Antispécisme et humanisme
Je
regardais hier un extrait d'une émission de Canal + où Tiphaine
Lagarde, la porte-parole de l'association radicale 269Life était
invitée à parler d'antispécisme, d'animalisme et de véganisme.
Tiphaine Lagarde rabaissait notamment le véganisme pour mettre en
avant l'antispécisme. J'ai déjà dit ailleurs les doutes que
j'entretenais envers 269Life (ici). Mais ce qui m'a frappé dans
l'interview de Tiphaine Lagarde, c'est l'intervention sur le plateau
de l'intellectuel français Emmanuel Todd. Celui-ci s'est insurgé
sur l'utilisation du terme « holocauste » revendiquée
par Tiphaine Lagarde pour parler du massacre des animaux qui s'opère
chaque jour et condamne des milliards d'animaux à une souffrance
atroce en ce moment-même. Emmanuel Todd trouvait aussi inquiétant
l'anti-humanisme supposé des antispécistes.
En
ce qui concerne l'emploi du terme « holocauste », il me
paraît beaucoup plus judicieux d'employer le terme « zoocide »
forgé par Matthieu Ricard. Zoocide est calqué sur le terme
« génocide » : l'extermination systématique et
haineuse d'une partie de la population humaine. Le zoocide désigne
donc le massacre organisé et systématique d'animaux au bénéfice
des êtres humains. Dans son livre « Plaidoyer pour les
animaux », Matthieu Ricard explique les similitudes et les
différences entre les concepts de génocide et de zoocide. Parler de
l'Holocauste et des camps d'extermination est une question délicate,
et il vaut mieux employer le terme plus précis de « zoocide »
(j'ai moi-même consacré un article à cette notion de « zoocide »).
Évidemment, pour créer la polémique et le scandale médiatique (ce
que cherchent les membres de 269Life), revendiquer le terme
d'holocauste est plus porteur ; mais, intellectuellement, il
serait plus judicieux d'utiliser le mot « zoocide ».
Mais
ce qui m'interpelle peut-être plus encore, c'est cette accusation
d'anti-humanisme à laquelle je voudrais répondre ici. Emmanuel Todd
explique : « Je trouve cette idée d'égalité avec les
animaux extrêmement inquiétante sur le plan philosophique. C'est
une sorte d'anti-humanisme radical. Poser l'homme comme différent et
supérieur aux autres espèces est un acte fondateur de qui on est
dans notre société moderne. On vit dans une société qui ne va pas
bien. Aux États-Unis, la mortalité augmente, il y a des gens qui
s'appauvrissent, qui sont au chômage. C'est le moment d'une
solidarité humaine. Voir des gens se passionner pour la cause des
animaux, c'est là un symbole de la désagrégation morale de notre
époque ». Le problème est posé : l'antispécisme
serait un anti-humanisme doublé d'un désintérêt pour la condition
humaine, pour les gens qui souffrent aux États-Unis et ailleurs dans
le monde.
Pour
ce faire, Emmanuel Todd se base sur une certaine idée de
l'humanisme : un humanisme fondé sur l'idée de la grandeur de
l'homme. Cette idée de l'humanisme de la grandeur de l'homme qui
s'est développée en Occident à la Renaissance s'exprime notamment
dans des œuvres telles que le David de Michel-Ange. Toute la pensée
humaniste de la Renaissance, du XVIIème siècle ainsi que
dans le siècle des Lumières va s'attaquer à la tâche de vanter
toute la liberté, tout le potentiel de volonté et de créativité
qui met l'homme au-dessus de toute la Nature, et qui lui donne le
droit d'être « comme maître et possesseur de la Nature »
pour reprendre le mot de René Descartes. C'est ce sentiment de
supériorité qui l'inspire pour faire de grandes choses.
Personnellement,
je suis végane, antispéciste et humaniste. Mais je ne me reconnais
dans l'humanisme de la grandeur de l'homme. Je m'inspire plutôt de
l'humanisme de Michel de Montaigne. Dans l'Apologie de Raymond
Sebond, Montaigne remet en question la supériorité de l'homme
sur les animaux. Il reconnaît une intelligence dans le règne
animal : l'intelligence du chien pour comprendre les sentiments
humains, le sens de l'architecture chez les araignées, le sens de la
géométrie chez les moineaux qui font un nid qui s'adapte aux coins
des murs de nos maisons... Montaigne défend pourtant l'homme, mais
avec ses faiblesses, ses contradictions, ses fragilités... « Si
je me contredis bien à l'aventure, la vérité, je ne la contredis
pas ».... Je pense que les humanistes de la grandeur de
l'homme n'admirent pas le portrait de l'homme, mais une image
idéalisée de l'Homme que l'homme (ou la femme) n'a jamais été,
n'est pas et en sera jamais probablement. Reconnaissant l'homme,
l'être humain pour ce qu'il est, reconnaissant nos faiblesses, nous
sommes plus portés à être tolérants envers nos semblables quand
bien même ceux-ci viendraient d'un pays différent, auraient une
religion différente ou seraient animés par des convictions
philosophiques ou politiques différentes. Nous serons plus à même
de partager une bienveillance et une empathie pour ce que nous avons
de commun avec le monde animal.
Tiphaine
Lagarde a répondu à Emmanuel Todd que « l'antispécisme
n'est pas un anti-humanisme, mais un nouvel humanisme qui élargit le
cercle de la compassion aux animaux ». Sur ce point, je
suis tout à fait d'accord avec elle. Néanmoins, ce nouvel humanisme
qui n'exclut pas le genre animal a déjà des racines anciennes,
Montaigne pour ne citer que lui. La question est : est-ce que
l'humain veut encore continuer à un ce prédateur sans cœur, ce
prédateur monstrueux, le pire prédateur que la Terre ait jamais
connu qui ne se contente pas de tuer ses proies pour manger, mais
leur fait vivre l'enfer dans des élevages industriels ? Car si l'humain est un prédateur féroce pour les animaux, il l'est aussi pour les êtres humains. Que des humains défendent des animaux, ce n'est pas un signe de désagrégation morale, mais, au contraire, un signe encourageant pour l'humanité.
Et
même si on se revendique de l'humanisme de la grandeur de l'homme,
c'est qu'on reconnaît la grandeur de l'homme dans sa moralité ou
son intelligence. Mais quelle morale y a-t-il à faire souffrir
inutilement des animaux, à leur faire vivre l'enfer ? Quand un
humaniste regarde des images d'abattoir ou d'élevage industriel, se
sent-il imbu de la supérieure intelligence de l'Homme, de s'être montré
si efficace dans sa domination et son règne de terreur. L'écrivain
juif Isaac Baschevis Singer, qui a connu les camps d'extermination,
disait : « Pour les animaux, la vie est un éternel
Treblinka ». Est-ce vraiment à l'honneur de l'Homme ?
Est-ce vraiment compatible avec la supériorité morale supposée de
l'Homme ?
Il
y a aussi la question que soulève Emmanuel Todd : faut-il venir
en aide d'abord aux humains plutôt qu'aux animaux ?
Personnellement, je suis d'avis qu'il faut aider d'abord les êtres
humains, même si souvent ce n'est pas contradictoire du tout avec le fait d'aider des animaux. Prenons un cas simple comme expérience de pensée (qui simplifie d'ailleurs à l'excès le réel). Vous
êtes au bord d'un fleuve dans lequel sont en train de se noyer un
être humain et un chien. Vous ne pouvez sauver que l'un des deux en
plongeant à l'eau. Qui allez-vous choisir ? Je choisis pour ma
part l'être humain. Et je pense qu'il faut choisir l'être humain. Pareillement, cela n'aurait pas de sens de débloquer des fonds pour les animaux
qui meurent de faim dans la Nature alors que des humains dans notre
pays seraient accablés par la famine. Néanmoins, ce cas moral ne
doit pas nous faire oublier qu'il y a de nombreuses façons d'améliorer ce monde, notamment lutter contre l'injustice faite aux animaux. Par ailleurs, la meilleure façon d'aider les
animaux ne demande pas de faire quelque chose, mais justement de ne
pas faire quelque chose : à savoir ne pas manger de la viande ou
des produits animaux, et ne pas consommer des produits à base
d'animaux, globalement ne pas participer à l'exploitation animale.
