Il
y a quelques jours l'association L214 qui lutte en faveur de la
condition animale a révélé une vidéo des mauvais traitements
réservés aux bêtes dans l'abattoir de Vigan dans le Gard. Ce n'est
pas la première fois que L214 révèle ce genre d'images. Il y a
quelques mois, les images de l'abattoir d'Alès avaient défrayé la
chronique et créé un gigantesque scandale. Mais aujourd'hui, le
malaise est que, dans l'abattoir de Vigan, on tue et on massacre des
animaux issus de la filière bio. Or l'idée générale est que, dans
le bio, on est forcément gentil avec les animaux, qu'on les traite
avec humanité, qu'on est respectueux envers eux. La filière de
l'élevage bio jouit de l'imagerie de la ferme traditionnelle où
tout était beau et rayonnant pour les animaux. On se rappelle nos
livres d'enfants où la ferme d'élevage est systématiquement
présentée sous un jour radieux, où les bêtes paissent
paisiblement dans des prairies verdoyantes et où les cochons tout
roses gambadent dans la boue. Mais ces images de fermes heureuses
n'ont jamais été rien d'autre que de la propagande. Les choses
n'ont jamais été aussi roses que cela : la violence a toujours
été présente dans l'élevage depuis que l'élevage existe, et a
fortiori dans l'abattage des bêtes. Les images de L214 viennent
nous rappeler avec vigueur ce fait.
Pages
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samedi 27 février 2016
mercredi 24 février 2016
Prêt à jeter
Analyse
du documentaire « Prêt à jeter »
De
Cosima Dannoritzer (2010)
Disponible
sur « YouTube » :
Le
documentaire « Prêt à jeter » analyse le phénomène de
l’obsolescence programmée, c’est-à-dire la réduction
conscience et étudiée de la durée de vie d’un produit afin
d’obliger le consommateur à revenir plus vite dans le magasin en
racheter un nouveau. Il a été diffusé sur plusieurs chaînes en
2010 et 2011, dont la RTBF et Arte. Ce travail est donc une analyse
de ce documentaire, et plus particulièrement d’un des fils
conducteurs qui traversent le film, à savoir la question de
l’ampoule (l’autre fil conducteur étant la quête de Marcos pour
réparer son imprimante, malgré les injonctions des vendeurs à la
jeter et à en racheter une autre).
mardi 23 février 2016
Carpe diem
Carpe
diem quam minimum credula postero.
Cueille le jour en étant le moins
crédule possible par rapport au lendemain.
Horace, Les odes, I, 11, 8 .
Marsel van Oosten - Baobabs à Madagascar |
Carpe Diem est une formule
célébrissime qu'on traduit habituellement par : « Profite du
moment présent, vis au jour le jour sans se préoccuper du
lendemain ». Une philosophie de vie où il faut préférer la
fête exubérante d'aujourd'hui à l'étude austère en vue de
réussir son examen de demain. Il y a néanmoins une confusion sur
cette formule épicurienne. S'il y a effectivement un appel à
savourer les fruits qu'offre le moment présent, à accepter les
plaisirs quand ils viennent, ce n'est certainement pas un appel à
courir après tous les plaisirs sans réfléchir aux conséquences
pour le lendemain. Si ce soir, je bois plus que de raison, je vais
peut-être m'amuser (ou, complètement saoul, me battre avec le
premier venu ou vomir toutes mes tripes...), mais le lendemain,
j'aurai un mal de tête carabiné. Et il est difficile de « cueillir
le jour » quand on est tout vaseux et enlisé dans sa gueule de
bois. Les plaisirs consommés à l'excès ou au mauvais moment
peuvent se retourner en souffrances. C'est pourquoi il est important
de faire preuve de sagesse quand on cueille les fruits du moment
présent. Certains de ces fruits peuvent s'avérer pourris ou gâteux.
Il faut preuve de discernement, de modération et de sens de la
mesure.
dimanche 21 février 2016
Une flûte pour trois enfants
Une
question centrale en philosophie est : « Qu'est ce qui est
juste ? Qu'est-ce qui est injuste ? ». Cette question
touche autant le domaine de la philosophie morale, celui de la
philosophie politique et celui de la philosophie du droit. En
première approximation, la justice a à voir avec la vérité. Il
est particulièrement injuste d'accuser quelqu'un à tort. Mais la
justice a aussi à voir avec l'égalité, l'équité de traitement.
Il est injuste de payer Paul 1000 €
pour un travail et Roger 500 €
pour exactement le même travail. On fait des expériences avec des
grands singes comme des chimpanzés où ceux-ci devaient accomplir
une tâche et étaient récompensés s'ils l'accomplissaient avec
brio. Mais à un chimpanzé, on donnait une simple banane tandis qu'à
l'autre on donnait une grappe de raisin, mets que les chimpanzés
apprécient beaucoup plus. Le chimpanzé qui ne recevait qu'une
simple banane se mettait alors en rogne et jetait la banane de rage
et de dépit. Cela montra que le sentiment de justice et le sentiment
d'injustice est profondément inscrit dans notre nature.
Pour
autant, une fois que l'on a défini la justice comme égalité entre
les membres d'une communauté, on n'a pourtant pas résolu la
question ; « « Qu'est ce qui est juste ?
