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dimanche 5 juin 2016

Sade et les animaux - 1ère partie



    Le plus mauvais petit prince de l'Allemagne fait meilleure chère que moi, n'est-ce pas, mon ami ? me dit Zamé. Voulez-vous savoir pourquoi ? C'est qu'il nourrit son orgueil beaucoup plus que son estomac, et qu'il imagine qu'il y a de la grandeur et de la magnificence à faire assommer vingt bêtes pour en sustenter une (...). Ce n'est point par aucun principe religieux que nous nous abstenons de viande ; c'est par régime, c'est par humanité : pourquoi sacrifier nos frères, quand la nature nous donne autre chose ? (...)

     Vous voulez me prendre pour un disciple de Crotone1 ; vous serez bien surpris quand vous apprendrez que je ne suis rien de tout cela, et que j'ai adopté dans ma vie qu'un principe : travailler à réunir autour de moi la plus grande somme de bonheur possible, en commençant par celui des autres.


Donation Alphonse François, marquis de Sade, Aline et Valcour, lettre 35, 1793, cité dans : Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, Anthologie d'éthique animale (Apologie des bêtes), PUF, Paris, 2011, pp. 115-116.








     On ne s'attend point à un éloge du végétarisme et de l'altruisme chez le divin marquis de Sade, lui qu'on associe beaucoup plus aisément à la cruauté et à la jouissance de faire souffrir et de voir souffrir. Dans le roman épistolaire Aline et Valcour, Sade imagine un royaume sur l'île de Tamoé gouverné dans l'harmonie par le roi Zamé dont il est question dans ce passage. Ce qui est étonnant pour l'époque, ce que Sade imagine un gouvernement idéal chercherait à trouver leur bonheur en assurant le bonheur de plus grand nombre, mais en outre, ce bonheur inclut le bonheur des animaux pour lesquels il faudrait avoir un minimum de considération. Pourquoi sacrifier vingt animaux pour nourrir un seul homme ? Et en plus tirer grand orgueil de ce sacrifice ! Non, si la Nature a permis que l'on puisse vivre en mangeant des végétaux, et par là même qu'on épargne la vie de toute une série d'animaux, pourquoi ne pas préférer ce régime à l'habitude de se nourrir du cadavre des animaux ? Pour le roi Zamé, nous sommes là sur Terre pour récolter le plus de bonheur pour soi-même et autrui, et l'acte de devenir végétarien est le premier acte altruiste que l'on poser.



1 Disciple de Crotone : pythagoricien, Pythagore venait de la colonie grecque de Crotone (dans l'actuelle Calabre).





Tadas Jucys - A meal of dandelions




Voir également : 

Plutarque:  -Pour quel motif ?
                     être sensible à la vie animale

Ovide : Vous avez le blé




Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la libération animale ici.

Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour du végétarisme et du véganisme ici




Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.



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