Posture
Petits conseils de méditation
(Quatrième partie)
Une question qui revient quand on aborde la méditation est : quelle est donc la posture de méditation correcte ?
D'abord, une remarque importante : au moins en principe, on peut pratiquer l'attention juste dans n'importe quelle position ! Il n'est pas absolument nécessaire d'être dans la posture du lotus pour s'adonner à la méditation, même si c'est cette position qui est retenue pour les statues des Bouddhas en méditation. On peut tout aussi bien être assis en tailleur, assis sur une chaise, debout, couché, à genoux, à cloche-pied, en faisant le poirier, dans une posture improbable de yoga, etc... Quelle que soit la position de votre corps, vous pouvez pratiquer la méditation. Quelle que soit la position de votre corps, vous pouvez développer l'attention au corps, l'attention aux sensations, l'attention à l'esprit, l'attention aux objets de l'esprit, les phénomènes.
C'est important de rappeler cela, car il y a parfois dans les milieux de la méditation, un certain fétichisme de la posture. Je pense par exemple au bouddhisme Zen qui tombe assez souvent, me semble-t-il dans ce travers. L'insistance sur la posture correcte me paraît y être franchement excessive. Je me rappelle d'un livre de Taizen Deshimaru où celui-ci racontait que sa posture était apparue si bonne aux maîtres de son temple qu'on avait commandé une statue en zazen à son effigie. Taizen Deshimaru expliquait qu'il avait toujours essayer de ressembler le plus parfaitement à cette statue. Sauf le respect que je dois à ce maître emblématique, cela me paraît complètement délirant. Vous n'êtes pas une statue, vous n'êtes pas fait de pierre, mais d'os, de muscle et de chair. Et donc, il n'y a rien de sensé à vouloir ressembler à une statue. Vous êtes un être vivant avec vos démangeaisons, vos crampes et vos douleurs articulaires. L'attention juste, c'est précisément en prendre conscience avec la plus grande des minuties, plutôt que de nier votre corps parfois crispé, parfois tendu en cherchant l'idéal d'une statue.
En conséquence, je dis : la posture de lotus, c'est très bien. Mais cherchez d'abord la posture qui vous convient et dans laquelle vous vous sentez suffisamment bien pour rester ainsi de nombreuses minutes, voire des heures. Quand j'étais plus jeune, la posture du lotus était OK. Maintenant je suis plutôt en demi-lotus, voire en tailleur. Mais je comprendrais tout à fait que d'autres personnes pratiquent la méditation sur une chaise, voire en position couchée ou à genou sur un petit tabouret prévu pour la méditation. Chacun fait avec son corps et c'est très bien comme cela !
Il y a bien une rationalité à la posture de lotus. Quand vous êtes debout, la tentation de bouger est beaucoup plus forte. Pareillement, sur une chaise, l'envie de se lever et de partir est plus forte. Inversement couché, vous êtes bien ancré au sol, peu d'envie de bouger, mais par contre, la tentation de s'assoupir et de glisser dans le sommeil est maximale ! La posture de lotus est considérée comme idéale : vous êtes bien droit, peu d'envie de somnoler, et les jambes entrecroisées vous arriment au sol. D'où d'ailleurs le nom même de posture de lotus, votre corps est comme une fleur de lotus qui pousse dans le marécage de la matérialité.
La posture de lotus est donc considérée comme idéale, mais il n'échappera pas à tous ceux qui l'ont essayée que le lotus est très difficile à maintenir pour le commun des mortels, douloureux pour les articulations, voire impossible pour beaucoup de monde ! Donc je réitère l'idée qu'il faut trouver la position qui convient le mieux à votre morphologie pour que votre séance de méditation ne tourne pas à une forme de pratique sado-maso ! Le but est de pratiquer l'attention juste ; pas de revivre les stations du calvaire du Christ le jour de sa crucifixion ! J'ai vu trop de gens dans les centres de méditation déclarer fièrement qu'ils avaient été plus forts que la douleur dans le dos, les genoux ou les articulations sans chercher à prendre conscience de ce genou ou de ce dos douloureux, sans observer minutieusement cette sensation corporelle douloureuse.
