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mardi 27 août 2019

Réponse dans les formes - 1ère partie






Certaines personnes ont commenté mon dernier article « Avec ou sans les formes » où j'interrogeais les formes et les rituels au sein du bouddhisme. J'expliquais que le respect des rituels et des formes traditionnelles n'étaient pas essentielles à la pratique du Dharma. Certaines personnes ont approuvé mon message ; mais les pratiquants du zen japonais étaient beaucoup plus réticents. Notamment Sb qui m'accuse de ne rien comprendre aux formes dans le bouddhisme Zen. Pour Sb : « l'éveil ou le divin naît de la pratique quotidienne et du soin ritualisé apporté aussi bien aux ustensiles, aux légumes qu'aux autres êtres humains et non-humains » (dans le cadre de la cuisine d'un monastère Zen). Il en conclut qu'il faut respecter les règles de vie du Zen avant même de comprendre les notions importantes du Dharma. Il ajoute : « Quand on commence à percevoir la puissance et la beauté des rituels zen, c'est un autre monde qui apparaît mais un monde étonnamment concret et sensoriel.  »



Sb compare ces règles de vie et ce respect des formes aux règles du jeu d'échecs. On peut bien sûr changer les règles des échecs à tout moment, dire que le cavalier se déplace comme la dame, ou vice-versa, mais le jeu en deviendrait nettement moins intéressant, nettement moins profond et nettement moins fascinant. Toutefois dans le même temps, Sb dit aussi qu'il se fiche totalement des quatre demeures de Brahmā et qu'il ne sait même pas ce que c'est. (Pour rappel, les quatre demeures de Brahmā sont l'amour illimité, la compassion illimitée, la joie illimitée et l'équanimité illimitée). En outre, pour lui : « Rien n'est pour moi plus artificiel que de méditer sur la compassion car c'est une technique au même titre que l'auto-hypnose ou la méthode Coué ».


Alors là, j'ai un problème : Sb m'accuse de changer les règles, de ne pas respecter les formes et les rituels. Certes, mais dans le même temps, il méprise et ignore les points absolument essentiels de la doctrine du Bouddha. Vous n'atteindrez pas l’Éveil si vous ne pratiquez pas encore et encore l'amour bienveillant, la compassion, la joie et l'équanimité. De plus, la compassion est un élément central du bouddhisme du Grand Véhicule, et je rappelle que le bouddhisme Zen est une branche de ce bouddhisme du Grand Véhicule, le Mahāyāna. Donc, la question est : qui change les règles à sa guise ?


J'imagine que la réponse de Sb sera de dire que ce n'est pas dans la tradition Zen, donc on n'est pas obligé de le pratiquer. Il le dit d'ailleurs : « Méditer sur la compassion ou la bienveillance n'est pas une pratique zen en revanche si vous parvenez à appliquer les règles et rituels zen par exemple à l'occasion des repas alors "vous deviendrez capable de donner et de recevoir avec bienveillance dans toutes les situations de la vie" ». Et il n'a pas entièrement tort. Je ne dirai pas que la compassion et la bienveillance sont totalement absentes des enseignements Zen japonais, mais ils y jouent certainement un rôle secondaire comparé à d'autres formes du bouddhisme, le bouddhisme tibétain notamment.


Cela montre assez clairement que le Zen japonais a changé les règles du jeu par rapport à la doctrine originelle du Bouddha. Au fil des siècles, les changements de règles de jeu ont été nombreux. Et entre le début du Zen au Japon et aujourd'hui, il y a des changements de règles tout à fait notables. Au temps de Dōgen, les moines étaient des moines, c'est-à-dire qu'ils étaient célibataires et n'étaient pas censés avoir des relations sexuelles (comme au temps du Bouddha). Aujourd'hui, les moines japonais peuvent se marier. Changement de règle du jeu ! En réalité, c'est une évolution qui n'a rien de spirituelle, mais qui remonte à l'ère Meiji (XIXème siècle) où l'Empereur a voulu moderniser le bouddhisme et exigé des moines qu'ils se marient.


