Les
mauvaises justifications de l'exploitation animale
4ème
justification
Il
est plus important et urgent de s'occuper des êtres humains que des
animaux.
Nous
vivons dans une société où le débat fait rage de savoir quel
traitement nous devons accorder aux animaux. Ceux qui ont l'habitude
de lire ce blog savent qu'en tant que végane, je désapprouve toute
souffrance inutile exercée contre les animaux et contre toute
exploitation cruelle à leur encontre. À partir du moment où l'on
se rend compte que les animaux sont des êtres doués de sensibilité
et de conscience, la seule attitude morale logique est de tout faire
pour minimiser la violence et la cruauté dont les êtres humains
sont capables à leur encontre. Cela implique au niveau individuel,
le véganisme, le fait de ne pas consommer de produits animaux, et au
niveau sociétal, le combat pour le bien-être et contre
l'exploitation cruelle des animaux. Mais on entend toutes sortes de
justifications qui minimisent l'intérêt de ce combat en faveur des
animaux ou qui justifient carrément que l'humanité exploite les
animaux. Ces justifications reviennent de manière cyclique et je
voudrais les traiter une par une. A chaque article, j'essayerai de
démonter les arguments de ces mauvaises excuses du statu quo par
rapport aux animaux.
1ère
justification : il n'y a pas de mal à exploiter les animaux car
nous, les humains, sommes beaucoup plus intelligents que les
animaux.
2ème
justification : il n'y a pas de mal à exploiter les animaux
car les animaux ne souffrent pas ou tout du moins pas comme nous.
3ème
justification : les plantes et les légumes, eux aussi,
ressentent la douleur, donc manger les animaux ou les produits
animaux est autant un mal que manger des fruits et des légumes.
4ème
justification : il est prioritaire de s'occuper d'abord des
problèmes de l'humanité avant de s'occuper des souffrances des
animaux.
Il
est prioritaire de s'occuper d'abord des problèmes de l'humanité
avant de s'occuper des souffrances des animaux.
On
entend souvent : s'occuper des animaux, c'est bien joli, mais on
ferait mieux de s'occuper du sort des enfants, des hommes et des
femmes qui meurent chaque jour, un peu partout sur la planète. La
misère est tellement grande dans l'humanité qu'il serait presque
indécent de s'intéresser au sort tragique des animaux. Commençons
tout de suite par dire que l'un n'empêche pas l'autre : ce
n'est pas parce que Jean-René milite chez L214 ou pour PETA qu'il ne
peut aussi agir en faveur d'Amnesty International ou d'OXFAM. En
fait, l'argument de la priorité à l'humain est souvent un argument
de mauvaise foi : ceux qui amènent agressivement cet argument
dans le débat ne font souvent eux-mêmes rien pour soutenir
l'humanitaire ou le combat pour les droits de l'Homme...
Envisageons
néanmoins cette question selon deux angles liées à l'éthique
antispéciste : les animaux étant doués de sensibilité, leur
faire du mal en les blessant, en les torturant, en les privant de
liberté, en les privant d'un environnement sensoriel varié, en les
exploitant ou en les tuant est quelque chose de mal. Peut-être
est-ce moins mal que de blesser, torturer, emprisonner sans raison,
exploiter ou tuer un être humain, mais cela reste quelque chose de
mal d'un point de vue moral. Si l'on veut se comporter de manière
bonne et juste quand on a pris en compte cette sensibilité des
animaux, on peut faire deux choses :
- 1°) S'abstenir de faire du mal aux animaux
- 2°) Avoir une action positive en faveur des animaux : militer pour les droits des animaux, sensibiliser le grand public, créer des refuges pour les animaux, les soigner, etc...
1°)
Concrètement, la meilleure façon de s'abstenir de faire du mal aux
animaux est de devenir végane. En réalité, un végane ne fait rien
pour les animaux. Il s'abstient juste de les tuer ou des les
exploiter par son mode d'alimentation et de consommation (pas de
vêtement en cuir ou en laine, il n'achète pas de ticket pour une
corrida ou pour le cirque s'il y a des spectacles avec des animaux).
Certes, cela peut prendre un certain temps pour s'habituer à cette
nouvelle habitude alimentaire : il faut apprendre de nouvelles
recettes de cuisine, découvrir de nouveaux ingrédients comme le
tofu, le tempeh, le seitan ou les algues. Mais une fois que c'est
fait, cela ne prend pas plus de temps que de vivre sur un mode
alimentaire carniste.
Donc,
je dirais à celui ou celle qui m'oppose l'argument que les humains
sont plus importants que les animaux, qu'il peut au moins devenir
végane. S'il n'en est pas capable, qu'il essaye de tendre vers le
véganisme (avoir une alimentation de plus en plus végétale). Il
minimisera ainsi son impact sur les animaux tout en consacrant son
temps pour des actions humanitaires ou pour aider son aider son
prochain, ses frères humains en déshérence ! N'oublions pas
aussi que le véganisme n'est pas seulement profitable aux animaux.
