Ce texte commente un discours de Krishnamurti d'août 1929 qui se trouve ici.
Voici un discours très fort de Jiddu Krishnamurti. Ce discours, il le prononce en août 1929 afin de dissoudre l'Ordre de l'Etoile de l'Orient, ordre fondé par la Société Théosophique d'Helena Blavatsky et le colonel Olcott et imprégné de la croyance que Krishnamurti était le Bouddha Maitreya, le Bouddha à venir dans la mythologie bouddhiste et qu'il allait jouer le rôle à la fois de Messie, de Sauveur de l'humanité et d'"Instructeur du Monde". Krishnamurti tranche dans ce discours radicalement avec ce projet.
Voici un discours très fort de Jiddu Krishnamurti. Ce discours, il le prononce en août 1929 afin de dissoudre l'Ordre de l'Etoile de l'Orient, ordre fondé par la Société Théosophique d'Helena Blavatsky et le colonel Olcott et imprégné de la croyance que Krishnamurti était le Bouddha Maitreya, le Bouddha à venir dans la mythologie bouddhiste et qu'il allait jouer le rôle à la fois de Messie, de Sauveur de l'humanité et d'"Instructeur du Monde". Krishnamurti tranche dans ce discours radicalement avec ce projet.
Krishnamurti
refuse totalement d'enseigner un ordre établi ou une voie
spirituelle codifiée. Il refuse d'organiser une nouvelle croyance ou
une nouvelle religion. Ce reviendrait selon lui à créer une
nouvelle prison pour l'esprit humain. Or le but de Krishnamurti est
de rendre les gens libres, car pour lui l'Absolu est absolument
libre; il se donne de manière absolument inconditionnelle. Enseigner
une Voie avec l'Organisation qui va avec est complètement inutile
pour accéder à la Vérité. "La Vérité est un pays sans
chemin" nous dit Krishnamurti.
On
ne peut être que frappé par l'ambiguïté de Krishnamurti. Dans le
même discours, Krishnamurti se définit lui-même comme étant la
Vérité: "C'est
précisément parce que je suis libre, inconditionné, intégral,
parce que je suis la Vérité : non point partielle, ni relative,
mais entière, la Vérité qui est éternelle, c'est pour cela que je
désire que ceux qui cherchent à me comprendre soient libres, et non
pas qu'ils me suivent, non pas qu'ils fassent de moi une cage qui
deviendrait une religion, une secte".
D'un
côté, Krishnamurti dit "trouvez la Vérité vous-mêmes grâce
à vos propres choix, je ne suis pas là pour vous enseigner la
Vérité". De l'autre, il parle de lui-même comme étant la
Vérité, pas la vérité de Krishnamurti, non la Vérité avec un
grand V valable pour tous, absolue, intégrale. Et si la Vérité
Krishnamurti est libre, vous devez être libre tout comme Lui. Voilà
bien une injonction paradoxale! Vous devez être libre, vous avez
l'ordre d'être libre ! Faites ce que vous voulez, mais soyez libre!
Bien
sûr, Krishnamurti a la gentillesse de nous dire que cela lui est
égal si on ne le reconnaît pas comme étant la Vérité: il est
libre de ce que nous pensons de lui. On n'est pas obligé de le
croire. Mais malgré cette charmante attention, un malaise subsiste.
Des amis qui vaquent dans le domaine de la spiritualité se sont
étonnés du fait que je ne me revendique pas de Krishnamurti, moi un
pratiquant bouddhiste qui n'est affilié à aucune obédience
bouddhiste, que ce soit les dojos zen, les centres tibétains ou les
monastères theravadins, et que je puisse tour à tour invoquer le
canon pâli où sont transcrits les enseignements bouddhistes, un
philosophe mahayaniste comme Shântideva, un poème de Dôgen ou des
textes tantriques tibétains.
