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dimanche 3 février 2019

Paul Ariès raconte n'importe quoi - 4ème partie




Paul Ariès raconte n'importe quoi

(4ème partie)





Paul Ariès continue sa tribune du Monde du 7 janvier avec une nouvelle accusation complètement fantaisiste : les véganes ne voudraient pas aider les animaux. Il affirme « J’accuse les végans d’abuser celles et ceux qui aiment les animaux et s’opposent avec raison aux mauvaises conditions de l’élevage industriel car, comme le clame Tom Regan, le but n’est pas d’élargir les cages mais de les vider. Ils s’opposent donc à tout ce qui peut adoucir le sort des animaux puisque toute amélioration serait contre-productive en contribuant à déculpabiliser les mangeurs de viande, de lait, de fromages, les amateurs de pulls en laine et de chaussures en cuir et retarderait donc l’avènement d’un monde totalement artificiel ».


Ariès fait cette fois-ci référence à un penseur antispéciste, Tom Regan qui prône le « droit des animaux », encore appelée « approche abolitionniste ». Selon une formule célèbre, Tom Regan ne veut pas agrandir les cages des animaux pour améliorer le bien-être des animaux exploités par les hommes, mais bien vider les cages et abolir cette exploitation honteuse des animaux. Or Paul Ariès qui se présente un spécialiste du véganisme puisqu'il y consacre des livres (hostiles) fait mine d'ignorer qu'il y a un débat qui divise depuis longtemps la communauté végane : d'un côté, les « abolitionnistes » comme Tom Regan et Gary Francione, de l'autre, les « welfaristes » ou « neo-welfaristes » à la tête desquels on trouve notamment Peter Singer.



Pour faire bref, les abolitionnistes pensent qu'ils faut cesser tout de suite l'exploitation animale : devenir végane du jour au lendemain (c'est le « Go Vegan » scandé comme un mantra par les adeptes de Gary Francione) et abolir tous les élevages, faire fermer tous les abattoirs ainsi que tous les lieux de l'exploitation animale. Les « welfaristes » pensent que les choses iront plus vite si on procède par étapes : essayer d'améliorer progressivement le sort des animaux en exigeant aux élevages d'agrandir la taille des cages par exemple. Les welfaristes font aussi des campagnes pour inviter les gens pour végétaliser de plus en plus leur alimentation en commençant par une journée végétarienne par semaine seulement (la campagne « Jeudi Veggie » qui a commencé à Gand en Belgique ou le « Lundi sans Viande »). Personnellement, je suis plutôt dans le camp « welfariste », même si je n'aime pas ce terme car c'est le terme que les « abolitionnistes » ont imposé. Pour moi, le but est abolitionniste dans la mesure où mon idéal est que cesse complètement l'exploitation des humains à l'encontre des animaux et que l'ensemble des humains deviennent végane. Mais en attendant, j'admets qu'un petit élevage bio de « viande heureuse » est préférable à un élevage industriel. Un adepte de Gary Francione ou Tom Regan considérera qu'un petit élevage où les animaux sont élevés en plein air est aussi détestable et condamnable qu'un hangar avec mille animaux confinés à l'intérieur... Pour moi, les élevages traditionnel sont un moindre mal, même s'ils restent un mal.


Du coup, Paul Ariès, après s'être servi de Peter Singer, se sert d'une figure du camp opposé pour alimenter sa diatribe anti-végane. Quand il s'agissait de critiquer Peter Singer, on oublie la critique dure que Tom Regan peut adresser à Singer. Quand il s'agit de critiquer Tom Regan, on oublie que Peter Singer a un point de vue beaucoup plus souple en matière d'amélioration de la condition animale. Pour Singer et pour les welfaristes, ces améliorations progressives sont bonnes à prendre, contrairement à ce que raconte Paul Ariès. Encore une autre manipulation du politologue pour diaboliser les véganes avec un tableau complètement caricatural et mensonger de ce qu'est la cause végane. Précisons enfin que le but final pour tous les véganes (« abolitionnistes » ou « welfaristes ») n'est pas « l’avènement d’un monde totalement artificiel » (sic!), mais plus simplement la fin de l'exploitation animale.