Sb mentionne le kyōsaku, ces coups de bâtons que l'on s'administre joyeusement dans les dojos Zen et qui est censé donner l’Éveil de manière soudaine. Pour moi, ce n'est pas loin d'être une pratique sadomasochiste. Aux États-Unis, certains monastères refusent cette pratique du kyōsaku1. Pour Sb, ce ne sont plus dès lors des centres Zen. Mais si on n'interroge cette pratique, on se rend compte qu'elle n'a pas toujours existé. Dans le bouddhisme ancien, c'est une aberration absolue : rappelons quand même le bouddhisme condamne la violence et ne voit aucune vertu à la violence. En fait, c'est avec le maître chinois Mazu Daoyi (709-788) qu'apparaît l'usage du coup de bâton à des fins d’Éveil. Avec Mazu, c'était surtout faire quelque chose de complètement déconcertant pour casser tous les repères du disciples et créer un Éveil soudain. Après Mazu, le kyōsaku est devenu une institution ritualisée au sein des dojos zen japonais. Et il est probable que l'influence des samouraïs et leur idéologie militariste n'y soit pas pour rien. Je ne discuterai pas ici des avantages supposés du kyōsaku : renforcer la concentration, dissiper la somnolence. Je ne sais pas si c'est efficace ou non. Personnellement, cela ne m'attire pas du tout. Force est de constater néanmoins que c'est là un changement radical des règles du jeu au sein de la communauté des moines bouddhistes.


Les règles changent et évoluent. Face à cela, deux attitudes sont possibles. Soit on s'abandonne à une tradition, par exemple dans le cas présent, la tradition du Zen Sōtō, on l'accepte en bloc comme le fait Sb. Et on reproche toute innovation qui viendrait bouleverser cette tradition comme l'idée d'abandonner le kyōsaku dans certains dojos occidentaux. 


L'avantage de suivre à la lettre une tradition avec ses formes et ses rituels est qu'on bénéficie de l'expérience de toute une série de générations qui ont pratiqué avant nous. J'imagine que ce conservatisme doit être très rassurant aussi : dans un monde qui change, avoir quelque chose de sacré et de stable sur lequel se baser. Attention toutefois de ne pas croire à une tradition éternelle et immuable. Le Zen a évolué déjà en arrivant au Japon : il suffit de regarder des monastères Chan en Chine et des monastères Zen au Japon pour ressentir une différence culturelle importante même si le Zen japonais descend directement du Chan chinois. Qu'on regarde par exemple le Zen pratiqué par le moine vietnamien Thich Nhat Hanh et le Zen pratiqué au Japon, et l'on sent une différence notable, même s'il y a aussi beaucoup de points communs. (Heureusement d'ailleurs...)


La question dans cette perspective de préserver une tradition devient dès lors comme le dit très bien Sb : si on abandonne tel ou tel rituel, telle ou telle dimension de la pratique, est-ce qu'on ne perd pas l'ensemble de la tradition ? Si on abandonne les robes noires, l'encens, le fait d'entrer dans le dojo de tel ou tel pied, le kyōsaku, est-ce qu'à force de compromissions, on ne va perdre l'ensemble du Zen en l'occurrence ? Est-ce qu'il y a un plus petit dénominateur commun de la tradition Zen ? Zazen... Ou est-ce qu'il faut le tableau complet ?




L'autre possibilité est de prendre cette tradition non pas comme une contrainte, comme une règle obligatoire, mais comme un trésor dans lequel on peut puiser à sa guise. C'est la vision humaniste que je défends : je ne me définis pas comme un pratiquant du Zen, mais comme un pratiquant du Dharma qui pense que la tradition Zen a quelque chose a à nous apprendre. Pour autant, le bouddhisme Zen seul me paraît insatisfaisant et incomplet. C'est pourquoi je vais puiser dans les soûtras du canon pâli qui sont les enseignements originaux du Bouddha, les soûtras du Grand Véhicule, le bouddhisme tibétain, etc... J'en tire des principes que j'applique à ma vie quotidienne, et selon l'efficacité de tel ou tel principe, j'oriente ma pratique du Dharma.


