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mercredi 27 décembre 2017

Pour toi mon amour




Je suis allé au marché aux oiseaux
Et j'ai acheté des oiseaux
Pour toi
Mon amour

Je suis allé au marché aux fleurs
Et j'ai acheté des fleurs
Pour toi
Mon amour

Je suis allé au marché à la ferraille
Et j'ai acheté des chaînes, de lourdes chaînes
Pour toi
Mon amour

Et puis, je suis allé au marché aux esclaves
Et je t'ai cherchée
Mais je ne t'ai pas trouvée
Mon amour



Jacques Prévert, Paroles, 1946.



dimanche 24 décembre 2017

Joyeux Noël




Bonsoir,


     Je voudrais souhaiter à tout le monde un joyeux Noël et de très bonnes fêtes. Plein de joie et de bonheur, si possible sans foie gras et sans cruauté à l'égard des animaux. Amusez-vous, riez, partagez, soyez heureux.


     Il est vrai que les fêtes ne sont pas toujours un moment de bonheur pour beaucoup de gens qui sont seuls ou qui se sentent abandonnés. Armistead Maupin disait d'ailleurs à ce sujet : « Noël est une conspiration pour bien faire sentir aux célibataires qu'ils sont seuls ». À tous ceux-là, à tous ceux qui ont le cafard en cette veille de Noël, à tous ceux qui voient les choses en noir, à tous ceux qui sont malades ou blessés, à tous ceux qui passent les fêtes de Noël sur un lit d'hôpital, à tous ceux qui sont dans la rue, à tous qui ont froid, à tous ceux qui ont faim, à tous ceux qui ont un peur dans un camp de réfugié ou dans une ville en état de guerre, à tous ceux-là, j'ai une pensée de compassion. Puissiez-vous être libérés de toute souffrance, de toute peur, de tout inconfort ! Puissiez-vous voir la lumière dans la nuit obscure, puissiez-vous retrouver le réconfort ! Que ce monde ait un plus de chaleur humaine et de fraternité à offrir !


     Une pensée émue aussi pour tous ceux qui doivent endurer leur belle-mère insupportable lors de ce réveillon de Noël ou les discours du vieil oncle raciste. Une pensée pour tous ceux qui voudraient être ailleurs, ceux pour qui l'ambiance est un peu lourde, ceux qui en ont marre des fêtes, ceux qui s'ennuient, ceux qui font attention à leur ligne et qui voient les calories défiler à l'apéro, à l'entrée, aux plats de résistances, au dessert, à ceux qui sont saouls et qui auront demain une gueule de bois, à ceux qui sont saouls et qui feraient mieux de ne pas reprendre le volant ! Que ce moment de fête soit vraiment un moment de fête, et s'il ne l'est vraiment pas, rappelez-vous ce que le Bouddha a dit à propos de l'impermanence !


      Enfin, je me rappelle qu'on m'a souvent dit que le jour de Noël et le jour de l'an étaient les jours des hypocrites, parce que tout le monde souhaite « Joyeux Noël ! Bonne année ! » à des gens qu'ils n'apprécient pas nécessairement, avec qui ils sont en froid ou qu'ils détestent même cordialement. Je ne suis pas d'accord. Il y a quelque chose d'essentiel de souhaiter de bonnes choses, même aux gens que l'on n'aime pas nécessairement. Dans la philosophie bouddhique, on parle de l'esprit d’Éveil, bodhicitta en sanskrit. Cet esprit d’Éveil s'étend à tout le monde, y compris à nos pires ennemis ou aux gens qui nous semblent méprisables. Il y a un moment où il faut pouvoir dépasser ses haines et ses aversions. Souhaiter le bien même aux gens avec qui on est en conflit, ce n'est pas de l'hypocrisie, c'est planter des graines pour la paix future, pour l'entente et la concorde à venir. Et il faut s'exercer à cet esprit d’Éveil le plus souvent possible. Que tous les êtres soient heureux et qu'ils soient libérés de toute souffrance !


     Comme le Bouddha le dit dans le Soûtra de l'Amour (Metta Sutta) :

« Que tous les êtres soient heureux.
Qu’ils soient en joie et en sûreté.
Tout être vivant, faible ou forte, élevé
Moyen ou bas, petit ou grand, visible ou invisible,
Près ou loin, né ou à naître,
Que tous ces êtres soient heureux.