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On continue dans le délire avec ce nouvel essai d'amalgame de Paul Ariès : « J’accuse les végans d’être des apprentis sorciers qui, non satisfaits de vouloir modifier génétiquement les espèces animales et demain l’humanité, s’acoquinent avec les transhumanistes comme David Pearce. Il s’agit non seulement de corriger les humains, mais de corriger tous les autres animaux. Les chats et chiens carnivores sont qualifiés de machines préprogrammées pour tuer. Ce qui est bon pour un animal (humain ou non humain) serait donc de disparaître en tant qu’animal, pour aller vers le posthumain, le chien cyborg. Le chat végan n’est qu’un produit d’appel de ce paternalisme technovisionnaire. Pearce ajoute que tout désir de préserver les animaux (humains compris) dans l’état « sentient » actuel serait du sentimentalisme malavisé ».


Encore une fois, ce n'est pas parce qu'un ou plusieurs antispécistes défendent le transhumanisme, que TOUS les antispécistes défendent le transhumanisme et veulent faire évoluer leur chat domestique en super-chat cyborg... David Pearce était un philosophe que je ne connaissais pas avant de lire la tribune de Paul Ariès et qui est effectivement transhumaniste et antispéciste. So what ? Tout le monde est libre d'adhérer au transhumanisme ou de ne pas adhérer au transhumanisme. Nous sommes en démocratie. Donc il y a des véganes transhumanistes comme David Pearce certes ; mais il y a aussi des véganes qui sont opposés au transhumanisme. Il y a aussi des véganes qui n'ont pas d'opinion sur le transhumanisme ainsi que des véganes qui ne savent pas ce qu'est le transhumanisme.


Pareillement, il y a des véganes de gauche et des véganes de droite, des véganes du centre ainsi que des véganes d'extrême-gauche comme des véganes d'extrême-droite. Il y a des véganes qui aiment le sport et des véganes qui détestent le sport. Il y a des véganes conservateurs et des véganes libéraux, voire libertaires. Il y a des véganes religieux, des véganes athées et des véganes agnostiques. Il y a des véganes écolos qui mangent bio et des véganes moins écolos qui roulent en 4x4. Il faut arrêter de faire comme si le véganisme était une idéologie totalitaire qui va définir tous les aspects de la vie dans une doctrine unique. Rien de cela n'est vrai ! Le dénominateur commun du véganisme est simple pourtant : arrêtez de consommer des produits animaux !






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Paul Ariès revient dans sa tribune du Monde à l'agriculture et l'élevage menaçés par les biotechnologies : « J’accuse les végans de cacher que l’agriculture tue vingt-cinq fois plus d’animaux "sentients", que l’élevage est largement responsable de la disparition de 60 % des insectes ; qu’ils sont les faux nez des biotechnologies alimentaires, notamment des fausses viandes fabriquées industriellement à partir de cellules souches, avant de s’en prendre demain à l’agriculture génératrice de souffrance animale ».


Plusieurs critiques en une seule phrase assez confuse mêlant plusieurs termes et un lapsus, en premier lieu un argument assez récurrent de la part du monde de l'élevage : l'agriculture tue aussi tout une série de petits animaux, des insectes principalement et des vers de terre avec la pratique du labour, de la moisson et de l'usage plus ou moins intensif des pesticides. À cela, je dirai que je ne mets pas sur le même plan la vie d'une vache ou d'un porc et la vie d'un coléoptère. J'avais déjà expliqué cela plus haut, donc je n'y reviens pas. Par ailleurs, il y a, me semble-t-il une différence fondamentale entre tuer délibérément quelqu'un et tuer des êtres involontairement. Enfin, je rappellerai que l'élevage dépend aussi beaucoup de l'agriculture et est même une cause majeure des incendies volontaires de la forêt amazonienne puisqu'on brûle la forêt pour faire des champs de soja et de maïs à destination du bétail européen... À tout point de vue le bilan des morts est beaucoup beaucoup plus lourd avec l'élevage qu'avec la culture des végétaux à destination des êtres humains. Néanmoins, je pense qu'il y a un problème que des véganes ne peuvent pas complètement passer sous silence ; et dans un monde végane, il faudra se poser la question des techniques agricoles qui minimiseront le plus possible ces morts de petits « êtres sentients ».