Bref, devenir végane. Je demande donc qu'Emmanuel Todd devienne
végane et qu'il continue à chercher des solutions pour les
Américains qui vivent dans la pauvreté ! Voilà une belle
façon d'être humaniste.
Frédéric Leblanc, le 13 septembre 2017.
Frédéric Leblanc, le 13 septembre 2017.
La vidéo de C Politique sur Canal + avec l'interview de Tiphaine Lagarde et l'intervention d'Emmanuel Todd (à 55 minutes) :
Voir aussi à propos du lien antre antispécisme et humanisme :
Le philosophe antispéciste Yves Bonnardel s'affirme comme anti-humaniste, voyant dans l'humanisme un rejet de la condition animale. L'humanisme est-il pour autant nécessairement une forme de mépris envers l'animal ? N'y a-t-il pas des penseurs humanistes qui ont mis en doute cette tendance à placer l'homme sur le piédestal de la Création et renvoyer les animaux à leur bêtise et à leur bestialité ? Montaigne en est peut-être le plus grand exemple. Et n'y a-t-il pas aussi dans l'humanisme une dimension de progrès et d'égalitarisme qui doit finir nécessairement par toucher les animaux ?
- Humanisme et égalité : réponses à Yves Bonnardel et David Olivier
Concernant l'idée (erronée) qu'il faudrait accorder une priorité aux êtres humains aux dépens des animaux, voir:
Concernant le concept de zoocide et ses similitudes/distinction avec les génocides et les crimes contre l'humanité, voir :
- La notion de zoocide chez Matthieu Ricard
- La notion de zoocide chez Matthieu Ricard
Concernant Tiphaine Lagarde et la mouvance 269Life dont elle est la présidente et la porte-parole, voir :
Voir aussi l'article de la "Tête bien faite" à propos de l'intervention d'Emmanuel Todd :
- Face à Tiphaine Lagarde, Emmanuel Todd enterra l'esprit critique
Concernant Montaigne :
Voir également :
- Approches du véganisme : Le véganisme doit-il uniquement "zoocentré" (tourné vers le seul intérêt des animaux) ou faut-il aussi faire valoir les arguments écologiques, humanitaires et de santé en faveur du véganisme.
- Tom Regan, une passion disciplinée
- Tom Regan, une passion disciplinée
Tom Regan donne une image intéressante du travail intellectuel et philosophique afin de justifier et d'argumenter en faveur des animaux et de faire avancer la cause : l'image d'une danseuse étoile qui vit une passion disciplinée.
L214 |
Personnellement je ne suis pas humaniste et je ne vois pas pourquoi il faudrait l'être. Si les humanistes étaient des ânes seraient-ils ânistes?
RépondreSupprimerAlors pourquoi faudrait-il être humaniste ?
RépondreSupprimerTout d'abord, l'humanisme mise avant tout sur l'Homme et ne pense que les solutions viendront de Dieu, de la Nation ou du parti. Cela me paraît être le meilleur pari pour l'avancement et le progrès de nos sociétés.
Ensuite, l'humanisme cherche ce qu'il y a de commun entre tous les hommes et les femmes, indépendamment des différences de nations, de cultures, de langues, de civilisation, de convictions religieuses, philosophiques ou politiques, etc... Ce qui est un facteur de paix et d'entente entre les peuples et les religions. Ce qui a une conséquence importante : l'humanisme ne peut qu'être pluraliste. Il n'y a pas UN humanisme, mais des humanismes. Plusieurs réponses donc à la question « qu'est-ce que l'homme ? ». (J'avais développé cette idée dans mon article : « L'animalisme est-il un humanisme ? » http://lerefletdelalune.blogspot.be/2013/10/lanimalisme-est-ilun-humanisme-critique.html)
La question « Si les humanistes étaient des ânes seraient-ils ânistes? » est purement insultante. N'apportant rien au débat, je n'y répondrai pas. Néanmoins, une question intéressante serait de se demander : si les ânes pouvaient philosopher, seraient-ils ânistes ou ânimistes ? » Probablement que oui. Qui mieux qu'un âne pour percevoir les qualités essentielles d'un âne et s'interroger dessus ? Pareillement, les tigres, s'ils pouvaient penser, s'interrogerait sur leur tigritude, et les vaches sur leur vachitude. Peut-être que des ânes-philosophes chercherait à élever l'âne et à développer une pensée de la « grandeur de l'âne » ou des concepts de l'âne-dieu. On peut en rire comme on peut rire avec Montaigne des prétentions de l'homme à se croire absolument supérieur à tout le règne naturel.
Mais ce n'est pas un argument contre l'humanisme. Je n'ai jamais dit que l'humanisme était un absolu. On s'interroge sur notre humanité parce que nous sommes des êtres humains et que les humains ont cette étrange capacité dans le règne animal à développer une pensée abstraite et complexe.
« Si les humanistes étaient des ânes seraient-ils ânistes? » est purement insultante.
SupprimerJ'aime trop les ânes pour y voir une insulte (Ma remarque se voulait provocante mais pas insultante).
Non plus sérieusement... on reproche à l'humanisme son anthropocentrisme quand ce n'est pas un ethnocentrisme.
"Sur le plan éthique, les valeurs humanistes ont été critiquées par Pierre-André Taguieff comme étant prométhéennes. Selon lui, il déresponsabilise l'être humain et encourage des pratiques qui n'ont pas son approbation, comme l'eugénisme. Plus généralement, une certaine conception de l'humanisme peut amener à voir l'Homme comme un « Être Suprême » ayant le droit (et même le devoir) de s'approprier la nature et d'en faire une exploitation sans limite." wiki
"Tout d'abord, l'humanisme mise avant tout sur l'Homme et ne pense que les solutions viendront de Dieu, de la Nation ou du parti. Cela me paraît être le meilleur pari pour l'avancement et le progrès de nos sociétés."
Je ne crois pas trop au salut par la science et la technologie... Nous ferions mieux de ralentir plutôt que d’accélérer.
Je n'arrive pas à retrouver la phrase de Nietzsche dans lequel une mouche s'imagine être le centre de la création. L'humanisme me fait cet effet.
Je ne crois pas non plus au principe anthropique... L'homme n'est qu'un moment de l'évolution certainement pas sa fin.
Je n'irai pas par quatre chemins. J'ai écouté Tiphaine Lagarde et pour une fois, je l'ai trouvé assez sensée. Sur le reste, je rejoins néanmoins Seb sur bien des points.
RépondreSupprimerEn matière d'humanisme, je tends surtout à ne pas m'en réclamer dans la mesure où c'est manifestement le plus souvent un anthropocentrisme déguisé, doublé d'un ethnocentrisme et d'un certain prométhéisme (là, je rejoins Taguieff avec qui je n'ai pourtant que bien peu d'affinités) qui sous cette forme, j'en suis convaincu, a mené au colonialisme, à l'impérialisme, et, je le crains, aux pires des guerres (je l'avais déjà dit, mais enfin, ça peut se discuter, ce que nous avions fait d'ailleurs, et je provoque un peu là dessus). C'est au nom de l'universalisme abstrait découlant de cet humanisme là qu'on a colonisé, asservi, et voulu (on le fait encore d'ailleurs, il suffit de voir comment ça se passe dans les colonies, pardon, les régions et territoires d'outre-mer) assimiler les populations sur tous les territoires conquis (aussi bien au sein de l'Europe même, en France hexagonale par exemple, qu'au delà des mers) pour couler les populations dans le moule républicain, cache-sexe pour dire nationaliste, pour assimiler tous les individus au nom d'une idée prétendûment égalitariste. Foutaises que tout ça, les Occidentaux anciens colonisateurs feraient bien d'arrêter de se regarder le nombril et d'écouter ce qu'ont à dire des milieux militants/résistants d'ailleurs (les militantes noires féministes par exemple).
