Une formule logique ne
doit contenir que des éléments appartenant à un même ordre ] et
tout cela sans la moindre gêne. L'imagination étant libre.
Mais
dans la situation réelle et je le répète encore une fois : à
l'instant t, nous ne pouvons pas êtres différents de ce que ce que
nous sommes. C'est le petit "je" et le mental qui nous fait
croire qu'il a la liberté d'agir, qu'il est l'auteur de ses actes et
que le personnage qu'il a créé de toutes pièces contrôle le monde
et détient une liberté de choix. Alors qu'il ne fait que RÉAGIR à
des stimulus extérieurs et intérieurs selon le produit de l'inné
et de l'acquis sur lesquelles il n'a pas eu et n'aura pas non plus
aucun contrôle (...) ».
Pour
ma part, je ne suis pas certain qu'il ne reste aucune part de liberté
aux êtres humains. En science, il est vrai pourtant que les
déterministes ont marqué des points en matière de neurobiologie,
notamment les expériences de Benjamin Libet ou plus récente de
John-Dylan Haynes. Les scientifiques se sont rendus ainsi compte que
nos décisions conscientes succédaient de quelques centièmes de
seconde, voire de dixièmes de seconde l'activation des zones
cérébrales correspondantes aux zones de la volonté.
L'ordre
de la séquence n'est pas :
- je décide de faire quelque chose
- le cerveau se met en branle et active les aires du cerveau nécessaires à l'action
- des impulsions nerveuses sont envoyées dans le corps pour mouvoir les muscles afin d'accomplir l'action.
Ce
n'est pas non plus l'ordre de séquence :
- je décide de faire quelque chose
- le cerveau s'active en même temps que les aires du cerveau nécessaires à l'action
- des impulsions nerveuses sont envoyées dans le corps pour mouvoir les muscles afin d'accomplir l'action.
Non,
au moment où on décide de faire quelque chose, le cerveau a déjà
en fait décidé pour nous. La conscience n'est donc que le pantin du
fonctionnement cérébral. Vous êtes assis sur une falaise devant la
mer à regarder le coucher de soleil. Vous pensez que c'est vous qui
déciderez quand vous vous lèverez pour rentrer chez vous. Mais, en
fait, la décision a déjà eu lieu au niveau des neurones. « Le
moi conscient n'est plus le maître dans la maison »,
disait Freud. C'est le cas de le dire.
C'est
un état de fait que la pensée indienne a exploré depuis longtemps.
La philosophie indienne parle des vasanas, des imprégnations
dans les profondeurs de la conscience, qui poussent la conscience à
réagir dans une direction ou une autre, qui colorent l'humeur de
l'individu de joie ou de tristesse, de peur ou d'espoir, d'énergie
ou de somnolence. Combinés avec tous les événements du monde
extérieurs, les imprégnations dans la conscience ne laissent pas
beaucoup de places pour le libre-arbitre.
Faut-il
pour autant abandonner toute notion de la liberté ? Faut-il
s'abandonner au destin, aux soubresauts du karma, se déprendre de
toute envie de contrôler un tant soit peu son existence ?
Faut-il suivre le conseil de Nisargadatta : abandonner le
contrôle et le choix, puisque ce contrôle et ce choix dérivent du
petit moi ? «Quel contrôle avez-vous sur quoi que ce soit
quand votre être même est en dehors de votre contrôle ? ».
En
fait, je n'en suis pas si sûr. Je comparerais la situation
existentielle de l'homme à un numéro de contorsionniste enchaîné
par toutes sortes de chaînes, enfermé dans un cercueil en bois,
lui-même suspendu au-dessus d'un feu. Nous devons sortit du cercueil
avant que celui-ci ait complètement brûler. Nous devons nous
éveiller et nous libérer des conditionnements de l'existence avant
que la mort nous rattrape. Les contraintes sont très fortes, très
oppressantes ; pour autant, nous avons une petite marge de
manœuvre qui nous permet de nous contorsionner et nous libérer de
ces chaînes. L'exercice de contorsionnisme suppose de nombreuses
torsions, enroulements et déformations du corps pour parvenir à
sortir de ses chaînes. Pareillement, l'exercice de la liberté
suppose un effort constant de vigilance pour reconnaître les
conditionnements ainsi qu'un grand nombre d'actes de vertu et de
sagesse pour s'affranchir de ce qui prend contrôle de notre
existence.
