Ce
matin, j'écoutais la radio belge dans ma douche, et il y a un
radio-trottoir où l'on demandait aux gens de noter leur bonheur sur
une échelle de 1 à 10. L'animateur a expliqué ensuite que le Belge
moyen avait en moyenne une note de 7,5 sur 10 en bonheur. Cela m'a
semblé stupide comme démarche.
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1°) Notre état de bonheur varie constamment : dans une même
journée, il peut avoir des hauts et des bas. Vous pouvez vous
retrouver dans un embouteillage et pester contre la vie qui est la
vôtre. Puis rencontrer quelqu'un que vous aimez très fort et vous
sentir très heureux de cette rencontre. Votre état psychique varie
lui aussi énormément : plein d'espoir et d'enthousiasme un
instant, beaucoup sombre et triste une minute plus tard.
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2°) Demander à quelqu'un dans la rue s'il est heureux, c'est comme
l'aborder en lui posant la question : « Ça
va ? ». Il est très probable que votre interlocuteur vous
réponde : « Ça va ».
Si vous répondez 2,5 au journaliste, vous allez passer pour un loser
qui ne fait rien de bon de sa vie. Si vous répondez 10 sur 10, vous
allez passez pour un nigaud, un imbécile heureux qui voit tout en
rose.
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3°) Certaines personnes feront preuve d'optimisme et surévalueront
leur appréciation du bonheur pour voir le positif de l'existence.
D'autres cultiveront le romantisme un peu décadent du spleen et du
malheur et minimiseront leur note pour se complaire dans le dandysme
du désespoir.
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4°) Mais surtout : à partir de quoi établir une notation du
bonheur ? Qu'est-ce que le 10 sur 10 du bonheur ? Qu'est-ce
qui fait que l'on serait parfaitement heureux et pleinement satisfait
de la vie qu'on mène ? Pour moi, le 10 sur 10 en bonheur, c'est
le Nirvāna,
l'extinction de toute souffrance. Or ce Nirvāna est défini dans la
philosophie bouddhique comme la « sphère
de cessation des sensations et des perceptions ».
Or comment imaginer un état de conscience où cesseraient
complètement les sensations et les perceptions ? Bien sûr, il
y a l'état de sommeil où nous sommes plus ou moins anesthésiés.
Mais on parle là d'un état de conscience où cette conscience se
libère dans l'infini. Comment peut-on comprendre un état de bonheur
qui ne serait pas lié à des sensations agréables et des
perceptions plaisantes de l'existence, et qui serait pourtant bien
supérieur à la plus grande des jouissances terrestres ? Que
serait 9 ? Que serait 8 ? Que serait 7, 6, 5 ou 4 par
rapport à ce 10 sur 10 qu'est le Nirvāna ?
Voilà
pourquoi je ne suis pas certain qu'il faille mettre une notation sur
votre bonheur présent. Certainement que des choses ou des gens vous
rendent heureux : un couple heureux, de bons amis, une famille
aimante. Et certainement que des choses ou des gens vous gâchent un
peu l'existence aussi ! Mais ne cherchez pas à évaluer le
bonheur ! Faites tout, par contre, pour cultiver ce bonheur en
étant juste avec les autres, en cultivant la bienveillance à leur
égard, en étant curieux du monde qui vous entoure et en essayant
d'être le plus sage possible.
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