Alors je veux bien croire qu'il existe un autre humanisme non anthropocentré, à la Montaigne, mais on ne me l'a pas présenté. L'humanisme fait pour ainsi dire toujours passer les hommes en premier (au sens premier d'ailleurs, car les femmes, en général, elles sont reléguées au second plan, drôle d'égalitarisme ce truc). En témoigne le choix de Sophie (l'histoire du chien et du bonhomme qui se noient où on est censé absolument sauver le bonhomme faute de quoi, on passerait pour un nazi) qui est une abstraction complète, que j'ai toujours trouvée absconse et absurde, typique de ce que peut produire la philosophie de type "occidentale". Pour ma part, je ne sais pas qui je sauve, la question ne se pose pas, ce sont les enfants qui posent ce genre de questions "On dirait que tu serais...", alors, ok, cela ne pose pas de problème tant que cela reste dans l'imaginaire mais là, c'est censé révélé quelque chose sur la psyche de l'individu humain. Pour ma part, j'ai honte de faire partie de l'humanité, ou plutôt je n'ai pas l'impression d'en faire partie, pourtant, j'aime mon prochain, presque toutes les personnes que je rencontre, et j'éprouve le besoin d'aider autant que possible les plus faibles avec mes maigres moyens d'où qu'ils soient, mais il doit pourtant bien y avoir des individus qui me rebutent, qui me répugnent même (assurément d'ailleurs, quand je vois passer des vidéos de torture d'animaux, j'ai le plus grand mal à éprouver de la compassion pour ces gars et pourtant, j'essaye de me dire que c'est pas s'ils éprouveaient encore plus de souffrance qu'ils changeraient et que le monde irait mieux, bref, je tâche de cultiver un certain détachement et je crois être à mille lieues du "oeil pour oeil, dent pour dent", pourtant, spontanément, parfois, c'est pas l'envie qui m'en manque). (suite en dessous)
(suite)
RépondreSupprimerMais voilà, je refuse de me dire humaniste et s'il fallait me définir, je serais plutôt êtriste ou un truc comme ça, je ne me reconnais pas vraiment dans une humanité, m'étant toujours senti étranger, extraterrestre, sans pour autant rejeter les humains dans leur ensemble comme je l'expliquais. Bref, si jamais c'était "mon compagnon chien qui était dans l'eau à se noyer à côté d'un quidam humain, je sauve mon compagnon chien sans hésiter, c'est sans doute pas d'un amour équanime (mais vous sauveriez qui entre votre frère et un inconnu ? Le chien, c'est comme mon frère, j'ai d'ailleurs perdu un frère chat quand j'avais 22 ans et lui 18, je le considérais comme mon frère, sans aucun doute). Si c'est deux inconnus, la question se poserait de manière plus aiguë, et la contrainte sociale jouerait, mais la question est nulle et non avenue en ce qui me concerne tellement elle est abstraite. L'humanisme, je n'y crois pas et surtout, l'humanisme est de facto un spécisme puisqu'il privilégie l'humain sur toute autre créature, il est temps que l'humanité recule et laisse de la place aux autres, c'est justement parce que je crois qu'il peut y avoir quelque chose de profondément bienveillant en l'humain que j'ose souhaiter qu'un jour (si l'humanité ne s'autoanninhile pas), les humains s'autolimiteront (est-ce un humanisme de le croire ? Est-ce cela l'humanisme à la Montaigne ? Dans ce cas, pourquoi pas.
J'ai oublié un truc, j'aime beaucoup l'allusion finale de Sb dans son dernier message et je le rejoins, l'humain n'est en effet qu'un épiphénomène, il est juste gonflé d'orgueil, pas étonnant qu'il croit en un principe anthropique, qu'il croit que l'univers tend vers l'Homme, "ecce homo" n'est-ce pas, orgueil suprême, démesure.
RépondreSupprimerJ'oubliais encore un truc, je suis convaincu que l'universalisme abstrait découlant d'un certain humanisme est une xénophobie radicale, répugnant à la différence, cherchant seulement le plus petit dénominateur commun entre les individus humains. Je porte pour ma part aux nues les différences, la pluralité, je suis littéralement xénophile, et je considère que si l'on cherche soi en l'autre, c'est qu'on veut l'assimiler, le blanchir, comme cela fut le but du métissage aux origines, une tentative de blanchir l'autre, le noir, l'étranger, à le faire à son image, or, sans différence, il n'y a rien à échanger, rien à partager. Et qu'en serait-il alors si cette autre humanité, homo neandertalis avait subsisté, cette autre espèce humaine, le discours égalitariste qui ne tient que par l'unicité de l'espèce, "tous égaux parce que tous pareils ", aurait-il tenu ? Pourquoi faudrait-il être semblable pour se respecter ? C'est justement face à cette question que met l'antispécisme, l'antispécisme n'étant justement pas une lutte pour un égalitarisme absolu, difficile de dire ce que j'ai exactement en partage avec une araignée et pourtant en quoi ne devrais-je pas respecter son altérité quasi radicale ? Et au delà, en quoi ne devrais-je pas respecter une esp̀èce venue d'ailleurs, imaginons une esp̀èce extraterrestre ? Faudrait-il là aussi que je lui trouve un point commun fondamentale avec moi pour la respecter ? Allons, laissons le droit aux individus d'être ce qu'ils sont quand bien même ils diff̀èrent de moi et respectons-les. Saint Exupéry a écrit à ce propos : "Si je diffère de toi, loin de te léser, je t'augmente.", je ne saurais être plus en accord avec cette phrase.
RépondreSupprimerL'humanisme est feministe, heureusement. On peut lui faire beaucoup de reproche mais je ne pense pas qu'on puisse lui reprocher de faire une différence entre homme et femme. Même si tu trouvais un texte de la renaissance qui irait en ce sens il s’expliquerait par la différence d'éducation entre homme et femme à cette époque. Curieusement aujourd'hui c'est souvent l'inverse, les filles s'en sortent mieux scolairement.
RépondreSupprimerNos points de vue sont proches, cher Degun mais tu me donnes envie de nuancer mon propos.
J'ai le sentiment que le bouddhisme par comparaison avec la tradition philosophique occidentale est effectivement assez hostile à la casuistique. Chaque situation étant absolument singulière raisonner sur des études de cas peut sembler stérile. Néanmoins on ne peut pas réfléchir sur les principes sans partir de cas concrets.
Dans le cas cité plus haut... pour moi une vie d'homme égale une vie de chien mais je choisirais de sauver l'homme même si c'est un inconnu ou un criminel.
Je cèderais au penchant naturel et instinctif qui est de sauver son semblable.
Donc je donne raison à Bai dans ce cas mais je lui opposerais un contre-exemple celui du braconnage d'éléphants en Afrique et en Asie. Je pense que la lutte armée contre les braconniers est indispensable pour sauver les éléphants. Il peut donc se révéler nécessaire de tuer des hommes dans des situations de légitimes défenses (étant entendu que les braconniers sont également armés et déterminé à tuer des hommes pour se procurer de l'ivoire) pour sauver des éléphants dont l'espèce est menacée.
Là où je serais plus nuancé que toi Degun c'est que je n'ai pas honte de mon humanité mais je reprendrais ici l'idée à Mathieu Ricard : plus j'ai de compassion pour tous les êtres plus j'en ai également pour l'humanité.
Je n'opposerais pas humanité et animalité ni au profit de l'un ou de l'autre ni au détriment de l'un ou de l'autre.