Que nul ne déçoive un autre ni ne méprise aucun être
Si peu que ce soit.
Que nul, par colère ou par haine, ne souhaite du mal à un autre.


Ainsi qu’une mère au péril de sa vie,
surveille et protège son unique enfant,
Ainsi, avec un esprit sans entrave
doit-on chérir toute chose vivante,
aimer le monde en son entier,
Au dessus, au dessous, et tout autour, sans limitation
Avec une bonté bienveillante et infinie. »




jeudi 21 décembre 2017

Le professeur et le sage



Le professeur et le sage
Julos Beaucarne







Un professeur éminent des philosophies va rendre visite à un sage tout au bout de la montagne

Et dès qu'il le voit, à peine lui a-t-il dit bonjour, il lui parle à n'en plus finir de toutes les philosophies, du bien, du mal, de la vie, de la mort, des alentours de Dieu, de l'enfer, du purgatoire, des anges déchus, des Angeles, des engelures, des angelots, du nirvana, de Mahomet et de Bouddha.

Il y a deux tasses sur la table et le sage, tout en l'écoutant, sert le thé
Mais la tasse du philosophe déborde et le sage n'arrête pas pour autant de verser.

Voyant ça, le professeur éminent arrête son discours et lui dit avec un léger agacement
« Mais vous ne voyez donc pas que la tasse déborde ? »

« Elle est comme vous, dit le sage, elle est tellement pleine qu'on ne peut plus rien y ajouter.
Vous êtes tellement rempli que vous ne pouvez plus écouter ».


Julos Beaucarne, album « Tours, temples et pagodes post-industriels », 1993.

mardi 19 décembre 2017

Grimpe en douceur



Grimpe en douceur
Petit escargot
Tu es sur le mont Fuji !

Kobayashi Issa (小林 一茶, 1763 – 1828)


lundi 11 décembre 2017

Kobayashi Issa et les papillons




     Dans un précédent article sur la figure du papillon dans la philosophie et la spiritualité, j'avais évoqué un haïku du poète japonais Kobayashi Issa (小林 一茶, 1763 – 1828). Mais la figure du papillon se manifeste dans d'autres haïkus de ce maître. En voici deux occurrences.



Le papillon bat des ailes
Comme s'il désespérait
De ce monde.



      Dans un monde absurde où l'on a souvent l'impression que les choses ne peuvent aller mieux, que rien ne changera, ou alors en pire, y a-t-il une grâce de l'effort ? Comme le papillon qui s'acharne à battre frénétiquement des ailes pour amener de ci, de là sa beauté colorée au monde. Que le monde soit absurde et qu'il n'apporte aucun espoir, est-ce une raison pour se laisser à la veulerie et à la vulgarité ? Ne devons-nous pas insuffler quelques instants fragiles de beauté à ce monde ?





Francis Bruguière, Au-delà de ce point, 1929






*****




Couvert de papillons
L'arbre mort
Est en fleurs !



     J'aime beaucoup ce moment de contemplation. Cette juxtaposition de la vie et de la mort dans une image frappante. Cela nous aide à rappeler que, dans la nature, la vie n'est pas l'opposé de la mort, mais que tout n'est que transformation de l'un vers l'autre : la vie se transforme inévitablement en mort, mais la mort des êtres organiques permet à d'autres êtres organiques de se développer et de se propager dans le monde.



mercredi 6 décembre 2017

S'habituer






      En tibétain, méditer se dit par le mot « gompa » (sgom pa) qui signifie littéralement « habituer ». L'idée est que la méditation consiste à s'habituer à un autre mode de pensée, de comportement et de concentration de l'esprit. Mais s'habituer à quoi exactement, voilà l'objet de cet article. En fait, s'habituer dans le contexte de la méditation signifie plusieurs choses, des choses qui peuvent très différentes les unes des autres, voire qui peuvent sembler contradictoires. Et c'est ces différentes significations et implications, parfois contradictoires, mais toujours complémentaires de ce processus d'habituation qu'est la méditation que je voudrais aborder ici.