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jeudi 19 juillet 2018

Hédonisme et eudémonisme - 2ème partie




Hédonisme et eudémonisme


(Seconde partie)



Voir la première partie de cet article




       Je réagis ici à la seconde partie d'un article de Matthieu Ricard intitulé « Hédonisme et eudémonisme, plaisir et bonheur : la grande confusion ». Tout comme la première partie, je suis d'accord avec le fond de l'article : différencier la recherche du plaisir et la recherche du bonheur, et mettre la priorité sur le bonheur. Ma seule réticence est que le contraste opéré par Matthieu Ricard me semble un peu trop caricatural. Dans la première partie, j'avais expliqué que l'hédonisme est multiple et ne se réduit pas à la recherche aveugle et effrénée du plaisir. J'avais distingué plusieurs formes de l'hédonisme : hédonisme consumériste, hédonisme festif, hédonisme sportif et enfin l'hédonisme du philosophe Épicure qui me paraît évidemment beaucoup plus pertinente que les autres formes de l'hédonisme. Pareillement pour cette seconde partie, Matthieu Ricard ne parle que d'une forme d'eudémonisme : un eudémonisme aux colorations très nettement bouddhistes. Même s'il ne le dit pas clairement, on devine, ne serait-ce qu'avec les termes employés, que c'est de l'eudémonisme bouddhiste dont il veut parler.

samedi 14 juillet 2018

Attraper la lune dans l'eau





Le singe veut attraper la lune dans l'eau.
Tant que la mort n'aura pas eu raison de lui,
il s'obstinera.
Que ne lâche-t-il la branche
et ne disparaît-il dans l'étang profond:
Le monde entier resplendirait d'une clarté éblouissante!

Hakuin Ekaku, maître zen, XVIIIème siècle


vendredi 13 juillet 2018

Bon végane, méchant végane




Bon végane, méchant végane




     Un reproche que les détracteurs de la cause végane adressent souvent aux véganes, c'est d'être des extrémistes qui tiennent absolument à imposer leur régime alimentaire alors que, eux, les mangeurs de viande laissent libres les véganes de manger comme ils en ont envie (ils ne manqueraient plus que ça, qu'ils nous imposent de manger leur viande!). Puis, très souvent, ils font une différence entre les véganes : ceux qui les laissent tranquilles et ceux qui viennent les importuner avec leur prosélytisme, leurs manifestations spectaculaires, leurs photos et leurs vidéos d'abattoirs et d'élevages industriels.


     Il y a certes des véganes qui sont plus ou moins communicatifs dans leur envie de convertir les gens au véganisme ; il y a des véganes qui sont plus ou moins envahissants avec des slogans, des vidéos et des photos en faveur de la libération animale qu'ils postent sur leurs réseaux sociaux ; il y a des véganes qui sont agressifs dans les débats, d'autres plus tolérants ; il y a des véganes particulièrement intransigeants, d'autres plus accommodants. Mais par contre, je suis contre le fait de classer les véganes selon leur propension au prosélytisme et le fait de laisser tranquille les mangeurs de viande.


         Pour moi, il y a dans le véganisme une aspiration à ce que tout le monde devienne végane. C'est inhérent à l'idéologie qui sous-tend ce style d'alimentation et de consommation. Cela n'a aucun sens que vous restiez tout seul au monde à être végane. En soi, c'est très bien d'être un végane. Mais si vous êtes tout seul au monde à avoir une alimentation et une consommation libérées de toute de cruauté envers les animaux, vous ne faites pas avancer d'un iota la cause concrète des animaux. Le véganisme n'a de sens que si une large partie de la population adopte le véganisme et, à défaut de cet idéal, réduit drastiquement sa consommation de produits animaux. C'est pourquoi le véganisme porte en lui le prosélytisme et l'envie de convaincre du bien-fondé du véganisme.


       Les mangeurs de viande voudraient pourtant qu'on les laisse tranquilles : « Vous mangez ce que vous voulez tant que vous ne m'obligez pas à adopter votre régime alimentaire et que vous me laissez libre de manger mon bout de viande ». C'est un peu le contrat que les défenseurs de la viande voudraient faire signer aux véganes. Mais ce n'est pas possible. Cela reviendrait à admettre que les régimes carnés et comportant des produits animaux équivaudrait à un régime végétal. Ce n'est pas une question de choix ou une question de goût, mais c'est une question éthique qui se joue là. Ce n'est pas comme si on faisait l'apologie d'un régime uniquement à base de pizzas. Il n'y a pas plus de raison éthique de privilégier les pizzas aux frites ou aux épinards. Donc en face d'un activiste qui voudrait un régime à base de pizzas, les mangeurs de frites et d'épinard pourraient légitimement se sentir importunés par ce prosélytisme envahissant : « Mangez vos pizzas, mais laissez-moi manger mes frites ou mes épinards! Que chacun fasse comme il a envie ! »