On raconte que le Bouddha dans une vie antérieure a donné sa vie pour sauver un lion. Qu'en penserait un humaniste?
"L'humain d'abord" est par définition un raisonnement anthropocentrique fréquemment invoqué d'ailleurs par les détracteurs de l'animalisme ou de l'anti-spécisme (qui ont peur de perdre leur privilège humain). Mais chaque situation est particulière, il n'existe pas de cas général, la question du chien et du bonhomme qui se noient ne se pose pas et ne se posera jamais, ça ne sert strictement à rien (Gary Francione avait écrit un bouquin à ce sujet Introduction to Animal Rights : your child or the dog). Cela me rapelle que j'avais entendu Elisabeth de Fontenay dans un débat avec Gary Francione sur France Culture, il apparaissait clairement que malgré ses qualités, Elisabeth de Fontenay restait fondamentalement antrhopocentrée, elle fait passer nécessairement en premier ses "semblables" quand Gary Francione ne hiérarchisait pas. Je ne suis pas francioniste sur bien des points mais, en l'occurrence, je suis d'accord avec le fait qu'il n'y a aucune raison de privilégier ses "semblables". Je maintiens, entre mon compagnon chien et un un humain quelconque, je sauve mon compagnon, il n'y a pas de raisonnement d'espèce qui tienne dans ce cas pour moi à moins de sacraliser l'espèce humaine, l'anthropocentrisme étant un égoïsme d'espèce. Entre ddeux inconnus, je ne sais pas ce que je fais et ne peux le savoir a priori. Je crois que je donnerais ma vie aussi pour un animal non humain, plus difficilement pour un humain, pour une raison essentielle, l'humain a beaucoup plus de ressources à sa disposition pour s'en sortir lui-même dans de nombreuses situations, capable de se raisonner aussi, alors qu'un animal non humain est davantage à la merci des aléas, beaucoup plus vulnérable, impuissant face à ce qui lui arrive dans bien des circonstances. Bref, s'il y avait un raisonnement qui tienne finalement en ce qui me concerne, c'est je sauve le plus faible.
RépondreSupprimerUne précision : si je mets l'humanité à part sur plusieurs points, c'est d'une part parce que j'en fais malheureusement partie, mais aussi pour sa capacité de produire le meilleur comme le pire, et à mon sens surtout le pire, en vertu du principe, de l'animal non humain à l'animal humain, ce n'est pas une différence de nature mais de degré, je ne nie pas pour ma part des capacités de raisonnement et théoriquement la capacité de "se raisonner" de manière supérieure chez l'humain mais cela ne fonde justement en rien une quelconque supériorité absolue, je n'ai pas besoin que les animaux non humains soient considérés comme mes semblables pour les respecter, les aimer même, il n'empêche que ma "misanthropie" relative, que je veux bien reconnaître au fond (avec quelques nuances, voir ci-dessous), ne s'accompagne en rien d'une détestation des individus humains, comme je le disais, j'aime mon prochain, la plupart de mes congénères pour peu que je les rencontre et je leur viendrais en aide autant que possible (ce que je fais par divers moyens d'ailleurs), mais c'est le genre humain comme groupe qui me fait horreur. Je suis en fait humanophobe mais philanthrope, c'est sans doute paradoxal mais c'est comme ça que ça se passe dans ma caboche.
RépondreSupprimer'il n'y a aucune raison de privilégier ses "semblables"
RépondreSupprimerLa raison c'est que c'est la pente naturelle, comme celle qui consiste à faire des enfants. Cela repose sur l'instinct de survie.
Ce n'est pas parce que c'est un penchant naturel qu'il ne faut pas aller contre mais il faut bien reconnaitre que dans la nature, les individus d'une même espèce ont tendance à s'allier contre les individus des autres espèces... C'est aussi vrai dans le monde animal que dans le monde végétal. C'est pourquoi la guêpe asiatique tue les autres guêpes par exemple.
Il y a bien sûr des contre exemple... Un chien aura tendance à défendre son maître humain contre ses congénères chiens.
Il y a aussi des alliances entre espèces notamment entre animaux et végétaux.
et c'est ce que nous devrions faire.
A mon avis se joue ici le vieux débat de la nature contre la culture.
L'humanisme et le spécisme sont plutôt du côté de la nature et l'anti-spécisme du côté d'une culture naissante obligé de se préoccuper d'écologie pour sa survie.
Ma prof de philo de terminale aurait été sévère avec quelqu'un qui préfère sauver son chien. Elle disait souvent qu'il est plus facile d'aimer son chien que ses propres enfants.
Par ailleurs, pour des question d'habileté dans les débats, il me semble qu'il est délicat de tourner le dos à l'humanisme. Il peut être judicieux de concilier anti-spécisme et humanisme. A mon sens c'est un peu contre-nature mais on peut faire un peu semblant pour la bonne cause.
Je suis ce qu'on appelle childfree, non que je n'ai jamais eu le désir de mettre un enfant au monde mais que j'ai choisi de ne pas le faire car je trouverais cela quasi criminel de ma part de de mettre un enfant dans cet enfer qu'est le monde étant donné mon vécu, et, que, quoi qu'il en soit, je ne me sens pas capable d'élever un enfant. Cela dit, je connais bien des childfrees qui n'ont jamais éprouvé le moindre désir d'enfant, donc l'appel à l'instinct propre à une nature humaine, me laisse plus que perplexe. Je ne ressens pas cet égoïsme d'espèce pour ma part qui ferait que je serais plus attiré ou mieux disposé vis à vis de mes semblables. Je crois être largement bienveillant envers tous les êtres. Il me semble toutefois éprouver un amour et une compassion inconditionnels pour quelque animal non humain que ce soit mais que ma compassion est par contre beaucoup plus conditionnelle pour les humains (sans doute à cause de la responsabilité que leur impute leur plus grande capacité à raisonner, à se raisonner, dont ils n'usent pas ou pas dans le sens de réduire la souffrance de ce monde) mais je travaille dessus. Peu m'importe ce que peuvent bien en penser des anthropocentristes fussent-ils philosophes. Les animaux non humains sont de loin bien plus nombreux que les humains, pourquoi les humains auraient de facto plus d'importance qu'eux ? L'humain, cet épiphénomène bouffi d'orgueil, serait-il qualitativement supérieur ? Je ne le pense nullement. L'humanisme serait désanthropocentré, ce qui me semble contraire à son idée même, peut-être alors serais-je plus enclin à l'accepter mais en l'état, il est par nature spéciste. Il faut dépasser l'humanisme à mon sens ou alors étendre les principes humanistes qui s'appliquent par définition au seul genre humain, à tous les êtres mais alors, cela ne s'appelerait plus de l'humanisme.
RépondreSupprimerEt non, je ne crois pas qu'il soit plus facile d'aimer son chien que son fils, c'est même contraire à ce que les anthropocentristes, c'est à dire presque tout le monde, disent eux-mêmes et à ce qu'ils font spontanément puisqu'ils seraient naturellement enclins à aimer davantage leurs semblables. Aimer son semblable, ce n'est rien de plus qu'un égoïsme d'esp̀èce (je me répète), c'est fastoche. Je n'attends rien d'un chien, juste qu'il soit chien, je l'aime inconditionnellement quand bien même il me blesserait, j'attends par contre en effet quelque chose des humains, qu'ils fassent preuve de beaucoup plus de bienveillance et de comportements raisonnables puisqu'ils sont censés être dotés d'une capacité de raison supérieure. Finalement, comme je le disais, c'est une certaine croyance ou confiance en la capacité de l'être humain d'agir pour réduire la souffrance qui fait que je suis plus sévère avec eux, ce n'est pas si négatif, c'est juste que j'observe que bien peu d'êtres humains mettent en branle cette capacité (je renverrai à la pensée de Jonathan Swwift, auteur de la satire sociale Les Voyages de Gulliver, qui se rapproche pas mal de ma propre pensée).
