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jeudi 19 mars 2020

Masque ou pas masque ?




Masque ou pas masque ?


Quelques réflexions éparses sur le coronavirus
(2ème partie)


Ce qui frappe quand on regarde des images de la crise du coronavirus en Chine, que ce soit dans l'épicentre même de la contagion, à Wuhan, ou dans des grandes villes comme Pékin ou Shanghai, c'est que tout le monde porte un masque. Et s'il prenait l'envie de sortir en rue sans en mettre, la police est là pour vous rappeler à l'ordre à coup de matraque ! Ce qui frappe quand on se promène dans les rues dans les villes européennes, c'est que quasiment personne n'en met, même pas les médecins !



On vient de réaliser que les masques chirurgicaux et les masques plus efficaces de type ffp2 et ffp3 sont en rupture de stock, et les états européens ne songent aucunement à remédier à la situation. Ils sont en rupture de stock pas seulement pas seulement pour la population (c'est qui est déjà criminel), mais ils sont aussi en rupture de stock pour le personnel soignant pourtant en première ligne face au virus. On prend le risque que ces médecins et infirmiers tombent malades et donc soient incapables de remplir leur mission, qu'ils risquent de mourir, mais aussi qu'ils transmettent la maladie aux personnes qui viendraient dans les hôpitaux pour d'autres maladies ou des blessures diverses !


Les masques ne sont pas, il est vrai, dans notre culture. En Asie, même quand il n'y pas d'épidémie, il est courant de voir des gens en rue ou dans le métro qui se baladent avec un masque chirurgical couvrant le visage. C'est presque un acte de politesse et de courtoisie : ne pas imposer ses postillons et son haleine à son prochain. En Occident, le masque est réservé au carnaval, il faut croire ! Nous sommes beaucoup plus réticents. Les débats de société tournent souvent sur l'idée de découvrir le visage, comme les incessantes controverses sur le voile islamique ou la burka.


Donc tout est fait dans le discours journalistique et même médical pour discréditer le masque chirurgical. Première critique : ce n'est pas une solution magique. C'est effectivement vrai : porter un masque chirurgical n'est pas une solution miracle. C'est vrai certes, mais ce n'est pas une raison pour ne pas en porter. Il faut être conscient qu'on est susceptible de choper le virus même avec un masque, ce n'est pas une protection absolue. Mais il faut être conscient dans le même temps que cela diminue de manière significative les risques de recevoir ce virus qui se cachent dans les gouttelettes en suspension émises par votre interlocuteur, et surtout cela diminue beaucoup le risque que vous propagiez le SARS-COV-2 à votre entourage.


Il faut bien comprendre la notion de R(0), le taux de reproduction de base d'une maladie, sa capacité à se propager à d'autres personnes que vous fréquentez. Le R(0) est de 2,2 pour le COVID-19, 1,3 pour la grippe, 6 pour la rubéole. Il signifie que si vous restez un certain temps dans une pièce pour un concert ou au travail avec 100 personnes, 2,2 personnes auront contracté le coronavirus. Le masque n'est pas une protection absolue en ce sens qu'ils ne ramènent pas le R(0) à 0 (fin totale de la contagion), mais ils vont faire baisser sensiblement ce R(0), surtout si c'est la personne infectée qui porte ce masque. Si ce R(0) tombe en-dessus de 1, l'épidémie est enrayée.


En faisant des recherches, je suis tombé sur ce graphique qui montre bien l'efficacité d'un masque dans un contexte de contamination possible. L'article ajoute : « On sait, études à l'appui, que les masques chirurgicaux fonctionnent incroyablement bien pour éviter la propagation des virus. Peu coûteux, ils permettent de filtrer 80 % des particules ayant des tailles minuscules, jusqu'à 0,007 micron (14 fois plus petit que le coronavirus) 1 ».











Ce graphique provient du site « lanutrition.fr » dirigé par le médecin Thierry Souccar. Un disclaimer important à faire toutefois : Attention, même si un site semble sérieux, cela ne veut pas dire qu'il est sérieux. Et même si le site est véritablement sérieux, cela ne veut pas dire que l'information soit nécessairement exacte. Les choses et les connaissances évoluent très vite sur la propagation du coronavirus. Il faut donc rester vigilant et prendre chaque information avec une dose raisonnable de scepticisme !




