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dimanche 5 avril 2020

L'utilité des masques





Je viens de regarder l'émission spéciale conjointe d'Envoyé Spécial et de Complément d'Enquête : « Coronavirus : état d'urgence » (2 avril 2020). Il y a beaucoup de choses qui m'ont choqué dedans : la pénurie de masque depuis plusieurs années et les travailleurs qui travaillent sans masque et sans protection, la lenteur dans la réaction à la crise, l'absence programmée de tests alors que des laboratoires vétérinaires habitués aux tests de masse avaient proposé de les accomplir et qui ont refusé par l'administration pour des questions purement administratives, le maintien des élections municipales, etc... Mais je voudrais réagir à un point en particulier, c'est l'interview du médecin Rémi Salomon, haut responsable des hôpitaux de Paris, après une heure d'émission. Celui-ci dans la droite ligne des autorités sanitaires et politiques européennes et américaines continue à minimiser l'importance des masques.


Rémi Salomon affirme : « Quand vous marchez dans la rue et que vous respectez la distance, vous ne courez pas de risque. Le risque de contamination se fait par les gouttelettes. C'est quand vous parlez, un mètre ou deux mètres de distance. Sinon il n'y a pas de risques. Et ce qu'on n'a pas dit assez, c'est l'autre danger quand vous sortez de chez vous, ce n'est pas tant de croiser quelqu'un qui est risqué, parce qu'en général comme je viens de le dire, on prend ses distances, mais c'est plutôt tout ce que l'on touche. Le virus est très résistant dans le milieu extérieur ».


Le journaliste lui demande alors : « Un grand nombre de personnes travaillent sans porter de masque. Est-ce que là il ne faut pas recommander de porter des masques ? Cela paraît évident ». Ce à quoi le médecin répond : « Alors, aux endroits où les gens sont proches par nécessité, là il faut effectivement avoir un masque, la caissière au supermarché exposée toute la journée à des personnes qui sont proches d'elles doit porter, mais le tout un chacun qui sort dans la rue n'a pas besoin de porter de masque s'il tient ses distances, y compris quand il fait ses courses. Et je permets d'insister sur les gestes barrières qui n'ont pas été suffisamment expliqués (sic!).


« Ce qui est dangereux quand vous sortez de chez vous : c'est le bouton d'ascenseur, la poignée de la porte. Au supermarché, c'est l'écran de la caisse que vous touchez ou le code numérique que vous devez taper pour la carte de crédit, car tout objet qui est touché par quelqu'un d'autre est susceptible de porter du virus. Et ensuite, vous mettez sans y penser la main au visage, et vous vous contaminez. Dès que vous rentre vous, il faut laver les mains et laver au détergent les surfaces qui ont pu être touchées. Ces mesures sont plus essentielles que le masque ».


Plusieurs remarques pour répondre à ces propos :


1°) La distance de sécurité d'1,5 m est aujourd'hui remise en cause. Rappelons pour faire simple que le virus n'a pas de petites pattes, ni de petites ailes pour se déplacer d'un point a à un point b. Il dépend de « véhicules » pour franchir cette distance. En l'occurrence, les gouttelettes sont pour lui comme un « avion » qui peut le conduire d'une personne à une autre par voie aérienne. Quand on expire, on n'envoie pas ces gouttelettes au-delà de 1,5 m. D'où la fameuse distance de sécurité que la police voudrait que vous respectiez dans la rue. Mais si vous toussez, cette distance est de 2 mètres. Si vous éternuez, cette distance peut aller jusqu'à 6 mètres. Donc, à moins de se promener sur les Champs Élysées, croiser quelqu'un sur le trottoir n'est pas totalement sans risque puisque si cette personne éternue quand vous passez à son niveau, il risque de vous envoyer ses postillons. Ce qui veut dire que, même en rue, les masques ne sont pas superflus !








Cough = toux, sneeze = éternuer, droplet = gouttelette.
Source : Sui Huang, "Why we should all wear masks - there is a new scientific rationale", Medium, 27 mars 2020.









2°) Rémi Salomon reconnaît quand même que le risque existe pour les personnes qui travaillent dans des lieux clos comme les caissières de supermarché et qu'il serait justifié qu'elles portent un masque. Merci pour elles, monsieur le docteur ! Mais ce qui serait encore mieux pour les caissières, c'est que les clients portent eux aussi un masque pour garder pour eux leurs postillons et leurs gouttelettes de salive qui ne retomberont sur ces employées des grande surfaces ! Cela protégerait nettement mieux ces caissières. C'est une simple mesure, et je suis étonné que ce grand esprit des hôpitaux de Paris n'y ait pas pensé !



Ajoutons que, dans les endroits clos, la ventilation en circuit fermé est un gros problème, car cela favorise dangereusement les risques de contagion. Je reprends ici in extenso les explications d'un collectif de médecins et scientifiques belges 1 qui me semblent éclairantes : « "Les espaces confinés favorisent la transmission par aérosol et peuvent être le lieu d’épisodes de super-contagion, comme ce fut le cas dans des rassemblements évangéliques en France (Mulhouse) et en Corée du Sud (Daegu). En effet, le phénomène peut être exacerbé par un système de chauffage aérotherme ou de la climatisation, où l’air est remis en circulation à l’intérieur des locaux par souci d’économie de chauffage (ou de froid). Il est donc recommandé d’arrêter tout dispositif de ce type, qui contribue à faire circuler l’air ambiant. Par contre, l’aération massive et fréquente par l’air extérieur dans les locaux encore fréquentés par le public, les pharmacies, la poste, les petits magasins d’alimentation et les supermarchés, contribue par dilution à une réduction du nombre de particules infectieuses auxquelles le public est exposé.