Le deuxième point est l'idée que les véganes favoriseraient le passage à la viande produite en laboratoire. Dans l'interview du Figaro du 18 février, Paul Ariès explique : « Les végans sont les idiots utiles des fausses viandes, des faux fromages, des faux laits qui vont bientôt envahir nos étals, avec, par exemple, de la fausse viande réalisée à partir de cellules-souches. Un consortium fort de 2,2 billions de dollars entend imposer avec Jérémy Coller ces «fausses viandes». Tout est prêt: les brevets, les capitaux, l'acceptabilité, on calcule déjà le retour sur investissement! Si l'idéologie végane n'existait pas, le secteur de l'industrie agro-alimentaire devrait l'inventer ».


Plusieurs remarques sur ce phénomène : oui, à terme, l'élevage sera menacé par cette viande synthétique. Mais c'est l'évolution des technologies qui le veut, pas les véganes. Personnellement, j'affirme qu'on peut très bien vivre sans cette viande synthétique, heureux et en bonne santé. Ce n'est donc pas un passage obligé. C'est que les véganes font actuellement. Néanmoins, à terme, la production de cette viande artificielle deviendra moins chère, moins coûteuse en surfaces, en ressources et en main-d’œuvre. Peut-être sera-t-elle moins polluante aussi, il faudra voir. La tentation sera très forte de passer à cette viande synthétique, d'autant plus que cette viande synthétique ne sera pas le fruit d'un meurtre et d'une exploitation à l'encontre des animaux. Ce que la publicité pour ces produits ne manquera certainement pas de rappeler. Je pense que l'élevage tel qu'on le connaît est menacé et disparaîtra dans les années à venir ; et malheureusement, ce ne sera pas le fait des véganes.



Tout cela est une justification pour Paul Ariès pour faire l'apologie de la ferme d'élevage traditionnelle : « « L'écolo que je suis est du côté des fermes polyvalentes qui produisent, à la fois, des légumes et des fruits, de la bonne viande, mais aussi, grâce au fumier et au lisier, de la bonne terre, de l'humus ». Je ne discuterai pas ici des qualités écologiques que Paul Ariès attribue à ces fermes avec des vaches qui broutent dans les prés qui sont autant de puits de carbone. Il y aurait beaucoup de précisions à apporter à ce sujet : les pâtures ne sont pas nécessairement des puits de carbone, la réalité est souvent plus complexe, voire beaucoup plus complexe que cela. Ce qui est sûr, c'est que ces élevages à taille humaine ne peuvent assurer à eux seuls toute la demande colossale en viande de l'humanité. Faire la promotion de ces petits élevages, c'est implicitement reconnaître qu'il faut diminuer drastiquement sa consommation de viande. C'est faire au minimum l'apologie du flexitarisme où on végétalise considérablement son alimentation (même si on ne supprime pas intégralement la viande et les produits animaux). Or Paul Ariès condamne les « lundis sans viande », ce qui montre bien que son projet est défendre toute la viande, y compris la viande issue des élevages industriels qui s'entassent des milliers de bêtes dans des conditions effroyables.


C'est souvent un argumentaire récurrent chez les carnistes : opposer de manière factice les véganes qui seraient nécessairement des consommateurs avides de produits hautement transformés par l'industrie et les viandards toujours proches de la Nature, qui iraient chercher leur viande dans une ferme à proximité qui élève bien ses bêtes et les nourrissant avec des produits locaux. C'est évidemment une fable ! Ces consommateurs de viande dans la grande majorité des cas vont acheter cette viande de ferme locale une fois par an pour se donner bonne conscience et se donner une image d'écolo proche des vraies choses, et puis vont le reste du temps au supermarché pour se procurer une viande dans une barquette, moins chère et déjà toute préparée. Sombre hypocrisie....






