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vendredi 20 mars 2020

L'humanité comme concept





Seul existe l'individu dans sa relation au monde
L'humanité est un concept qui ne recouvre rien
Soutenu pas les débats idéologiques.

Miche,







Udayaditya Kashyap






Voilà un aphorisme-poème intéressant. En philosophie, on appelle cela une position nominaliste : seul existe l'individu qui vit, qui bouge, qui parle, qui pense, qui expérimente le monde, qui interagit avec le monde et qui ne se réduit à une quelconque humanité. Et c'est une vieille question philosophique de se demander : « Qu'est-ce que l'homme ? » Diogène le Chien, dans l'Antiquité, portait ce questionnement en dérision en se prenant en pleine journée avec une lanterne et demandait aux passants où était l'homme, l'être humain. C'était vraisemblablement un moyen de se moquer de Platon et de son mythe de la caverne où le philosophe est censé sortir l'humanité de son obscurité avec la lumière de la Raison pour qu'elle puisse contempler à l'extérieur de la caverne qu'est ce monde le Ciel des Idées. Or quand on se promène dans la rue d'Athènes ou de Paris, on ne croise pas l'Idée de l'Homme, l'Idée de l'Humanité, mais des hommes, des femmes, et tous ces hommes et ces femmes sont des êtres particuliers qui ne se réduisent pas une définition de ce qu'est un être humain, définition souvent dictée par telle ou telle conception idéologique : pour Descartes, l'homme est un être de raison, pour Spinoza, l'essence même de l'homme est le désir, etc....


Je ne sais pas pourtant si l'on peut dire que le concept d'humanité ne recouvre rien. L'humanité est un concept, ça, c'est sûr. Mais il permet quand même de penser ce que des êtres ont un commun. Je suis un humain et je fais partie de l'humanité, pas mon chat, ni la mouche qui erre sur ma fenêtre. Je dirais que l'humanité est comme un parapluie conceptuel qui recouvre ma réalité d'être humain, mais imparfaitement, tout comme un parapluie vous protège la pluie, mais jamais de manière totalement idéale : parfois il est trop grand et encombrant, parfois, il est trop petit et vous laisse trempé sur une partie du corps, parfois il ne se referme plus, parfois, il es troué, parfois il s'envole avec le vent, parfois, vous ne savez pas où le remettre quand il est replié et qu'il ne sert plus à rien. L'humanité désigne essentiellement deux choses : l'ensemble biologique des êtres humains ainsi qu'une valeur morale, « faire preuve d'humanité ». Le fait de faire preuve d'humanité, c'est l'opposé de se comporter de manière inhumaine, et dans son paroxysme, c'est l'opposé du crime contre l'humanité. Un crime contre l'humanité ne tue qu'une partie de l'humanité, et pourtant moralement, c'est comme si cela entachait toute l'humanité. Un tueur en série ou un génocidaire peut avoir commis des crimes inhumains ; pourtant, il y a en lui une part inaliénable d'humanité. C'est ce que toutefois affirme la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.


Je ne me réduit pas à l'humanité, même si je sens que je suis un membre de la communauté humaine et que j'essaie, tant que faire se peut, d'être le plus humain dans mes actes et mes attitudes. Je ne me réduit pas à l'humanité, car il y a en moi aussi de l'animal, il y a en moi du vivant, il y a en moi de la matière, il y a en moi de l'esprit, il y a en moi d'incessantes interactions avec le monde, une longue chaîne d'interdépendance qui se déploie d'instant en instant dans une situation à chaque fois unique, à chaque fois renouvelée dans la singularité d'un instant qui fait pourtant écho à l'universel de chaque être humain.


J'en retiens donc que ce concept d'humanité ne doit pas être une prison conceptuelle qui vous empêche de voir le monde et de vous sentir vous-mêmes, d'expérimenter le monde ici et maintenant. Mais pour autant, je ne rejetterai pas non plus radicalement le travail de la Raison qui essaie de penser l'humain et l'humanité, je ne rejetterai pas cette confiance dans l'humain, cet espoir dans l'humain, ce pari sur l'humain que l'on appelle « l'humanisme » comme beaucoup de penseurs ont pu le faire au XXème siècle et avant...














Bill Perlmutter, Italie, 1956






Voir également : 


- L'homme n'est ni ange, ni bête






- Regarde bien, petit


- Rien n'est plus utile


Comprendre les actions humaines


- Dépasser l'homme, Sénèque, Nietzsche & Montaigne


- Antispécisme et humanisme


L'animalisme est-il un humanisme ? 


- Humanisme et égalité : réponses à Yves Bonnardel et David Olivier 

                     1ère partie    -     2ème partie








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