Imaginons
qu'un sombre individu vous insulte, vous provoque et vous menace en
vue de déclencher une bagarre. Qu'allez-vous faire ? Quel sera
votre choix ? Si, toute votre vie, vous avez cultivé la colère
et le ressentiment, si vous avez toujours répondu à l'agressivité
par l'agressivité, si, de plus, vous avez été éduqué à rendre
coup pour coup et que vous avez appris ce matin que votre petite-amie
vous trompe, il y a beaucoup à parier que vous allez répondre de
manière violente quand bien même votre choix conscient était de ne
pas être violent. Seul l'un ou l'autre de ces conditionnements va
faire pencher la balance vers la réaction violente.
Si,
par contre, ces dernières années, vous avez cultivé la
bienveillance et le calme mental, que vous êtes entourés de gens
qui partagent des valeurs de non-violence et d'amour du prochain et
que vous cherchez la compagnie de ces gens, la balance a beaucoup
plus de chance de pencher vers une réaction apaisée à cette
agression, ou en tous cas une réaction contrôlée. La liberté ne
se situe donc pas à un instant t. Si on fait un arrêt sur
une image sur cet instant t qui correspond au moment de prendre une
décision face à une situation donnée, probablement qu'on ne voit
pas vraiment la liberté à l’œuvre dans ce moment-là. La liberté
est comme une légère déviation dans le sévère enchaînement des
causes et des conditions. Mais justement faire un arrêt sur image
sur telle ou telle situation donnée est une vue de l'esprit. Dans le
réel, il n'y a que la fluidité de la conscience et des événements :
on ne peut rien rien arrêter du temps. Exercer sa liberté dans ce
monde fluide où, comme le disait Héraclite, « tout coule »,
cela revient à changer les choses en déviant légèrement nos
réactions, nos pensées et nos visions des choses, mais de manière
répétée tout au long de notre vie.
La
liberté est là : elle se crée de manière dynamique dans
chaque petite interaction avec le monde. Elle s'immisce
subrepticement dans l'instant présent et se tisse d'instant en
instant. Bien sûr, plus on prend conscience de l'enchaînement du
« moi », plus on aura le potentiel de s'affranchir du
monde. Nous sommes comme un contorsionniste qui aurait oublié que
des chaînes l'enserrent. Ce contorsionniste amnésique ne risque pas
de se libérer ! La reconnaissance de ces liens sont vraiment un
point de départ essentiel dans la voie de la libération.
Comme
lorsqu'on demanda au Bouddha 1 :
« Enchevêtrement à l'intérieur,
enchevêtrement à l'extérieur,
Tout ce qui naît est pris dans cet
enchevêtrement.
Voici, Gotama, la question que je
pose :
Qui peut démêler cet
enchevêtrement ? »
Et que le Bouddha répondit alors :
« L'homme intelligent et ferme
dans sa discipline
Qui développe son esprit et sa sagesse
Comme un moine énergique et sage
Peut démêler cet enchevêtrement ».
Donc
pour revenir à la citation de Nisargadatta : «Quel contrôle
avez-vous sur quoi que ce soit quand votre être même est en dehors
de votre contrôle ? », je dirai qu'il y a là une
part importante de vérité : vivre dans l'acceptation que tout
n'est pas dans notre contrôle, laisser les choses êtres. Cela me
rappelle les paroles de la chanson des Beatles : « There
will be an answer. Let it be, let it be ! Whisper words of
wisdom. Let it be ! » (Il y aura une réponse.