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Voilà. Il y aurait encore des choses à dire sur les idées très contestables de Paul Ariès. Mais je vais en rester là. Je vais me contenter de mentionner trois de ses réflexions. La première se trouve dans l'interview du Figaro du 18 février : « Le refus de la viande est aussi lié historiquement au refus de l'alcool, de la sexualité, bref de la jouissance ». Le cliché du végane ascétique ennemi de la jouissance ! Je conseille à Paul Ariès pour se guérir de ce stéréotype de consulter des livres de cuisines véganes aux éditions La Plage ou un des nombreux sites culinaires véganes sur internet. Paul Ariès verra qu'on manger des pâtisseries véganes, des glaces véganes et des plein de plats succulents véganes. Paul Ariès colle à la peau des véganes un vieux stéréotype religieux de sacrifice et de refus de la jouissance ; mais cela n'a rien à voir avec la réalité. Un végane renonce à la cruauté envers les animaux, il renonce pas au plaisir.


Notez bien que ce stéréotype est utilisé par les mêmes détracteurs du véganisme pour culpabiliser des véganes : « Ah tu es végane et tu bois de la bière ou du vin ! », « Ah tu es végane, mais tu bois du coca-cola ! », « Ah tu es végane, mais tu manges des produits à base de gluten ! »... Quand on est végane, on devrait être sur un chemin de pureté qui nous interdirait la moindre chose jugée incompatible avec l'ascèse et une vie 100% saine. Mais foutez-nous la paix, bon dieu de bon sang ! D'un côté, on nous reproche d'être des ascètes et de prôner une vie triste, de l'autre on nous reproche notre appétit et de ne pas être suffisamment ascétique....


Je terminerai sur ce point qu'il est étonnant d'être critiqué sur ce point par Paul Ariès qui prône la simplicité volontaire avec ses valeurs de frugalité et de sobriété. Paul Ariès a même écrit un livre sur ce thème. Il devrait peut-être se rappeler ce qu'il a écrit au lieu de fustiger les véganes en leur reprochant leur « ascétisme ».





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« Une vache est un miracle de la nature, qui mange de l'herbe et la transforme, pour nous, en protéines ». Paul Ariès passe sa vie à crocher sur la société productiviste ; pourtant, lui aussi, ne voit la vache que comme une unité de production de protéines ! L'idéologie funeste de l'animal-machine à la base de l'élevage industriel ! Non, monsieur Ariès, la vache qu'elle se sustente avec l'herbe des vertes prairies ou du tourteau de soja n'est pas une unité de production de protéines à destination des panses humaines. Non, c'est un être sensible qui vit sa propre vie et aspire à la maintenir le plus longtemps possible dans les meilleures conditions indépendamment des désirs humains. Sa chair et son lait sont à elle, pas à nous.






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Je terminerai par une formule dont visiblement Paul Ariès est très fier puisqu'il l'écrit au tout début de sa tribune dans le Monde du 7 janvier et qu'il la répète dans son interview dans le Figaro du 18 janvier et aussi dans une interview plus récente dans l'Humanité du 30 janvier : « Je ne suis pas antivégans pour défendre mon bifteck mais l’unité du genre humain ». Cela sonne comme une punchline, mais cela ne veut surtout rien dire ! C'est complètement sot de dire des choses pareilles ! Cela sonne comme un slogan de publicité tout à fait creux  du style : « Dash lave plus blanc que blanc ». En quoi est-ce les véganes menaceraient l'unité du genre humain ? Non, cela n'a strictement rien à voir. Cela permet à Paul Ariès de se donner des grands airs, soi-disant de défendre de grands idéaux. Mais en réalité, c'est bien le bifteck que défend Paul Ariès et rien d'autre : la prérogative de l'humain à dévorer la chair des autres animaux. Ayons plus de cœur que cela et végétalisons notre alimentation.




Frédéric Leblanc, le 3 février 2019
















L214












Concernant Tom Regan, voir : 


- Tante Béa (où Tom Regan s'oppose à l'utilitarisme de Peter Singer)





Concernant le débat entre "abolitionnisme" et "welfarisme", voir notamment : 











Voir également : 






Jeremy Bentham: peuvent-ils souffrir ?


