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mercredi 1 novembre 2017

Qui est un porc ?





      Nous attendions le train sur une terrasse de café devant la gare, moi et mon meilleur ami de l'adolescence. Le père de mon ami nous avait offert à boire et attendait avec nous sur cette terrasse. Il avait une idée fixe en tête. Nous devions rejoindre des amis et amies de notre âge pour un week-end à la campagne. Le père de mon ami tenait absolument à ce que son fils achète des préservatifs dans une pharmacie. Il nous a donné de l'argent et nous a obligé à aller acheter les préservatifs. Il ne nous a pas lâché d'une semelle tant que cela n'a pas été fait. Nous avions beau lui expliquer que le but n'était pas de faire de ce week-end une partouze, il n'en démordait pas. Il fallait absolument avoir à notre disposition les préservatifs, parce que, lui, savait pertinemment ce que nous allions faire. Il a ajouté : « On dit qu'en tout homme sommeille un porc. Eh bien, c'est FAUX ! Le porc, en tout homme, est bien réveillé ! »


        Je me suis rappelé cette petite anecdote la semaine passée avec les histoires peu ragoûtante d'Harvey Weinstein et surtout le hashtag #balancetonporc qui s'en est suivi. Ce hashtag a fait couler beaucoup d'encres. Les femmes y sont incitées à dénoncer tous les agressions ou harcèlements à caractère sexuel qu'elles ont subies. On a beaucoup reproché au milieu hollywoodien de n'avoir rien dit des agissements d'Harvey Weinstein par peur des mesures de représailles que ce dernier aurait pu prendre à l'encontre d'une jeune actrice qui aurait brisé l'omerta et qui aurait perdu toute chance de poursuivre sa carrière cinématographique. Le hashtag #balancetonporc ainsi que celui de #metoo (#moiaussi) appelle à briser le silence autour des méfaits des hommes à l'encontre de la gente féminine. Que ce silence ne profite plus à ceux qui ne respectent pas le consentement des femmes.




      Ce hashtag #balancetonporc a suscité toutes sortes de réactions trop nombreuses pour être citées ici. Il suscite aussi certaines inquiétudes ou critiques. Le philosophe Raphaël Enthoven a ainsi craint que cet appel à « balancer » ne conduise à des dérapages et a rappelé que Twitter n'est pas un tribunal populaire. Il lui a vertement été répondu que le problème dans la formule #balancetonporc, ce n'était pas du tout de balancer, mais bien le porc. Eric Zemmour avec son sens habituel de la nuance comparait ce hashtag aux corbeaux qui envoyait des lettres anonymes à la Gestapo pour dénoncer des Juifs. Fini les corbeaux, vive les corneilles ! Le journaliste Aymeric Caron, lui, regrettait l'expression spéciste « porc » pour désigner un pervers ou un violeur. Ce n'est pas très gentil envers le porc qui, en réalité, n'est pas un être foncièrement sale : s'il se roule dans la boue, c'est juste pour échapper à la chaleur, le porc ne pouvant suer comme les humains le font pour empêcher une augmentation excessive de la température corporelle.


           Personnellement, ce n'est pas ce qui me dérange dans ces hashtags. Ce qui me dérange, c'est la dénonciation intrinsèque de tous les hommes vus comme des porcs, et pas seulement du comportement répréhensible de certains hommes. Les hommes devraient s'excuser d'être des hommes. La semaine passée, comme pour confirmer mes craintes, je suis tombé sur cette intervention de l'universitaire belge Francois Gémenne à la radio de la RTBF. François Gémenne y fait son mea culpa dans la plus pure tradition chrétienne : « Je crois qu'il faut que nous prenions conscience de notre responsabilité pour toutes les fois où nous, les hommes, avons rabaissé, dévalorisé les femmes simplement parce qu'elles étaient des femmes ». Et comme premier exemple de cet acte de contrition, Gemenne prend pour exemple : « Est-ce qu'il ne m'est pas arrivé de regarder des femmes dans le décolleté plutôt que dans les yeux alors qu'elle me parlait ? Certainement ! » Mais en quoi avoir le regard irrésistiblement attiré vers le décolleté d'une dame ou d'une demoiselle fait de nous des prédateurs sexuels ? En quoi est-ce tout simplement un mal ? En rien, sauf à considérer la libido masculine comme un péché, peut-être même le péché originel de la gente masculine dans la plus pure tradition chrétienne. C'est là où le féminisme retrouve des réflexes anciens de condamnation du corps et d'enfermement de la pulsion sexuelle tels qu'ils ont pu exister dans le christianisme.