Qu'est-ce qui est injuste ? ». En effet, l'égalité peut
être conçue de différentes manières. Ce qui fait que différentes
personnes verront le juste et l'injuste de manière différente dans
une situation donnée tout en étant convaincu que leur conception de
l'égalité de traitement est évidente et saute aux yeux pour tout
le monde. Amartya Sen, philosophe et économiste de renom (il a reçu
le prix Nobel d'économie) donne une intéressante illustration de
cette problématique dans son livre « L'idée de justice ».
Il part d'un exemple très simple, mais pourtant très parlant et qui
met au grand jour cette problématique.
*****
« Il
s'agit de décider lequel de ces trois enfants – Anne, Bob ou Carla
– doit recevoir la flûte qu'ils se disputent. Anne la revendique
au motif qu'elle est la seule des trois à savoir en jouer (les
autres ne nient pas) et qu'ils serait vraiment injuste de refuser cet
instrument au seul enfant capable de s'en servir. Sans aucune
information, les raisons de lui donner la flûte sont fortes.
Autre
scénario : Bob prend la parole, défend son droit à avoir la
flûte en faisant valoir qu'il est le seul des trois à être pauvre
au point de ne posséder aucun jouet. Avec la flûte, il aurait
quelque chose pour s'amuser (les deux autres concèdent qu'ils sont
plus riches et disposent d'agréables objets). Si l'on entend que Bob
et pas les autres enfants, on a de bonnes raisons de lui attribuer la
flûte.
Dans
le troisième scénario, c'est Carla qui fait remarquer qu'elle a
travaillé assidûment pendant des mois pour fabriquer cette flûte
(les autres le confirment) et au moment précis où elle a atteint le
but, « juste à ce moment-là », se plaint-elle, « ces
pilleurs tentent de lui prendre la flûte ». Si l'on entend que
les propos de Carla, on peut être enclin à lui donner la flûte,
car il est compréhensible qu'elle revendique un objet fabriqué de
ses propres mains.
Mais
si l'on a écouté les trois enfants et leurs logiques respectives,
la décision est difficile à prendre. »
Amartya
Sen, L'idée de justice, éd. Flammarion, Paris, 2010, p. 38.
*****
L'exemple
que met en valeur Amartya Sen est intéressant parce qu'il montre que
différentes logiques peuvent en toute sincérité donner un
sentiment complètement différent de ce qui semble égal et qui ne
l'est pas, de ce qui semble juste et injuste. Anne fait valoir au
fond un principe utilitariste : il est plus utile à nos
oreilles qu'Anne se mette à jouer de la flûte, les deux autres nous
casseront à tous les coups les oreilles s'ils se mettent à jouer de
cet instrument ! Bob fait valoir un principe d'égalitarisme
social : il est juste d'aider ceux qui n'ont pas eu de chance
dans l'existence, qui sont défavorisés par un système social
inique. Enfin, Carla met en avant la valeur du travail et fait valoir
que l'on a le droit de jouir des fruits de son travail.
Au
fond, on retrouve ces différentes logiques à l’œuvre dans la
société : les gens de gauche défendront l'idée que les
personnes défavorisées soient plus défendues par la société, que
ce soient les personnes pauvres, handicapées ou malades. Les
allocations sociales et la sécurité sociale ainsi que les
subventions à la culture, à l'enseignement tentent alors de pallier
aux manques que ces personnes subissent. L'éthique libérale, elle,
mettra plus en valeur les efforts fournis par ceux qui travaillent et
qui méritent d'être récompensés pour leur labeur. Enfin, d'autres
défendront l'idée qu'il faut aider ceux qui ont des bonnes
prédispositions pour faire avancer la société : donner des
bourses à des jeunes chercheurs prometteurs pour qu'ils fassent
avancer la recherche scientifique, ce qui bénéficiera à toute la
société en fin de compte.
La
question devient alors : « comment coordonner cette
différentes logiques de l'égalité et de la justice au sein d'une
même société ? ». Il ne s'agit plus de se comporter
comme Calimero dans le dessin animé qui se lamentait
systématiquement en clamant : « C'est trop injuste... »,
de se plaindre d'être traité de manière injuste parce que les
autres ont d'autres critères d'un égal traitement ou de ce qui est
juste ou injuste, mais de faire évoluer ces différentes logiques et
de les structurer grâce au débat démocratique et à la réflexion
philosophique pour obtenir une société qui soit globalement plus
juste. Ce ne sera pas la société idéale, l'utopie que les
philosophes essayent de penser depuis Platon avec sa République,
mais une société où l'on puisse faire avancer ce sentiment de
justice et de progrès social. Cette société sera peut-être encore
traversée de débats et de luttes sociales, ce ne sera pas une
société parfaite, mais aucune société réelle ne peut revendiquer
ce statut. Et les sociétés totalitaires qui ont revendiqué cette
perfection au cours de l'Histoire étaient en réalité des enfers
sur Terre. Une société parfaite ne peut pas exister quand elle est
composée de citoyens qui sont tous imparfaits. Non, ce ne sera pas
une société parfaite mais une société qui font avancer le bonheur
et le bien-être pour le plus grand nombre. Ce qui en soi est déjà
très louable.