- "S'occuper aussi des animaux" de Matthieu Ricard ici.






























Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la libération animale ici.


Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour du végétarisme et du véganisme ici


Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.



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Je mets cette image parce qu'elle est jolie et porteuse de sens.
Mais j'imagine que Paul Ariès pensera que c'est la preuve que je menace "l'unité du genre humain" ! :-)







12 commentaires:

  1. Que de sophismes et de malhonnêteté chez Ariès, c'est à peine croyable et dire qu'il a pignon sur rue, très médiatique ce politoloque en carton et pourtant, je ne suis pas hostile à toutes les thèses de la deep ecology.

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  2. Je trouve curieux que les médias et les journalistes ne bronchent pas plus face à tant d'inepties...

    Sinon il y a bien eu un rapprochement entre le mouvement végane et le mouvement straight edge (XXX pas d'alcool pas de drogues pas de sexe hors relation durable)
    Ce qui ne veut pas dire que tous les véganes doivent être straight edge.

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  3. J'ai vu aussi qu'il y avait un bouddhiste qui a écrit un livre pour dire qu'en bonne logique lorsque c'est possible les bouddhistes devraient être végétariens même si dans le bouddhisme il n'y a pas d'interdiction... avec des arguments différents de ceux de Mathieu Ricard.

    De même, dans le mouvement straight edge beaucoup prônent le véganisme. Ce qui pour eux n'a rien à voir avec une ascèse ou un puritanisme mortifère.

    C'est seulement qu'on vit mieux sans alcool, sans drogues et sans viandes et poissons.

    Et que ça n'empêche pas de s'amuser par ailleurs dans une logique D.I.Y qui vaut aussi pour la cuisine mais aussi surtout pour la musique punk hardcore.

    Et puis moi ça ne me gêne pas de cumuler Bouddhisme, straight edge et végétarianisme. je ne trouve pas ça difficile, au contraire.
    Véganisme davantage, pour les fringues notamment.


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  4. Précision le livre dont je parle plus haut:
    Le végétarisme, une vue bouddhiste de Bodhipaksa
    Mathieu Ricard s'adresse aux non-bouddhistes alors que Bodhipaksa s'adresssent aux bouddhistes

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  5. Précisons qu'on trouve cette association de l'abstinence de viande, de sexe et d'alcool chez des philosophes de l'Antiquité comme Plutarque, et dans le bouddhisme, on trouve cette association des trois abstinences aussi dans la Lankâvatâra Sûtra. Cette influence se retrouve dans de nombreux monastères en Chine, mais aussi au Tibet avec des figures comme Dza Patrül Rimpotché au XIXème siècle.

    Personnellement, cela ne me gêne pas que l'on s'abstienne de viande, de sexe et d'alcool. Cela me gêne par contre si on assimile nécessairement véganisme avec une pratique ascétique. Quand je m'abstiens de manger et consommer des produits, je pose un geste éthique qui se comprend par lui-même, indépendamment d'autres abstinences qui ne répondent pas à la même logique. Je ne vis pas le véganisme comme une forme d'ascétisme ou un refus du plaisir. Que du contraire !

    Si je m'abstiens d'alcool ou que je modère ma consommation d'alcool, c'est parce que j'estime que l'alcool présente un risque pour mon bien-être (comportement regrettable - "Tu t'es vu quand t'as bu?", gueule de bois, risques pour la santé). Cela n'a rien à voir avec le bien-être des animaux. Donc je ne mets pas abstinence de viande et abstinence d'alcool sur le même plan. Pareillement, je ne mets pas l'abstinence sexuelle sur le même plan que l'abstinence de produits animaux.

    Donc cela m'énerve quand on réduit le véganisme à cet abstinence ascétique. Que certains le vivent comme ça comme les straight edges, tant mieux pour eux, mais ce n'est pas une obligation et ça ne doit pas être une obligation. Un végane bon-vivant qui aime faire la fête et conter fleurette a tout autant droit de cité qu'un végane straight edge.

