Grippe
ou apocalypse ?
Quelques
réflexions éparses sur le coronavirus
(1ère
partie)
Comme
tout le monde, je suis confronté à cette pandémie de coronavirus,
COVID-19 de son nom scientifique. Je voudrais ici commencer quelques
réflexions sur cette maladie qui se propage, sur la peur qu'elle
peut susciter, peur qui se propage encore plus vite que la virus
lui-même ainsi que sur les réactions individuelles ou sociétales à
ce problème.
D'abord,
quelques considérations sur la maladie elle-même. Précisons que je
ne suis pas médecin ou biologiste, encore moins un spécialiste de
la virologie et de l'immunologie ! Je ne suis qu'un simple
philosophe qui essaye de penser le monde avec un plus de sagesse. Je
vais donc me baser sur des articles scientifiques ou de vulgarisation
scientifique dont je mettrai la source. Avec un petit disclaimer
toutefois : certains articles datent de deux ou trois semaines,
voire du mois passé. Et du point de vue de l'évolution très rapide
des connaissances sur le virus SARS-COV-2 et la maladie qu'il
engendre un peu partout sur la surface du globe, c'est un peu comme
si je citais un grimoire d'alchimie du XIIème siècle !
N'hésitez donc pas à mentionner des sources plus récentes (et
pertinentes de préférence) dans les commentaires pour faire évoluer
la connaissance générale.
******
D'abord
une première idée reçue qui était encore très populaire jusque
la semaine passée. Le COVID-19 ne serait rien qu'une grippe un peu
balaise et qui, d'ailleurs, tue moins que la grippe saisonnière.
C'était une thèse que certains de mes élèves défendaient,
notamment pour justifier leur agacement devant le discours en boucle
autour la crise du coronavirus. Mais j'ai entendu aussi des
journalistes souscrire à cette idée comme certains de mes
collègues. Deux facteurs doivent nous empêcher de prendre tout
cette maladie à la légère : la létalité de cette maladie,
3,4% en moyenne dans la monde, en sachant que c'est une moyenne,
qu'il y une disparité importante entre les pays (0,7% en Corée du
Sud, plus de 4% en Italie) et que ce pourcentage est amené à
évoluer dans le temps puisqu'il est la division entre le nombre de
personnes décédées des suites à la maladie et le nombre total des
personnes infectées (saines, malades ou mortes depuis l'apparition
du mal) + le nombre de personnes guéries. Ces nombres évoluent de
jour en jour. D'un pays à l'autre, cela peut changer énormément :
par exemple, si on fait beaucoup de détections de personnes
infectées, la létalité risque mécaniquement de baisser comme il
semble que cela soit le cas en Allemagne1.
En comparaison, la létalité des grippes saisonnières varie de 0,1%
à 0,4%. Le coronavirus issu de Wuhan est donc bien nettement plus
dangereux.
Souvent,
on oppose à cet argument le nombre de morts plus élevé de la
grippe saisonnière. Ce n'est pas faux, mais il faut bien prendre en
considération qu'un très grand nombre de personnes sont touchées
par la grippe, car la grippe saisonnière ne fait pas l'objet de
mesures sanitaires comme cela peut être le cas avec le COVID-19 et
se développer sans contrainte au sein de la population. Dans un pays
comme la Belgique, 500 000 personnes sont touchées en moyenne par la
grippe saisonnière2.
Prenez la létalité de 0,1 à 0,4% de la grippe saisonnière, et
vous obtenez quelque chose comme 500 à 2000 morts chaque année en
Belgique. Et le COVID-19 n'est pas seulement plus mortel, et il se
répand aussi beaucoup plus vite dans la population. On parle du R(0)
de la maladie, le taux de reproduction de base, qui indique combien
de personnes va infecter un individu lui-même infecté. Le R(0) de
la grippe est 1,3 tandis que le R(0) du COVID-19 est de 2,2% 3.
Si on fait rien, c'est 850 000 de Belges qui risque d'être frappé
par l'actuel coronavirus, avec parmi 50 000 qui ne résisteraient pas
aux assauts de la maladie....
Quand
j'exposais ces chiffres à mes élèves pour leur montrer que le
coronavirus est effectivement plus dangereux que la grippe, certains
m'ont répondu que ce n'était là que des chiffres. Ce qui donne une
idée de la difficulté à penser la maladie. Le coronavirus frappe
la population en prenant les apparences de la grippe. On ne voit
aucun symptôme qui serait particulier à cette maladie. Au fond,
pour le grand public, la maladie n'existe de manière abstraite qu'au travers des rapports chiffrés.
Maintenant,
avec l'envolée des chiffres, on passe de la légèreté à la
panique totale. Et on a parfois l'impression à entendre certains que
cette maladie est un fléau qui va tout ravager sur son passage. Je
pense que ce n'est pas le cas. Je pense qu'il faut être vigilant à
l'évolution de la pandémie et prendre des mesures pour enrayer sa
progression, mais rien ne sert de paniquer outre-mesure. A l'heure
actuelle, vous avez plus de chance d'avoir un accident de voiture que
d'être terrassé par le coronavirus... On ne peut pas prédire
l'évolution de la maladie, mais je ne suis pas certain qu'il faille
être fondamentalement être pessimiste en la matière, même si on
peut craindre une mutation de la maladie comme ce fut le cas de la
grippe espagnole à la fin de la première guerre mondiale. Des
médicaments sont en train d'être élaborés, et des vaccins feront
tôt ou tard leur apparition. En attendant, lavez-vous les mains et
gardez vos distances !
Courage
et souhaits de longue vie !
Frédéric Leblanc,
18 mars 2020
1
« Coronavirus
: pourquoi le taux de mortalité est-il aussi faible en Allemagne
? », Mathilde Goupil, France Télévision, 18/03/2020.
2 Docteur
Philippe Devos, « Coronavirus,
le scénario du pire », La Libre Belgique, 2 mars
2020.
3 Toujours
d'après les chiffes du docteur Philippe Devos dans sa tribune :
« Coronavirus,
le scénario du pire »
Voir aussi ces articles de vulgarisation :
- David Louapre, "Épidémie, nuage radioactif et distanciation sociale", 12 mars 2020.
- Thibault Fiolet, "Coronavirus 2019-nCoV, taux de reproduction de base et létalité : comment évaluer les risques avec l’épidémiologie ?", 26 janvier 2020.
Voir aussi les autres parties de ces réflexions sur le coronavirus :
- Masque ou pas masque ?
- Restez chez vous, et si vous sortez, sortez masqué !
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