Eric Einhorn - Enfants du Cirque - 1958 |
samedi 20 février 2016
Si j'étais
Si j'étais
Si j’étais platane,
si je me reposais à son ombre
Si j’étais livre, que
je lirais sans ennui dans mes nuits d’insomnie
Crayon, je ne voudrais
pas l’être même pas entre mes propres doigts
Si j’étais porte, je
m’ouvrirais aux bons, je me fermerais aux méchants
Si j’étais fenêtre,
une fenêtre sans rideaux, grande ouverte
Si je faisais entrer la
ville dans ma chambre
Si j’étais verbe, si
je vous appelais au beau au juste au vrai
Si j’étais parole, si
je disais mon amour tout doucement
Nazım
Hikmet, 27 mai 1962.
J'aime la façon dont
le poète turc Nazım
Hikmet exprime le processus de croissance de l'écriture qui va de
l'état séminal qui est la matérialité vivante et concrète d'un
arbre qui fera les pages d'un livre autant que le crayon à
l'ouverture de la conscience au monde, au grouillement de la cité
que l'on ressent dans l'intimité solitaire de sa chambre, et le
surgissement du verbe qui appelle au beau, au juste, au vrai et à la
parole qui murmure l'amour, l'origine et la fin de toute écriture.
Fan Ho, Hong Kong, 1950 |
vendredi 19 février 2016
N'entre pas docilement dans cette douce nuit
N’entre pas docilement dans cette bonne nuit,
Le vieil âge devrait brûler et s’emporter à la chute du jour;
Rager, s’enrager contre la mort de la lumière.
Bien que les hommes sages à leur fin sachent que l’obscur est mérité,
Parce que leurs paroles n’ont fourché nul éclair ils
N’entrent pas docilement dans cette bonne nuit.
Les hommes bons, passée la dernière vague, criant combien clairs
Leurs actes frêles auraient pu danser en une verte baie
Ragent, s’enragent contre la mort de la lumière.
Les hommes violents qui prient et chantèrent le soleil en plein vol,
Et apprenant, trop tard, qu’ils l’ont affligé dans sa course,
N’entrent pas docilement dans cette bonne nuit.
Les hommes graves, près de mourir, qui voient de vue aveuglante
Que leurs yeux aveugles pourraient briller comme météores et s’égayer,
Ragent, s’enragent contre la mort de la lumière.
Et toi, mon père, ici sur la triste élévation
Maudis, bénis-moi à présent avec tes larmes violentes, je t’en prie.
N’entre pas docilement dans cette bonne nuit.
Rage, enrage contre la mort de la lumière.
Dylan Thomas, « Vision
et Prière et autres poèmes ».
dimanche 14 février 2016
Les animaux et la société des hommes
Il y a quelques jours j'ai reçu une critique négative concernant un de mes articles intitulé « L’œuf et la poule ». Tout le sujet de l'article tournait autour d'un débat entre véganes qui peut se résumer en une question : « Si un végane recueille des poules dans son jardin, est-ce qu'il est mal de manger les œufs que la poule (sans qu'on ait évidemment exercé de contrainte sur la poule pour qu'elle ponde)? ». Certains véganes disent que non, d'autres comme moi qu'il n'y a pas de mal à en consommer, même si ce n'est pas une nécessité. Dans la mesure où on ne fait pas souffrir inutilement la poule et où on ne l'exploite pas non plus, il me semble qu'on peut manger ces quelques œufs sans commettre de faute morale. J'insiste sur le fait que c'est dans ce cas précis et sur le fait que ce cas précis est très marginal si l'on envisage la totalité de la production des œufs dans le monde.
Dans
l'article, je reprenais les arguments qui revenaient souvent contre
la consommation de ces œufs. Un de ces arguments avancé par Gary
Francione est que la domestication des animaux est par essence une
mauvaise chose. Il y a de mauvaises choses dans la domestication des
animaux, des abus de toutes sortes effectivement, mais cela ne veut
pas dire qu'avoir des animaux chez soi est nécessairement une
mauvaise chose. Un des arguments était que si la domestication est
si mauvaise, pourquoi nos compagnons comme les chiens et les chats ne
s'échappent pas dès qu'on leur en donne l'occasion. La plupart des
maîtres permettent en effet à leur chat de partir en vadrouille
dans les jardins des voisins. Et quand on promène son chien, on le
lâche souvent pour qu'il aille courir et gambader librement dans un parc. S'ils
étaient si malheureux de leur situation d'animal domestiqué,
pourquoi ne s'échappent-ils pas vers la liberté et la vie au grand
air ?
Cet
argument n'a pas plu à un lecteur (ou une lectrice) qui m'a écrit
il y a deux ou trois jours : « Je
tiens à répondre tout de même directement à votre argument, qui
m'a choqué, disant que si les animaux de compagnie étaient si mal
lotis ils n'avaient qu'à prendre la poudre d'escampette: c'est
totalement stupide. C'est comme si vous passiez d'un mode de vie
domestique à un mode de vie sauvage. A notre échelle d'êtres
humains, c'est comme si on partait vivre dans une forêt reculée de
toute civilisation. Les animaux de compagnie sont nés dans une
espèce de prison et ils n'ont même pas conscience qu'une liberté
existe. Ils ne survivraient pas en liberté ».