        Mais face à un végane, il faut répondre à la question : « Est-il légitime de manger de la viande et des produits animaux ? Est-il moral pour les êtres humains d'exploiter les animaux ? » Les véganes répondant non à ces deux questions, il est moral et légitime de convaincre le reste de la société et d'essayer de changer cette société, de lui apporter un progrès moral. On ne peut pas dire : « Non, il n'est pas légitime de se nourrir du cadavre des animaux, il n'est moral d'exploiter honteusement les animaux » et ne rien faire pour changer cette injustice. Si vous voyez quelqu'un se faire assassiner dans la rue et que vous désapprouvez moralement ce meurtre du fond de votre cœur, il semblerait étrange de ne rien faire pour essayer de sauver la victime et ne pas avertir les forces de l'ordre. Ce serait un cas de non-assistance à une personne en danger. Face à toutes ces victimes innocentes que sont les animaux confrontés à la cruauté humaine, un végane se doit de faire l'apologie du véganisme, même si cela ne plaît pas à ceux qui sont culpabilisés et remis en question dans leur habitude alimentaire.




Frédéric Leblanc
12 juillet 2018






mardi 10 juillet 2018

C'est beaucoup et c’est l’ombre d’un rêve





Ne dites pas : la vie est un joyeux festin ;
Ou c’est d’un esprit sot ou c’est d’une âme basse.
Surtout ne dites point : elle est malheur sans fin ;
C’est d’un mauvais courage et qui trop tôt se lasse.

Riez comme au printemps s’agitent les rameaux,
Pleurez comme la bise ou le flot sur la grève,
Goûtez tous les plaisirs et souffrez tous les maux ;
Et dites : c’est beaucoup et c’est l’ombre d’un rêve.


Jean Moréas, Les Stances, 1899.

dimanche 8 juillet 2018

Dégradations de vitrines







     Dernièrement, dans la rubrique des faits divers dans les journaux français ont figuré quelques faits de dégradations à l'encontre de boucherie ou de restaurants cuisinant principalement de la viande. Ces faits de dégradation et de vandalisme ont été commis par des personnes se revendiquant du véganisme et de l'antispécisme et consistent principalement en des tags et des slogans condamnant le spécisme et l'exploitation des animaux, par de la peinture rouge jeté à la façade de ces bâtiments et par des bris de vitrine.

vendredi 6 juillet 2018

La délivrance





La délivrance


Soûtra du Nirvāna - Nibbāna Sutta

Udana, VIII, 3.




      Ainsi ai-je entendu. Le Bienheureux séjournait alors dans le parc d'Anāthapindika, dans le bois de Jeta près de Sāvatthi. En cette occasion, le Bienheureux instruisit, conseilla, stimula et encouragea les moines avec des enseignements du Dharma tournant autour de la délivrance. Les moines, réceptifs, ouverts, se focalisant de manière soutenue et prêtant une oreille attentive.

     En en réalisant toute la signification, le Bienheureux à cette occasion s'exclama :

     «  Il y a, ô disciples, un non-né, un non-créé, un non-devenu et un non-composé.

       S'il n'y avait pas ce non-né, ce non-créé, ce non-devenu, ce non-composé, il n'y aurait pas de délivrance de ce monde pour ce qui est né, créé, devenu et composé.


        Mais puisque, ô disciples, il y a le non-né, le non-créé, le non-devenu et le non-composé, il peut y avoir une délivrance pour ce qui est né, créé, devenu et composé »



jeudi 5 juillet 2018

Hédonisme et eudémonisme




Hédonisme et eudémonisme



       Je viens de lire un article de Matthieu Ricard daté du 3 juillet 2018 et intitulé : « Hédonisme et eudémonisme, bonheur et plaisir : la grande confusion » (c'est la première partie, j'imagine que la seconde sera publiée les jours qui viennent). Matthieu Ricard y oppose l'hédonisme et l'eudémonisme, en donnant clairement le mauvais rôle à l'hédonisme et en faisant l'apologie de l'eudémonisme. Rappelons que l'hédonisme est une doctrine philosophique pour qui le plaisir est le souverain bien (le bien le plus important de tous) - hédoné en grec ancien signifiant simplement plaisir – tandis que l'eudémonisme est la doctrine philosophique pour qui le souverain bien est le bonheur – eudaimôn en grec signifiant bonheur.

mercredi 4 juillet 2018

Transcendance et rationalité - 1ère partie





Transcendance et rationalité

1ère partie



    Je voudrais revenir ici sur certaines réflexions et commentaires suscités par l'article « Laisser tomber les divinités bouddhiques? » où j'exposais certaines thèses de Stephen Batchelor sur ce que devrait être le bouddhisme selon lui : une philosophie qui devrait abandonner toute notion de transcendance ainsi que la vénération religieuse pour les panthéons des divinités bouddhiques.


dimanche 1 juillet 2018

Le contemporain des roses





Été :
Être pour quelques jours
le contemporain des roses ;
respirer ce qui flotte autour
de leurs âmes écloses.


Faire de chacune qui se meurt
une confidente,
et survivre à cette sœur
en d'autres roses absente.



Rainer Maria Rilke, Les Roses, XIV, 1924.