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lundi 11 décembre 2017

Kobayashi Issa et les papillons




     Dans un précédent article sur la figure du papillon dans la philosophie et la spiritualité, j'avais évoqué un haïku du poète japonais Kobayashi Issa (小林 一茶, 1763 – 1828). Mais la figure du papillon se manifeste dans d'autres haïkus de ce maître. En voici deux occurrences.



Le papillon bat des ailes
Comme s'il désespérait
De ce monde.



      Dans un monde absurde où l'on a souvent l'impression que les choses ne peuvent aller mieux, que rien ne changera, ou alors en pire, y a-t-il une grâce de l'effort ? Comme le papillon qui s'acharne à battre frénétiquement des ailes pour amener de ci, de là sa beauté colorée au monde. Que le monde soit absurde et qu'il n'apporte aucun espoir, est-ce une raison pour se laisser à la veulerie et à la vulgarité ? Ne devons-nous pas insuffler quelques instants fragiles de beauté à ce monde ?





Francis Bruguière, Au-delà de ce point, 1929






*****




Couvert de papillons
L'arbre mort
Est en fleurs !



     J'aime beaucoup ce moment de contemplation. Cette juxtaposition de la vie et de la mort dans une image frappante. Cela nous aide à rappeler que, dans la nature, la vie n'est pas l'opposé de la mort, mais que tout n'est que transformation de l'un vers l'autre : la vie se transforme inévitablement en mort, mais la mort des êtres organiques permet à d'autres êtres organiques de se développer et de se propager dans le monde.





Papillons monarques au Mexique





        Par ailleurs, la conception que l'on se fait d'un arbre mort a considérablement évolué dans les métiers forestiers. Pendant longtemps, on a considéré le bois mort comme un déchet dont il fallait se débarrasser dans une forêt bien gérée, comme quelque chose n'apportant que de la saleté, de la pourritures, sans compter des maladies et des parasites pour les arbres vivants de la forêt. Ainsi les insectes et les champignons mangeurs de bois qui pourraient s'attaquer aux espèces saines.


      Mais à partir des années '70, l'idée que les arbres morts jouent un grand rôle dans la biodiversité a commencé à voir le jour et à se répandre. Lors de leurs différents stades de décomposition, ces arbres morts abritent ou nourrissent indirectement une multitude d’organismes vivants. Ils sont donc une source de vie pour de nombreux organismes, que ce soit des insectes, des bactéries, des invertébrés et des champignons, qui transforment ces arbres en biomasse grâce au fait de se nourrir du bois mort dont ils assurent la décomposition et le recyclage. Sans oublier les oiseaux et les petits mammifères tels que les musaraignes, les chauves-souris, les hérissons qui se nourrissent à leur tour des insectes et des autres bestioles qui vivent sur et dans les arbres morts. Il est temps d'avoir un nouveau regard ces arbres morts. Mais si c'est une intuition déjà ancienne si l'on en croit ce haïku de Kobayashi Issa !






















Voir aussi :




Voir également ; 





- Une charogne (Charles Baudelaire)



- Les cent fleurs (Wumen Huikai)



Penser l’homme et l’animal au sein de la Nature














    Raku Inoue







    Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici. 








    3 commentaires:

    1. Je viens à peine de découvrir votre blog et je me sens déjà obligé de vous remercier pour toutes ces magnifiques découvertes picturales et poétiques.
      Sur ce bonne journée/soirée à vous.

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    2. Cela me fait penser à cet autre haïku de Kobayashi Issa

      Ah le papillon
      volant comme si le monde
      n’avait aucun but


      J'aime beaucoup le "comme si"
      et je me suis souvent posé la question à savoir
      comment cet espèce de magnifique petit "bidule" si étrange et si fragile,
      au vol instable et chaotique, faisant fi de toutes recommandations les plus élémentaires d'aérodynamique,
      puisse ainsi continuer à voler… sans s'écrabouiller sur le premier obstacle venu.

      Et bien non, pas du tout.
      C'est juste une impression.
      Car en réalité, c'est un vol d'une précision redoutable.
      Avez vous déjà observé, par une chaude journée d'été, une poursuite de papillons dans les buissons et les herbes hautes? C'est fou !
      Un véritable spectacle de voltige d'une dexterité remarquable.

      …cache bien son jeu celui-là…

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    3. Merci, Soulman 404; merci, Tara, pour vos commentaires.
      Passez une très bonne journée !

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