           Et il faudrait de nouveaux curés de la cause matriarcale qui viennent se confesser publiquement de leurs péchés de virilité : « Ah oui, j'ai eu le regard attiré par la jolie poitrine de telle ou telle femme. Quel porc, je suis ! Mea culpa, mea maxima culpa ! » Mais vraiment, est-ce qu'on a envie de ça ? Est-ce qu'en premier lieu les femmes ont envie de ça ? Des hommes qui se sentent coupables d'être des hommes et qui détournent leur regard des décolletés trop plongeants, des Tartuffes qui n'osent même plus dire : « Cachez-moi ce sein que je ne saurai voir » simplement parce qu'il serait trop sexiste aujourd'hui d'exiger des femmes qu'elles changent leur tenue ? Parce que bon, tout de même, si décolletés il y a, c'est quand même pour mettre en valeur les seins et attirer les regard, non ?


     Le désir est une affaire complexe. Mais c'est une conception complètement machiste des choses de penser que seuls les hommes sont mus par le désir. Que l'homme est le prédateur et la femme la proie. A priori, je ne m'avance pas trop en disant que les femmes aussi éprouvent le désir sexuel. Peut-être pas exactement de la même manière que les hommes, et peut-être pas avec le même rythme, mais certainement pas de manière moins intense !


    En jetant l'opprobre sur tous les hommes et leurs obsessions libidineuses, on passe à côté du réel problème : le moment où ce désir sexuel se mue en agressivité sexuelle, en rabaissement de l'autre, en manque de respect et la volonté de dominer complètement l'autre, notamment par le viol. Dans le cas du désir sexuel, on veut jouir de l'autre ou jouir avec l'autre, dans le second cas, on veut se l'approprier ou le détruire. Il n'y a là qu'un désir malveillant de puissance sur l'autre.


        La prédation sexuelle est forcément liée à la sexualité ; mais la sexualité ne se réduit pas à la prédation. La prédation prend l'opportunité de la sexualité pour accomplir son méfait simplement parce que nous, hommes et femmes, sommes plus fragiles dans la sexualité. Plus fragile physiquement, mais aussi psychologiquement. La prédation et la domination peuvent avoir lieu sur le lieu de travail, dans la rue ou ailleurs, mais la sexualité est un champ particulier de cette prédation et domination du fait de la proximité, du relatif isolement et de la volonté de satisfaire un désir impérieux. Pour autant, la sexualité ne se résume pas à cette agression caractérisée. C'est ce que font pourtant les féministes radicales quand elles assimilent systématiquement la sexualité masculine (et seulement la sexualité masculine) à une forme d'agression. Comme l'écrivaine Nancy Huston qui dit dans les pages du Monde du 29 octobre 2017 : « L’érection est le principal problème de l’humanité depuis la nuit des temps. Toutes les religions ont su qu’il était indispensable de la gérer ». Si l'érection était à ce point un problème, il est probable que Nancy Huston n'existerait simplement pas à l'heure actuelle. Je ne sais pas si je dois rappeler les notions élémentaires de la conception des bébés dans ces lignes...


          Toujours est-il qu'on retrouve cette configuration judéo-chrétienne à l’œuvre : la culpabilisation et la rédemption qui viendrait d'une soumission à l'autorité morale : l’Église hier, les collectifs féministes aujourd'hui qui dictent dogmatiquement ce qui est bien et ce qui est mal, indépendamment de ce que peuvent penser tant les hommes que les femmes. Autre parallèle avec la pensée chrétienne : l'existence d'un péché originel, non pas cette fois du fait de la gourmandise d'Ève envers les pommes, mais du fait de la propension des hommes à connaître une érection. Ce péché originel fait de tous les hommes (même les gentils, même les plus respectueux) des salauds, des prédateurs, en un mot : des porcs. Et il convient aujourd'hui dénoncer tous ces porcs, et plus important de se déclarer « victimes » de ces porcs, #metoo, #moiaussi. Nouvelle religion héritière directe de la tradition judéo-chrétienne qui condamne les hommes sans appel, appelle à leur repentance, mais contrairement à la doctrine chrétienne n'accorde aucun pardon.


          C'est problématique parce que tous les hommes sont des salauds, les véritables salauds comme Harvey Weinstein échapperont à l'opprobre publique, englobés qu'ils seront par l'opprobre de tous les hommes. Les violeurs, les agresseurs et les mecs répugnants qui n'éprouvaient déjà aucune culpabilité seront même renforcés au milieu d'hommes affaiblis, complètement paralysés par leur culpabilité. Ils auront encore plus le champ libre pour accomplir leurs méfaits.