Laisse cela être ! Laisse cela être ! Murmure des paroles
de sagesse : laisse cela être !). Le moine Ajahn Brahm
recommande de ne pas être un maniaque du contrôle (control
freak). Pour lui, nous sommes comme le passager sur la banquette
arrière d'une voiture qui harcèle en permanence le conducteur pour
aller plus ou moins vite, pour aller à gauche ou à droite, pour
faire aller les essuie-glaces ou pour mettre la radio à fond. Mais
en fait, tout ce qu'on a à faire, c'est de se laisser être bien
installé sur sa banquette et de regarder le paysage.
Mais
ce laisser-être, cet abandon au parcours sinueux du destin n'est pas
pour autant tout la vérité. Il y aussi cette liberté à explorer,
cette aspiration à dénouer tous les enchevêtrements de
l'existence, intérieurs comme extérieurs. Pour cela, il faut une
bonne dose de discipline, de pratique de la méditation et la quête
de sagesse. Être persévérant dans la liberté.
À
propos des expériences de Libet sur le libre-arbitre et le
déterminisme, voir cette intéressante vidéo de la chaîne YouTube
de vulgarisation scientifique « Sciences étonnantes » :
Voir
aussi :
(Kerri
Smith, Courrier International, 26 octobre 2010)
Voir
également :
Let it
be, des Beatles (1970)
Voir également :
- Liberté
- Le son du tonnerre
Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour du végétarisme et du véganisme ici.
Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la libération animale ici.
Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour du végétarisme et du véganisme ici.
Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la philosophie bouddhique ici.
« Pénétrer la Voie n'est pas difficile, mais il ne faut ni amour, ni haine, ni choix, ni rejet.
RépondreSupprimerIl suffit qu'il n'y ait ni amour ni haine pour que la compréhension apparaisse, spontanément claire, comme la lumière du jour dans une caverne »
(Sosan.)
Salut Bai Wenshu,... toujours un plaisir de te lire.
Je partage ta réflexion et je pense qui tu vas encore plus loin car tu mets une fois de plus le doigt sur une question vraiment essentielle .
Car nous sommes ici face à un véritable paradoxe dans le bouddhisme.
Le bouddhisme affirme à la fois le déterminisme de l’esprit avec la loi du karma et en même temps le pouvoir de transformer ce karma dans le présent.
Si nous sommes déterminés à chaque moment par les empreintes de nos actions (karma antérieur) comment est-il possible de s’en affranchir pour transformer nos actes présents ?
Car si la totalité de l'existence est conditionnée, relative et interdépendante, comment seule, la volonté, elle même conditionnée pourrait-elle être libre?
Cette prétendue « liberté » est conditionnée et relative.
Le libre arbitre lui aussi est donc conditionné et relatif.
l’homme naïf s’attribue un libre arbitre parce qu’il croit que le résultat de SON action COÏNCIDE avec l’accomplissement de SA volonté. Mais c'est une illusion.
Alors sommes nous vraiment libre ou pas ?
Tu nous fais ici justement remarquer que le bouddhisme semble l'affirmer :
qu’on l’est et qu’on ne l’est pas en même temps.
- Qu’on l’est parce que la liberté existe
- et qu’on ne l’est pas parce que l’on est déterminé par notre karma.
Alors que faire ?
Dans le bouddhisme il y a un proverbe je crois qui est :
« si tu veux connaitre tes actes passés regardes dans le miroir de ta situation présente, si tu veux connaître ta situation future observes tes actes d’aujourd’hui »
Ce qui voudrait dire que si notre présent est conditionné, déterminé par nos actions antérieures, nous "aurions" une certaine liberté pour agir dans le présent de manière à influencer notre futur.
Influencer dans le sens de : agir sur quelque chose en suscitant des modifications d'ordre matériel ou physique.
Comme si le soma du parent pouvait agir sur son germen.
Ton éclairage m'amène à penser que l’humain serait à la fois déterminé par le karma tout en étant dans une certaine mesure libre.
C'est là un point capital que tu soulèves ici.
[ A ce propos en passant, ] on se heurte ici à un nouveau mystère passionnant qui est celui du pouvoir de l'esprit sur la matiere.