Sur quelle base alors juger un Dharma qui se réinvente complètement en-dehors des traditions pré-existantes ? Sb demande à juste titre : « Comment savoir si les changements sont motivés par l'esprit d’Éveil ? » Ma réponse est de dire : en pratiquant encore et encore l'esprit d’Éveil, on pourra voir si les changements vont dans le sens de l'esprit d’Éveil ou non. Certes, il faut accepter d'être le compagnon de l'incertitude durant ces années de pratique. Mais il faut aussi chercher ce qui nous fait du bien et ce qui apporte du bien au reste de la société. C'est là un élément fondamental qu'on retrouve dans le Soûtra des Kālāmas (Kālāma Sutta). Si on voit que quelque chose est bon pour nous ou pour les autres, alors il faut le mettre en pratique. Si cette chose s'avère négative, il faut l'abandonner. La tradition peut s'avérer précieuse et être de bons conseils, mais elle n'a pas réponse à tout.




Frédéric Leblanc, le 27 août 2019.












1 En préparant cet article, je suis tombé sur une interview du moine zen Philippe Coupey, disciple de Deshimaru, qui parle de la mauvaise perception du kyōsaku : « Nous étions dans le dojo, le maître était présent et nous n’oubliions jamais cela. En tout cas, c’était un grand choc d’être frappé de cette façon, et les réactions n’étaient pas toujours favorables, surtout de la part de ceux qui pensaient que recevoir le bâton non sollicité était tout à fait injuste. Ils n’avaient rien fait de mal, et regardez ce qui se passait, on les frappait de toute façon. Et par surprise. De la part de quelqu’un avec un bâton, et par-derrière aussi. Donc, comme je le disais, le danger existe d’être amené devant le juge pour rendre compte de ce comportement socialement inacceptable, et c’est précisément pourquoi de nombreux dojos à l’heure actuelle en ont interdit l’usage ». Philippe Coupey regrette néanmoins cet abandon du bâton, notamment dans le monastère californien de Shunryu Suzuki : « Ce n’est pas simplement le moine ou la nonne qui a besoin de recevoir le kyōsaku de nos jours, mais le monde entier a besoin de le recevoir, et je ne suis pas seul à le penser » (Une perspective effrayante à mon humble avis!). Article du 27 mai 2013 sur Buddhachannel.




















Pour revenir à la base de cette discussion :

Avec ou sans les formes





Lire également :

Les Quatre Demeures de Brahmā : pour les pratiquants du Zen qui n'en ont jamais entendu parler.


Kālāma Sutta : que faire quand on est dans le doute et que la tradition ne semble pas apporter de réponse?




Simplement s'asseoir (sur la question des rites et rituels qui entourent la méditation)













  























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12 commentaires:

  1. Je suis désolé j'ai écrit ce matin mon commentaire dans un esprit de polémique et de provocation... Et là, je reviens du Dojo et je suis dans un tout autre esprit.

    Je suis d'accord avec tout ce que tu écris. Et après la lecture de ton article j'ai aussitôt pensé à un T-shirt sur lequel était écrit en grosse lettre : La méditation n'est pas ce que vous pensez.

    Avant d'entrer comme moine dans un temple, Seigaku est allé une dernière fois manger de la viande dans un restaurant et il a dit à son maître qu'il avait alors eu le sentiment que ce serait son dernier bon repas. Son maître lui a répondu "n'importe quoi, on mange très bien à Eihei-ji". Il s'est alors rendu compte qu'effectivement les repas avait beau être végétarien et simple, ils étaient extra-ordinaires.

    Tout dans le zen fonctionne comme ça. Ma femme qui est nonne pense que j'ai tort de discuter avec des non-bouddhistes ou des non zennistes. Elles sous-entend que tant que tu ne le vis pas toi-même tu ne peux pas comprendre. Ça ne sert donc à rien d'en parler. Tant pis si tu ne comprends pas. Reviens dans une prochaine vie...