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  6. " Cela me gêne par contre si on assimile nécessairement véganisme avec une pratique ascétique. Quand je m'abstiens de manger et consommer des produits, je pose un geste éthique qui se comprend par lui-même, indépendamment d'autres abstinences qui ne répondent pas à la même logique. "

    C'est bien là où nous ne sommes pas d'accord.

    Enfin je ne sais pas ce que tu entends par ascétisme.

    Partons sur une définition comme celle-ci ascétisme : Vie rude et austère, où l'on se prive des plaisirs matériels.

    L'ascétisme dans le bouddhisme a un sens péjoratif puisque l'on passe son temps à dire que le Bouddha a essayé l'ascèse et qu'il a estimé que cela ne permettait pas de sortir de la souffrance. Le bouddha rejette l'ascèse comme il rejette l'hédonisme s'il est aussi extrême que peut l'être l'ascèse au profit d'un entre-deux.

    L'abstinence d'alcool ne relève pas d'une ascèse. Ce n'est parce que c'est un plaisir pour certain que cela relève d'une privation de plaisir pour d'autres.

    "Cela n'a rien à voir avec le bien-être des animaux."
    Lorsque l'on reproche à Mathieu Ricard d'être davantage préoccupé par le bien-être animal que par le bien être humain celui-ci répond que l'un n'empêche pas l'autre. Son assocition Karuna shechsen s'occupe davantage des humains que des animaux.
    Dans les deux cas c'est la compassion au sens éthique qui est à l'origine de ses préoccupations. Et on ne peut pas faire comme si l'une n'avait rien à voir avec l'autre.

    Tu dis toi-même qu'on ne peut pas se contenter d'être végan dans son coin sans militer pour la cause animale auprès de ceux qui ne sont pas végane.

    Je pense la même chose pour l'alcool et les drogues comme le tabac. En revanche je ne considère pas que la lutte contre le tabac ou l'alcool ou les addictions au sexe soit prioritaire par rapport au bien être animal. Pour moi c'est un tout. C'est l'une des portes qui ouvre sur le Dharma (le réel) comme le véganisme.

    Il me semble que c'est chez toi que je lisais que si les gens qui sont végétariens sont en meilleur santé que ceux qui mangent de la viande ce n'est pas parce qu'ils ne mangent pas de viande mais parce qu'ils sont obligés de faire attention à ce qu'ils mangent en terme d'équilibre alimentaire.

    Mon beau-frère en est une illustration caricaturale. Autour d'un barbecue de saucisse et de merguez trop riches en graisse animale, il fumait du tabac et buvait un pastis tout en me racontant à moitié éméchè que si il y a avait eu un attentat à Strasbourg en pleine crise de gilets jaunes ce n'était pas un hasard sous entendant que c'est Macron qui aurait commandité l'attentat. Je peux encore en rajouter une couche en disant qu'il fait un paquet d'heures sup et qu'il travaille de nuit pour gagner un maximum d'argent de manière à pouvoir continuer le train de vie délirant qu'il mène. C'est quelqu'un que j'aime profondément mais sa vie est de mon point de vue pure folie. Et mes arguments que je t'emprunte parfois font flop, n'ont aucune prise sur lui.

    La folie qu'il y a chez mon beau frère est exactement la même celle de Paul Ariès.

    Si tu touche a la viande c'est son rêve que tu brises.

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  7. La souffrance animale ne peut pas être un argument à lui tout seul. Nous descendons des chasseurs cueilleurs. Va dire à un inuit qu'il faut penser au bien-être des bébés phoques alors que lui, ne peut pas faire pousser de haricot vert sur la banquise. A partir du moment où les inuit vivent en harmonie avec la nature je ne vois pas de problème éthique à ce qu'ils prélèvent de temps en temps un phoque pour survivre. A partir du moment ou le phoque mange du poisson, il peut comprendre qu'il est lui même un poisson pour un humain. Il n'a aucune raison d'en souffrir.

    Hier j'écoutais https://www.franceculture.fr/ecologie-et-environnement/la-fin-des-tribus
    Le géographe racontait le désastre qu'à causé l'introduction de l'alcool chez les inuits et les indiens d’Amériques en plus du reste (génocide expropriation maladies...)

