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mercredi 17 mai 2017

La Sangha des Êtres Nobles et nous







La Sangha des Êtres Nobles et nous






     Quand on devient bouddhiste, on prend refuge dans le Bouddha, dans le Dharma et dans la Sangha. En fait, quand on est bouddhiste, on prend aussi refuge dans le Bouddha, dans le Dharma et dans la Sangha le plus souvent possible. Le Bouddha est à la fois la personne qui a initié le mouvement bouddhiste il y a deux mille cinq cents ans, et l'incarnation du but à atteindre, le Plein Éveil du sommeil de l'illusion. Le Dharma est la Voie du Bouddha qui conduit à devenir cet être pleinement éveillé. La Sangha est un mot sanskrit qui signifie « communauté ». Dans le contexte bouddhique, ce terme recouvre deux notions distinctes que l'on a souvent malheureusement tendance à confondre. Le terme Sangha peut soit désigner la communauté des bouddhistes (parfois tous les bouddhistes, parfois une communauté plus restreinte de bouddhistes avec une identité ou une localisation plus précise), soit la communauté des Êtres Nobles.


      Qu'est-ce qu'un Être Noble dans le contexte de la philosophie bouddhique ? C'est un individu qui est parvenu ou qui va parvenir à un des quatre fruits de la pratique spirituelle. Ces quatre fruits tels qu'on les énonce dans les soûtras du canon pâli sont l'Entrée dans la Courant, le Retour Unique, le Non-Retour et l'état d'Arahant. L'Entrée dans le Courant correspond à un état où tout notre être tend naturellement vers le Dharma. Il n'y a plus d'effort à faire pour se tourner vers la pratique du Dharma. On a spontanément envie d'adopter une conduite de vie juste, d'apaiser l'esprit dans la méditation et rechercher la Sagesse. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura plus effort à accomplir sur la Voie, mais au cours des existences, notre être sera spontanément attiré vers l'un ou l'autre des aspects de la pratique du Dharma, si ce n'est tous les aspects, et ce même si il évolue dans un milieu ou un territoire où l'enseignement du Bouddha est absent.

      Le Retour Unique est l'état d'un individu qui n'a plus qu'une existence à vivre en ce monde avant d'être éveillé. Le Non-Retour désigne l'état d'un individu qui n'aura plus à renaître dans ce monde souffrances : il renaîtra dans un monde divin pour y connaître le plein Éveil d'un Bouddha. L'Arahant enfin s'est libéré dans cet existence même et à accès en méditation à la sphère de cessation des sensations et des perceptions, le Nirvāna. Quand il sort de cette absorption méditative, son corps est encore sujet à la douleur et à l'inconfort, mais son esprit est complètement libéré de tout attachement à la souffrance.

        Un Être Noble est donc quelqu'un qui a donc atteint un de ces quatre fruits du cheminement bouddhique ou est en passe de l'atteindre. Dans cette Sangha que l'on prend refuge. Les Soûtras définissent cette Sangha des Êtres Nobles de la manière suivante : « Je suis pourvu d'une confiance sereine dans la Communauté des Disciples du Bienheureux qui est de conduite pure, la Communauté des Disciples du Bienheureux qui est de conduite droite, la Communauté des Disciples du Bienheureux qui est de conduite correcte, la Communauté des Disciples du Bienheureux qui est de conduite bienséante ; ce sont en fait les quatre paires d'êtres, les huit êtres. Telle est la Communauté des Disciples du Bienheureux digne des offrandes, digne d'hospitalité, digne de respect, le plus grand champ de mérite pour le monde ». 

       On parle d'êtres qui ont écouté l'enseignement du Bouddha et l'ont mis en pratiqué assidûment. Ils se sont approchés de la perfection en développant la compassion, la bienveillance, le calme mentale, la vision pénétrante, le détachement et toutes sortes d'autres qualités morales et spirituelles. Ils sont un refuge pour nous parce qu'ils font le pont entre nous et le Bouddha. Ils ont atteint un de ces quatre étapes décisives de la libération (Entrée dans le Courant, Retour Unique, Non-Retour et état d'Arahant) ou vont l'atteindre de manière imminente : c'est pourquoi le texte parle de quatre paires d'êtres, huit types d'êtres au total, proches de la libération définitive de la bouddhéité ou demeurant dans cette liberté absolue de l’Éveil. Cette Sangha des Êtres Nobles, cette Communauté des Grands Disciples du Bouddha est aussi un champ de mérites pour le monde, le lieu de propagation du Dharma, comme une onde bienveillante qui partirait de ce point central qu'est le Bouddha pour répandre ses bienfaits à travers le monde.