       Personnellement, je suis complètement contre cette culpabilisation a priori des individus mâles. Je suis évidemment pour culpabiliser tous ceux (et toutes celles aussi) qui commettent des actes négatifs et nuisibles à autrui. Parfois cette condamnation sera légale (les viols, les harcèlements au travail et autres agressions physiques caractérisées), parfois cette condamnation sera simplement morale (dans le cas des comportements indélicats, des insultes, de la drague lourde...) : tout ne doit pas se résoudre dans les tribunaux, contrairement aux velléités de certaines commissaires du peuple féministes...


         Et je suis surtout favorable à développer la pleine conscience et la sagesse en matière de sexualité : faire en sorte que la sexualité et les relations amoureuses de manière générale soient une recherche de plaisir et de bien-être, et non une recherche de domination et de pouvoir sur l'autre. Attention, cela suppose une démarche de transformation individuelle longue et complexe. Complexe parce qu'il est facile de s'illusionner sur soi-même, avec les meilleures intentions du monde. Mais aussi parce que la société toute entière se fonde sur une conception machiste du monde. Les féministes elles-mêmes contribuent à alimenter la vision machiste en enfonçant le clou idéologique de l'homme-prédateur qui agit et de la femme-victime-proie qui subit le carcan du système phallocratique.


         Autre exemple de ce modèle machiste incrusté dans nos têtes : si vous, hommes, voulez séduire une femme, vous avez grandement intérêt à être un dominant dans votre domaine particulier : le plus riche chez les gens qui aiment l'argent, le plus costaud dans une salle de musculation, le plus influent dans un milieu politique, le plus lu ou le plus écouté dans un milieu culturel, celui qui boit le plus dans le milieu de la fêtes, etc, etc... Les femmes, y compris les femmes féministes, aiment les dominants. Les femmes sont les premières à défendre l'ordre machiste dès lors qu'il s'agit de se trouver un partenaire sexuel. Évidemment, on ne s'étonnera pas que, si les femmes choisissent en priorité des dominants, la tentation soit très forte pour un certain nombre d'hommes de recourir à un certain nombre de subterfuges douteux en vue d'imposer de fait une domination : la vantardise et la frime étant les tout premiers de ces subterfuges, mais aussi malheureusement le rabaissement, les crises de jalousie maladive, les injonctions d'un ordre patriarcal, etc...


      Personnellement, je trouve bien pour les hommes (et les femmes) d'insuffler de la douceur, de l'empathie et de la bienveillance dans la sexualité et les relations amoureuses. Le monde y gagnerait, et la sexualité serait quelque chose de beaucoup plus agréable. Mais je dois que, même si je prône ce comportement d'un point de vue moral, malheureusement dans les faits, je dois bien constater que pour un homme, être plus doux, plus gentil, plus bienveillant n'est pas un gage de domination. Cet homme plus gentil, plus doux, plus bienveillant, risquerait d'être rejeté par les femmes elles-mêmes ! Ou pour employer une expression de jeunes, il risquerait d'être très nettement « friendzoné » par des femmes qui n'ont que faire d'hommes gentils dans leur lit.


       En fait, la pire chose qu'une femme puisse dire à un homme, c'est justement qu'il est gentil. Qu'on le veuille ou non, les femmes aiment les salauds. On peut se demander pourquoi, parce que ces salauds en général apportent beaucoup plus de souffrances que de plaisirs ou de bien-être. Cela fait longtemps que je me demande pourquoi. Mon explication (qui vaut ce qu'elle vaut) est de dire que les femmes peuvent se victimiser beaucoup plus facilement qu'avec un gars bien. Or les femmes adorent se victimiser. D'où leur fréquentation des « salauds » qui les feront souffrir et qui leur permettront de se lamenter en suscitant la compassion autour d'elles.


       Est-ce que, pour autant, tous les témoignages qui ont découlé du hashtag #balancetonporc ou #metoo peuvent se réduire à un phénomène massif de victimisation ? Je n'irai pas jusque là. Il y a certainement des témoignages authentiques qu'il faut pouvoir écouter. On doit travailler pour que cette société voit des relations plus apaisées entre les individus, hommes ou femmes. Ce serait néanmoins une mauvaise idée que ces hashtags soient l'origine d'une nouvelle forme de la Très Sainte Inquisition.... Une inquisition dont l'hérésie centrale serait d'être un homme...




