Tomber sept fois,
Se redresser huit.
Proverbe japonais
L'origine de se proverbe
est à chercher du côté de la figure très vénérée au Japon de
Daruma. Daruma est le nom japonais de Bodhidharma, le maître indien
de dhyâna (l'absorption méditative) qui est venu en Chine enseigner
le Dharma au monastère de Shaolin et qui est à l'origine de cette
branche du bouddhisme du Grand Véhicule qu'on appelle Chan en Chine
et Zen au Japon. Selon la légende, Bodhidharma serait resté neuf
ans absorbé dans sa méditation devant un mur du monastère de
Shaolin ; et ce faisant, il aurait perdu ses jambes et ses bras.
Ce qui fait qu'il est souvent représenté au Japon sous la forme
d'une figurine ovale en papier mâché qui a la particularité de se
redresser de lui-même quand on la bouscule, un peu comme les jouets
de culbuto chez nous. Dans les années '80, on appelait cela des
bidibulles. La figurine est lestée à sa base ; ce qui fait
qu'elle revient à la position debout quand on la renverse.
Ces figurines de Daruma
ont donc inspiré ce proverbe « Tomber sept fois, se relever
huit ». Il va à l'encontre du culte de la performance dans
laquelle la société actuelle nous emmène de gré ou de force.
L'important n'est pas de toujours être parfait et de tout réussir
du premier coup comme le management contemporain voudrait nous le
faire croire, mais savoir que les échecs et les fractures dans
l'existence font aussi partie d'une vie digne d'être vécue. Et
quand on est tombé, ne pas complaire dans sa détresse ou son
chagrin, mais tout faire pour se redresser. Et quand bien même, on
connaît à nouveau l'échec ou la défaite, ne toujours pas se
résigner, mais toujours avancer malgré les épreuves.
Il est intéressant de
comprendre ce proverbe en le mettant en perspective avec les
figurines de culbuto des Daruma. Le Daruma revient à la position
debout de lui-même. On pourrait interpréter ce proverbe japonais
« Tomber sept fois, se relever huit »
dans une optique très volontariste. Vous savez les gens qui vous
disent « Quand on veut, on peut ».... Mais la figurine de
Daruma n'a pas la volonté de se relever, elle se relève, voilà
tout. C'est ce qu'on appelle dans la pensée chinoise, le wuwei 無為,
le non-agir. Le non-agir ne fait pas appel à la volonté de
changer les choses en faisant effort, voire en faisant violence à
soi-même ou aux choses. Le non-agir s'abandonne à l'évolution
naturelle des choses, se laisser entraîner par le cours des choses.
Le non-agir laisse les choses se transformer spontanément
d'elle-même sans vouloir toujours intervenir et tout contrôler.
C'est une expérience fondamentale en méditation : on peut
définir le méditation comme une façon particulièrement active de
ne rien faire. Vous maintenez l'attention et vous ramener l'attention
quand celle-ci se disperse, mais vous n'essayez pas de contrôler ce
qui vous arrive : les émotions qui vous traversent, vos sautes
d'humeurs, les pensées de désespoir ou de noirceur qui habitent un
temps votre mental tout comme les nuages noirs peuvent occuper le
ciel quelques moments.
En fait, ces émotions
noires se déposent d'elles-mêmes dans la méditation. Elles perdent
de leur puissance et de leur emprise. L'esprit d'Éveil
les disperse comme le soleil disperse la brume matinale. Si votre
esprit est animé par l'enthousiasme, la joie profonde et la
bienveillance, alors votre mental qui était accablé se relève de
lui-même et se trouve à nouveau capable d'affronter les épreuves
de la vie. Souvent on présente le mental des grands méditants comme
une montagne ou un roc imperturbable ; mais ce n'est pas
nécessairement vrai, je peux avoir des humeurs sombres et être
sujet au désespoir, mais quand je médite et que je cultive les
quatre qualités incommensurables que sont la bienveillance, la
compassion, la joie et l'équanimité, alors les humeurs sombres
disparaissent d'elles-mêmes et le mental se régénère et se montre
à nouveau confiant et empli d'enthousiasme pour affronter les
difficultés de la vie.
J'avais
lu qu'il ne fallait pas plus d'une seconde pour que le sang se mette
à coaguler lorsqu'on se coupe. Notre corps a une capacité étonnante
à la guérison. Pareillement, notre esprit a aussi une capacité
étonnante à la guérison pour peu qu'on se libère des émotions
négatives et destructrices comme la colère, le ressentiment, le
désespoir, l'envie, le mépris... La méditation est vraiment le
lieu de cette transformation du mental. Il faut ne pas l'oublier.
Ajahn Chah |
Autre citation de Bodhidharma :
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