Il me semble qu'au contraire ce que je dis est parfaitement cohérent,
la liberté pour un animal, c'est la vie sauvage. Certains chats
quittent leur foyer pour redevenir des chats sauvages. Mais peu le
font. La plupart des chats restent à ronronner à la maison. En ce
qui concerne les animaux humains, il y a aussi effectivement la
possibilité de revenir à une vie sauvage, par exemple à allant
vivre dans des bois reculés, loin de toute civilisation. Là-bas, il
n'y aura plus de contrainte, plus d'horaire ou de règlement à
respecter. On fait ce qu'on veut quand on le veut. La liberté,
quoi ! Mais peu d'humains optent pour cette liberté. Pourquoi ?
- Parce qu'on a peur de ne pas trouver de quoi manger pendant toutes les saisons de l'année.
- Parce qu'on a peur de souffrir du froid.
- Parce qu'on a peur de tomber malade ou de blesser et de ne pas disposer des moyens modernes de guérison dont disposent les médecins et les hôpitaux.
- Parce qu'on a peur de perdre son petit confort et de la qualité de vie.
- Parce qu'on a peur de perdre nos liens sociaux avec nos congénères humains.
- Parce qu'on a peur d'être loin des gens qu'on aime : nos parents, nos enfants, nos amours, notre chien Rocky ou notre chat Charlie...
- Parce qu'on a peur de s'ennuyer comme un rat mort au milieu de sa forêt où il n'y a pas grand-chose à faire le samedi soir.
- Parce qu'on a peur de rater la dernière saison de « Games of Thrones » ou de « The Walking Dead »...
On
peut aussi renvoyer à l'histoire vraie de Christopher McCandless qui
est allé vivre dans les bois au fin fond de l'Alaska. On lui a
consacré une biographie intitulée « Into
the wild »
dont Sean Penn a fait un film. Son histoire est interpellante à bien
des égards, mais toujours est-il qu'elle s'est très mal terminée
pour le jeune homme. Mc Candless est mort de faim et dysenterie dans
un paysage époustouflant. Preuve s'il est que la Nature peut être
absolument impitoyable. C'est pourquoi les animaux humains se sont
regroupés entre eux pour s'unir contre les rigueurs de la Nature. Et
les autres animaux ne font pas autre chose quand ils restent sagement
à la maison, bien au chaud, avec de la nourriture dans leur bol tous
les jours. Nous, les humains et les animaux domestiques, nous
troquons notre liberté totale contre la protection, la sûreté et
la liberté relative que nous offre la civilisation. En fait, la
liberté qu'offre la Nature est faite elle aussi de toutes sortes de
contraintes : trouver de la nourriture, se protéger du chaud et
de froid, se prémunir contre les intempéries, la neige et la glace.
Et cette contrainte est finalement plus dure que la contrainte qu'il
y a à vivre dans les sociétés des hommes !
La
personne qui me critique dit que les animaux de compagnie ne savent
pas ce qu'est la liberté. Il me semble au contraire que les animaux
de compagnie ont une conscience très nette de ce qu'est la liberté
et l'emprisonnement. Mettez votre chat dans la petite cage dont on se
sert pour aller chez le vétérinaire et vous verrez qu'il n'aime pas
vraiment cela. Tout comme vous d'ailleurs. Les chats aiment sortir du
domicile pour goûter à la liberté de manière temporaire. Les
animaux enfermés dans les cages dans les zoos ou dans les cirques ne
sont pas heureux de leur situation. Les animaux ne sont bien sûr pas
capables de mener une réflexion philosophique sur la liberté. Mais
ils ont une compréhension intuitive de ce qu'est la liberté et de
ce qu'est la privation de liberté. La vie en tant qu'animal
domestique prive de certaines libertés, mais en permet d'autres, en
plus d'accorder un certain confort et une certaine sécurité.
Les
chats peuvent souvent quitter le domicile de leur maître et ils ont
donc la possibilité de ne pas revenir. Ils ont cette liberté-là,
certains la prennent. Mais la plupart des chats ne la prennent pas
par attachement à leur confort et à la chaleur du foyer, par
attachement aussi à leurs maîtres. Au fond, les humains sont dotés
de cet outil tellement utile qu'on appelle « des mains »
et dont l'utilité principale est de caresser doucement le chat,
en-dessous des oreilles, dans le creux du cou et sur le crâne
notamment ! Les animaux de compagnie ont donc un intérêt
évident à cohabiter avec l'homme. En cela, ce type de domesticité
ne me pose pas de problèmes. Pourquoi les humains ne pourraient pas
avoir des chiens, des chats ou des poules comme animal de compagnies
du moment qu'ils les traitent bien ? Un monde végane ne serait
pas exempt de ce type de domesticité : pourquoi faudrait-il
rompre tous les liens que nous avons avec les animaux ? Notre
relation aux animaux n'est pas motivée nécessairement par
l'exploitation et la domination monstrueuse comme le pense Gary
Francione.