Comme le disait B. Spinoza : « le corps ne peut déterminer l'esprit à penser, ni l'esprit déterminer le corps en mouvement ni au repos, ni a quelque chose d'autre (si ça existe). »
Ou encore cet extrait de Sherrington (médecin-physiologiste britannique)
« La science physique...nous confronte avec l'impasse suivante : L'esprit en soi ne peut pas jouer du piano. L'esprit en soi ne peut pas bouger un doigt d'une main. Alors nous sommes dans l'impasse. La lacune du «comment» de la prise de l'esprit sur la matiere. Une telle inconséquence nous ébranle. S'agit-il d'un malentendu ? »
Oui, un véritable miracle qui nous accompagne à chacun instant de notre vie.
Qui me fait penser à cette notion de "Clinamen" dans la physique épicurienne dont la définition est : écart, déviation déclinaison, variation que l'on fait subir à une contrainte. Encore un sujet vraiment passionnant !
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RépondreSupprimerDonc l'interface naturelle serait l'esprit.
En prenant conscience de ses habitudes, de ses automatismes, ainsi que de ses innombrables connections et interdépendances qu’on tisse avec notre environnement, nous pourrions essayer d’agir par ces leviers, sur ces interdépendances de façon à avoir une action bénéfique.
Cela rejoint Nisargadatta, qui ne mâche pas ses mots, quand il dit :
« Quant à cet éternel problème qui consiste à dire : « si les choses arrivent et que je n'y peux rien changer, alors, je ne fais plus rien !» La réponse est simple : essayer !
Tant qu'il existe un individu, l'action est inévitable parce que c'est un tout.»
« Nous sommes responsables de ce que nous pouvons changer.
Mais que pouvons-nous changer dans notre vie, dans les événements qui se succèdent à chaque instant ? En réalité : Rien !
Nous n'avons aucune emprise sur ce qui arrive, la seule chose que nous pouvons changer, c'est notre ATTITUDE.
Mais l'essentiel est de «comprendre» QUI est concerné par ce que l'on appelle le "libre-arbitre".
II ne peut pas y avoir deux soi, l'un cherchant l'autre.
Comme le Soi est toujours et en permanence "réalisé", c'est plutôt lorsque les actions cessent que nous sommes dans un "état" propice à la perception intuitive de ce que nous sommes en réalité.
Mais, là encore les mots sont insuffisants pour comprendre, parce que dans ce que l'on appelle la "non-dualité", les actions n'existent pas puisqu'il n'y a pas d'acteur. »
Merci à toi Bai Wenshu !
Cela me rappelle un ami philosophe (le même qui m'avait confronté au choix de sophie pour justifier son carnisme, cf. commentaires sous le post dont il est question au début de cet article) qui, alors que je réfutais presque totalement la notion de libre-arbitre (je lui disais que les êtres étaient menés par le bout du nez par leurs émotions, leurs habitudes...), m'avait dit que la question du libre-arbitre était déjà tranchée, relativement peut-être, en philosophie, me parlant d'une expérience d'un individu qui, confront́é à la torture, n'avait jamais abdiqué son libre-arbitre, et avait jusqu'au bout refusé de parler (je ne connais pas exactement les détails de cette expérience en situation réelle), prouvant ainsi une certaine absence de déterminisme. Je serai aujourd'hui assez en accord avec l'idée de nous sommes sans doute conditionnés, ou plutôt "incités à", mais non déterminés, il nous reste une part de liberté de choix d'action en fonction de ce que nous avons cultivé dans notre vie, il reste en somme une part maigre mais non négligeable de liberté de choix. Certes, il y a ce que disent les neurosciences mais les neurosciences expliquent-elles vraiment plutôt qu'elles ne décrivent ? Que prouve le fait que le cerveau effectue des choix malgré soi avant que la conscience n'ait même commencé à s'interroger ? Seulement qu'il existe des habitudes que chacun a cultivé, a intégré, des automatismes, et non que ces automatismes ne soient pas malléables, on le sait bien justement en neurosciences que le cerveau est largement plastique, tout cela peut se changer et heureusement car, sinon, nous serions condamné reproduire sempiternellement les mêmes procès, je reprendrais donc ainsi pour conclure : "conditionné mais non déterminé".
RépondreSupprimerSans éveil point de liberté.
