Masque ou pas masque ?
Quelques
réflexions éparses sur le coronavirus
(2ème
partie)
Ce
qui frappe quand on regarde des images de la crise du coronavirus en
Chine, que ce soit dans l'épicentre même de la contagion, à Wuhan,
ou dans des grandes villes comme Pékin ou Shanghai, c'est que tout
le monde porte un masque. Et s'il prenait l'envie de sortir en rue
sans en mettre, la police est là pour vous rappeler à l'ordre à
coup de matraque ! Ce qui frappe quand on se promène dans les
rues dans les villes européennes, c'est que quasiment personne n'en
met, même pas les médecins !
On
vient de réaliser que les masques chirurgicaux et les masques plus
efficaces de type ffp2 et ffp3 sont en rupture de stock, et les états
européens ne songent aucunement à remédier à la situation. Ils
sont en rupture de stock pas seulement pas seulement pour la
population (c'est qui est déjà criminel), mais ils sont aussi en
rupture de stock pour le personnel soignant pourtant en première
ligne face au virus. On prend le risque que ces médecins et
infirmiers tombent malades et donc soient incapables de remplir leur
mission, qu'ils risquent de mourir, mais aussi qu'ils transmettent la
maladie aux personnes qui viendraient dans les hôpitaux pour
d'autres maladies ou des blessures diverses !
Les
masques ne sont pas, il est vrai, dans notre culture. En Asie, même
quand il n'y pas d'épidémie, il est courant de voir des gens en rue
ou dans le métro qui se baladent avec un masque chirurgical couvrant
le visage. C'est presque un acte de politesse et de courtoisie :
ne pas imposer ses postillons et son haleine à son prochain. En
Occident, le masque est réservé au carnaval, il faut croire !
Nous sommes beaucoup plus réticents. Les débats de société
tournent souvent sur l'idée de découvrir le visage, comme les
incessantes controverses sur le voile islamique ou la burka.
Donc
tout est fait dans le discours journalistique et même médical pour
discréditer le masque chirurgical. Première critique :
ce n'est pas une solution magique. C'est effectivement vrai :
porter un masque chirurgical n'est pas une solution miracle. C'est
vrai certes, mais ce n'est pas une raison pour ne pas en porter. Il
faut être conscient qu'on est susceptible de choper le virus même
avec un masque, ce n'est pas une protection absolue. Mais il faut
être conscient dans le même temps que cela diminue de manière
significative les risques de recevoir ce virus qui se cachent dans
les gouttelettes en suspension émises par votre interlocuteur, et
surtout cela diminue beaucoup le risque que vous propagiez le
SARS-COV-2 à votre entourage.
Il
faut bien comprendre la notion de R(0), le taux de reproduction de
base d'une maladie, sa capacité à se propager à d'autres personnes
que vous fréquentez. Le R(0) est de 2,2 pour le COVID-19, 1,3 pour
la grippe, 6 pour la rubéole. Il signifie que si vous restez un
certain temps dans une pièce pour un concert ou au travail avec 100
personnes, 2,2 personnes auront contracté le coronavirus. Le masque
n'est pas une protection absolue en ce sens qu'ils ne ramènent pas
le R(0) à 0 (fin totale de la contagion), mais ils vont faire
baisser sensiblement ce R(0), surtout si c'est la personne infectée
qui porte ce masque. Si ce R(0) tombe en-dessus de 1, l'épidémie
est enrayée.
En
faisant des recherches, je suis tombé sur ce graphique qui montre
bien l'efficacité d'un masque dans un contexte de contamination
possible. L'article ajoute : « On
sait, études à l'appui, que les masques chirurgicaux fonctionnent
incroyablement bien pour éviter la propagation des virus. Peu
coûteux, ils permettent de filtrer 80 % des particules ayant des
tailles minuscules, jusqu'à 0,007 micron (14 fois plus petit que le
coronavirus) 1 ».
Ce
graphique provient du site « lanutrition.fr »
dirigé par le médecin Thierry Souccar. Un disclaimer important à
faire toutefois : Attention, même si un site semble sérieux,
cela ne veut pas dire qu'il est sérieux. Et même si le site est
véritablement sérieux, cela ne veut pas dire que l'information soit
nécessairement exacte. Les choses et les connaissances évoluent
très vite sur la propagation du coronavirus. Il faut donc rester
vigilant et prendre chaque information avec une dose raisonnable de
scepticisme !