Il profite largement aux humains sur le plan de la santé, au niveau
écologique et aussi au niveau humanitaire. Pour élever des animaux
dont on mangera le cadavre, il faut les nourrir tout leur vie durant
avec des surfaces de pâturage ainsi que des surfaces agricoles
importantes qui pourraient servir à nourrir les êtres humains qui,
chaque jour, meurent de faim par millier dans différents coins du
monde. Cette production agricole destinée uniquement aux animaux met
aussi une pression sur le prix des aliments et favorise la
spéculation boursière sur la production agro-alimentaire, ce qui
fragilise une partie importante de la population qui se voit
contrainte de payer des prix exorbitants pour pouvoir se nourrir au
jour le jour. Donc, pour ceux qui préfèrent les humains aux
animaux, qu'ils se prennent bien conscience que devenir végane est
aussi un acte humanitaire !
2°)
Pour ce qui est de l'action positive en faveur des animaux, il peut y
avoir deux attitudes possibles :
- a) Ceux qui disent qu'ils préfèrent s'occuper d'abord des êtres humains (préférence subjective)
- b) Ceux qui disent qu'il faut s'occuper en priorité des êtres humains (injonction morale qui tend à s'imposer à tous).
En
ce qui concerne la première option, chacun est libre de ses
préférences. Si quelqu'un estime qu'il a plus envie de manifester
ou de militer en faveur des droits de l'homme, d'une cause sociale ou
politique, libre à lui ! Chacun se tournera vers le combat qui
lui tient le plus à cœur selon sa personnalité, son parcours de
vie ou ses rencontres personnelles. Cela peut une grande cause
(défendre les réfugiés, combattre la faim dans le monde, faire
libérer des prisonniers politiques, manifester pour la paix...) ou
des petites causes (créer des jardins publics dans la cité, créer
un terrain de pétanque pour le club du troisième âge du
quartier,...). Au fond, ce qui compte, c'est notre élan de
solidarité et de fraternité. Et évidemment, libre à ceux qui
veulent défendre les animaux et militer pour les eux de le faire
également.
La
proposition b est plus gênante parce qu'elle impose de ne soucier
que des êtres humains. Or c'est là faire une division qui n'a pas
de sens. Lamartine disait : « On
n'a pas deux cœurs, l'un pour l'homme, l'autre pour l'animal… On a
du cœur ou on n'en a pas ».
On voit mal une organisation humanitaire qui combattrait la torture,
les viols, la cruauté contres d'autres êtres humains, et qui
militerait en même temps pour la liberté de torture et de
maltraiter des animaux. La disposition à la bienveillance ne
s'arrête pas aux limites de l'espèce humaines. Un enfant qui fera
preuve d'empathie envers un chat ou un lapin fera aussi preuve
d'empathie envers d'autres êtres humains. Comme je l'ai dit plus,
manger de la viande n'est pas seulement négatif pour les animaux,
mais aussi pour les êtres humains. Il n'y a donc pas de sens à
incriminer les organisations de libération animale sous prétexte
qu'elles ne viennent pas directement en aide à d'autres êtres
humains.
Comme
le dit Matthieu Ricard avec beaucoup de finesse et de justesse dans
son Plaidoyer
pour les Animaux :
« Ce
livre a pour but de mettre en évidence les raisons et l'impératif
moral d'étendre l'altruisme à tous les êtres sensibles, sans
limitation d'ordre quantitatif ni qualitatif. Nul doute qu'il y a
tant de souffrances parmi les êtres humains de par le monde que l'on
pourrait passer une vie entière à n'en soulager qu'une partie
infime. Toutefois, se préoccuper du sort de quelque 1,6 million
d'autres espèces qui peuplent la planète n'est ni irréaliste, ni
déplacé, car, la plupart du temps, il n'est pas nécessaire de
choisir entre le bien-être des humains et celui des animaux. Nous
vivons dans un monde essentiellement interdépendant, où le sort de
chaque être, quel qu'il soit, est intimement lié à celui des
autres. Il ne s'agit donc pas de ne s'occuper que
des
animaux, mais de s'occuper aussi
des
animaux 1 ».
