Pages

jeudi 3 janvier 2019

Au-delà du flot des pensées





QUESTION : Je suis perplexe quand on me dit qu'un excellent méditant serait capable de rester sans distraction pendant des heures, qu'est-ce que cela veut dire ? Qu'il n'aurait pas de pensées ? Qu'il se rendrait compte de ses pensées dès qu'elles émergent ? Qu'il regarderait comme un observateur impassible le flux de ses pensées ? 1



RÉPONSE : Il y a toujours des pensées. Théoriquement, les textes du yoga ou de la méditation bouddhiste parlent d'absorptions méditatives, les jhānas en pâli (ou dhyāna en sanskrit) où les pensées se tarissent progressivement pour ne laisser place qu'à une immersion dans un grand océan de calme et d'attention. Mais la plupart des méditants n'arriveront pas à un tel état, même parmi les plus expérimentés.


Je pense donc qu'il faut traiter avec la présence des pensées. Vous n'y échapperez pas. Et je mets en garde contre la tentation de vaincre ces pensées par la force de votre concentration. Cela ne marchera qu'un temps très limité. Beaucoup de tensions pour pas grand-chose comme résultat. Et ce n'est certainement pas la bonne façon d'entrer dans les jhānas ! Entrer dans les jhānas suppose de s'être libéré des cinq obstacles : le désir, la malveillance, l'agitation et le remords, la torpeur et l'indolence, le doute enfin. Et c'est quelque chose qui ne se commande pas : il faut abandonner sa volonté de maîtriser les choses et se laisser être, s'ouvrir à l'espace de jhānas. La cessation des pensées ne s'obtient par une volonté consciente : elle se manifeste d'elle-même quand l'esprit est suffisamment relâché et ouvert à l'absorption méditative.


Dans cette optique de la présence des pensées dans le flux de la conscience, l'enjeu n'est pas de faire disparaître ces pensées, mais d'être capable de les voir apparaître, de les voir se développer et se produire, puis de les voir disparaître sans manifester d'envie de les saisir, ni d'envie de les repousser. C'est comme si on pratiquait la méditation au somment d'une colline avec le ciel nuageux droit devant soi. Dans le ciel, on voit des nuages qui se forment et qui passent dans le champ de la vision, la conscience visuelle les perçoit, enregistre leur présence, mais sans en faire de commentaire ou de jugement. Les nuages peuvent apparaître, ils peuvent faire leur petite course dans le ciel, et ils peuvent disparaître. Cela n'affecte pas le méditant.


C'est pareil pour les pensées ou pour tout objet mental (émotions, souvenirs, rêverie, etc...) qui se produit ici et maintenant dans le champ du mental. Il faut le laisser passer. Il apparaît, il évolue comme les volutes d'un nuage ou d'une fumée, puis cette pensée disparaît. Si on focalise son attention sur un objet, celui-ci est en avant-plan, et les pensées ainsi que les autres stimulations sensorielles sont comme en arrière-plan : ils font partie du décor. Mais l'essentiel est de focaliser son attention sur cet objet de méditation encore et encore.


Avec les pensées, l'important n'est pas de les considérer comme des  « pensées-réalités », je veux dire des pensées qui nous obnubilent et accaparent notre attention, nous plongeant dans le paysage de la pensée au point de nous faire oublier notre environnement présent. Dès qu'on se rend compte qu'on est saisi par ces pensées-réalités, il faut faire faire un pas en arrière, sortir de cette rêverie et revenir à l'attention sur l'objet de méditation. Dans la concentration juste, les pensées sont des « pensées-fantômes », des pensées qui apparaissent comme sans substance, qui nous traversent sans qu'on soit affectés par elles. C'est dans cet état qu'un excellent méditant serait capable de rester sans distraction pendant des heures.














1 Voir l'intervention et la question en entier dans les commentaires de l'article « Vérifier la nature de l'esprit ».










Au dessus du hameau de Peyroules, dans les Alpes de Haute Provence
Photographie : Un jour, une photo.














Voir également :


cinq obstacles dans la méditation












Sur la méditation de manière générale :




Pour un commentaire beaucoup plus détaillé des pratiques du Soûtra de l'Attention au Va-et-Vient de la Respiration, voir : 

- En compagnie du souffle :  

     














N'hésitez pas à suivre le Reflet de la Lune sur FacebookTwitterTumblr ou Google+


Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la Lune" autour de la philosophie bouddhique ici.


Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire