Paul Ariès raconte n'importe quoi
(1ère
partie)
Paul
Ariès est un politologue d'extrême-gauche connu pour passer souvent
sur les plateaux de télévision. Paul Ariès n'aime pas les véganes,
et ce n'est pas nouveau. Cela fait maintenant plus de vingt ans qu'il
multiplie les prises de position douteuses à leur encontre. Vingt
ans de contresens, d'amalgames foireux et de thèses haineuses. En
1996, il écrivait un livre fumeux intitulé « Le retour du
diable » où il accusait les véganes et les antispécistes
d'être des suppôts de Satan, en plus de tenir des propos
complètement homophobes sur les nazis qui sont forcément des gays
et Hitler qui était bisexuel1.
Ou encore il pratiquait allégrement la calomnie en insinuant que les
antispécistes inciteraient à la zoophilie dans des propos qui a
largement anticipé le discours réactionnaire de la Manif pour
Tous : « Sera-t-il possible de dire aux enfants (...)
lorsque vous serez grands vous pourrez choisir entre la vie à deux
avec un individu de sexe opposé, du même sexe ou pourquoi pas (à
suivre certains antispécistes) avec un animal ? »
(sic, p. 90).
En
2000, le même Paul Ariès a signé « Libération
animale ou nouveaux terroristes ? »
au titre plein de nuances et de subtilités.... Là encore, c'est une
succession de divagations et de procès d'intentions complètement
motivés par la haine. Comme le David Olivier : « Ici
comme ailleurs, Ariès diffame, tout en évitant de le faire au sens
légal du mot, par divers dispositifs de forme (ce n'est pas telle
personne, mais « la doctrine antispéciste », qui
« invite à (...) l'élimination des plus faibles ») et
de style (dont l'abus des questions rhétoriques). Il n'en résulte
pas moins des accusations délirantes mais bien plus faciles à
porter qu'à réfuter. L'antispécisme fait partie, dit-il, d'un
vaste complot qui réunit le néolibéralisme, McDo, les satanistes,
les néo-nazis, les homos, les « sectes »,
l'utilitarisme, la civilisation anglo-saxonne protestante, les
pédophiles, les pornographes, le génie génétique et j'en passe,
ligués contre les valeurs de l'Europe catholique 2 ».
Paul
Ariès ne s'est pas calmé. Beaucoup plus récemment, il avait
co-écrit une tribune dans le journal Libération
plein d'accusations grotesques : « Pourquoi
les véganes ont tout faux ».
J'avais d'ailleurs rédigé une réponse point par point de ce
texte : « Pourquoi
les véganes sont dans le vrai ».
Quand j'ai écrit cette réponse, j'ai eu la tentation de l'intituler
de manière symétrique : « Pourquoi les véganes ont tout
vrai » ; mais il m'est très vite venu à l'esprit qu'on
ne pouvait pas opposer un dogmatisme haineux avec un autre dogmatisme
tout aussi fermé, même si meilleur et plus en concordance avec ce
qu'est une véritable justice. Pour pouvoir progresser, il faut
pouvoir se questionner et remettre en question ses certitudes. Le
véganisme est certainement plus juste que l'exploitation des
animaux, mais il ouvre tout un champ de questions éthiques ou
politiques qu'il conviendrait de pouvoir aborder avec un esprit
ouvert au débat et à la contradiction. C'est pourquoi mon titre
suggérait que les véganes sont certainement beaucoup plus dans le
vrai que leur contradicteurs ; mais je ne pense que l'on puisse
que l'on soit jamais totalement dans le vrai. Ce dogmatisme qui croit
détenir une vérité absolue est la mort de la pensée. Mais cette
mort de la pensée n'effraie pas du tout Paul Ariès visiblement !
Enfin,
fin 2018, il publie un nouveau pamphlet anti-végane : « Lettre
ouverte aux mangeurs de viandes qui souhaitent le rester sans
culpabiliser » (que je
n'ai pas lu). Et dans la foulée de cette publication, il se
manifeste dans une nouvelle tribune dans le Monde cette fois-ci :
« J’accuse
les végans de mentir sciemment »
(7 janvier 2019) et une interview complaisante par Paul Sugy dans le
journal de droite, le Figaro : « Le
véganisme est le cheval de Troie des biotechnologies alimentaires »
(18 janvier 2019). C'est à ces deux articles où Ariès continue
d'alimenter la haine, que je voudrais répondre.
*****
Commençons
donc par la tribune du Monde et ses arguments consternants. Son
premier argument consiste à mentionner les thèses des RWAS :
« J’accuse les véganes
de cacher leur véritable projet qui n’est pas simplement de
supprimer l’alimentation carnée, simple goutte d’eau dans
l’ensemble de la prédation animale, mais d’en finir avec toute
forme de prédation, en modifiant génétiquement, voire en
supprimant, beaucoup d’espèces animales, sous prétexte que
n’existerait pas de viande d’animaux heureux et que les animaux
sauvages souffriraient bien davantage et en plus grand nombre que les
animaux d’élevage ou domestiques. Le fond du problème à leurs
yeux n’est pas la consommation de produits carnés mais la
souffrance animale ; or cette dernière étant inhérente à la vie,
il faudrait réduire le vivant, en vidant, par exemple, les océans,
car il ne serait plus possible de laisser encore les gros poissons
manger les petits, ou en empêchant un maximum d’animaux de
naître ».