Deuxième critique : on le met le masque n'importe comment. C'est probablement vrai. Ainsi, selon le journal Ouest-France : « D’autant que le public ne porte pas ces protections comme il le faut, note le professeur spécialisé en microbiologie. Il y a une procédure de pose que les personnels hospitaliers connaissent bien. À la télévision, Nicolas Dupont-Aignan se plaignait du manque de masques en portant le sien à l’envers, certains libèrent le nez, ce n’est pas non plus étanche pour les hommes barbus… Sans oublier que lorsque l’on enlève son masque ou le glisse sous le menton, on souille ses mains avec une matière qui a retenu toutes les microparticules potentiellement néfastes 2 ».


C'est probablement vrai, mais raison de plus pour apprendre aux gens comment bien mettre un masque ! Que le gouvernement, les médecins et les youtubeurs fassent des vidéos et des tutoriels pour donner les bons conseils ! C'est le moment, c'est l'instant ! Précisons aussi qu'en plus de porter un masque, porter des gants est également un bienfait dans la lutte contre la propagation du coronavirus ! Rappelons qu'idéalement, les masques ne doivent pas être portés plus de trois heures. Au-delà, l'efficacité décroît.




Troisième argument : le masque chirurgical donnerait une confiance exagérée à ceux qui en seraient parés. Le masque n'est jamais une protection absolue comme je l'ai déjà dit. Bien sûr, je pense qu'il faut faire preuve de pédagogie et rappeler que c'est une protection imparfaite certes, mais une protection quand même !




Quatrième argument : c'est moins efficace que des masques ffp2 ou ffp3. C'est vrai, mais cela n'enlève rien au fait qu'un masque vaut mieux que pas de masque du tout ! C'est comme de laisser les portes de chez soi grandes ouvertes et subir la visite déplaisante de cambrioleurs. Quelqu'un arrive et vous dit de fermer les portes à clefs. Sur ces entrefaites, un autre personnage vous dit qu'on a déjà souvent vu des cambrioleurs au domicile des gens malgré le fait que la porte soit fermée à clef. C'est vrai, mais vous admettrez qu'on est moins souvent cambriolé quand on a fermé la porte à clef. Cela ne vaut pas une porte blindée et des barreaux aux fenêtres, mais souvent la porte fermée à clef dissuade les personnes malintentionnées !




Cinquième argument : il n'y en pas pour tout le monde. C'est vrai et c'est un scandale ! Le président Macron a dit qu'on est en guerre contre le coronavirus. Pourquoi alors ne crée-t-on pas des usines qui vont produire massivement ces masques chirurgicaux et ces masques ffp2 et ffp3 pour toute la population ? Il me semble que c'est une tâche à laquelle devraient s'atteler d'urgence les gouvernements européens, les armées ainsi que les industriels. C'est quand même incroyable qu'on soit dépendant à ce point de la Chine, « l'atelier du monde ».





Sixième argument : il n'y en pas pour tout le monde, et il faut les donner en priorité aux médecins et aux personnes infectées. C'est absolument vrai, mais cela n'enlève rien au scandale ! Bougeons-nous le cul, bordel ! Et fabriquons ces putains de masque !




Septième argument : Les masques en tissus, c'est n'importe quoi. Suite à la pénurie honteuse de masques chirurgicaux et de masque ffp2 et ffp3, certaines personnes se sont mises à coudre des masques en tissus. Cela suscite le mépris et la condescendance de certains journalistes qui dénoncent l'inefficacité de ces masques en tissus. Mettons les choses au clair. Si on regarde le graphique plus haut, on voit que les masques en tissus sont nettement moins efficaces que les masques homologués, mais c'est quand même beaucoup mieux que rien !


Comme le dit l'article déjà cité plus haut de Nutrition.fr : « Les chercheurs ont demandé à des volontaires de fabriquer leurs propres masques en utilisant des tee-shirts en coton et une machine à coudre, selon un protocole simple qu'ils avaient mis au point. Ils ont ensuite comparé leur efficacité à celle de masques chirurgicaux pour filtrer des particules aussi petites que 0,65 micron (1 micron = 1 µm = 10-6 mètre). Résultats : les masques maison ont capturé 71 % des particules de 0,65 à 1,1 micron, contre 86 % pour le masque chirurgical. Bien que les masques chirurgicaux aient capturé 15 % de particules en plus, les masques en coton ont surpris par leur performance. Les chercheurs en ont conclu que des masques faits maison seraient mieux que pas de masque du tout 3 ».