Frédéric Leblanc, le 1er novembre 2017
























Voir aussi : 












La parabole des hérissons (d'Arthur Schopenhauer)


Song (d'Allen Ginsberg)


Épicure, amitié et sagesse








Ruth Orkin - American girl in Italy - 1951






16 commentaires:

  1. Tu t'es un peu lâché sur cet article, il n'est pas exactement dans la même veine que tes autres articles. Il y a plein de choses à dire. Sur certains forums où le sujet est abordé, cet article serait susceptible d'être reçu avec pas mal de colère de la part de connaissances féministes malgré les quelques éléments qui modèrent ton expression et ta pensée. L'article reprend énormément de points qui font polémique et que j'ai déjà pu lire dans pas mal de débats. J'essaierai de les reprendre un par un avec la distance nécessaire vis à vis des positions des uns ou des autres, ne souhaitant pas investir plus de sentiments que nécessaire dans ces débats. Je donne juste un premier lien relativement à ce que tu dis en gros, à savoir que les "femmes préfèrent les bad guys" plutôt que les "gentils" : http://lesquestionscomposent.fr/toutes-des-salopes-ou-le-mythe-du-mec-trop-gentil/ Cet article a beaucoup fait parler et il a été suivi de plusieurs autres qui apportaient des explications tout de même et de nombres de commentaires. En tous cas, quoi qu'on en pense, je trouve que ça a une vertu première, c'est que cela nous met en tant qu'homme dans une obligation de "dépersonnaliser", en somme, si on prend certains écrits féministes au pied de la lettre, en tant qu'homme, on peut finir par détester le sexe avec lequel on est né, et, en ce sens, c'est un excellent exercice de mise à distance de son ego de mâle sans quoi, il est impossible d'analyser les questions que soulève ce genre d'article. En fait, j'imagine que le carniste est à peu près dans la même situation vis à vis du discours de l'antispéciste, sa première réaction, c'est de se défendre. J'y reviens plus tard.

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  2. En fait, non, Degun. Je ne me suis pas lâché sur cet article. J'ai essayé d'être mesuré. Il m'a fallu plus de dix jours pour écrire cet article, justement pour ne pas me lâcher comme un Zemmour le fait ne permanence par exemple. Ce qui n'a aucun intérêt à mes yeux.

    Il est évident que c'est un sujet sensible, très sensible. J'avais lu l'article des "Questions Composent" dont tu parles, cette petite fable avec Prune et Melon. Je la trouve remarquablement écrite, un texte vraiment puissant. Mais justement il décrit aussi à merveille la malaise profond que j'ai devant le féminisme (peut-être pas tout le féminisme en fait, mais en tous cas, un certain féminisme radical). J'avais déjà pensé à faire mon petit commentaire de cette fable et d'expliquer ce malaise. Puis faute de temps, j'étais passé à autre. Mais le projet n'est pas entièrement abandonné.


    Quand tu dis que cet article n'est pas de la même veine, je pense que tu dis cela parce que ce n'est pas gauchiste-compatible comme d'autres de mes articles. Disons que ma position se rapproche un peu de celle de Natacha Polony (une femme) sur cette question. Il est clair que cela fait longtemps que j'ai un malaise profond quand mes fréquentations masculines gauchistes répètent les dogmes féministes (déconstruire la domination masculine, etc...) pour plaire aux demoiselles de leur groupe gauchiste, tout en continuant à se comporter de manière complètement machiste dans la vie de tous les jours.

    Aujourd'hui, l'heure est au mea culpa affiché. Notamment la séquence avec François Gémenne. Il y a aussi cette vidéo très drôle d'Usul où celui-ci fait acte de repentance masculine :
    https://www.youtube.com/watch?v=GPQniCaj3Is

    Je ne me reconnais pas dans ce mea culpa. Voilà tout.
    Non pas que je sois parfait. Loin s'en faut. Mais je pense simplement qu'il faut se sentir coupable quand on fait le mal, mais qu'il n'est pas opportun du tout de se sentir coupable de ce qu'on est (un homme en l'occurence).

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  3. Voilà la suite de mon commentaire.
    Relativement au hashtag #balancetonporc ou #metoo, bon, la vindicte populaire et l'emballement des réseaux sociaux, c'est vraiment pas mon truc, mais peu importe, je n'ai aucun pouvoir en la matière, les gens font ce qu'ils veulent ou plus précisément ce qu'ils peuvent avec les 'injonctions" sociales qu'ils reçoivent. Quant au caractère spéciste du hashtag #balancetonporc, il me semble évident, mais bon, c'est marginal, c'est fait s'en même s'en rendre compte (ça n'empêche pas mais...), et puis, disons qu'il y a bien pire comme spécisme, enfin, cette histoire a le mérite de mettre au jour un problème social d'envergure qui touche les femmes dont on se doutait mais qui était tu.
    Voilà en gros ce que je peux dire sur ce phénomène socio-connecté.