    Je ne dis pas que l'alcool est pire que la viande... Je dis juste que ce n'est pas pour moi sur un autre plan.

    On fait tout un foin pour 3 500 morts sur la route en France, alors que l'alcool c'est 49 000 morts et le tabac 78 ooo morts en France par an.
    Autant il est difficile d'éviter un sanglier sur la route ou un type qui a trop bu et qui vous fonce dessus autant il est facile de s'abstenir d'alccol, de drogues et de viandes quand vous n'êtes pas complétement fou.

    Si on met des taxes sur le tabac pourquoi on n'en fait pas autant pour l'alcool et la viande rouge qui cause tant de maladies?

    Quand tu commences à ouvrir un œil et je ne parle pas du troisième, c'est tout un monde qui apparait.

    Quand tu sais la proportion de sucre que contient la nutella ou le coca-cola ce n'est vraiment pas une privation ascétique que de s'en abstenir.

    On vit mieux sans addiction.

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  8. Tu parles des 49 000 morts de l'alcool et les 78 ooo morts du tabac chaque année en France. C'est beaucoup, mais peu en comparaison au milliard d'animaux tués chaque année du fait de l'exploitation animale. Et encore l'essentiel des morts de l'alcool et du tabac sont le fait de ceux qui, en leur âme et conscience, ont pris la décision de consommer ces substances.

    Si je mets l'abstinence de viande ou de poisson sur un plan différent de l'abstinence d'alcool, c'est que manger de la viande ou du poisson, c'est contredire le premier précepte bouddhiste qui dit qu'il ne faut pas tuer.

    Tu me parles des eskimos qui ne peuvent pas faire autrement que chasser le phoque. Tu légitimes même cette chasse aux phoques en disant : « À partir du moment ou le phoque mange du poisson, il peut comprendre qu'il est lui même un poisson pour un humain. Il n'a aucune raison d'en souffrir ». Si on accepte cette logique, les eskimos devraient accepter la logique d'un cannibale qui viendrait dire : « À partir du moment ou l'eskimo mange du phoque, il peut bien comprendre qu'il est lui même un phoque aux yeux du cannibale. Il n'a aucune raison d'en souffrir »... Ce qui me gêne dans ce raisonnement, c'est le « il peut bien comprendre... » tout comme l'étrange invalidation de la souffrance : il est douloureux pour le poisson d'être mangé, il est douloureux pour le phoque d'être capturé et mangé par l'eskimo ; et il serait douloureux d'être capturé et mangé par des cannibales si d'aventure ceux-ci se hasardaient sur la banquise...

    Le cas des eskimos est certes un cas-limite : voilà des gens qui vivent dans un environnement où le véganisme est pour le moins ardu, j'en conviens. Peut-on donc les condamner moralement ? Je ne le pense pas ; en même temps, si j'étais eskimo, je pense que j'émigrerai vers des régions moins hostiles à la présence humaine. En outre, je rappelle que les eskimos sont une infime pourcentage de l'humanité. 99% de l'humanité vit dans des régions où poussent les légumes et les végétaux. C'est à eux que s'adresse le discours végane.

    J'admets aussi parfaitement qu'il y a un intérêt à se libérer des addictions à l'alcool, au tabac, à la viande ou autres pour des raisons de santé et de bien-être. Je suis d'accord avec toi sur ce point. Mais ce sont des problèmes qui touchent le consommateur, mais la viande et les autres produits animaux touchent d'abord la santé et le bien-être du « consommé » : l'animal qui doit souffrir de notre prédation et notre violence.

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  9. Je ne fais aucune différence entre manger des animaux et manger des humains.
    Si je n'avais pas le choix j'accepterais le jeu de tirer à la courte paille.
    Si j'ai le choix je préfère les animaux aux humains mais si j'ai le choix entre les animaux et les légumes je choisis les légumes.
    Comme il n'y a pas de choix parfait je choisis le moindre mal.