Les systèmes de chauffage aérotherme de nombreux bâtiments comprennent bien évidemment une admission d’air frais pour maintenir la qualité de l’air intérieur, mais ils n’ont été prévus que pour des polluants ordinaires et maintenir un taux d’humidité acceptable. Encore beaucoup plus grave, des systèmes aérothermes autonomes, essentiellement constitués d'un simple échangeur de chaleur muni d'un ventilateur, sont largement utilisés pour le chauffage d’ateliers, garages, magasins alimentaires, etc. Leurs utilisateurs (artisans, petits industriels, commerçants etc.) doivent prendre conscience du danger qu’ils présentent et de la nécessité d’une mise à l’arrêt immédiate
 ».





3°) Rémi Salomon explique aussi le danger de toucher des surfaces qui aurait été contaminées par les mains d'un malade comme une poignée de porte, les touches du clavier pour le corde de votre carte de banque, et ainsi de suite... C'est effectivement un danger, et il convient d'y prendre garde. Il a raison de recommander de se laver les mains souvent. Mais bon sang de bon dieu, pourquoi alors ne pas conseiller le port de gants ? C'est le meilleur moyen que vos doigts ne soient pas en contact direct avec la surface contaminée. Cela ne résout pas le problème du fait de toucher votre visage, même si avec des gants en caoutchouc, vous aurez moins envie de toucher votre visage pour vous gratter. Mais rien ne vous empêche de vous laver les mains AVEC vos gants. C'est ce que je fais quand je me rends quelque part. A la moindre occasion, je vais me laver les mains avec mes gants. Et quand je rentre chez moi, je commence par me laver les mains et les poignets avec mes gants. Une fois les gants bien nettoyés, j'enlève les gants. Puis je me lave les mains nues. Il me semble que c'est le degré de vigilance qu'il faut avoir.


En conclusion, portons des masques ! Portons des gants ! Si vous n'avez pas de masques chirurgicaux, portez un masque en tissu ! Si vous n'avez pas de masque en tissu, portez un foulard ou une écharpe ! Que les citoyens se mobilisent pour fabriquer des masques en tissu ! Que l’État se réveille et lance la fabrication de masques à vaste échelle. Si la fabrication de masques chirurgicaux n'est pas possible dans l'immédiat, mobilisez l'industrie textile pour qu'elle fabrique des masques en tissus à grande échelle. Vite ! Il y a urgence. Il y a des morts tous les jours ! Ce n'est plus le temps d'attendre.






Frédéric Leblanc, 
le 5 avril 2020.




1 « L’OMS continue dans sa recommandation absurde de dire que les masques ne sont pas nécessaires pour le grand public », tribune d'un collectif belge de scientifiques et médecins, dont Marc Wathelet, virologiste, spécialiste des coronavirus dans la Libre Belgique, 3 avril 2020.







































Liens utiles

(J'étoffe cette rubrique au fur et à mesure.
N'hésitez pas à me renseigner en commentaire
pour les études et informations intéressantes et pertinentes)



Mes articles où j'argumente plus en détail en faveur du masque chirurgical :




















Sur l'efficacité des masques :

« Coronavirus : les masques maison sont-ils efficaces ? », La Nutrition, le 17 mars 2020.

contre le Covid-19 ? », Ouest-France, le 19 mars 2020.

Docteur Pierre Jacques Raybaud, Coronavirus : je vous implore (lettre au président de la République), le 15 mars 2020.

Docteur Pierre Jacques Raybaud, Coronavirus : recommandation et inhalation, le 2 mars 2020.

Une interview où le docteur Pierre Jacques Raybaud explique sa position en faveur du port du masque :




« Pourquoi nous devrions tous porter des masques : il y a de nouvelles raisons scientifiques » du biologiste Sui Huang (en anglais), 27 mars 2020.


« L’OMS continue dans sa recommandation absurde de dire que les masques ne sont pas nécessaires pour le grand public », tribune d'un collectif belge de scientifiques et médecins, dont Marc Wathelet, virologiste, spécialiste des coronavirus dans la Libre Belgique, 3 avril 2020.

« Masques : mais de qui se moque-t-on ? », tribune de Serge Galam dans Libération du 2' mars 2020.


« Pandémie de Covid-19 : mesures barrières renforcées pendant le confinementet en phase de sortie de confinement », communiqué de Académie nationale de Médecine (France) du 2 avril 2020 qui appelle au port obligatoire du masque pour l'ensemble de la population.









Des études scientifiques sur l'efficacité des masques chirurgicaux et des masques en tissus artisanaux :





- Un site qui regroupe les articles scientifiques sur la question des masques :





Sur le fait de mentir délibérément à la population sur la prétendue « inutilité » des masques :
- Zeynep Tufepki, « Why Telling People They Don’t Need Masks Backfired » (Pourquoi dire aux gens qu'ils n'ont pas pas besoin de masque a provoqué un retour de flamme ), New York Times, 17 mars 2020.



Sur les différences culturelles concernant le port du masque :

- Dorothée Duchemin, « Grippe : pourquoi personne ou presque ne porte de masque en France », Slate, janvier 2019.

- Bruce Pedroletti, Le dénigrement du masque suscite la consternation en Asie, Le Monde, 21 mars 2020.






Sur le scandale honteux de la pénurie de masques en France

- Fabien Magnenou, « Coronavirus : pourquoi la France manque-t-elle de masque respiratoire ? », France Info, 19 mars 2020.



- Mediapart : « Masques : les preuves d'un mensonge d'Etat », 3 avril 2020.






Ce n'est pas mieux en Belgique :










Coudre un masque est un acte citoyen


Patron pour masque de soin en tissu (par le CHU de Grenoble)


































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