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  4. Par rapport à tes analyses.
    Je te cite : "Ce qui me dérange, c'est la dénonciation intrinsèque de tous les hommes vus comme des porcs, et pas seulement du comportement répréhensible de certains hommes". Cela me rappelle le projet crocodile, tu connais : http://projetcrocodiles.tumblr.com/ Tous les hommes y sont représentés comme crocodiles en ce sens qu'ils sont perçus comme des prédateurs potentiels en raison du fait que le harcèlement et les agressions sexuelles proviennent très largement des hommes. Je n'ai pas ou plus d'avis arrêté par rapport à ça. J'avais lu quelqu'un qui demandait ppourquoi TOUS les hommes étaient représentés comme des crocodiles. Il lui avait été répondu que c'était parce qu'on ne pouvait pas savoir à l'avance, donc que tout homme est potentiellement un prédateur, que c'est une loterie pour les femmes. Les hommes qui se plaignent de ce fait sont renvoyés à leur privilège et sont taxés de verser des "maletears" (formé sur le modèle des whitetears utilisés par les mouvements noirs radicaux) et qu'en gros, il ferait bien de se rendre compte de leur pivilège de mâle et d'arrêter de ne pas penser qu'à leur nombril, que ce n'est pas d'eux dont il est question. C'est peut-être excessif, je n'en sais plus rien, peu importe à vrai dire, avec ce genre de propos, comme je le disais dans min précédent message, il ne faut surtout pas personnaliser (le souci étant que la plupart des hommes le prennent pour eux). En fait, le projet Crocodiles soulève là aussi des questions sociales réelles dont il faudrait tout de même prendre conscience, il y a bien un problème de société, d'éducation... de ce que les féministes appellent le patriarcat.

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  5. Par ailleurs, il pourrait t'être reproché à plusieurs reprises d'essentialiser les sexes et de leur conférer des caractères irréductibles. D'ailleurs, la citation que tu fais du père de ton ami : « On dit qu'en tout homme sommeille un porc. Eh bien, c'est FAUX ! Le porc, en tout homme, est bien réveillé ! » va en partie dans ce sens, laissant penser, mais je peux me tromper, que les hommes sont ainsi faits de manière innée (et non le fruit d'une éducation), non ?

    Bon, on ne règlera pas la question entre l'inné et l'acquis aujourd'hui mais tu sais aussi bien que moi, que pour la plupart des féministes égalitaristes (pas les différentialistes) et des penseurs LGBT, les comportements de genres sont à 100% sociologiquement construits et non déterminés par une quelconque "nature", la frontière entre mâles et femelles n'existant pas d'ailleurs puisqu'il y aurait un strict continumm entre les pôles mâle et femelle, preuves en sont les intersexués. je suis d'accord pour ma part de relativiser largement les différences de genre liées au sexe et que ces dernières sont très largement construites par la société mais je m'accorderais tout de même à accorder une part irréductible (mais j'admets que mon appréciation ne repose sur aucune étude particulière) à un certain conditionnement biologique (qui peut d'ailleurs être lui-même contrebamancé par des prises d'hormones, cf. les changements de sexe) qui malgré tout me semble être bien faible par rapport à la manière dont nous sommes construits socialement. Donc, si on prête des "qualités" aux femmes considérées sous l'angle de leur sexe (douceur, amabilité, sex-appeal...) et d'autres aux hommes (forts, protecteurs...), et qu'on demande à chacun de se conformer à ces constructions, ce serait largement construit socialement et ne reposerait sur pas grand chose de biologique. A mon sens, ce n'est pas faux même si, comme je le disais, j'accorderais malgré tout un petit rôle, minimal, à la biologie.

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  6. (Fin)
    Sur le caractère "pénitence", "mea culpa", cela rejoint en partie ce que je disais aussi dans mon premier message, à lire certains écrits féministes, il peut y avoir de quoi se maudire ou se dédire d'être un homme (au sens "mâle" qui se conforme à la manière dont la société l'a construit). Cela ne ressemblerait-il pas dans une certaine mesure aux voeux de repentance que les peuples blancs, descendants/héritiers des colonisateurs, sont invités à faire vis à vis des peuples noirs ? A vrai dire, je me demande si ce n'est pas le prix social à payer pendant un temps, mais quand je dis "prix à payer", on peut peut-être aussi voir là un acte de contrition judéo-chrétien (?) Je n'en suis pas si sûr, c'est un peu comme pour les les quotas hommes/femmes, il me semble équitable pendant un temps de favoriser celles qui ont été jusqu'alors victimes d'une société dominée par les hommes pour rétablir une égalité.