Tout
autre chose évidemment est la domestication des animaux d'élevages
comme les porcs et les moutons que l'on élève dans le seul but de
les manger ou la domestication des animaux de traits comme les
chevaux ou les bœufs qui est souvent une relation d'esclavage total,
sans égard pour la subjectivité de l'animal. Cela évidemment, il
faut le refuser. C'est une exploitation inacceptable. Mais je ne suis
pas contre une relation plus juste avec les animaux. Ils doivent
devenir des animaux de compagnie avec qui on coopère et avec qui on
entretient une relation d 'amitié et de bienveillance.
C'est
plus facile avec les chiens et les chats, car depuis la préhistoire
nous coopérons avec eux : les hommes se sont rendus compte qu'à
la chasse ils pouvaient gagner à s'allier avec les loups, prédateurs
redoutablement efficaces. Au lieu de rivaliser dans la chasse, hommes
et loups pouvaient s'entraider et additionner leurs qualités
respectives, l'organisation et les armes à distance pour les uns,
l'odorat et l'endurance des autres. Certains loups ont accepté cette
collaboration et sont devenus des chiens, les autres ont préservé
leur liberté et sont restés des loups. Pareillement, les chats
étaient d'intéressants petits félins qui chassaient les souris,
les rats et autres rongeurs qui dévastaient les réserve de blé et
de grain dans les premiers temps de l'agriculture. Les hommes ont
compris très vite le parti qu'ils pouvaient avoir à laisser chez
eux ces félins. De fait, la relation que les hommes dans beaucoup de
culture ont avec le chien ou la chat est plus pacifiée qu'avec
d'autres animaux qui subissent systématique soit l'esclavage, soit
l'élevage et l'abattage, soit les deux. Cela ne veut évidemment pas
dire que la situation est idéale pour eux : dans certaines
cultures, asiatiques notamment, on mange les chiens, de manière
générale, beaucoup d'animaux domestiques sont maltraités et/ou
abandonnés... Il y a encore beaucoup de choses à faire pour leur
bien-être. En
outre, il vaut mieux ne pas acheter des animaux de compagnie (chien,
chat, poule ou autres...), mais adopter des animaux abandonnés,
parce que le commerce des bêtes est souvent très douteux sur le
plan moral....
Néanmoins,
il me semble que l'on peut raisonnablement envisager une relation
avec les animaux de compagnie qui soit juste et qui apporte des
bienfaits tant aux animaux qu'aux animaux. Et si d'autres animaux
comme les poules deviennent eux aussi des animaux de compagnie que
l'on va aimer et protéger de notre mieux, je n'y vois rien à
redire. Je pense que Gary Francione se trompe lourdement quand il
avance que la domestication est systématiquement un mal. Les animaux
peuvent cesser d'être des machines à produire de la chair, des œufs
ou qui sont exploités pour leur force physique pour devenir des
compagnons qui ont pleinement leur place dans la société des
hommes.
vendredi 12 février 2016
Le ciel étoilé et la loi morale
Deux
choses me remplissent le cœur d'une admiration et d'une vénération,
toujours nouvelles et toujours croissantes, à mesure que la
réflexion s'y attache et s'y applique : le ciel étoilé au-dessus
de moi et la loi morale en moi.
[…]
Le premier spectacle, d'une multitude innombrable de mondes, anéantit
pour ainsi dire mon importance, en tant que je suis une créature
animale qui doit rendre la matière dont elle est formée à la
planète (à un simple point dans l'Univers), après avoir été
pendant un court espace de temps (on ne sait comment) douée de la
force vitale. Le second, au contraire, élève infiniment ma valeur,
comme celle d'une intelligence, par ma personnalité dans laquelle la
loi morale me manifeste une vie indépendante de l'animalité et même
de tout le monde sensible.
Emmanuel
Kant, Critique de la Raison Pratique.
Gael Trijasson - Dormir sous la Voie Lactée |
mercredi 10 février 2016
Gary Francione et la moralité selfie
Je
voudrais réagir ici à un article de philosophe américain
antispéciste Gary Francione. L'une des spécialités de Gary
Francione est de s'en prendre agressivement aux mouvances de
libération animale qui ne font jamais assez bien selon lui leur
travail de défense de la cause animale. Rien que le titre de
l'article donne la teneur de l'article : « La moralité
selfie, la pourriture morale de la cause animale »1.
Francione revendique une position radicale au sein de la libération
animale. Pour Francione, la seule position morale cohérente par
rapport à l'exploitation animale est le véganisme éthique. Il
rappelle inlassablement l'injonction : « Go vegan »
(devenez végane). En soi, je ne peux que louer cette incitation à
devenir le plus tôt possible végane dans l’intérêt des animaux.
Mais Francione ne s'arrête pas là : tous les véganes qui
encourageraient les non-véganes à végétaliser progressivement
leur alimentation sont impitoyablement condamnés. Francione les
accuse de participer à l'exploitation animale, d'être spécistes et
de de ne pas être de véritables véganes. Il en découle une grande
agressivité dans le chef de Francione et les adeptes de Francione,
qui n'hésitent jamais à vous insulter de « spéciste »
et toutes sortes nom d'oiseaux.