RépondreSupprimer"l'appel à l'instinct propre à une nature humaine, me laisse plus que perplexe"
RépondreSupprimerJ'ai oublié de préciser que c'est totalement inconscient. On croit que c'est l'amour qui nous pousse vers telle ou telle personne du sexe opposé mais c'est plutôt la vie en nous qui nous pousse.
"Je n'attends rien d'un chien, juste qu'il soit chien, je l'aime inconditionnellement quand bien même il me blesserait, j'attends par contre en effet quelque chose des humains"
Attendre quelque chose c'est prendre le risque d'être déçu. Mieux vaut ne rien attendre car c'est la possibilité d'être heureusement surpris.
Dans la possibilité d'une île de Michel Houellebecq, j'aime beaucoup la description de la relation que le personnage principal entretient avec son chien. A défaut d'être heureux, rendre son chien heureux lui procure une joie immense. Comme il est misanthrope, c'est assez drôle.
"pourquoi les humains auraient de facto plus d'importance qu'eux ?"
Le rapport de force est du côté des humains que nous sommes. Nous sommes de fait supérieur puis que nous décidons de leur sort.
Nous sommes dans l'anthropocène. Il s'agit ne nous limiter nous même.
Houellebecq est un drôle de personnage en effet, je n'ai lu qu'une chose de lui, son livre sur Lovecraft et même si le personnage est sulfureux, j'aimerais bien lire deux trois choses de lui.
RépondreSupprimerJe sais bien que tu as raison, qu'attendre quelque chose, c'est risqué d'être déçu, en tous cas, j'attends sûrement trop des humains, mais quand je vois l'état du monde, je sombre littéralement. Ce soir, j'ai reçu un message extraordinaire par contre, d'un ami, c'est tombé au bon moment car je sombrais justement. J'échange aussi avec quelqu'un par Internet qui est devenu un ami en somme qui vit en Haïti dans la misère, qui vient en aide aux enfants, qui n'a pas tous les jours suffisamment à manger et qui est sensible pour autant à la condition animale, je trouve que c'est précieux cet échange même si ça me fait parfois pleurer, que de souffrances en ce monde, cela me submerge.
1°) Sur la question de l'anthropocentrisme (la tendance à mettre l'homme au centre de l'univers) :
RépondreSupprimerJe ne pense qu'un humaniste fasse nécessairement preuve d'anthropocentrisme. L'humanisme de la « grandeur de l'homme » ou de « l'homme-Dieu » qui est celui d'Emmanuel Todd ou de Luc Ferry est très probablement un anthropocentrisme. Personnellement, je prône un humanisme plus humble ; et je prends l'adjectif « humble » et le mot « humilité » dans leur sens étymologique, du latin « humus », la terre. Un humanisme plus réel qui n'idéalise pas l'homme, qui ne l'hypostasie dans une figure céleste, quasi-divine. Mon humanisme plus proche des animaux et de la Nature ne se voit pas comme un anthropocentrisme. Par exemple, rappeler que l'Homme est d'abord un animal humain ne choque pas du tout l'humaniste que je suis.
Pour autant, je ne pense pas que l'humanisme puisse adhérer au biocentrisme, c'est-à-dire mettre la Vie ou la Nature au centre des préoccupations. En cela, un humaniste ne peut pas (à mon sens) adhérer à la deep ecology (écologie profonde). Si un humaniste s'intéresse à l'écologie, ce n'est pas parce que la Nature est perturbée par l'homme, mais parce que ces perturbations risquent de menacer le bien-être de l'homme (et des autres espèces) sur Terre, voire carrément son existence.
En cela, un antispéciste ne peut pas non plus adhérer à l'écologie profonde. Un antispéciste verra d'abord l'existence d'individus (vaches, tigres, ours polaires, chevaux, ornithorynques, humains, koalas, orang-outans...) avant de voir l'écosystème général en arrière-fond, qu'on appelle la Nature. De manière générale, un antispéciste se méfiera quand on mettra la Nature sur un piédestal, voyant toutes les souffrances que les animaux endurent dans la Nature. Pour prendre un exemple concret, un écologiste profond acceptera une chasse naturelle (à l'arc à flèche comme les peuples primitifs) puisque, dans la Nature, la prédation existe. C'est le genre d'opinion qui énerve particulièrement les antispécistes. Je pense à Yves Bonnardel des « Cahiers Antispécistes » qui avait écrit un texte rageur intitulé : « Contre l'idée de Nature » dirigé contre l'écologie à laquelle on réduisait trop souvent l'antispécisme. J'avais d'ailleurs écrit un texte « Penser l'homme et l'animal au sein de la Nature » (http://lerefletdelalune.blogspot.be/2015/01/penser-lhomme-et-lanimal-au-sein-de-la_80.html) où je discutais des idées de Bonnardel sur l'écologie. Je défendais tout de même l'écologie et une certaine forme de « mystique de la Nature », tout en admettant que la Nature ne devait pas être mise sur un piédestal et que la Nature n'est pas en soi une valeur morale. Comme Spinoza peut le dire, je pense qu'il n'y a pas de bien ou de mal dans la Nature. Le bien et le mal n'existent que dans des conscience (d'êtres humains ou d'animaux).
2°) Concernant aussi cet anthropocentrisme, je ne crois pas non plus au principe anthropique : l'idée selon laquelle tout l'univers serait apparu pour l'apparition et l'émergence du genre humain. Je ne sais pas quelle est la raison de l'existence du genre humain dans ce système solaire de la Voie Lactée, et je ne sais pas non s'il y a une raison. Notre présence sur Terre est-elle pour autant le seul produit du hasard, l'évolution aveugle des espèces ayant produit cette anomalie qu'est homo sapiens sapiens ? Je ne sais pas non plus. Y a-t-il d'autres espèces vivantes dans l'univers dont l'intelligence est comparable à l'humain, voire supérieure ? Je ne sais pas !
RépondreSupprimerJ'aurais aussi tendance à trouver intéressante la théorie du karma qui dit que nous existons individuellement, mais collectivement en raison de la puissance de nos actes et de nos intentions passés. S'il existe une espèce intelligente telle que l'être humain, peut-être est-ce à nos volontés et nos efforts afin de développer l'intelligence dans des vies antérieures (très antérieures) dans d'autres mondes et d'autres univers ? Je veux dire, des univers antérieurs qui ont existé avant le « big bang » de cet univers-ci. Ce n'est pour moi qu'une supposition, pas une affirmation dogmatique. Néanmoins, peut-être que derrière le hasard apparent de la formation des galaxies, du système solaire, de la Terre, de la vie sur Terre et de l'évolution de cette vie sur Terre jusqu'à l'homo sapiens sapiens, il y a une certaine logique qui nous échappe présentement. Du point de vue de la théorie de l'évolution des espèces de Darwin, l'ornithorynque ou le cactus sont autant une finalité de l'évolution que l'être humain.
Ce que je sais, c'est que l'humanisme n'a pas à se prononcer sur ces questions scientifiques et métaphysiques. L'humanisme est un principe philosophique qui agit dans les sociétés et qui vise à ce que différentes communautés religieuses, nationales ou ethniques puissent vivre ensemble en paix. L'appartenance à une religion (catholique, protestant, sunnite, chiite, bouddhiste, hindouiste...) ne devrait pas nous faire oublier que nous appartenons tous au genre humain et qu'à ce titre nous partageons beaucoup plus de similitudes que de différences. On peut donc être humaniste qu'on croit ou non au principe anthropique, qu'on croit ou non au Big Bang, etc...