    Une fois dit tout ça, il reste néanmoins que j'ai aussi entendu des positions beaucoup plus nuancées en provenance d'autres amies féministes, à savoir que certaines n'approuvent pas une certaine position "victimaire" que certaines de leurs congénères adoptent. (je prends des gants avec mes "certaines") Cette critique d'un certain courant féminisme peut passer quand elle est le fait de femmes, encore qu'elles puissent parfois être taxées de complaisance ou carrément d'être des collabos du système patriarcal, mais si cela provient d'hommes, ces derniers seront assurément taxés de faire du "mansplaining" (<"man explaining", un peu ce que je fais en ce moment peut-être quand je mets des bémols et manifeste mon opinion même avec beaucoup de précautions ; il est vrai que beaucoup d'hommes se sentent habilités à expliquer aux femmes comment elles devraient faire les choses ; je refais le parallèle avec l'antispécisme, c'est comme quand le carniste dit à l'antispéciste comment il devrait mener sa lutte).


    Sur la sexualité, c'est un reproche communément fait à des courants féministes d'être puritains. Pour ma part, je ne crois pas que ce soit le cas, elle revendique de pouvoir adopter de nombreuses pratiques sexuelles justement et pas seulement ce qu'elles appellent le PdV (Pénis dans Vagin) (cf. ce site qui fera bondir nombre d'hommes qui le trouveront sans doute caricatural: https://www.feministes-radicales.org/2013/08/05/la-penetration-une-arme-de-destruction-massive-de-notre-integrite/ Là encore, mieux vaut prendre une certaine distance en tant qu'homme sinon, on finit bien atteint lol ; avec de la distance, il y a à la fois quelque chose de pas faux dans ce qui est dit mais aussi de très rigolo tellement c'est dit de manière radicale.

    Je te cite à nouveau : "La prédation sexuelle est forcément liée à la sexualité". Le féminisme égalitariste te répondra que non justement, que la prédation sexuelle n'a rien de sexuelle, qu'elle est le pur produit d'un conditionnement comportemental social auquel les hommes se conforment, un acte qui a à voir avec le formatage social des hommes à dominer, à dénigrer, à traîter mal les femmes, à les traîter aussi comme des traînées, des putains...

    Voilà voilà, je n'ai pas beaucoup exprimer mon avis ou ressenti personnel car en fait, je ne m'en sens pas vraiment légitime en tant qu'homme, que j'ai pris le parti de soutenir quand cela me convenait grosso modo ce que peuvent dire les/des féministes, mais je ne peux pas me dire féministe à part entière. Enfin, bref, relativement à ce que tu dis, je sens bien que tu mets le doigt sur des questions épineuses et que tu fais certaines remarques assez bien senties, néanmoins, je ne crois pas que ta réflexion serait considérée comme suffisamment documentée et réfléchie si certaines amies féministes te lisait. C'est un sujet tellement délicat.

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    1. Ouch! Dans ce débat je me sens une fois de plus, plus proche de Degun.

      A "les femmes aiment les salauds." je répondrais qu'en tant qu'homme, je n'aime pas les femmes qui aiment les salauds car heureusement pour moi elles n'aiment pas toutes les salauds.

      Nombreuses sont celles qui préfèrent les séducteurs aux salauds. Adolescent il m'a fallu un peu de temps pour comprendre le jeu de la séduction. Mais une fois que je l'avais compris c'est devenu trop répétitif et j'ai fini par m'en lasser.
      Pour moi, un porc c'est quelqu'un qui n'a rien compris au jeu de la séduction soit par bêtise soit par perversion. Il est si facile d'obtenir les faveurs d'une femmes quand on sait s'y prendre. En revanche mieux vaut s'abstenir que d'avoir à gérer les conséquences d'une sexualité mal gérée.
      Je me demande souvent si je n'étais pas une femme dans une vie précédente. Je suis invariablement du côté des féministes et je ne comprends pas qu'on puisse violenter une femme.
      Je ne prétends pas non plus être un modèle et j'avoue que côté tâche ménagère ma femme en fait certainement plus que moi.

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  7. Bonjour Degun

    1°) Par rapport au projet Crocodile où tous les hommes sont représentés comme des crocodiles, quand tu dis : "on ne peut pas savoir à l'avance (qui est un agresseur et qui ne l'est pas), donc que tout homme est potentiellement un prédateur, que c'est une loterie pour les femmes. Je peux comprendre l'angoisse d'une femme et son insécurité d'une femme dans ce milieu "hostile" qu'est la rue. La rue ne devrait d'ailleurs pas être hostile aux femmes.

