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samedi 16 août 2025

L'oiseau blessé d'une flèche

 



L'oiseau blessé d'une flèche

Jean de la Fontaine, 1668





Mortellement atteint d'une flèche empennée,
Un Oiseau déplorait sa triste destinée,
Et disait, en souffrant un surcroît de douleur :
Faut-il contribuer à son propre malheur !
Cruels humains ! Vous tirez de nos ailes
De quoi faire voler ces machines mortelles.
Mais ne vous moquez point, engeance sans pitié :
Souvent il vous arrive un sort comme le nôtre.
Des enfants de Japet toujours une moitié
Fournira des armes à l'autre.








Marc Chagall, L'oiseau blessé d'une flèche, 1927







Voici une célèbre fable de la Fontaine inspirée par la fable « L'aigle frappé d'une flèche » d’Ésope. Un oiseau donc est frappé par la flèche d'un chasseur, Jean de la Fontaine, contrairement à Ésope, ne nous dit pas de quel espèce il s'agit. Cet oiseau constate amèrement que la flèche, cette « machine mortelle », est empennée avec la plume d'un autre oiseau :

« Faut-il contribuer à son propre malheur !

Cruels humains ! Vous tirez de nos ailes

De quoi faire voler ces machines mortelles. »



Néanmoins, l'oiseau fait remarquer également que les flèches fabriquées par l'homme et qui terminent la course des oiseaux dans le ciel servent aussi au destin funeste de l'homme dans les guerres et les conflits de toutes sortes. Aujourd'hui, les flèches ont été reléguées au sport et au folklore, mais les balles des chasseurs qui tuent des oiseaux par milliers servent à tuer d'autres êtres humains un peu partout sur le globe.



« Mais ne vous moquez point, engeance sans pitié :

Souvent il vous arrive un sort comme le nôtre.

Des enfants de Japet toujours une moitié

Fournira des armes à l'autre. »



Dans la mythologie grecque, Japet était un titan qui a combattu aux côtés des autres titans dans la guerre contre les dieux menés par Zeus, la « titanomachie ». Par contre, les enfants de Japet ont été divisés : Menetios et Atlas ont combattu du côté des titans, Prométhée et Épiméthée, eux, se sont ralliés à Zeus et les dieux de l'Olympe. Par ailleurs, Prométhée a donné, contre l'avis des dieux, le feu et les savoirs techniques aux hommes. Ce qui vaudra à Prométhée son terrible châtiment : avoir tous les jours son foie dévoré par un vautour et aux hommes, leur terrible destin de guerres, de violences et de tragédies avec la capacité de forger des armes, ces « machines mortelles ».





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On peut se demander avec Jean de la Fontaine dans quelle mesure le fait de chasser et de tuer les animaux pour leur chair ne contribue pas grandement à faciliter les guerres et les violences. Si l'homme est un loup pour l'homme, c'est certainement en partie parce que l'homme a été depuis des millénaires un homme pour l'oiseau, pour le sanglier, pour la biche, c'est-à-dire un terrible prédateur qui finit systématiquement par se retourner contre ses congénères. D'une part, on se rend coupable de cette violence à l'encontre des animaux : on les pourchasse, on leur tend des pièges, on les empale, on leur tire dessus. Tout ce qu'on fait à la guerre ou dans les assassinats. D'autre part, une large partie de la population ne participe pas directement à ces mises à mort, mais fait tout pour ignorer ce qu'il se passe vraiment dans ces chasses, dans ces élevages et dans ces abattoirs. On constate la même chose dans les guerres, les injustices et les massacres : on fait tout pour que le grand public ne soit pas trop au courant et on détourne le regard sur des événements futiles qui vont distraire les masses.



Je pense qu'effectivement, abandonner le meurtre des animaux et leur exploitation sordide diminuerait grandement la violence des humains envers les autres humains. Maintenant, certains disent que les guerres s'arrêteraient complètement si on devenait tous véganes. Je ne partage pas cet optimisme envers la nature humaine : il resterait quand même un fond de violence en nous ainsi qu'une insatiable volonté de pouvoir qui mène à toutes les injustices, me semble-t-il. Mais ne serait-ce que diminuer cette violence serait déjà un grand pas pour l'humanité !









Auguste Delierre, L'oiseau blessé d'une flèche, 1870






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