Francione,
dans son article, s'en prend justement à la réaction que certains
peuvent avoir quand ils se font agressés par lui ou ses disciples,
ses franciobots comme les appelle Tobias Leenaert, tant
ceux-ci ont tendance à ânonner sur internet ses propos comme un
incessant copier/coller de ses commentaires les plus aigris.
« J'identifie comme « moralité selfie », nous
dit Francione, le phénomène qui consiste à caractériser
un désaccord substantiel ou une critique comme de « l'oppression »,
de « l'agression », du « dénigrement », du
« harcèlement » sans apporter de réponse substantielle
à la dite critique. La moralité selfie n'est rien d'autre que du
narcissisme. Et elle est de manière inhérente spéciste ».
Francione prend alors en considération le cas où des véganes
abolitionnistes (entendez des véganes francioniens) arrivent par un
raisonnement étayé par des arguments que le véganisme est un
impératif moral. Francione dit que des welfaristes vont
systématiquement prendre cette position comme dénigrant ou
stigmatisant les non-véganes.
Juste
un mot d'explication avant d'aller plus loin dans les raisonnements
de Gary Francione. Qu'est-ce qu'un abolitionniste ? Qu'est-ce
welfariste ? Ces termes ne sont peut-être pas familiers à ceux
qui ne côtoient pas au jour le jour les milieux véganes.
« Abolitionniste » désigne celui qui veut abolir
l'exploitation animale, que ce soit la mise à mort des animaux comme
dans les abattoirs, dans la chasse ou dans la pêche, mais aussi
l'exploitation au sens le plus large comme dans les élevages, les
cirques, les zoos, les delphinariums, les courses d'animaux et ainsi
de suite... Francione oppose les abolitionnistes aux welfaristes. Les
welfaristes vient de l'anglais « welfare », bien-être.
Les welfaristes prônent qu'on peut et qu'on doit améliorer la
condition animale, leur bien-être de manière progressive.
Typiquement, les « welfaristes » militent pour agrandir
la taille des cages des animaux. Bien sûr, il vaudrait mieux les
libérer, mais comme cela n'est pas possible maintenant, il faut se
contenter de ce compromis qui consiste à de petites améliorations
qu'on espère étendre de plus en plus jusqu'au moment où les
animaux seront libres de toute exploitation. Sur le plan de
l'alimentation, les welfaristes considèrent que l'idéal est bien
entendu le véganisme, mais cela semble impossible pour la grande
majorité de la population, les welfaristes font l'apologie de
campagne comme le « Jeudi veggie » en Belgique et en
France ou le « Meat Free Monday » où on encourage
les gens à limiter progressivement leur consommation de viande et de
produits animaux. L'idée est qu'ils s'accoutument à manger des
plats végétaux et qu'ils arrivent à vaincre leur réticence de
faire pas de passer à un régime végétarien, puis complètement
végane.
Il
faut bien comprendre que le but est le même qu'on soit
abolitionniste ou «welfariste ». L'idéal est un monde végane
où on n'exploiterait plus les animaux et où on le les ferait plus
souffrir inutilement. La différence se marque non pas sur le but à
atteindre, mais sur le moyen d'y parvenir. Les abolitionnistes sont
dans une logique du tout ou rien : il faut directement
abandonner toute exploitation, les interdire définitivement. Du
point de vue individuel, il faut directement devenir végane. Toute
autre comportement alimentaire est considéré comme du spécisme, du
carnisme et une participation à l'exploitation animale, que ce soit
le flexitarisme, le végétarisme... Pour Francione, il n'y a pas de
différence entre un mangeur de viande et de produits animaux et un
végétarien. Tous les deux collaborent activement et au même titre
à l'exploitation animale. Sur un plan politique, il faut abolir tout
le système de l'exploitation animale d'un seul coup. Si on essaye de
réformer progressivement, c'est aux yeux de Francione qu'on
collabore le système spéciste et qu'on le défend.
mardi 9 février 2016
Soleil du matin
Quand
tu fais quelque chose de beau et que personne ne le remarque, ne sois
pas triste. Car le soleil, chaque matin, est un spectacle magnifique
alors même que la majorité du public dort encore.
John Lennon
Alexandros Maragos - Panachaiko, Grèce |
lundi 8 février 2016
Le Singe de Feu
Ce
8 février 2016, nous entrons dans une nouvelle année selon les
calendriers chinois, tibétain, mongol et vietnamien. Ce sera l'année
du Singe de Feu. D'ors et déjà, je souhaite à tous et à toutes un
très bon Singe de Feu. Pour les Chinois et les peuples de l'Asie,
ces années avec pour nom un animal et un élément ont une énorme
signification. J'avoue ne pas être très versé en astrologie
chinoise, même si je pense qu'il est plus poétique d'appeler les
années par des noms d'animaux auxquelles on adjoint un des cinq
éléments, eau, terre, feu, air et bois, que d'étiqueter les années
par des nombres qui augmentent de un à chaque rotation de la Terre
autour du Soleil, en commençant par un repère censé marquer un
événement fondateur de notre civilisation, à savoir la naissance
de Jésus Christ. Je dis bien « censé » puisque les
historiens modernes s'accordent à penser aujourd'hui que les érudits
de l'Antiquité se sont trompés de quatre ou cinq ans quand ils ont
daté la naissance de Jésus en l'an 0. Jésus serait donc en – 4
ou -5 de lui-même.