    Ceci étant dit, ce projet de bande dessinée me gêne beaucoup aux entournures. En effet, remplace les "hommes" par "musulmans". Imagine une BD où tous les musulmans sont représentés sous forme de crocodiles barbus, parce que, chez les musulmans, on ne sait jamais qui est un terroriste et qui ne l'est pas. Maintenant, est-ce que tu ne vois pas un problème à ce genre de bande dessinée ? C'est carrément de l'islamophobie !

    Pareillement, dire que tous les hommes sont des crocodiles, c'est-à-dire des agresseurs sexuels, des violeurs et des harceleurs, c'est de la misandrie pure et dure. Je ne crois pas que ce soit utile d'effrayer les jeunes filles en les conditionnant à penser que tous les hommes dans la rue sont des violeurs potentiels.


    NB : je laisse à Aymeric Caron la responsabilité de déterminer s'il est plus spéciste de dire que "tous les hommes sont des porcs" ou "tous les hommes sont des crocodiles". :-)

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  8. 2°) Sur le "mansplaining", je trouve cela très anti-démocratique d'interdire les hommes d'avoir une opinion sur #balancetonporc, ou sur n'importe quel sujet attenant au féminisme. Comme n'importe quel sujet de société, tous les hommes ou toutes les femmes ont le droit d'avoir leur mot à dire, en bien ou ne mal. Je ne vois pas pourquoi seules les femmes pourraient critiquer #balancetonporc.

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  9. 3°) Concernant la repentance envers les peuples colonisés, tu dis : "Ce mea culpa envers les femmes ne ressemblerait-il pas dans une certaine mesure aux vœux de repentance que les peuples blancs, descendants/héritiers des colonisateurs, sont invités à faire vis à vis des peuples noirs ?"

    Alors, pour que tout soit bien clair, je suis contre la repentance individuelle envers les peuples anciennement opprimés par notre propre nation dans le passé. Je suis sans hésitation contre ce que Pascal Bruckner a appelé le "sanglot de l'homme blanc".

    Prenons un cas qui touche mon pays, la Belgique, ainsi que ces 3 anciennes colonies en Afrique: le Congo, le Burundi et le Rwanda. Il y a un débat en Belgique pour savoir s'il ne faudrait pas déboulonner la statue du roi Léopold II qui a soumis le Congo d'abord à sa propre botte (aussi étrange que cela puisse paraître, le Congo au départ était le jardin privé de Léopold II à la fin du XIXème siècle. C'est seulement au début du XXème siècle qu'il a "généreusement" légué le Congo au peuple belge).

    Je n'ai aucun problème à reconnaître que Léopold II était un salopard et un criminel contre l'humanité. Ce qu'il a fait au Congo était une saloperie sans nom. On peut bien dynamiter toutes les statues de Léopold II et lacérer tous les tableaux qui le représentent. Peu m'importe. Même si je pense qu'il serait plus malin de faire un rappel historique autour de ces peintures et des statues pour expliquer qui était vraiment cette ordure de Léopold II plutôt que de les détruire. Je crois au devoir de mémoire, mais certainement pas à la culpabilisation sans fondement. Ce n'est pas ma faute à moi si Léopold II, et puis les colonisateurs belges ont commis des crimes et de l'oppression au Congo fin XIXème et la première moitié du XXème siècle, vu que je n'étais pas né et que je ne peux donc pas être tenu pour responsable.

    Je rappelle aussi que les peuples opprimés ont souvent été au préalable des peuples oppresseurs. Je pense au pays arabes qui réduisaient en esclavage les peuplades africaines. Ou encore aux mercenaires noirs de Zanzibar qui ont accompli les basses œuvres de Léopold II (couper les mains des récalcitrants, massacrer tous ceux qui résistaient face aux colonisateurs, etc...). Personne n'est tout blanc ou tout noir dans cette Histoire...

    Au niveau d'une nation par contre, un chef d'Etat peut amené à présenter ses excuses à un peuple qui a été opprimé. Ce qui a été fait d'ailleurs par les gouvernements successifs en Belgique par rapport à la colonisation.

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  10. 4°) Je ne vois pas pourquoi tu ne peux pas dire que tu es UN féministe.

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  11. 5°) Personnellement, je serais tenté de dire que je ne suis pas féministe. Mais c'est plus par rejet du féminisme radical. Parce qu'il suffit que je vois un reportage sur l'Arabie Saoudite pour que je me demande comment des arriérés pareils peuvent encore exister... Ou que je me trouve avec un vieux qui regrette le temps où les femmes restaient au foyer, et que les femmes au travail, c'est la cause que tout va mal aujourd'hui... Pour me dire qu'il est grand temps d'évoluer !

    J'adhère à des principes constitutifs du féminisme comme "à travail égal, salaire égal". Et le discours des masculinistes me semble relever de la planète Mars...

