Jusqu'à
quel point devons-nous nous imprégner de l'impermanence ? Il
nous faut avoir la conviction de Guéshé Kharak Gomchoung. Il était
allé méditer dans les solitudes de Jomo Kharak, dans la province de
Tsang. Devant l'entrée de sa grotte, il y avait un buisson épineux
qui arracha son vêtement. Il commença par se demander s'il fallait
le couper, puis se dit : « Après tout, il se peut que je
meure à l'intérieur de la grotte, je ne sais pas si j'en sortirai ;
il est plus important que je m'occupe de ma pratique ». Et
il laissa le buisson. Comme il passait sa porte à nouveau, le même
épisode se reproduisit et il songea cette fois qu'il ne savait pas
s'il retournerait à l'intérieur... C'est ainsi que nombre d'années
passèrent et qu'il devint un maître spirituel accompli. Quand il
s'en alla, le buisson était toujours là.
Mon
maître racontait aussi une histoire au sujet du Vidhyâdhara Jigme
Lingpa. Il n'y avait pas de marches pour descendre à l'étang au
bord duquel il demeurait en automne, pendant le passage de l'étoile
rishi, ce qui en rendait l'accès et le séjour très difficiles.
Mais lorsqu'on lui demanda s'il fallait faire un escalier, il
répondit : « Pourquoi tant de peine alors que vous ne
savez même pas si vous dormirez ici l'an prochain ? ».
Ainsi parlait-il sans cesse de l'impermanence.
Jigme Lingpa (1729-1798) |
Extrait de : Patrül
Rimpotché, Le
chemin de la grande perfection, éd.
Padmakara, Saint-Léon-sur-Vézère (France), 1997, p. 98.
Ce
passage où le lama tibétain du XIXème siècle, Dza Patrül
Rimpotché, parle de l'impermanence m'a toujours impressionné. Quand on médite
l'impermanence, on change complètement son point de vue sur la
valeur et l'importance des choses. Pour deux grands maîtres comme
Guéshé Kharak Gomchoung (un maître de l'école des Kadampa qui a
vécu au Xième s.) et Jigme Lingpa (un maître de l'école des
Nyingmapa qui a a vécu au XVIIIème s.), les commodités matérielles
n'étaient pas si importants au vu d'une conscience aiguë de
l'impermanence : si tout va disparaître, notre logement que
l'on occupe maintenant, la situation actuelle dans laquelle nous
vivons et notre vie qu'il faudra tôt au tard quitter, pourquoi être
obsédé par des travaux et des aménagements ? Ces travaux et
ces aménagements vont nous prendre énormément de temps et
d'énergie, alors que la vie est brève et que nous avons encore
énormément de progrès à faire dans la méditation :
développer notre attention à ce qui est, cultiver l'amour
bienveillant (maitri), la compassion (karuna), la joie (mudita) et
l'équanimité (upeksha) à l'égard de tous les êtres dans toutes
les directions de l'univers, établir la vision pénétrante et
produire l'esprit d’Éveil (bodhicitta)....
Très
souvent, j'ai été frappé par la crispation sur la propreté et l'apparence
matérielle que l'on pouvait trouver dans un centre tibétain ou dans
les centre zen. Cela contraste complètement avec l'attitude de
Kharak Gomchoung ou de Jigme Lingpa. Il y a souvent une injonction
très ferme à ce que tout soit nickel chrome dans ces centres. On en
vient même à justifier cela de manière spirituelle : « c'est
pour honorer les bouddhas »... Alors qu'en réalité, il
s'agit surtout la volonté mondaine de faire bonne impression. Cela
ne devrait pourtant pas être notre obsession : notre obsession
devrait être de pratiquer la méditation afin d'améliorer nos
qualités humaines et de progresser dans la compréhension de la
réalité absolue. Ne confondons pas Bouddha et fée du logis !
Je
ne serai pas extrême au point de dire qu'il ne faut jamais faire le
ménage. On peut bien sûr ranger, faire la vaisselle ou nettoyer
quand c'est nécessaire. Et on peut le faire en développant la
pleine conscience à ce que nous faisons, en restant détendu sans
être crispé parce qu'on est conditionné à croire que tout doit
être nickel chrome et que l'apparence de notre maison doit être
étincelante comme dans une publicité pour des produits ménagers.
De même, si quelque chose n'est pas parfait dans notre maison ou
dans notre jardin comme un arbuste mal placé, un mur à rafraîchir
ou une cuisine à relooker intégralement pour correspondre aux
dernières tendances de la mode, il faut se demander quelle est
vraiment la priorité. Ces choses peuvent apparaître importantes
dans l'instant, mais tout est impermanent. Cette méditation sur
l'impermanence relativise complètement l'urgence de ces
considérations matérielles !
Jigme Gyalwé Nyougou, disciple de Jigme Linga et maître de Patrül Rimpotché |
Dza Patrül Rimpotché ( (1808–1887) |
- la compassion envers les êtres sensibles, et notamment les animaux
- le conte de Lune Célèbre
- l'ironie grinçante du destin
- La Voie du Milieu dans la méditation
- La toute simplicité
- Esprit d’Éveil
Autres citations sur l'impermanence et la mort :
- nonchalant de la mort comme de son jardin
- l'homme, l’Éternité et son passage dans le temps
- A la santé, V.
- tels les oiseaux qui s'assemblent
- Fleur des montagnes
- Calvin philosophe
- A la santé, V.
- tels les oiseaux qui s'assemblent
- Fleur des montagnes
- Calvin philosophe
Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la philosophie bouddhique ici.
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Je ne cesse de découvrir encore et encore.... que votre blog est "riche" , bravo pour votre magnifique "travail" à un de ces prochains jours vous.
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