Qu'est-ce
que les RWAS ? C'est l'acronyme pour : Reducing Wild Animal
Sufferings (Réduire les souffrances des animaux sauvages). C'est un
courant antispéciste qui considère que réduire la souffrance des
animaux engendrées par l'homme et l'exploitation animale n'est pas
un objectif suffisamment ambitieux : il faut effectivement venir
à bout de toute souffrance animale, y compris la souffrance des
animaux sauvages vivant dans la Nature.
Quels
sont les problèmes posés par les RWAS ? Ils sont de deux
ordres :
-
1°) Les RWAS proposent des solutions souvent complètement
délirantes aux problèmes des animaux vivant dans la Nature :
comme la prédation est un problème pour tous les animaux
pourchassés, les adeptes du RWAS proposent de se débarrasser des
prédateurs. Dans la version extrême, il s'agirait de tuer tous ces
prédateurs. Évidemment, cette idée est extrêmement problématique
dans une logique végane et antispéciste.... Des chasseurs véganes
qui vont accomplir un abattage systématique des prédateurs et donc
une prédation massive pour empêcher la prédation est une idée à
la logique pour le moins biscornue, pour ne pas dire répugnante...
Dans
une version moins extrême, les RWAS prévoient de modifier le génome
de ces prédateurs pour les rendre végétariens, voire les enfermer
dans des zoos où on les nourrira avec du tofu. Je ne vais pas
m'étendre que sur tout ce que ces idées peuvent avoir d'étrange,
voire de complètement crétin. Juste souligner que si, dans un
écosystème, on supprime les prédateurs, on bouleverse tout
l'écosystème. On aura par exemple une prolifération des herbivores
qui risquent de manger leur environnement et s'auto-détruire par la
même occasion. Donc dans le monde la Nature, n'en déplaise aux
RWAS, il n'y a pas de solutions simples.
-
2°) Les RWAS délégitiment la cause végane en défendant l'idée
que la souffrance d'un animal dans un élevage ou dans un abattoir
équivaut à la souffrance dans la Nature. La plupart des souffrances
dans la Nature sont des souffrances involontaires : la maladie,
le froid, la chaleur, la soif, la faim, etc... On ne peut pas mettre
sur le même plan la souffrance causée par un meurtre et la
souffrance causée par une maladie. Dans les deux cas, peut-être
va-t-on mourir. Mais il est indéniablement plus pénible de
connaître la peur et la terreur d'une agression que de mourir
paisiblement dans son lit. Et même si on compare une mort dans un
abattoir et une mort sous les griffes d'un loup ou d'un lion, ce
n'est pas comparable : le lion ou le loup ne font qu'essayer de
survivre, les êtres humains, eux, ont engendré un système de mort
dont ils pourraient parfaitement se passer s'ils prenaient de la
décision morale de le faire (en devenant végane).
Alors
pourquoi est-ce que je dis que les propos de Paul Ariès sont
problématiques ? Parce qu'Ariès assimilent tous les véganes à
ces thèses extrêmes ! Or les RWAS n'est qu'une poignée de
penseurs souvent déconnectés des réalités qui font là un
exercice radical de pensée. Les Cahiers
Antispécistes ont à
plusieurs reprises évoqués les thèses des RWAS et leur ont
consacré un numéro entier en avril 2018 : « Réduire
la souffrance des animaux sauvages »
(CA, n°40). Mais le numéro suivant, le n°41, est un texte
entièrement à charge contre les RWAS : « Éliminer
les animaux pour leur bien: promenade chez les réducteurs de la
souffrance dans la nature »
(rédigé par Estiva Reus, mai 2018).
Paul
Ariès participe d'un amalgame douteux en assimilant tous les véganes
aux thèses des RWAS. Les théories des RWAS font l'objet d'un débat
souvent houleux entre les antispécistes et sont souvent moqués par
les véganes eux-mêmes. Il est donc profondément malhonnête
d'affirmer que tous les véganes souscrivent comme un seul homme au
projet RWAS ou que ce serait le véritable fondement de la cause
animale. Dans l'interview du Figaro
du 19 janvier, Paul Ariès affirme : « Je
distingue dans mon ouvrage les simples véganes, souvent de jeunes
urbains généreux mais peu informés de leur propre idéologie, des
véganes conséquents, c'est-à-dire de ceux qui poussent, avec
raison, jusqu'au bout les prémisses de leur propre pensée ».
Cela fait penser à toutes ces thèses conspirationnistes où il y
aurait d'un côté les francs-maçons de base, pétris d'idéaux
humanistes, qui ne connaîtraient pas les objectifs obscurs et
machiavéliques de la franc-maçonnerie au sein de la
franc-maçonnerie, ces initiés qui connaîtraient tous les tenants
et aboutissants monstrueux de la société secrète. C'est évidemment
risible. Même les antispécistes avertis peuvent être férocement
critiques à l'encontre des thèses extrêmes de l'un ou l'autre.
À
la fin de sa tribune du Monde,
Paul Ariès continue à mentionner les thèses de RWAS pour s'en
servir comme d'un épouvantail, et ce qui est tout à fait
contestable en opérant systématiquement un amalgame haineux entre
les quelques allumés du RWAS et l'ensemble des véganes.
Frédéric Leblanc, le 27 janvier 2018
Frédéric Leblanc, le 27 janvier 2018
1 À
propos du « Retour du
Diable » et ses propos
délirants, voir l'article de David Olivier dans les Cahiers
Antispécistes d'avril 1998 ; « Obsessions
chrétiennes ».
2 David
Olivier, « Sur
Paul Ariès, Libération animale ou nouveaux terroristes ? »,
Cahiers Antispécistes, octobre 2000.
Voir également contre les propos fallacieux de Paul Ariès :
- Pourquoi les véganes sont dans le vrai : 1ère partie et 2ème partie
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