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Ceci étant dit, il ne faut sombrer non plus dans l'extrême inverse : le relâchement total, l'apathie, la mollesse caractérisée ! Ne soyez pas tendu comme une crampe, mais ne soyez pas effrayé non plus du moindre inconfort ! Tout est une question de milieu ! Un jour, un moine bouddhiste qui avait été auparavant joueur de luth vint trouver le Bouddha et lui demanda comment pratiquer la méditation. Le Bouddha lui demanda comment il accordait son instrument de musique. Le moine lui répondit : « Les cordes ne doivent être ni trop tendues, ni trop relâchées ». Le Bouddha rétorqua alors : « Et bien, dans la méditation, c'est la même chose : vous ne devez ni être trop tendu, ni trop relâché ».
Essayez donc d'avoir le dois le plus droit possible. Encore une fois : sans crispation, mais essayez quand même de vous redresser afin de ne pas finir courbé comme un bossu ! Quand je dis droit, ce n'est pas non plus une notion géométrique : certaines personnes ont un creux naturel dans le bas du dos. N'essayez pas de le résorber complètement. Et si le haut du dos est naturellement complètement voûté, ne vous acharnez pas non plus. Faites votre possible pour vous redresser sans entrer en guerre contre votre anatomie et votre physiologie
Dans le Zen, on donne cette image intéressante de pousser le ciel avec le crâne et de pousser le sol avec les genoux. Un coussin de méditation ou zafu est un accessoire tr ès recommandable pour cela : comme ça, votre bassin est plus haut que vos genoux. C'est un confort précieux, me semble-t-il, mais ce n'est complètement indispensable : dans la Nature, il m'arrive de pratiquer la méditation à même le sol. J'essaie alors de trouver des terrains légèrement en pente si c'est possible afin de retrouver cette situation où le bassin est au-dessus des genoux.
Rentrez également le menton tout en étirant votre colonne. Veillez régulièrement à cela car la somnolence peut nous faire piquer du nez. De manière générale, si vous êtes somnolent, raffermissez votre posture. Soyez plus souple et relâché par contre si vous êtes dans l'agitation et la nervosité.
Quant aux mains, vous avez le choix : vous pouvez poser simplement vos mains ou les poignets sur vos genoux. Ou alors adopter le mudra de la méditation : une main sur la paume de l'autre, les pouces se touchant l'un l'autre et étant parallèles grosso modo avec les paumes. On qualifie souvent cette position des pouces : « ni montagne, ni vallée ». Les pouces ne doivent pas être tombants et rabaissés, ce qui est un signe de somnolence, ni trop élevés, ce qui témoigne plutôt d'agitation interne. Précisons qu'il existe des variantes de cette position selon les écoles : dans le Zen Rinzai par exemple, les pouces sont écrasés sur les paumes. Dans le Zen Sôtô, on précise quelle main doit être sur quelle main, mais quand je fréquentais un centre Zen dans les années '90, j'avais remarqué que, dans les thangkas tibétaines (peintures sacrées) qui représentaient le Bouddha en méditation, c'était l'inverse. Ne soyez donc pas trop maniaque sur le sujet ! L'important est de cultiver l'attention, je ne le rappellerai jamais assez.
Enfin, n'oubliez pas de relâcher les épaules et d'avancer les coudes, qu'ils ne soient pas trop en arrière comme si vous étiez apeuré.
Voilà donc ces petits conseils pour une posture correcte en méditation. Reste à pratiquer encore et encore la méditation. Comme le dit le Bouddha : « Voici le pied des arbres, voici des endroits isolés. Engagez-vous dans la voie du progrès intérieur. Ne prenez pas de retard afin de n'avoir pas, plus tard, de regret. Cela est notre instruction pour vous tous1 ». Bonne méditation donc ! Cultivez bien l'attention et l'esprit d’Éveil !
1Majjhima Nikâya, III, 298 – 302. Mohan Wijayaratna, Sermons du Bouddha, Points / Sagesse, Paris, 2006, pp. 187-195.
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