Deuxième
critique : on le met le
masque n'importe comment. C'est probablement vrai. Ainsi, selon le
journal
Ouest-France : « D’autant
que le public ne porte pas ces protections comme il le faut, note le
professeur spécialisé en microbiologie. Il
y a une procédure de pose que les personnels hospitaliers
connaissent bien. À la télévision, Nicolas Dupont-Aignan se
plaignait du manque de masques en portant le sien à l’envers,
certains libèrent le nez, ce n’est pas non plus étanche pour les
hommes barbus… Sans
oublier que lorsque l’on enlève son masque ou le glisse sous le
menton, on souille ses mains avec une matière qui a retenu toutes
les microparticules potentiellement néfastes 2 ».
C'est
probablement vrai, mais raison de plus pour apprendre aux gens
comment bien mettre un masque ! Que le gouvernement, les
médecins et les youtubeurs fassent des vidéos et des tutoriels pour
donner les bons conseils ! C'est le moment, c'est l'instant !
Précisons aussi qu'en plus de porter un masque, porter
des gants est également un bienfait dans la lutte contre la
propagation du coronavirus !
Rappelons qu'idéalement, les masques ne doivent pas être portés
plus de trois heures. Au-delà, l'efficacité décroît.
Troisième
argument : le masque
chirurgical donnerait une confiance exagérée à ceux qui en
seraient parés. Le masque n'est jamais une protection absolue comme
je l'ai déjà dit. Bien sûr, je pense qu'il faut faire preuve de
pédagogie et rappeler que c'est une protection imparfaite certes,
mais une protection quand
même !
Quatrième
argument : c'est moins
efficace que des masques ffp2 ou ffp3. C'est vrai, mais cela n'enlève
rien au fait qu'un masque vaut mieux que pas de masque du tout ! C'est
comme de laisser les portes de chez soi grandes ouvertes et subir la
visite déplaisante de cambrioleurs. Quelqu'un arrive et vous dit de
fermer les portes à clefs. Sur ces entrefaites, un autre personnage
vous dit qu'on a déjà souvent vu des cambrioleurs au domicile des
gens malgré le fait que la porte soit fermée à clef. C'est vrai,
mais vous admettrez qu'on est moins souvent cambriolé quand on a
fermé la porte à clef. Cela ne vaut pas une porte blindée et des
barreaux aux fenêtres, mais souvent la porte fermée à clef
dissuade les personnes malintentionnées !
Cinquième
argument : il n'y en pas
pour tout le monde. C'est vrai et c'est un scandale !
Le président Macron a dit qu'on est en guerre contre le coronavirus.
Pourquoi alors ne crée-t-on pas des usines qui vont produire
massivement ces masques chirurgicaux et ces masques ffp2 et ffp3 pour
toute la population ? Il me semble que c'est une tâche à
laquelle devraient s'atteler d'urgence les gouvernements européens,
les armées ainsi que les industriels. C'est quand même incroyable
qu'on soit dépendant à ce point de la Chine, « l'atelier du
monde ».
Sixième
argument : il n'y en pas
pour tout le monde, et il faut les donner en priorité aux médecins
et aux personnes infectées. C'est absolument vrai, mais cela
n'enlève rien au scandale ! Bougeons-nous le cul, bordel !
Et fabriquons ces putains de masque !
Septième
argument : Les masques en
tissus, c'est n'importe quoi. Suite à la pénurie honteuse de
masques chirurgicaux et de masque ffp2 et ffp3, certaines personnes
se sont mises à coudre des masques en tissus. Cela suscite le mépris et
la condescendance de certains journalistes qui dénoncent
l'inefficacité de ces masques en tissus. Mettons les choses au
clair. Si on regarde le graphique plus haut, on voit que les masques
en tissus sont nettement moins efficaces que les masques homologués,
mais c'est quand même beaucoup mieux que rien !
Comme
le dit l'article déjà cité plus haut de Nutrition.fr : « Les
chercheurs ont demandé à des volontaires de fabriquer leurs propres
masques en utilisant des tee-shirts en coton et une machine à
coudre, selon un protocole simple qu'ils avaient mis au point. Ils
ont ensuite comparé leur efficacité à celle de masques
chirurgicaux pour filtrer des particules aussi petites que 0,65
micron (1 micron = 1 µm = 10-6
mètre). Résultats : les masques maison ont capturé 71 % des
particules de 0,65 à 1,1 micron, contre 86 % pour le masque
chirurgical. Bien que les masques chirurgicaux aient capturé 15 % de
particules en plus, les masques en coton ont surpris par leur
performance. Les chercheurs en ont conclu que des masques faits
maison seraient mieux que pas de masque du tout 3 ».