    Mais rien à faire, le féminisme radical me semble être un non-sens et un danger pour la société.

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  12. Bonjour Sb,


    J'entends bien ce que tu me dis. Mais j'ai bien peur quand pour beaucoup de femmes (et certainement pour les féministes radicales) séducteur ne soit qu'un synonyme de salaud. Le séducteur, c'est au début quand on charme l'autre, qu'on est tout sourire et qu'on offre des fleurs. Le salaud, c'est la fin de la relation, quand on se dispute, qu'on casse des assiettes, et que l'homme s'en va ou va voir ailleurs...

    Mon discours était justement de dire qu'on peut être un homme qui aime les femmes sans être un salaud, un "porc" pour autant.

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    1. Le fait de ramener l'homme au porc le ramène à sa naturalité, son animalité comme si dans le règne animal tout les mâles prenaient les femelles par surprise alors que dans le monde animal il existe aussi des parades amoureuses qui ne sont pas moins codées que les nôtres. Entre l'oiseau mâle qui doit construire un nid le plus douillet possible mais qui finalement ne sera pas utilisé uniquement dans un but de séduire une femelle, celui qui doit attirer la femelle par son chant le plus mélodieux et original possible... et j'en passe.
      Ce que je conteste c'est le fait de tout ramener à un seul modèle, forcément le plus simpliste (le plus bestial)
      Non un séducteur ne se transforme pas nécessairement en salaud!
      Quand j'étais ado et que je changeais tous les mois de petite amie, je faisais en sorte que ce soit elles qui me quittent. Je n'avais pas le sentiment pour autant de sortir avec des "salopes" seulement à l'adolescence c'était un jeu et je ne jouais qu'avec des filles consentantes qui acceptaient de jouer au même jeu que moi. Évidemment, a jouer avec le feu (de l'amour) parfois on se brûle mais sinon ce ne serait pas drôle. Évidemment, il y a celles avec qui j'aurais bien aimé rester plus longtemps et celles qui auraient bien aimé rester plus longtemps avec moi... mais la vie est courte et il faut parfois choisir.

      Ce que je trouve terrible, ce sont les hommes (ou les femmes) qui ne sortent jamais de l'adolescence et plus terrible encore ceux qui trichent avec leur argent ou leur position de pouvoir.

      Je ne dirais pas que je ne joue plus à ce jeu mais aujourd'hui je n'en suis plus dupe. Et le jeu quand on est marié avec enfants, c'est d'être à la bonne distance avec les autres femmes et il n'est pas interdit d'entrer en résonance avec n'importe qui, y compris les jolies femmes (comme le dit, à sa manière, Maître Dogen ou Mathieu Ricard).

      Je suis bien plus d'accord avec ta deuxième partie.

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  13. La suite de ma réflexion sur #balancetonporc, ici : http://lerefletdelalune.blogspot.be/2017/11/qui-est-un-porc-2.html

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  14. Merci Bai de tes commentaires. Ce que tu dis peut s'entendre assurément dans la mesure où c'est pensé et plutôt mesuré, même si on peut ne pas être d'accord bien entendu. Relativement à mes commentaires, pour que ce soit clair, c'est en quelque sorte du "discours rapporté", pas vraiment ma pensée propre, je pense juste qu'il est utile de confronter les points de vue et je n'ai fait que rapporter ce que des amies féministes pourraient éventuellement opposer, j'ai néanmoins apporté quelques nuances qui me sont propres et ce que je rapporte m'a fait moi-même beaucoup réfléchir en somme, cela a affiné ma pensée, je suis en accord avec ça dans les grandes lignes mais suis moins fixé sur nombres de points, mais tu vois, justement, si je ne me dis pas vraiment féministe, ce n'est pas du tout que j'aurais honte de l'être, c'est simplement que j'estime ne pas être assez engagé et être trop en décalage entre mes actes et mes pensées pour m'attribuer ce "qualificatif" de "féministe" même si j'essaye de faire ce que je peux pour que la condition féminine s'améliore dans la société. Sur la repentance, je ne suis pas très éloigné de ce que tu dis, même si j'estime qu'il y a quand même un héritage lié à l'exploitation des pays colonisés dont on profite encore et qu'il faut assumer même si on ne l'a pas connu mais ce n'est pas non plus la peine de se flageller, juste de prendre des mesures pour que cela ne se reproduise plus et faire en sorte de changer nos comportement, je m'interrogeais simplement sur le fait que la "repentance" puisse être un passage, un épisode, nécessaire pendant un temps pour rétablir une forme d'égalité. Voilà, j'espère être assez clair.

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