    Si je continuais dans le même esprit de provocation que ce matin, notre discussion pourrait vite tourner au dialogue de sourd.

    Mais je ne peux m'empêcher d'ajouter un mot sur le Kyosaku. Si on m'avait parler du Kyosaku comme le fait P. Coupey j'aurais réagis de la même manière que toi. Je ne pense pas être masochiste. Encore que... Réflechis au plaisir le plus intense que tu aies ressenti dans ta vie... est-ce qu'il était totalement indolore et fade?

    Le kyosaku est donné sur les épaules à des points d'acupuncture ça ne fait donc pas mal même si je pense que plus il est donné fort mieux c'est, plus il fait circulé l'énergie dans les chakras avec un effet de vibration ou de vagues chaleureuses. Personnellement il me fait l'effet de trois cafés sans les inconvénients du café. Comme dans un centre zen on se lève tôt (et que je ne bois pas de café) je trouve ça génial... et je le demande systématiquement jusqu'à 4 fois dans une journée qui comprend 4 à 5 séquences de zazen par jours. Comme il est donné relativement fort c'est très désagréable de l'entendre donné sur les autres car on s'imagine à tort que c'est douloureux. Il est vrai que quand il est mal donné au mauvais endroit c'est douloureux et désagréable mais c'est rare. Cela m'est arrivé deux fois et je n'en suis pas mort. Il faut bien que les mecs apprennent à le donner comme une apprentie infirmière qui rame parfois à faire la piqure au bon endroit.
    Si la première fois la personne le donne mal après les gens ne demandent plus et tous le monde en dit du mal... J'insiste sur le fait que personne n'est obligé de recevoir le kyosaku et qu'on le demande en faisant Gassho les mains jointes. Et après l'avoir reçu on fait à nouveau Gassho pour remercier. Il ne s'agit pas d'une punition. Je ressens une gratitude énorme quand il est bien donné et souvent quand c'est le cas je vais voir le Kyosakuman pour lui dire que c'était parfait... et que la prochaine fois qu'il n'hésite pas à taper plus fort.
    Je tiens à préciser que je me considère comme quelqu'un de douillet... j'ai par exemple beaucoup de mal à marcher pieds nus sur des coquillages sans ronchonner. Par conséquent je ne tire aucune gloire du fait d'être fan du Kyosaku. Je me considère comme chanceux que ça le fasse... et plein de gratitude.


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  2. Je suis assez farouchement opposé à toute forme de syncrétisme... et les adeptes du new age qui vont piocher dans toutes les traditions me font un peu horreur. Je sais que ce n'est pas ton cas mais je caricature un peu pour que tu comprennes ma position.

    Jack Kornfield dit qu'on ne peut atteindre la source si on creuse à différents endroits plutôt qu'à un seul et il déconseille de piocher simultanément dans différentes traditions.

    Il est lui même un mauvais exemple puisqu'il a pratiqué dans différentes traditions bouddhistes notamment théravada et rinzaï. L'avantage c'est que ce qu'il dit des différentes traditions me semble assez juste et qu'il évite tout esprit de polémique.

    Avec le dojo (zen) nous allons parfois méditer chez les tibétains et nous méditons sur la compassion en suivant les instructions du lama. L'idée c'est d'éviter tout sectarisme.

    Mon avis c'est qu'il faut impérativement choisir une tradition pour la pratique et peu importe laquelle (Theravada, Tibétain, zen soto ou zen rinzaï, etc.) et en même temps garder un esprit d'ouverture sur les différentes traditions et religions.

    Jack Kornfield dit que si on accumule les pratiques (des différentes traditions) alors on ne rencontre jamais l'ennui propre à une tradition. Il sous-entend que cet ennui est bénéfique mais il ne développe pas en quoi c'est bénéfique. Je trouve cette idée intéressante et juste mais je ne peux pas la développer non plus.

    Merci pour la discussion... j'avoue que c'est un sujet qui me passionne d'autant plus que je n'ai pas toutes les réponses et que ça me travaille.