RépondreSupprimerIl suffit de s'observer pour voir à quel point nous sommes conditionné mais dès l'instant où nous lâchons prise sur ce que nous croyons être, alors la liberté pointe le bout de son nez. Nous sommes alors comme le musicien qui improvise.
« Conditionnement et déterminisme »
RépondreSupprimerNous avons tous l’impression que beaucoup de nos choix et actes sont libres, ou réalisés « au hasard ».
Ce qui paraît contradictoire, car nos pensées et nos actions sont rigidement déterminées (ou conditionnées).
Le conditionnement est au déterminisme ce que le développement musculaire est à la gravité ; sans fondement déterministe pas de conditionnement possible.
Et la "plasticité du cerveau" n'y pourrait même pas voir le jour.
Ce qui nous dépasse ici complètement, c'est l'immense complexité des interactions en présence dans le plus petit quantum d'action.
D'où encore une fois cette tenace et persistante illusion de liberté et de pouvoir contrôler beaucoup de choses.
Pourquoi pas ? Mais ce qui est important de comprendre :
c’est que les contraintes imposées par les lois naturelles et la physique à un « organisme déterministe » sont assez lâches et très ductiles
et lui apportent en fait une énorme fantaisie.
Comme le souligne ici David Ruelle
- mathématicien physicien, spécialiste des systèmes dynamiques et de la mécanique statistique :
« Ces lois naturelles nous offrent un comportement en pratique imprévisible et il n’y a donc pas ici de contradiction manifeste entre déterminisme et libre arbitre.
En fait, le comportement stéréotypé de beaucoup d’êtres humains suggère qu’ils devraient faire un plus grand usage du droit à la fantaisie que leur laisse la Nature. »
S'ils devraient faire... c'est bien qu'ils sont supposés être libre.
SupprimerBien sûr que c'est l'extrême complexité des relations d'interdépendances des causes à effets qui rend la liberté possible.
Dans un monde clos, point de liberté mais dans un monde d'une infini complexité, tout est possible, même le hasard et la contingence.
Sb met le doigt dessus à mon sens, "tout est possible, hasard et contingence". Tara, tu sembles ne pas douter de l'absence totale de libre-arbitre, mais, sauf ton respect, je crois que tu confonds liberté de choix et contrôle. Je maintiens, chacun est sous influence, soumis à des réseaux de tensions, ne contrôle certes pas, mais demeure non absolument déterminé, sinon rien ne serait possible or l'individu comme l'univers d'ailleurs (sans qu'il y ait pour autant qqn aux commandes de ce dernier) peut être créatif et foisonnant. A mon sens, c'est grâce à la vacuité que l'esprit est créatif, qu'il n'y a justement pas de déterminisme absolu, seulement des conditions.
Supprimer@ Degun -
RépondreSupprimerOui et Non. ( je pensais avoir apporté ci-dessus un peu plus de nuances.)
Alors oui - le libre arbitre est un mirage et une illusion
pour l'ego, ou la « petite personne »
- Car quelque chose est libre et indépendant seulement s'il ne dépend de rien d'autre.
- Or rien dans notre expérience ne peut être identifié qui satisfasse ce critère d'indépendance absolue.
- Rien ne peut être saisi en dehors de ses conditions d'émergence, de formation et de déclin.
- Tout est « dénué » d'existence ultime ou indépendante parce que tout se produit d'une manière codépendante.
Et Non - comme l'avait aussi je pense suggéré Bai Wenshu :
- Car le fait de reconnaître les contraintes qui pèsent sur soi implique également la possibilité d’intégrer ces contraintes.
- De les faire siennes, de les assimiler, afin de ne plus simplement les subir passivement.
- La liberté se situe ici dans la reconnaissance et dans l’assimilation de ce qui nous détermine.
Ou si tu préfères, comme le disent les tibétains :
« En se rendant à l'évidence que tous les phénomènes sont des émergences dépendantes, on évite l'écueil du nihilisme et on prend conscience de l'émergence codépendante des causes et des effets.