3°) Il ressort de cela que l'humanisme est un certain amour des trésors culturels de l'humanité. Durant la Renaissance, c'était surtout les trésors de la philosophie et la littérature gréco-romaine qui ont été mis en avant et redécouverts. Mais rien ne s'oppose à ce qu'un humanisme contemporain ne s'enthousiasme pour les trésors passés d'autres cultures comme la culture arabo-musulmane, juive, indienne, chinoise, africaine, maya, aztèque, etc... (Pardonnez-moi ceux que j'oublie) Néanmoins, ce goût pour les trésors culturels passés de l'humanisme n'est pas un enfermement dans le passé. Les trésors du passé sont une richesse qui vont nous servir à crée de nouvelles solutions pour l'avenir. D'où (désolé, Sb) l'humanisme est très lié au progressisme, en sachant que ce progrès ,'est pas seulement scientifique ou technologique, mais aussi moral et politique, voire même spirituel.
RépondreSupprimer4°) À propos du cas moral du chien et de l'homme en train de se noyer, je reconnais bien là que c'est une situation artificielle. Ce « choix de Sophie » pour reprendre l'expression de Degun, il y a peu de chance que vous y soyez confronté concrètement un jour. Néanmoins, l'exercice n'est pas inutile pour poser de question de priorités et questionner certains principes comme l'égalité hommes-animal. Cette casuistique contemporaine est certes plutôt l'apanage de la philosophie anglo-saxonne. Je pense au dilemme du tramway et toutes ses variantes, aux survivants d'une catastrophe nucléaire qui se réfugient dans un bunker au nombre de places limitées, etc... Ces expériences de pensée ont le défaut de simplifier le réel ; mais, néanmoins, cette simplification permet de développer une argumentation sur des principes qu'il est malaisé d'isoler dans le réel.
RépondreSupprimerPar rapport à la variante que propose Degun : sauver son propre chien ou propre animal domestique ou sauver un être humain. Personnellement, je sauve l'être humain. La vie humaine a plus de potentiel que la vie de son propre chien, même s'il y a un lien d'affection très fort avec notre animal favori. Je reconnais là bien volontiers que c'est un argument à double tranchant : « plus de potentiel » signifie « plus de potentiel à faire le bien, mais aussi plus de potentiel à faire le mal, à polluer, à détruire la vie animale, à créer de l'injustice autour de soi... ». Mais bon précisément, je suis humaniste dans la mesure où je fais le pari de l'être humain. Pari risqué, me répondra probablement Degun, mais pari que je suis prêt à risquer.
Le cas que m'oppose Sb, le fait de défendre de manière armée des éléphants dans la savane contre les braconniers, est une problématisation intéressante de ce cas moral. Est-on prêt à tuer des autres humains pour défendre des éléphants ? Pour moi, parce que justement ces braconniers ont choisi d'exprimer leur potentiel humain dans le mal. Il n'est donc pas contraire à l'humanisme de trouver acceptable cette défense armée des éléphants de certains êtres humains contre d'autres d'êtres humains. Bien sûr, il reste à espérer que le fait que les rangers soient armés dissuade efficacement les braconniers d'accomplir leurs méfaits. Qu'en fin de compte, aucun sang ne soit versé, ni du sang humain, ni du sang d'éléphants.
Je rappellerai aussi que la philosophie bouddhiste parle de la « précieuse existence humaine ». Renaître en tant qu'être humain est une chance incroyable dans l'océan du temps car un être humain a le potentiel de réaliser l’Éveil : en étant plus libre de sa conduite et de ses instincts, en étant dans la capacité de comprendre des notions complexes comme la production interdépendante, en pouvant pratiquer la méditation et en étant en mesure de faire rayonner la sagesse, l'être humain a un plus grand potentiel de devenir un Bouddha et de faire rayonner la compassion et la sagesse dans l'univers entier. En cela, le bouddhisme est un humanisme.
Merci pour ces réponses Bai.
RépondreSupprimerEn matière de bouddhisme, la précieuse existence humaine, je ne la comprends pas exactement comme tu la présentes mais plutôt comme une occasion - une possibilité, une éventualité même - de s'éveiller, pas comme une "préciosité" absolue (tout le monde n'en faisant pas usage), mais, à vrai dire, je pense quoi qu'il en soit que le bouddhisme n'échappe pas à un certain anthropocentrisme culturel, un peu de la même manière qu'il était postulé à un moment dans le bouddhisme que les femmes n'avaient pas la possibilité de s'éveiller, ce qui était tout autant empreint de conditionnement culturel, bref, le bouddhisme n'échappe à son environnement culturel et à ses changements. En somme, la précieuse existence humaine, c'est juste une occasion rare de réaliser d'éveil, dont tout le monde ne profite pas, cela ne fait pas de l'existence humaine une existence supérieurerement précieuse en soi (sinon, cela rejoindrait d'une certaine manière les humanistes tenants de l'homme-dieu qui disent que les handicapés ne sont en rien comparables aux autres animaux car ils restent indéfectiblement humains en puissance, ce qui repose sur une sacralisation complète de l'être humain doublée d'un mépris total pour les autres espèces qui ne sauraient être aussi dignes que l'être humain). Cela signifie aussi que les humains bénéficient simplement de circonstances "éventuellement" favorables, qu'il n'y ait ni trop ni trop peu de souffrance dans l'existence humaine - je préciserais d'ailleurs dans "certaines" existences humaines - pour avoir l'occasion de s'éveiller.
Par rapport au cas du chien et de l'humain, je suis attristé et dans l'incompréhension la plus grande du raisonnement que tu exposes. L'idée que l'on puisse laisser mourir un compagnon proche, un compagnon que je considère pour ma part comme mon frère ou mon enfant, simplement parce que c'est un "animal" et qu'il aurait de ce fait moins de "potentiel" et serait ainsi moins propre à être sauvé, au profit de n'importe quel autre être pour peu qu'il soit humain (voire qu'il s'agisse du plus grand des criminels), cela m'échappe complètement, cela me retourne même, j'y vois nécessairement un raisonnement anthropocentré, comment ne pas y voir autre chose (?).
Pauvres animaux qui souffrent déjà le martyr (a fortiori si l'on considère justement ce que le bouddhisme dit du monde animal et de ses souffrances). C'est la double peine pour eux. Pourtant, c'est aussi leur karma que quelqu'un puisse être là pour les sauver quand le cas se présente. Je suis vraiment dépité qu'en tant qu'anti-spéciste, on n'envisage pas une seconde que l'on puisse sauver son compagnon à plumes, à poils, à écailles, un compagnon qui nous fait confiance, qui est dépendant de nous, qui a survécu grâce à nous, au profit d'un inconnu ou pire d'un meurtrier, cela me semble relever d'une trahison. (suite ci-dessous)
Entre votre frère, ou votre enfant, et un criminel, sauvez-vous vraiment le criminel ? Le fait que l'un soit un animal joue-t-il un si grand rôle ? Vraiment, si le critère essentiel est l'espèce (quand bien même ce soit sous couvert de potentiel humain au sens bouddhiste), on ne peut le dire autrement, c'est un choix par essence spéciste et anthropocentrique. Cela me touche d'autant plus que c'est exactement le raisonnement anthropocentré qu'un ami carniste, et philosophe d'ailleurs, m'avait sorti il y a de nombreuses années (la même chose : le chien et le gars qui se noient) pour défendre son "humanocentrisme" et qui n'avait d'argument autre que le nécessité de l'anthropocentrisme chez l'humain (sans argument donc, de la même manière qu'Emmanuel Todd face à Tiphaine Lagarde). A vrai dire, cela ne me rassure guère sur l'humanisme, même celui de Montaigne du coup, qui, manifestement, fait passer systématiquement l'humain avant toute autre créature.