Au
fond, les Chinois expriment leur conception du monde en nommant les
années par un animal associé à un élément. L'animal symbolise un
esprit, une énergie qui s'incarne dans un élément. Dans la pensée
chinoise, l'univers n'est fondamentalement qu'énergie, « qi »
en chinois : 氣.
Selon les érudits, ce caractère 氣
fait conceptuellement référence
à la cuisson du riz (mi en chinois, 米)
qui produirait de la vapeur 气,
cette vapeur ayant la propriété de créer du mouvement comme le
couvercle d'une marmite soulevée par sa puissance. L'énergie ou
souffle du qi 氣 a
la particularité d'opérer et de circuler dans l'univers selon un
rythme binaire : tout comme nous respirons par inspiration et
expiration, le qi se condense et se dissout en permanence dans
chaque recoin du monde. Tantôt le qi se condense tellement
qu'il en devient matière : air, feu, eau, bois et même terre
quand sa condensation atteint son paroxysme ; tantôt il se
dissout et se résorbe dans sa nature purement énergétique. Sur un
plan ontologique, tout l'univers n'est que l'ensemble des
transformations de cette énergie du qi 氣 :
les textes parlent ainsi des « dix mille mutations » du
Souffle Originel (yuanqi 元氣).
Toutes choses dans le monde est un aspect de ce qi dans un
état plus ou moins avancé de condensation. Les êtres vivants
n'échappent pas à la règle. Tchouang-Tseu disait d'ailleurs :
« L'homme doit la vie à une condensation de qi. Tant qu'il
se condense, c'est la vie ; mais dès qu'il se disperse, c'est
la mort ».
Ce
souffle originel suit donc deux dynamiques contraires, mais en même
complémentaires et imbriquées l'une dans l'autre. C'est le Yin
et le Yang. Les caractères chinois Yin 陰
et Yang 陽
portent tous les deux la clef du
chemin de crête. Tous deux font à l'origine aux deux faces d'une
montagne, l'adret est le Yang 陽,
le côté ensoleillé de la montagne, tournée vers le sud tandis le
Yin fait référence à l'ubac, la pente qui reste ombragée car
tournée vers le nord. Dans le caractère Yang, on trouve le
caractère qui désigne le soleil, ri日 ;
et dans le caractère Ying yun 云,
les nuages brumeux qui obscurcissent la clarté au fond d'une vallée.
Les graphies simplifiées 阴
et 阳sont
encore plus explicites puisqu'elles font directement référence à
la lune 月pour
le Yin et le soleil 日 pour
le Yang. Au départ, Yin et Yang désignent tous les phénomènes
opposés, mais indissociables que l'on peut observer dans la Nature :
jour et nuit, été et hiver, chaud et froid, homme et femme,
mouvement et repos, esprit et matière. Dans la pensée chinoise, les
opposés ne s'excluent pas, mais s'organisent dans une dualité
dynamique où le Yin peut devenir Yang et vice-versa.
Yin
et Yang sont le rythme fondamental de l'univers qui conditionne
toutes choses. Lao-Tseu a exprimé cette idée de l'engendrement de
l'univers qui passe par la dualité complémentaire du Yin et du Yang
dans un passage célèbre du Livre de la Voie et de la Vertu :
« La
Voie engendre l'Un,
L'Un
le Deux,
Le
Deux, le Trois,
Le
Trois les dix milles êtres ».
De
ce qi 氣 qui
se manifeste à travers la dualité dynamique du Yin 陰
et du Yang 陽
vont naître les cinq éléments :
terre, eau, feu, bois et métal que l'on retrouve dans le calendrier
chinois. Un mot sur la traduction : je traduis wuxing 无行par
« cinq éléments », traduction habituelle certes, mais
trompeuse. Wu 无veut
dire cinq, mais il est problématique de rendre xing 行par
« élément », car xing signifie à la base marcher,
aller, agir. Dans notre creuset culture, terre, eau, feu, bois et
métal évoquent des éléments, et il semble donc naturel de rendre
xing 行 par
« élément », mais il faut bien comprendre que dans la
vision chinoise, ces éléments n'ont pas un caractère statique,
immuable. La pensée chinoise n'a pas cherché à décomposer le réel
en éléments de base, en particules, en atomes qui seraient les
composants ultimes et immuables du réel. Il faudrait plutôt
traduire wuxing 无行par
« cinq agents » ou « cinq processus ». La
pensée chinoise est aux aguets de tous les processus de mutations et
de transformations qui prennent place dans le cours du temps :
les saisons illustrent ainsi fort bien la danse qu'opère en
permanence les « éléments ». Les penseurs chinois ont
aussi attribué des éléments aux différentes dynasties qui se sont
succédé à la tête de la Chine. Les éléments peuvent établir
une relation de conquête entre eux : la terre endigue l'eau, le
bois laboure la terre, le métal coupe le bois, le feu fait fondre le
métal et l'eau éteint le feu. Mais les éléments peuvent aussi
s'engendrer mutuellement : le bois prend feu, le feu se réduit
en cendres, donc en terre, la terre produit les métaux, le métal se
liquéfie dans le processus de fonte, l'eau nourrit le bois.