En s'inclinant devant le fait que tous les phénomènes sont dépourvus d'existence intrinsèques, on évite l'écueil de l'absolutisme et on prend conscience de l'inanité de tous les phénomènes. »
En effet, ton propos était plus nuancé, j'ai lu trop vite, mea culpa, j'ai relu plusieurs fois depuis. J'y reviendrai si j'ai le temps. Je dois dire que j'ai tendance à être un peu décontenancé par la manière dont tu t'exprimes, par énoncés plutôt brefs, parfois paradoxaux ou elliptiques, c'est pas un reproche, c'est juste que je ne suis pas habitué.
Supprimer@ Sb
RépondreSupprimer« ... dès l'instant où nous lâchons prise sur ce que nous croyons être, alors la liberté pointe le bout de son nez. Nous sommes alors comme le musicien qui improvise. »
J'aime beaucoup l'image du musicien qui improvise.
Cela me fait penser à l' « organisation circulaire » ou « autopoïèse » du grec autos (soi) et poiein (produire).
d' Umberto Maturana et Francisco Varela .
La définition canonique est la suivante (Varela 1989) :
« Un système autopoiétique est organisé comme un réseau de processus de production de composants qui
- (a) régénèrent continuellement par leurs transformations et leurs interactions le réseau qui les a produits, et qui
- (b) constituent le système en tant qu’unité concrète dans l’espace où il existe, en spécifiant le domaine topologique où il se réalise comme réseau.
Il s’ensuit qu’une machine autopoiétique engendre et spécifie continuellement sa propre organisation.
Elle accomplit ce processus incessant de remplacement de ses composants, parce qu’elle est continuellement soumise à des perturbations externes, et constamment forcée de compenser ces perturbations.
Ainsi, une machine autopoiétique est un système … à relations stables dont l’invariant fondamental est sa propre organisation (le réseau de relations qui la définit). »
Héhé je pensais également à Francisco Varela.
RépondreSupprimerTu as bien raison de penser que l'égo, a bien tort de se croire seul à bord car il est lui même une émergence d'une pluralité de force comme l'avait pressenti Nietzsche.
Si nous sommes absolument déterminés alors il n'y a pas de responsabilité et par conséquent la justice serait une aberration. j'en profite pour glisser que je préfère une justice restaurative à une justice qui serait seulement punitive.
On peut donc penser que si l'ego (manas) peut à chaque instant nous faire basculer du mauvais côté, un autre jeu de force, que l'on aura pris soin de cultiver peut également nous faire basculer du bon et juste (au sens de justesse) côté... comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, en équilibre, nous sommes.
En tous cas c'est comme ça que je pense le concept d'énaction à partir de F. Varela.
Merci infiniment pour vos commentaires, Tara, Degun et Sb, que je lis avec plaisir et intérêt. Je vais essayer d'y répondre le plus vite possible. Mais pour l'instant, certaines déterminations sociales me conditionnent à ne pas avoir le temps de répondre. Mais dès que je trouverai quelques mirages de libertés, je prendrai le temps d'écrire quelques choses.... :-)
RépondreSupprimerSalut Degun !
RépondreSupprimerOui désolé et je te comprends, mais il n'est pas toujours très aisé de partager sur certains sujets sans user d'allégories et paraboles.
Ici, la principale incommodité ou confusion peut venir des :
- fréquentes translations de l'absolu au relatif.
- des permanents glissements de sens, d’une compréhension spatiale à une compréhension intellectuelle.
- des nombreuses relations circulaires et récursives.
Notions pas toujours évidentes à appréhender.
Nous sommes aussi face à ce que l'on nomme ici
un « concept de partie expressive »
où la partie contient le tout qui la contient.
(La goutte d’eau est dans l’océan, et l’océan est dans la goutte d’eau).
Donc pour résumer et si tu préfères, la principale difficulté réside dans la question :
comment Comprendre (ou faire comprendre) ce dans quoi l’on est compris...
Bonjour, j'apporte une première partie de ma réponse ici :
RépondreSupprimer"La question du libre-arbitre"
http://lerefletdelalune.blogspot.be/2017/10/la-question-du-libre-arbitre-1ere-partie.html