RépondreSupprimerSur la question de l'écologie, je me considère écologiste bien que non essentialiste (je ne sacralise pas la nature, je ne la juge pas nécessairement bien faite, au contraire même, mais bon, disons qu'elle "est", simplement, avec des équilibres précaires, des déséquilibres aussi, et que j'estime que ce n'est pas la peine d'y rajouter de la souffrance) et anti-spéciste, cela m'a toujours semblé ne pas devoir s'opposer, j'accorde de l'importance aux écosystèmes et aux individus, je ne vois pas pourquoi cela devrait s'opposer.
RépondreSupprimerJe me sens décidément de plus en plus étranger à ce monde. Pauvres êtres ! Et les plus malchanceux, les plus nombreux, ce ne sont vraiment pas les humains. Puissé-je m'éveiller et m'occuper de tous les êtres, des non-humains en particulier car bien que largement majoritaires et plus souffrants, bien peu d'êtres en capacité de le faire semblent se soucier de leur sort, même en étant bouddhiste et animaliste apparemment.
RépondreSupprimerEnfin, mais cela fait longtemps que je ne compte plus trouver quelqu'un qui pense comme je le fais en ce domaine, l'idée universaliste égalitariste radicale qui en appelle à une nécessaire même origine, une même condition, une même et unique communauté humaine, une et une seule, bref qui dit qu'on est tous semblables pour affirmer que l'on est tous égaux, je ne la comprends plus, je la juge xénophobe au possible, pire, j'y vois une haine de l'altérité (ce qui expliquerait bien d'ailleurs la haine des autres espèces). Je n'ai nul besoin qu'autrui me ressemble pour le respecter, il y aurait plusieurs espèces humaines, cela ne saurait être un problème, il y aurait même plusieurs sous-espèces, je ne vois pas en quoi cela devrait poser un quelconque problème à quelque moment que ce soit, si des connards exploitent ce filon pour hiérarchiser, c'est un autre problème, mais ce n'est pas la différence le souci, c'est la hiérarchisation selon des critères arbitraires. Et que ferait-on le jour où on trouverait plusieurs berceaux de l'humanité, comme cela se profile parfois, on exterminerait ceux qui sont pas comme nous car ne faisant pas partie d'une humanité unie et unique ? Non, vraiment, la question animale nous met justement face à l'aberration de ce raisonnement, il n'y a pas besoin d'être semblable pour se respecter ou, du moins, il ne devrait pas y en avoir besoin.
Voilà, je crois que je suis un peu plus abattu ce soir, décidément, ce monde est vain de chez vain, va falloir que j'arrête à un moment de chercher ailleurs qu'en mon for intérieur les réponses aux questions que je me pose et les réconforts que j'espère trouver ça et là. Ah, y a de la joie et de la beauté dans le monde, ah ça, oui, pour ceux qui n'ont pas ouvert les yeux, quelques hapou few. Non, sérieusement, ce monde est vraiment horrible, qu'on me sorte de là ou qu'on me tue, si au moins ces désillusions pouvaient me donner l'élan pour mettre tous mes efforts dans l'éveil et ne plus retourner dans cet enfer, hélas... J'arrête là mon pathos.
RépondreSupprimer(il fallait lire happy few dans le commentaire précédent).
RépondreSupprimerJe m'en vais prendre mes gouttes et mes cachets, avec les petites boules roses, ça ira mieux. Bonne nuit.
Degun,
RépondreSupprimerJe trouve intéressant ton argument du lien émotionnel avec ton compagnon chien, chat ou n'importe quel animal du moment que tu tisses une relation forte avec lui. Cela lui donne plus de valeur qu'à un humain inconnu. Je n'ai pas de souci avec l'idée que l'animal soit une personne; et donc qu'en tant que personne, on puisse accorder une grande valeur sur base de sentiments et d'émotions. Néanmoins, je reconnais une valeur supérieure à la personne humaine, n'importe quelle personne humaine. C'est pourquoi j'ai dit que je sauverais l'être humain plutôt que mon chien ou ma chatte Isis (puisque je n'ai pas de chien). Mais je peux parfaitement comprendre que cela se discute.
Attention. Cet argument de sauver un humain plutôt qu'un chien ou un cochon n'est pas une caution pour la violence aveugle à l'encontre des animaux. J'accorde plus de valeur à l'humain qu'à l'animal. (Tiphaine Lagarde, Gary Francione ou Degun vont me traiter de spéciste monstrueux). Mais j'accorde quand même une valeur morale à l'animal. On ne doit pas le faire souffrir inutilement. Que ce soit son chien Rodolphe qui mérite des caresses et qu'on le promène tous les jours ou le cochon dans la ferme d'élevage qui mérite de ne pas être tué et d'être bien traité.
Le cas moral de savoir s'il faut sauver un chien ou un meurtrier avéré me paraît toutefois complètement différent : si je dois choisir entre un chien, n'importe quel chien, même un chien qui aboie tout le temps, et Marc Dutroux, il est très vraisemblable que je choisisse le chien.... Je veux dire par là que la valeur de la personne humaine n'est peut-être pas non plus quelque chose d'absolu.
Dans l'exemple de l'homme et du chien.
RépondreSupprimerJamais je ne m'autoriserai de choisir. Quelle drôle d'idée !
Déjà dans une situation d'urgence, il ne faut même pas choisir entre penser et agir. C'est la situation et le terrain qui commande.
Je ferai ce que je peux dans l'instant, pas ce que je dois faire dans le futur. Ce sont les circonstances qui dicterons mon attitude.
Il n'y a pas de Moi au commande. C'est un acte réflexe guidé par l'environnement immédiat.
Dans l'exemple du "Blockhaus"
Lors de la décision de choisir entre qui doit vivre ou mourir; le chien, l'homme (et pourquoi pas soi-même).
Pensez-vous que vous avez vraiment le choix ?
Pensez-vous avoir l'entière liberté d'agir indépendant de votre nature ou de votre caractère ? J'en doute très fort...
Chacun agira selon ses qualités propres, ses penchants et son tempérament.
Le lâche agira en lâche, l'homme courageux en héros, le timide en timide, l'indécis sera indécis etc.
Quoi d'autre ?
Où est la liberté là-dedans ?
Une fois de plus "la petite personne" s'attribue la paternité de "ses" actes.
«Quel contrôle avez-vous sur quoi que ce soit quand votre être même est en dehors de votre contrôle ?»
M. Nisargadatta
Tara, je ne suis pas sûr que l'on agisse exactement en fonction d'une nature, quelque chose d'inné et permanent, qui serait toujours en nous (l'indécis serait et resterait toujours indécis, le lâche lâche, le héros héros etc.) bien que je ne te donne pas tort sur toute la ligne mais je nuancerais juste en disant que les réactions que nous avons ne sont pas innées (même si on peut discuter de la nature de certains traits de caractères éventuellement) mais acquises, ce sont des réactions intégrées issues d'un vécu (qui forge ce que tu apelles un caractère). On est sans doute largement conditionné par ce vécu mais je ne crois pas qu'on soit irrémédiablement condamné à agir d'une seule et même manière propre à son "caractère", je ne crois pas qu'on ait aucune liberté sinon nous reproduirions sempiternellement les mêmes comportements, ce qui n'est pas vrai, on change dans sa vie malgré des constantes. Malgré tout, dans une situation comme celle-là, spontanément, on agit assurément de manière instinctive (mais qu'est-ce que l'instinct sinon ce que l'on a intégré au cours de sa vie ?).
SupprimerSalut Degun,
RépondreSupprimerJe me suis certainement mal exprimé, mais je n'ai jamais dis :
« que nous agissons en fonction d'une nature, innée et permanente, qui serait toujours en nous »
mais que nous ne pouvons êtres que ce que nous sommes (à l'instant t) inné et acquis confondus.
Oui je dis simplement que nous sommes dans une profonde et puissante illusion. Celle de croire que :
• Ce que le petit Moi s'approprie "machinalement"
en appelant "son action", n'est rien d'autre que la réaction d'un cerveau à des stimuli extérieurs (ou intérieurs) suivie d'une implication mentale.