Moi
qui n'est affilié à aucune école particulière du bouddhisme, moi
qui n'est pas affilié à une organisation bouddhiste, moi qui n'ait pas
l'esprit de chapelle (ou l'esprit de stoupa, pour être plus conforme
au contexte bouddhique!), je devrais me reconnaître dans la figure
de Krishnamurti. Et bien non, j'ai des réticences tenaces à son
encontre! Sa position me paraît trop ambiguë pour les raisons
que je viens d'énoncer. En outre, il m'agace quand il prétend ne
devoir rien à personne, alors que ces discours et ses écrits sont
imprégnés de philosophie indienne sans qu'il s'en rende compte.
Quand on lit Krishnamurti, on se rend bien compte qu'il évolue dans
un monde de pensée qui est celui-ci de la pensée non-dualiste
indienne.
Néanmoins,
j'admets que ce discours présente une grande force intellectuelle et
spirituelle, et qu'il mérite à tout le moins réflexion. C'est
pourquoi je le partage ici sur mon blog.
Dans
le Nagara
Sutta,
le Bouddha emploie la métaphore d'une ville ancienne perdue dans la
jungle que l'on viendrait à redécouvrir en empruntant un ancien
chemin : "C'est
comme si un homme se promenant dans la forêt ou dans la jungle,
trouvait une ancienne voie, une ancienne route suivie par les gens
d'autrefois. Supposons qu'en suivant cette ancienne voie, il
rencontre une ancienne cité, une ancienne ville royale, habitée par
les gens d'autrefois, entourée de jardins, de bosquets, d'étangs,
de fondation, de remparts, un lieu agréable. Supposons que ce
promeneur informe le roi ou ses ministres de sa découverte et
demande que la ville soit restaurée. Lorsque la ville est rétablie,
au bout de quelques temps, elle est prospère, florissante, pleine de
monde et étendue. De même, ô moines, j'ai vu une voie ancienne,
une ancienne route, parcourue par les Éveillés parfaits
d'autrefois. Quelle est cette voie ancienne, cette roue ancienne
parcourue par les Éveillés parfaits
d'autrefois ? C'est cette Noble Voie Octuple, à savoir : la vue
juste, la pensée juste, la parole juste, l'action Juste, les moyens
d'existence juste, l'effort juste, l'attention et la concentration
juste"
(Samyutta
Nikaya,
II, 104-107).
Angkor Vat, Cambodge |
J'ai
plus d'affinité avec la pensée du Bouddha qui consiste en conseils
pratiques pour améliorer sa vie et développer sa vision pénétrante
qui perce le voile des illusions. Krishnamurti dirait, je suppose,
que je suis enfermé dans une Voie. Je pense au contraire que la
liberté suppose une certaine discipline. Je ne me suis jamais obligé
à croire ce que disait le Bouddha, je constate simplement que quand
je pratique en accord avec les principes bouddhistes d'éthique ou de
méditation, ma vie s'apaise et je me sens plus heureux. Je ne
prétends pas avoir trouvé l'Absolu ou être la Vérité comme
Krishnamurti, mais je pense que l'on peut trouver sa propre voie en
s'inspirant sur les enseignements que d'autres ont émis avant nous.
Il ne faut certes pas s'enfermer dans ces enseignements ou dans les
doctrines. Le Bouddha lui-même comparait son enseignement à un
radeau. Quand le radeau a servi à traverser le fleuve, on ne le
porte pas sur son dos partout où on va. Ce serait un fardeau très peu pertinent ! Il faut donc pouvoir abandonner effectivement le chemin
dès lors qu'on atteint le but de ce chemin: s'affranchir de la
souffrance.
Le discours de Jiddu Krishnamurti ici.
Voir aussi à propos du Nagara Sutta, le Soutra de la Voie Ancienne : Une voie ancienne
Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la philosophie bouddhique ici.