Face
à ces processus incessants de transformations et de mutations, il
importe de trouver l'équilibre et l'harmonie. C'est là où rentrent
en ligne de compte nos douze sympathiques animaux (enfin, pas si
sympathiques que cela puisqu'ils se disputent régulièrement!).
Chacun de ces douze animaux symbolise un rapport au monde, un état
d'esprit avec lequel on entre en relation avec les éléments et les
événements. Dans l'ordre, il s'agit
la souris 鼠
shǔ, le buffle 牛
niú, le tigre 虎
hǔ, le lapin 兔tù,
le dragon 龍lóng,
le serpent 蛇shé,
le cheval 馬
mǎ, le mouton 羊
yáng, le singe 猴
hóu, le coq 雞
jī, le chien 狗
gǒu, le porc 猪
zhū. Chaque animal a son
caractère propre, sa manière d'aborder le monde, le gens, la
société, sa relation aux autres. Toutes sortes de légendes
viennent illustrer ces caractères. Ainsi pour déterminer l'ordre de
ces animaux dans le calendrier, l'Empereur de Jade ordonna une course
entre les animaux. Cette course s'achevait par la traversée d'une
rivière. La souris se faufila entre les pattes des participants et
vint se loger dans l'oreille du buffle. Le buffle traversa la rivière
le plus rapidement et passa gagner la course, mais au dernier moment
la souris bondit hors du conduit auditif de notre bovin compétiteur
et remporta la course. C'est aussi pour cela que la souris ou rat (c'est le
même caractère dans la langue chinoise) est considéré comme
secret et autonome ; le buffle est patient et persévérant, le
tigre est dynamique et audacieux ; le lapin est raffiné et
discret ; le dragon est ambitieux et énergique ; le
serpent est cultivé et raffiné (oui, la vision que l'on peut avoir
d'un animal peut grandement changer d'une civilisation à l'autre!) ;
le cheval est sociable et actif ; la chèvre est intuitive et
esthète, créatrice ; le singe est enthousiaste et inventif ;
le coq est fier et organisé ; le chien est fidèle et
réaliste ; enfin, le cochon est calme et serviable.
Pour
moi, ces animaux du calendrier chinois m'évoque ce moment où,
enfant, j'avais lu une revue destinée aux plus jeunes où figurait
une petite explication pour chaque signe et la mention des années.
Or étant né en 1975, j'étais du signe du chat (précisons que le
chat ne figure que dans les calendriers du sud de la Chine et du
Vietnam, dans la plus grande partie de la Chine, c'est le lièvre ou
lapin). Pour moi, c'était la consternation ! J'aurais tellement
voulu être tigre ou dragon ! Des signes autrement plus
aventureux que « chat ». Surtout que des dessins venaient
illustrer chaque signe ; et le dessin montrait un chat avec des
lunettes et des pantoufles en train de boire une tasse de thé dans
sa bibliothèque. Que cela avait l'air d'être ennuyeux d'être
« chat » ! Au final, je me dit que ce dessin n'est
pas si éloigné de ce que je suis devenu : j'aime lire,
étudier, apprendre, j'aime une vie tranquille, sans remous
excessifs, je ne suis pas contre un minimum de confort. Au fond, être
« chat » n'est pas si terrible que ça !
Cette
année est donc celle du Singe de Feu. Peut-être une année à
célébrer l'enthousiasme et l'inventivité. On peut espérer que
cette créativité fera des étincelles pour résoudre les problèmes
du monde que ce soit les problèmes globaux comme le réchauffement
climatique, l'effondrement de la biodiversité, mais aussi les
nombreux conflits qui ensanglantent la planète comme la guerre en
Syrie. Dans le bouddhisme, le singe symbolise l'agitation de
l'esprit. Notre esprit est enfermé dans la maison du corps ; et
le singe de l'esprit court frénétiquement d'une fenêtre à
l'autre. Il court et bondit d'une fenêtre à l'autre sans répit. La
méditation consiste à apaiser ce fébrile petit singe, lui faire
comprendre que la poursuite effrénée des impressions sensorielles
n'est pas toujours la meilleure des choses. Mais que se recentrer en
soi-même peut-être une excellente chose pour faire rallumer la
lumière intérieure.
Que
ce Singe de Feu soit l'occasion de reprendre conscience des
interconnexions que nous tissons à chaque instant avec tous les
êtres dans ce monde. Que l'on fasse preuve d'inventivité et
d'ingéniosité pour parer à tous les problèmes. Puisse cette année
apporter du bonheur et de la sagesse à chacun !
Bonne
année. Xinnian Kuaile ! 新年快樂
Losar
tashi delek ! ༄༅།།ལོ་གསར་ལ་བཀྲ་ཤིས་བདེ་ལེགས་ཞུ།
Chúc
mừng năm mới !
Un grand merci à Myriam Morisseau de Rezozen de m'avoir inspiré cet article !
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