    Dire qu'il y a trop d'animaux tués... pas toujours.

    https://www.franceculture.fr/ecologie-et-environnement/le-grand-remplacement-des-centaines-de-milliers-de-sangliers

    Dans cette émission il est dit qu'il y a trop de sangliers et pas assez de chasseurs. (Ce qui est la faute des chasseurs)

    Il y a un gros problème de régulation des populations d'animaux
    Je sais que tu es pour la stérilisation. Oui pourquoi pas.
    Je ne sais pas pourquoi ce n'est pas effectif.

    Ce que je voulais dire c'est que si l'argument du bien être animal (versus plaisir) ne marche pas sur mon beau-frère... l'argument de la santé devrait mieux marcher maintenant qu'il va être papa.

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  10. Le cas des chasseurs et des sangliers est un exemple malsain parce que les chasseurs pratiquent le nourrissage ou agrainage des sangliers : c'est-à-dire qu'ils nourrissent les sangliers pendant l'hiver. Les sangliers sont alors beaucoup trop nombreux; et les chasseurs se présentent alors comme les grand régulateurs de la Nature, voire même comme les "premiers écologistes de France" (sic!). Donc si il y a effectivement trop de sangliers dans nos forêts, c'est effectivement la faute des chasseurs essentiellement.

    Sur la nature des arguments qu'on va employer pour inviter les gens à végétaliser leur alimentation, je suis très pragmatique : donc, si ton beau-frère est plus sensible à l'argument de la santé et insensible à tout autre argument, pourquoi ne pas utiliser cet argument de la santé ?

    Néanmoins, l'argument éthique me paraît en dernier recours le meilleur pour passer au véganisme. Dans la plupart des cas, les arguments de santé ou les arguments écologiques ne conduiront qu'au flexitarisme. Ce qui est certainement un mieux par rapport à une consommation immodérée de viande, mais ce n'est que la moitié du chemin accomplie.

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  11. "Si je mets l'abstinence de viande ou de poisson sur un plan différent de l'abstinence d'alcool, c'est que manger de la viande ou du poisson, c'est contredire le premier précepte bouddhiste qui dit qu'il ne faut pas tuer. "

    Nous avons de nouveaux amis dont le mari est d'origine Chinoise et la femme laotienne qui sont donc bouddhistes de naissance... et qui ne sont pas végétarien. Il est donc très délicat pour moi quand je vais manger chez eux de justifier mon végétarisme en le référant au premier précepte bouddhiste.
    Ce serait d'autant plus hypocrite que je suis né dans la tradition chrétienne et dont le premier commandement judéo-chrétien est également de ne pas tuer.
    Dans le judéo-christianisme il est sous-entendu que c'est uniquement les humains qu'il ne faut pas tuer alors qu'on peut supposer que pour le Bouddhisme l'interdiction est plus large. Ce premier commandement chrétien n'a jamais empêcher de tuer d'autres humains et on se demander comment le premier précepte pourrait avoir une influence sur le fait de moins tuer d'animaux.

    Je trouve cela d'autant plus drôle que j'entends souvent les occidentaux non bouddhistes se moquer des occidentaux bouddhistes en leur reprochant une pratique "de pacotille" comme si seuls les asiatiques pouvaient avoir accès au bouddhisme.

    Il se trouve que le bouddhisme de nos amis est quelque chose qui fait partie pour eux du décor et se résume à un bouddha sur leur réfrigérateur à qui ils font des offrandes de fruits.

    Quand nous leur avons dit que nous pratiquons le bouddhisme ils ont été très étonné et nous les avons invité à méditer avec nous... ce qu'ils ont fait pour la première fois en notre compagnie. J'ai trouvé très étonnant d'expliquer la posture zen à une personne d'origine chinoise...

    Pour moi, le végétarisme est davantage lié à la pratique de la méditation qu'au premier précepte du bouddhisme. La méditation nous incite à faire plus attention à ce que nous faisons et à ce que nous mangeons... alors que les préceptes sont plus lié à l'éthos d'une population référé à un lieu et à une époque qui interprète avec plus ou moins de bonheur l'extension d'un précepte.

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  12. Si tu veux encore du grain à moudre celui là est pas mal:

    https://blogs.mediapart.fr/abdel-b/blog/180616/le-mythe-vegetarien

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