Cher Bai Wenshu, je comprends parfaitement votre ressenti concernant Krishnamurti : c'était encore le mien il y a quelques temps, quelques jours mêmes, seulement. Il est vrai que jusqu'alors je ne l'avais jamais lu hormis si brièvement que je crois bien que je réalise que je n'ai jamais lu avec ces quelques derniers jours une seule citation en entier de lui. Mais voilà, on ne lit jamais Krishnamurti mais NOTRE Krishnamurti (une remarque valable pour tout le reste également), reflet de nous-mêmes : et sa lecture aujourd'hui arrive au bon moment, au terme d'un long cheminement. Et peut-être, sans doute parce que c'était le bon moment, j'ai réalisé la puissance explosive de son enseignement : je crois que n'importe qui le lirait en réalisant vraiment ce qu'il dit, ferait sauter les carcans de son mental, définitivement. Car il ne nous invite rien moins qu'à la même démarche que celle du Bouddha qui, après connu la richesse et son contraire, les rigueurs de l'ascèse, après avoir suivi des gourous qui, pensait-il, pourrait l'aider à trouver le remède à la question de l'existence douloureuse, pas seulement pour lui-même mais pour ses semblables aussi, s'est un jour assis sous un arbre, fatigué de sa recherche. Et a connu l'illumination : la fin de la souffrance et le chemin de la fin de la souffrance, non pas par une réponse intellectuelle, apprise de l'extérieur, factice au sens de la vie non pas intellectuelle, mais par un eurêka existentiel. Il a brillé de sa propre lumière, comme nous y invite Krishnamurti : il a renoncé à écouter les autres pour regarder par lui-même la réalité. Alors, quelle que soient les ambiguïtés de Krishnamurti - les nôtres en fait -, sa juste compréhension l'amène à dire comme lui ; il n'y a pas de Krishnamurti, il n'y a pas de maître, s'il existe une réponse, je ne peux le trouver que par moi-même ; comme on ferme toutes les fenêtres et toutes les portes d'une pièce pour voir s'il y a vraiment de la lumière dans cette pièce. Du moins si je veux vraiment une réponse définitive au sens de la vie. Et s'il n'y en avait pas, à quoi bon en fabriquer une ? C'est d'une exigence de conscience qu'il s'agit : aucun enseignement ne peut remplacer la connaissance de soi par soi-même.
RépondreSupprimerCédric
famjeg-2000@yahoo.fr
C’est extraordinaire comment des Gourus veulent prendre la place de Jiddu Krishnamurti en se croyant meilleurs ou plutôt eux détenir la Vérité tout en disant que non mais faites donc vous voulez que l’on lise vos libres eh bien de mon côté vous avez tout raté vous êtes tout le contraire de ce que vous dites être.Vous êtes juste un mec en quête de pognon comme il y en a tant
SupprimerQuel pognon ?
SupprimerJe ne gagne rien en écrivant les articles du Reflet de la Lune.
Et non, je ne me considère pas comme un gourou, au mieux un ami spirituel qui essaye de donner des conseils.
Ce qui est frappant avec Krishnamurti, c'est le culte de la personnalité qui l'entoure. Aucune critique n'est acceptée à son encontre. Étonnant paradoxe pour quelqu'un qui clame sans cesse qu'il faut trouver tout seul la Vérité, mais que ses adeptes vénèrent servilement.
Son seul problème a été qu'il était pour certains une autorité
RépondreSupprimerMalgré le fait qu il nous disait à chaque page de regarder par nous mêmes, libres , libres donc de toute autorité,
K portait ce pbe en lui car pour certains, il était une "Autorité" et ils cherchaient à voir "selon lui" et non librement
La vertu est perception totale
RépondreSupprimerAvez-vous un avis sur le dialogue entre Krishnamurti et Chögyam Trungpa ? (Disponible sur YT)
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas cette conversation, je viens de la regarder et je tacherai de donner mon avis dans les jours qui viennent. Bonne fin de semaine !
SupprimerVoici ma réflexion sur ce dialogue : https://lerefletdelalune.blogspot.com/2022/06/la-meditation-comme-voie-et-comme.html
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