Dans
la plupart des cas, le souci pour les humains n'est pas antagoniste
du souci pour les animaux. Défendre l'un ne nuira pas à l'autre. On
pourrait trouver cependant certaines expériences de pensée où il
faut prendre parti pour l'un pour l'autre : supposez que vous
marchiez le long d'une rivière et que vous vous voyiez un homme et
un chien en train de se noyer. Vous ne pouvez sauver qu'un seul des
deux. Lequel allez-vous sauver ? L'homme ou le chien ? À
part quelques misanthropes qui choisiront le chien, la grande
majorité des humains s'accorderont pour dire qu'il faut sauver en
priorité l'humain. Cela ne contredit pas l'antispécisme qui affirme
le fait que l'idée d'une égalité de considération des intérêts
ne signifie pas pour autant que toutes les vies se valent pour
autant. Concrètement, cela signifie que l'on doit être sensible à
la souffrance de tous les êtres qui sont capables d'éprouver la
souffrance, tant les hommes que les chiens. Pour autant, il est fort
possible que la vie d'un humain aient plus de valeur que celle d'un
chien. Dans cette expérience de pensée, je sauverai sans hésiter
l'humain. Mais admettons tout de même que cette expérience de
pensée se rencontre rarement dans la vie réelle. Je parie que la
plupart de mes lecteurs n'ont jamais été confrontés à ce dilemme
éthique de devoir choisir entre la vie d'un humain et d'un animal.
On
pourrait me rétorquer qu'il faut consacrer son temps à sauver ou
améliorer des vies humaines plutôt qu’œuvrer en faveur des
animaux.Mais comme le disent la philosophe Florence Burgat et le
juriste Jean-Pierre Marguénaud dans une tribune parue dans le Monde
du 15 juillet 2010 2 :
« A
ceux qui considèrent que les avancées législatives en matière de
protection des animaux, et plus encore l'idée de leur reconnaître
des droits, comme une insulte à la misère humaine, il faut répondre
que la misère humaine résulte de l'exploitation ou de
l'indifférence à la souffrance des plus faibles et que c'est au
contraire l'insulter, sinon la légitimer, que de prôner
l'indifférence farouche à l'égard de la souffrance d'autres êtres
plus faibles encore et qui ne peuvent jamais consentir. Il faut leur
répondre que, dans la mesure où il ne suffit pas de rester
indifférent à la souffrance des animaux pour soulager la misère
humaine, la protection des animaux et celle des plus faibles des
hommes relève du même et noble combat du Droit pour aider ceux à
qui il peut être fait du mal, beaucoup de mal ».
Effectivement :
1°) l'idée de se concentrer uniquement sur les misères endurées
par les êtres humains est très loin d'avoir porté ces fruits
jusqu'à présent, 2°) la dynamique qui nous pousse à vouloir aider
un autre être humain est la même que celle qui nous pousse à
soulager les souffrances des animaux. Donc vouloir couper notre
compassion et notre volonté d'aider des animaux au prétexte qu'il y
a mieux à faire risque en fait d'affaiblir notre compassion et notre
volonté d'aider les êtres humains.
Enfin,
l'argument, je le répète, est souvent de mauvaise foi. On ne
reproche pas aux amateurs de football de ne pas se soucier des
souffrances endurées par leurs congénères humains. Il est vrai
pourtant que les supporters d'un club de football passent beaucoup de
temps à soutenir leur équipe favorite dans les stades, à se
déplacer jusqu'à l'autre bout du pays pour aller encourager leur
équipe en déplacement dans le stade d'une équipe adverse. Ils
passent aussi beaucoup de temps à parler de l'état de leur équipe
de cœur, des transferts de joueurs, de l'arbitre qui est un vendu
parce qu'il n'a pas sifflé un penalty en faveur de son équipe, et
ainsi de suite (pendant des heures).... Et tout ce temps n'est pas
consacré à réfléchir et à agir pour remédier aux tourments qui
frappent l'humanité. Et on pourrait en dire autant des
collectionneurs de timbre, des amateurs de billard ou de jazz, des
émissions de divertissement et de télé-réalité qui passent à
longueur de temps à la télévision.... Pourquoi reprocher dès lors
à ceux qui défendent la cause animale de passer du temps à cela ?
Mais
toujours est-il que l'on peut certainement dire à ceux qui ne
veulent pas du tout aider les animaux et qui veulent se consacrer
intégralement à l'humanitaire qu'ils peuvent au moins faire le
choix d'arrêter de faire massacrer inutilement les animaux par un
simple choix alimentaire, le véganisme. Cela soulagera énormément
de souffrances animales et humaines sans que cela n'enlève un temps
précieux pour les engagements en faveur de telle ou telle cause.
1Matthieu
Ricard, « Plaidoyer pour les animaux », éd.
Allary, Paris, 2014, p. 13.
2Florence
Burgat et Jean-Pierre Marguénaud, « Les animaux ont-ils
des droits ? », Le Monde, 15-7-2010 :
http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/07/15/les-animaux-ont-ils-des-droits_1387965_3232.html
- 1ère justification : les humains sont plus intelligents que les animaux.
- 2ème justification : les animaux ne ressentent pas la douleur.
- 3ème justification : la conscience des plantes.
Vincent Bozzolan - Marche contre les abattoirs - Paris, juin 2016. |
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