         C'est dans cette Sangha des Êtres Nobles que l'on prend refuge, et pas dans la sangha des simples bouddhistes. C'est important de le comprendre parce que les bouddhistes de base sont des gens normaux qui peuvent avoir plein de défauts. Beaucoup d'entre eux ne cherchent pas vraiment à s'améliorer. Ils se sentent attachés au Dharma du Bouddha pour des raisons de tradition familiale ou parce que la culture de leur pays se veut bouddhiste comme en Thaïlande, au Tibet ou en Birmanie, mais cela ne veut pas dire qu'ils mettent en œuvre le véritable processus de transformation intérieure, et même quand ils cherchent à s'améliorer authentiquement, cela ne veut pas dire pour autant qu'ils parviennent à des hauts états spirituels. Il peut subsister en eux de profonds sentiments de colère ou d'avidité. Ils peuvent s'avérer incapable de dépasser certains défauts et ne se montrent pas toujours à la hauteur des idéaux bouddhiques. On aurait bien tort de leur jeter la pierre puisque nous-mêmes, nous sommes aussi pleins de défauts !

         La sangha des êtres ordinaires est un lieu important, parce que c'est grâce à elle qu'on peut accéder aux enseignements du Bouddha. Mais il est important de ne pas idéaliser outre mesure cette communauté d'êtres imparfaits, de bien faire la distinction entre Sangha des Êtres Nobles et la sangha du bouddhiste moyen avec ses qualités, mais aussi ses défauts. Le bouddhiste moyen prend refuge dans le Bouddha, le Dharma et la Sangha des Grands Disciples précisément pour entreprendre de sortir de sa condition imparfaite. On ne doit donc pas s'attendre à trouver dans les différents centres bouddhistes des ligues de personnes extraordinaires. Et on ne doit pas fantasmer sur les pays bouddhistes comme des terres de grande sérénité et des sociétés parfaites. Je pense en particulier sur le Tibet sur lequel les Occidentaux fantasment depuis fort longtemps comme la terre de Shangri La ou le royaume de Shambala ! Mais les Tibétains n'ont rien de demi-dieux ! Ce sont des êtres humains avec leurs qualités et leurs défauts, et avec une société aux rapports sociaux parfois injustes et violents.

       Je pense que si on veut penser efficacement la sangha actuelle comme un lieu efficace de propagation du Dharma et du bien-être pour le plus grand nombre possibles d'êtres sentients, il faut partir de la sangha réelle et de réfléchir à l'aune de la Sangha des Êtres Nobles, mais sans confondre les deux. Il faut proposer des choses en sachant que les personnes qui composent la communauté bouddhiste peut rechercher des buts mondains comme le plaisir, la réputation, le succès et le pouvoir, même si, dans le discours, ils prétendent rechercher les buts élevés du Dharma uniquement.

         Souvent, cette distinction entre Sangha des Êtres Nobles et sangha des êtres ordinaires n'est pas faite, soit par naïveté, soit carrément dans une volonté politique d'assouvir son pouvoir. Si les autorités religieuses définissent la sangha actuelle comme la Sangha dans laquelle on prend refuge, on peut beaucoup plus facilement faire taire toute critique et toute contestation. Celui qui se met à accuser de telle ou telle mauvaise pratique est tout de suite accusé de fomenter un schisme au sein de la Sangha !


      Bien entendu qu'il peut exister des critiques malveillantes, mais toutes les critiques ne sont pas inutiles. Au contraire, critiquer les mauvais agissements de tel ou tel moine ou de tel ou tel pratiquant est fondamental pour résoudre des problèmes qui peuvent devenir catastrophique pour la sangha. Pareillement, mettre le doigt sur tel ou tel dysfonctionnement d'un groupe de bouddhistes ou d'une école bouddhique peut empêcher que les choses n'empirent gravement. En Birmanie, il est interdit sous peine de prison de critiquer un moine bouddhiste. C'est injuste, et en plus tard, cela ne sert absolument pas le Dharma ! Que du contraire ! Cela permet à des individus haineux comme le moine Wiratthu de répandre son message violent et raciste, contraires aux enseignements d'amour bienveillant du Bouddha. Dans le Tibet féodal, l'obsession des lamas étaient d'avoir un pignon en or en haut de leur temple non pour de quelconques raisons spirituelles, mais parce que cela flattait leur avidité de renommée et leur avancement dans la hiérarchie sociale et politique. Il aurait mieux valu garder cet or pour le donner aux pauvres ou procurer des vivres aux humbles yogis qui, eux, font vraiment avancer le Dharma !  























Voir aussi : 













À propos de la Birmanie :









Sur la situation de la communauté musulmane Rohingya, voir notamment sur le site d'Arte : « La malédiction des Rohingyas »


Voir aussi le site Info-Birmanie et sa page Facebook pour de plus amples informations sur la situation politique du pays.






















Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la philosophie bouddhique ici.


Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.






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