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    1. Jadis j'ai fréquenté régulièrement le dojo zen du Maître Deshimaru, fait des sesshin et camps d'été aussi. Parfois Sensei donnait le kyosaku lui-même et n'attendait pas qu'on lui demande. Ainsi un matin, par deux fois et avec quelques années d'intervalles, j'ai reçu un super kyosaku : plus de dix fois sur chaque épaule. Ce fut formidable car après cela l'esprit était dans l'authentique concentration.

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  3. Il y a aussi un truc que tu n'as pas compris dans ce que je disais:

    "Certes, mais dans le même temps, il méprise et ignore les points absolument essentiels de la doctrine du Bouddha. Vous n'atteindrez pas l’Éveil si vous ne pratiquez pas encore et encore l'amour bienveillant, la compassion, la joie et l'équanimité."

    La question c'est est-ce qu'il est nécessaire de connaitre la doctrine du bouddha pour pratiquer l'amour bienveillant, la compassion, la joie et l'équanimité.
    Est-ce que ces quatre points de doctrine on ne les trouve pas également chez Saint François d'Assise qui ignorait tout du bouddhisme et qui insistais, à ma grande surprise, sur la joie (je l'imaginais plus austère).

    Lu sur un blog:
    "L’argument implicite est que la connaissance (théorie) et la réalisation (pratique) du “Dzogchen” (ou équivalent) sont à l’origine d’un maître authentique. Un maître qui a été dûment formé est un maître authentique, et un maître authentique serait incapable des agissements d’un Sogyal. Les problèmes de Sogyal seraient en partie dus à son manque de formation et son manque de connaissance du “Dzogchen”. C’est évidemment faux, la plupart des humains savent se comporter bien, ou du moins dans les cadres de la loi, sans même connaître le mot de “Dzogchen” (ou équivalent).

    http://hridayartha.blogspot.com/2019/08/sexe-et-violence-dans-le-bouddhisme.html

    Faire de la connaissance des principes un préalable à une conduite éthique me semble également un biais fréquent chez les philosophes.

    Mais pire encore... la méditation seule ne suffit pas pour soigner ses névroses et ses problèmes relationnels... c'est ce que dit bien Jack Kornfield... il est parti 10 ans en Asie pratiquer 15 heures par jour la méditation et il s'est aperçu en revenant dans le monde qu'il n'avait rien réglè du tout. Sa vie relationnel était dans les premiers temps tout aussi chaotique, comme si les 10 ans de méditation n'avaient servi à rien.

    Il me semble donc évident que plus que la doctrine du bouddha et la méditation c'est bien dans des aller retour incessant entre méditation et relations humaines (et non-humaines) dans le samsara qu'on peut progresser. D'où le brassage dans les temples zen entre moines et laïcs.


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    1. La méditation n'est pas la seule pratique que propose le Bouddha. C'est pour cela qu'un jour j'ai quitté la tradition zen japonais et rejoins le vajrayana tibéto-himalayen. Et là j'ai découvert les "moyens habiles", telles les pratiques préliminaires et la méditation de Chenrézi, (Avalokiteshvara, le bodhisattva de la compassion). Ces pratiques soignent les névroses et aident à résoudre les problèmes relationnels.

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  4. Sur le fait que zen a changé les règles par rapport au bouddhisme originel... c'est vrai mais c'est aussi ce qui en fait l'intérêt.
    Étant marié à une nonne je ne peux que me réjouir qu'elle ne soit pas obligé de quitter la maison et qu'elle ne soit pas tenu à une abstinence sexuelle stricte.
    Si le zen n'existait pas (et donc s'il n'y avait en France que les Tibétains et le Theravada) je n'aurais certainement jamais rencontré le bouddhisme.

    On fait remonter le bouddhisme zen à Bodhidharma à qui l'on fait dire "il n'y a rien de sacré" et "aucun mérite" à construire des constructions bouddhistes. On dit aussi qu'il aurait passé 9 ans assis face au mur sans parler.