Par ailleurs, les masques se détériorent moins avec le temps contrairement aux masques produits par l'industrie qui se détériorent après 3 heures. Toujours selon le même article de Nutrition.fr : « Les chercheurs néerlandais ont aussi testé l'efficacité des masques après un port pendant trois heures. Leurs résultats indiquent que l'humidité et le temps n'avaient que très peu d'impact sur l'efficacité des masques.
En fait, les masques faits main étaient même devenus 5,8 % plus efficaces pour filtrer les particules de la taille d'un virus après trois heures d'utilisation. On peut donc en conclure que le port de masques faits maison pendant plusieurs heures ne réduit pas leur efficacité
4 ». (Je mets à la fin de l'article les références des études qui soutiennent l'argument de Nutrition.fr)


Huitième argument : le confinement est plus efficace que le port du masque. Oui, c'est certain. Mais je rappelle que de nombreuses personnes doivent aller travailler. Par exemple, le gars qui fait pousser les chicons que vous allez manger ce midi, le gars qui transportent ces chicons dans son camion, le gars qui vous vend les chicons dans son magasins ou celui qui vous les livre pour que les personnes confinées qui télé-travaillent puissent rester chez elles (en toute bonne conscience). Citons également le gars qui travaille à la centrale nucléaire pour que vous ayez l'électricité nécessaire pour lire ce contenu sur internet. Un centrale nucléaire ne se dirige pas à partir de son salon ! Tout le monde ne peut pas télé-travailler ! Donc pour ces personnes, le port du masque serait quand même une excellente chose.


Les autres personnes doivent aussi aller faire leur course. Ce matin, j'ai du me rendre à l'administration communale, et il m'aurait pu paru très souhaitable d'avoir un masque, car des personnes inconscientes sont passées à côté de moi sans soucier de la distance réglementaire de 1,5 m.


Voilà. Pour toutes ces raisons, il me paraît essentiel que l'on fabrique ces masques de manière artisanale ou mieux industrielle. Je voudrais moi-même faire ce genre de masque, mais je ne sais pas coudre. J'ai le temps d'apprendre ceci étant dit, malheureusement les magasins qui vendent des tissus ont fermé. Peut-être dans certaines grandes surfaces... Il faut que j'étudie la question.


La possibilité doit être offerte à tout le monde de porter ces masques. Je ne dis pas que cela doit être comme en Chine où le port du masque est obligatoire sous peine d'être tabassé par la police politique. Je suis plus favorable à laisser la liberté laissées aux gens de le porter de manière volontaire. Nous sommes quand même une démocratie. Mais je pense que nos comportements devraient évoluer très rapidement dans le sens du port du masque. N'allez pas au bal mais sortez masqué !



Frédéric Leblanc, 
le 19 mars 2020.


















1« Coronavirus : les masques maison sont-ils efficaces ? », La Nutrition, le 17 mars 2020.

2 Camille Rivieccio, « Coronavirus. Masque chirurgical, protection en tissu… Est-ce efficace contre le Covid-19 ? », Ouest-France, le 19 mars 2020.

3 « Coronavirus : les masques maison sont-ils efficaces ? », La Nutrition, le 17 mars 2020.

4 « Coronavirus : les masques maison sont-ils efficaces ? », La Nutrition, le 17 mars 2020.












Nicolas Asfouri











Voir également cette vidéo d'une interview de deux médecins où l'un des deux évoque la question du masque : 









Les deux études mentionnées dans l'article de Nutrition.fr : 

- Testing the Efficacy of Homemade Masks: Would They Protect in an Influenza Pandemic?

- Professional and Home-Made Face Masks Reduce Exposure to Respiratory Infections among the General Population




Cela n'est pas directement lié à la question, mais j'ai trouvé cette vidéo qui indique comme bien se laver les mains très utile et pertinente. N'hésitez pas à la regarder !




NB : dans l'article, j'ai parlé de "chicon" qui est le mot employé dans le nord de la France et en Belgique. Toutes mes excuses à ceux qui mangent des endives ! :-)



Voir les autres parties de ces réflexions sur le coronavirus : 


- Grippe ou apocalypse ?



Portez un masque ! Portez des gants !








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