• Qu'il ne peut exister d'entités libres, c'est à dire indépendantes de leur environnement (ce qui violerait les principes de thermodynamique.
• Que l'illusion de croire que la petite personne (le Moi) puisse influencer ou contrôler quoique ce soit par des actions faussement libres est une illusion.
( Il est bon à ce propos de rappeler qu’une illusion n’est pas quelque chose qui n’existe pas mais plutôt quelque chose qui n’est pas ce qu’il semble être. )
• Qu'il n'y a pas de libre arbitre et qu'une volonté conditionnée et une action conditionnée ne peut-être qualifiée de "Libre".
D'accord, Tara. Mais ce n'est pas une expérience concrète. C'est vraiment une expérience de pensée: s'interroger sur une situation imaginaire pour savoir à qui on donnerait la priorité. Éventuellement, trouver des variantes de la situation de base pour complexifier le problème de base. Intellectuellement, je peux répondre A, et confronté à la situation réelle, faire B. Ou alors ne pas s'autoriser à choisir, mais alors laisser mourir et le chien et l'homme.
RépondreSupprimerC'est vraiment un exercice mental typique de la philosophie anglo-saxonne avec son intérêt, mais aussi ses limitations. Il ne faut peut-être pas le prendre trop à cœur (remarque pour Degun !)
Ce qu'il est important de voir, c'est que mon raisonnement par rapport à cette expérience de pensée n'est absolument pas une justification du carnisme ou du spécisme, mais au contraire une façon de disjoindre la priorité accordée aux humains de la domination humaine qui se transforme très vite en exploitation honteuse des animaux.
RépondreSupprimerJ'ai envie de citer Matthieu Ricard dans son "Plaidoyer pour les Animaux" : "Ce livre a pour but de mettre en évidence les raisons et l'impératif moral d'étendre l'altruisme à tous les êtres sensibles, sans limitation d'ordre quantitatif ni qualitatif. Nul doute qu'il y a tant de souffrances parmi les êtres humains de par le monde que l'on pourrait passer une vie entière à n'en soulager qu'une partie infime. Toutefois, se préoccuper du sort de quelque 1,6 million d'autres espèces qui peuplent la planète n'est ni irréaliste, ni déplacé, car, la plupart du temps, il n'est pas nécessaire de choisir entre le bien-être des humains et celui des animaux. Nous vivons dans un monde essentiellement interdépendant, où le sort de chaque être, quel qu'il soit, est intimement lié à celui des autres. Il ne s'agit donc pas de ne s'occuper QUE des animaux, mais de s'occuper AUSSI des animaux."
Je ne rejoins pas Emmanuel Todd dans son idée de supériorité de l'homme, de le mettre sur un piédestal. Par contre, je veux bien admettre une certaine priorité humaniste en faveur de l'homme. Mais c'est pour justifier qu'on s'occupe AUSSI des animaux. Et si on ne s'en occupe pas, au moins qu'on ne les mange pas, qu'on ne les tue pas, qu'on ne les torture pas dans une corrida ou ailleurs...
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RépondreSupprimerBai Wenshu tu dis : « Intellectuellement, je peux répondre A, et confronté à la situation réelle, faire B (…)»
RépondreSupprimerJe suis entièrement d'accord. Il y a effectivement un profond hiatus entre penser et agir.
Intellectuellement tu peux répondre A, B, C, D ... ou Z.
Car grâce à l'imagination les hypothèses sont nombreuses.
En reliant des abstractions l'esprit humain peut créer n'importe quelle relation, même fantaisiste ou absurde.
L'esprit est libre d'associer n'importe quel concept avec n'importe quoi. De créer des combinaisons infinies de relations de tout ordre,
même d'un genre vers un autre et par là même violer le principe d'homogénéité [ Une formule logique ne doit contenir que des éléments appartenant à un même ordre ] et tout cela sans la moindre gêne. . .
L'imagination étant libre.
Mais dans la situation réelle et je le répète encore une fois :
A l'instant t, nous ne pouvons pas êtres différents de ce que ce que nous sommes.
C'est le petit "je" et le mental qui nous fait croire qu'il a la liberté d'agir, qu'il est l'auteur de ses actes et que le personnage qu'il a créé de toutes pièces contrôle le monde et détient une liberté de choix. Alors qu'il ne fait que RÉAGIR à des stimulus extérieurs et intérieurs selon le produit de l'inné et de l'acquis sur lesquelles il n'a pas eu et n'aura pas non plus aucun contrôle.
Tu dis : « s'interroger sur une situation imaginaire pour savoir à qui on donnerait la priorité. »
Ok, si je m'interroge sur une situation imaginaire, et que le fait de choisir me paraît saugrenu voir incongru, je donnerais la priorité au plus faible.
Point barre.
C'est un réflexe de base de secouriste/sauveteur.
Par exemple, lorsque tu arrives sur le lieu d'un accident, tu t'orientes vers la personne immobile et silencieuse et non vers celle qui gesticule en criant. (Si elle crie, c'est qu'elle respire).
Tu dis aussi: « Ou alors ne pas s'autoriser à choisir, mais alors laisser mourir et le chien et l'homme. »
Justement, une expérience de pensée intéressante : pourquoi le fait de "ne pas choisir " aboutirait systématiquement et inexorablement à la mort du chien et de l'homme ?
Je ne le pense pas. Au contraire.
Ne pas choisir ouvre un espace de liberté plus vaste, une sensibilité plus riche, une écoute plus grande de instant présent.
De cette ouverture, une action libérée des entraves du mental ne peut qu'être mieux adaptée, donc plus juste.
"Alors qu'il ne fait que RÉAGIR à des stimulus extérieurs et intérieurs selon le produit de l'inné et de l'acquis sur lesquelles il n'a pas eu et n'aura pas non plus aucun contrôle."
RépondreSupprimerQuand on pratique la méditation ou plus généralement si on regarde ce qu'apporte les TCC (Thérapie cognitivo-comportementale) et plus généralement encore les études sur la plasticité cérébrale... On se rend compte à quel point cette idée qu'on ne pourrait pas agir ni sur l'innée ni sur l'acquis est fausse.
Si, en plus, on élargi encore à la philosophie bouddhiste qui ajoute que l'innée a été acquis dans une vie précédente et que ce que l'on acquiert sur le plan spirituel se continue dans une vie suivante... cela ouvre de nombreuses perspectives.
Mathieu Ricard montre que c'est bien l'éducation et plus encore l'éducation à la bienveillance qui est le point clé quelle que soit la situation.
Dans une expérience de pensée, on peut faire varier les paramètres...
Imaginons un univers à la Indiana Jones... Trois personnes poursuivies par une bête féroce qui arrivent à un pont de fil suspendu entre au-dessus de l’abime pas assez solide pour supporter le passage des trois personnes en même temps. Qui passe en premier et qui passe en dernier sachant que même si le dernier est très fort il sera toujours moins fort que la bête féroce et donc qu'il y passera.
Premier cas :
Une personne âgée, mon fidèle chien de chasse et moi.
Je choisis le critère de l'utilité et coup de chance la personne agée accepte de se sacrifier considérant qu'elle a bien assez vécu. Je passe avec mon chien.
Deuxième cas:
La plus belle femme du monde qui m'aime et que j'aime. Je sacrifie le chien peu importe l'utilité même dans un monde hostile.
Troisième cas
Ma belle mère insupportable, le chien et moi. Ma belle mère refuse de se sacrifier. Elle me fait culpabiliser si jamais je l'abandonne. Je sacrifie le
chien
Quatrième cas
Ma belle mère, mon chien et moi. Le chien a la parole et me fait culpabiliser avec presque les mêmes arguments que ma belle mère.
Je me sacrifie.
Je n'arrive pas à imaginer un cas où les trois décideraient de se sacrifier en même temps.