    L'absence de sacré, de mérite et donc de profit personnel auquel s'ajoute un dépouillement un peu austère m'attire plus que toute autre forme de bouddhisme.

    On pourrait dire que c'est parce que je sui fan du Kyosaku que je vais avoir tendance à médire du zen américain mais je ne suis pas le seul à le dire:

    ""aucun texte sacré et aucune pratique particulière" ni même de "clergé" aurait frappé le maître comme un risible embellissement commercial du zen servi aux américains qui aiment le confort, veulent que les choses soient faciles, légères, aseptisées..."

    Richard Shusterman - Chemin de l’art, transfiguration du pragmatisme au zen

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  5. J'ajoute une dernière chose histoire de faire le tour de la question

    Le zen soto en France est tiraillé entre trois alternatives incompatibles entre-elles, qui divisent autant qu'elles fédèrent en trois groupes.

    Il y a les Deshimaristes (autour de Thibault Kosen) qui souhaiteraient maintenir la pratique en France telle qu'elle existait au temps de Deshimaru et qui souhaiteraient une rupture nette avec le Japon.

    Il y a ceux (autour de Eric Rommeluère ou Pierre Turlur) qui plaident pour la création d'un zen européen, volontariste et engagé mais en rupture avec le Japon

    Il y a ceux (AZI) qui veulent renforcer les liens avec le Japon... lien qui impliqueraient une pérennité et une authenticité renforcé.

    Je suis plutôt dans le 3ème courant qui me semble majoritaire peut-être parce que je baigne dedans. Je suis entouré de moines et de nonnes qui parlent avec émotion de leur séjours au Japon... des séjours de 3 mois de pratique intensive en immersion totale... et qui trouve ça fantastique.

    Même si elle est en dehors de l'AZI, Valérie DUVAUCHELLE représente également ce courant très centré sur un Japon tourné vers le monde.

    https://www.actes-sud.fr/catalogue/cuisine-et-gastronomie/le-gout-silencieux



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  6. J'ai quand même du mal à laisser dire que le Kyosaku serait en contradiction avec l'idéal non-violent du bouddhisme et qu'il y aurait un lien avec celui militariste des samouraï.

    Dans le zen la relation de maitre à disciple est évoqué à partir de la relation grand-mère-petit-fils ce qui implique un amour très fort mais aussi une distance générationnelle. La grand-mêre est censé rudoyé un peu le petit-fils. Parler de violence me parait très exagéré et déplacé.

    Dans la mythologie qui entoure Dogen n raconte l'histoire suivante:

    le jeune Dôgen décida de séjourner dans ce petit monastère. Bien plus tard, alors que le zazen particulièrement éprouvant touchait à sa fin, le maître se leva subitement, administra le kyosaku (bâton d’éveil) à un disciple assoupi et clama :

    « Rejetez corps et esprit ! » (shin jin datsu raku).

    A ce moment là, le moine Dôgen réalisa l’éveil. Quelques jours plus tard il entra dans la chambre du maître, et lui dit qu’il avait rejeté corps et esprit, obtenant l’étape ultime de son éveil à la compréhension suprême par la réponse fulgurante du vieux maître chinois qui lui dit en substance :

    « Corps et esprit déjà rejetés !»

    Si le Kyosaku était déjà utilisé en chine à l'époque de Dogen, celui-ci ayant eu une incidence sur l'éveil de celui-là... On peut comprendre l'importance du Kyosaku dans le zen Soto sans avoir besoin de faire référence au samouraï japonais.

    Je vois dans des propos le même esprit de polémique et de provocation que dans mon commentaire initial, qui nous pousse parfois à dire n'importe quoi. C'est de bonne guerre.

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    1. Le kyosaku est le bâton de la compassion du Bouddha.

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  7. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  8. Le véritable zen est dans l’esprit et l’esprit est libre des formes : ni les méprisant ni s’y limitant, il en joue loyalement pour amener ceux qui bloquent encore sur les phénomènes à se libérer de leur sidération.

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  9. Merci à tous les deux pour cet échange passionnant

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