Par
ailleurs, les masques se détériorent moins avec le temps
contrairement aux masques produits par l'industrie qui se détériorent
après 3 heures. Toujours selon le même article de Nutrition.fr :
« Les chercheurs
néerlandais ont aussi testé l'efficacité des masques après un
port pendant trois heures. Leurs résultats indiquent que l'humidité
et le temps n'avaient que très peu d'impact sur l'efficacité des
masques.
En fait, les masques faits main étaient même devenus 5,8 % plus efficaces pour filtrer les particules de la taille d'un virus après trois heures d'utilisation. On peut donc en conclure que le port de masques faits maison pendant plusieurs heures ne réduit pas leur efficacité 4 ». (Je mets à la fin de l'article les références des études qui soutiennent l'argument de Nutrition.fr)
En fait, les masques faits main étaient même devenus 5,8 % plus efficaces pour filtrer les particules de la taille d'un virus après trois heures d'utilisation. On peut donc en conclure que le port de masques faits maison pendant plusieurs heures ne réduit pas leur efficacité 4 ». (Je mets à la fin de l'article les références des études qui soutiennent l'argument de Nutrition.fr)
Huitième
argument : le confinement
est plus efficace que le port du masque. Oui, c'est certain. Mais je
rappelle que de nombreuses personnes doivent aller travailler. Par
exemple, le gars qui fait pousser les chicons que vous allez manger
ce midi, le gars qui transportent ces chicons dans son camion, le
gars qui vous vend les chicons dans son magasins ou celui qui vous
les livre pour que les personnes confinées qui télé-travaillent
puissent rester chez elles (en toute bonne conscience). Citons
également le gars qui travaille à la centrale nucléaire pour que
vous ayez l'électricité nécessaire pour lire ce contenu sur
internet. Un centrale nucléaire ne se dirige pas à partir de son
salon ! Tout le monde ne peut pas télé-travailler ! Donc
pour ces personnes, le port du masque serait quand même une
excellente chose.
Les
autres personnes doivent aussi aller faire leur course. Ce matin,
j'ai du me rendre à l'administration communale, et il m'aurait pu
paru très souhaitable d'avoir un masque, car des personnes
inconscientes sont passées à côté de moi sans soucier de la
distance réglementaire de 1,5 m.
Voilà.
Pour toutes ces raisons, il me paraît essentiel que l'on fabrique
ces masques de manière artisanale ou mieux industrielle. Je voudrais
moi-même faire ce genre de masque, mais je ne sais pas coudre. J'ai
le temps d'apprendre ceci étant dit, malheureusement les magasins
qui vendent des tissus ont fermé. Peut-être dans certaines grandes
surfaces... Il faut que j'étudie la question.
La
possibilité doit être offerte à tout le monde de porter ces
masques. Je ne dis pas que cela doit être comme en Chine où le port
du masque est obligatoire sous peine d'être tabassé par la police
politique. Je suis plus favorable à laisser la liberté laissées
aux gens de le porter de manière volontaire. Nous sommes quand même
une démocratie. Mais je pense que nos comportements devraient
évoluer très rapidement dans le sens du port du masque. N'allez pas
au bal mais sortez masqué !
Frédéric Leblanc,
le 19 mars 2020.
Frédéric Leblanc,
le 19 mars 2020.
2 Camille
Rivieccio, « Coronavirus.
Masque chirurgical, protection en tissu… Est-ce efficace contre le
Covid-19 ? »,
Ouest-France, le 19 mars 2020.
Nicolas Asfouri |
Voir également cette vidéo d'une interview de deux médecins où l'un des deux évoque la question du masque :
Les deux études mentionnées dans l'article de Nutrition.fr :
- Testing the Efficacy of Homemade Masks: Would They Protect in an Influenza Pandemic?
- Professional and Home-Made Face Masks Reduce Exposure to Respiratory Infections among the General Population
Cela n'est pas directement lié à la question, mais j'ai trouvé cette vidéo qui indique comme bien se laver les mains très utile et pertinente. N'hésitez pas à la regarder !
NB : dans l'article, j'ai parlé de "chicon" qui est le mot employé dans le nord de la France et en Belgique. Toutes mes excuses à ceux qui mangent des endives ! :-)
Voir les autres parties de ces réflexions sur le coronavirus :
- Grippe ou apocalypse ?
- Portez un masque ! Portez des gants !
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