Il
n'y a pas de remède à l'amour si ce n'est d'aimer davantage.
Henry David Thoreau, Journal, 25 juillet 1839.
Souvent,
l'amour nous conduit à subir des peines et de cruelles déceptions à
tel point que l'amour résonne en nous comme une malédiction. Dans
l'Antiquité, Ovide, à la suite de son manuel de séduction, L'Art
d'Aimer, avait écrit un autre ouvrage pour nous consoler des
chagrins amoureux : Les remèdes à l'amour. Ovide y
donnait toutes sortes de techniques pour se désenvoûter des
sortilèges qui nous enchaînent au sentiment amoureux. Il
conseillait, par exemple, d'aller espionner la demoiselle dont on
s'est épris, au petit matin avant que la belle n'ait eu le temps de
se maquiller On voit bien que ces remèdes n'ont qu'une efficacité
relative. Ce qui faisait dire à Henry David Thoreau que l'amour n'a
pas de remède. Aucune technique, aucune méthode ne sera réellement
efficace contre le désarroi et le désespoir en amour. La seule
chose qui pourra sauver notre cœur brisé par l'amour est l'amour
lui-même : aimer plus, aimer toujours et encore, voilà ce qui
sauvera l'amour !
Dans
nos peines de cœur, on est souvent tenté de détester l'autre qui
nous a fait souffrir, de se venger ou de lui intenter un procès pour
lui soutirer une pension alimentaire. La religion a toujours l'arme
idéale pour condamner les autres : en fustigeant les relations
charnelles, on peut se venger moralement des autres, lui infliger
notre rancune et notre ressentiment. Mais est-ce vraiment la
meilleure façon de se comporter que de voir sa relation à l'autre
que sur le mode de la conquête, de la contrainte et de la
vengeance ? Si tu n'aimes plus comme je veux, je me vengerai
d'une manière ou d'une autre.
Tout
cela ne rend que plus misérable encore. La seule chose à faire,
c'est d'aimer la personne qui ne nous aime plus. Peut-être est-ce
douloureux ; mais le ressentiment est d'un goût bien amer.
C'est une passion triste qui appauvrira complètement notre vie. Le
problème dans l'amour n'est pas l'amour, mais l'attachement que
suscite l'amour. Et la colère, le ressentiment ou la jalousie
engendrent un attachement plus durable encore et surtout beaucoup
plus douloureux. Il faut donc avoir le courage d'aimer davantage.
Il
faut aussi viser une dimension plus élevée de l'amour. Les
philosophes ont pris l'habitude de diviser en trois : eros,
philia et agâpé. Eros est l'amour qui désire, qui prend, qui veut
jouir de l'autre et de sa présence. Philia est l'amour qui donne,
qui s'engage avec l'autre. L'image que l'on donne souvent est celle
d'une mère avec son bébé. Agâpé est l'amour du prochain, l'amour
qui s'étend à tous sans distinction. C'est notamment l'amour du
prochain dans la pensée de Jésus-Christ. On peut aussi rapprocher
agâpé avec maitri dans la pensée bouddhique :
l'amour-bienveillance qui touche tous les êtres sensibles dans les
dix directions, dans toutes les directions de l'univers. Cet amour,
cette bienveillance aspire que tous les êtres sensibles connaissent
un bonheur durable et connaissent la délivrance de la souffrance.
Eros
et philia sont deux formes d'amour qui crée un attachement très
fort. En outre, eros est souvent condamnée à l'insatisfaction,
soit qu'on obtienne pas la personne désirée, soit que l'autre cesse
d'être la personne que nous idéalisions et que nous commencions à
ennuyer dans notre couple. Philia a un rapport plus apaisé à la vie
de couple, puisqu'il cesse de toujours vouloir prendre. On a envie de
donner et s'engager pour les autres. C'est plus gratifiant.
Néanmoins, eros et philia créent de l'attachement et se
transforment en douleur en cas de rupture.
Maitri
est cet amour-bienveillance qui ne s'attache pas à des personnes
particulières, mais rayonne dans toutes les directions envers tout
le monde, qu'il s'agisse d'amis, d'ennemis ou de personnes qui nous
sont inconnues ou indifférentes. Maitri s'étend aussi à tous les
animaux et les êtres sensibles. Dans la Voie du Bouddha, maitri fait
l'objet d'une méditation : la première des quatre méditationsincommensurables. Voilà comment le Bouddha l'exprime ainsi :
« Le
méditant demeure faisant rayonner la pensée d'amour bienveillant
dans une direction de l'espace et de même dans une deuxième, dans
une troisième, dans une quatrième, au-dessus, au-dessous, au
travers, partout dans sa totalité, en tout lieu de l'univers, il
demeure faisant rayonner la pensée d'amour bienveillant, large,
profonde, sans limite, sans haine et libérée d'inimitié ».
Il
s'agit d'étendre l'amour dans toutes les directions sans faire de
distinctions,
de vouloir le bien de ces êtres. C'est le souhait qui doit
accompagner le pratiquant du Dharma. C'est un amour beaucoup plus
libre, libre comme l'air car il ne se fige pas sur telle ou telle
personne. C'est en particulier un amour qui permet de dépasser son
propre petit malheur personnel en ce qu'il nous relie à tous les
êtres sensibles du monde et nous fait comprendre notre lien
d'interdépendance avec eux. L'amour-bienveillance nous permet de
faire éclater la coquille de notre petit moi enfermé sur lui-même
et de nous ouvrir à une dimension plus vaste de l'existence.
Autres citations de Henry David Thoreau :
Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.
Randy Scott Slavin |
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