Voici
comment Patrül Rimpotché enseigna l'éveil à son disciple Nyoshül
Lungtok Tenpe Nyima (1829-1901):
Chaque
soir, au coucher du soleil, Patrül faisait une session de méditation
sur la pratique de Namkha Sumtruk, étendu sur le dos sur un tapis de
laine neuf posé sur un bout de terrain herbeux de la dimension d'un
homme. Un soir qu'il était couché là, comme à l'ordinaire, il
demanda à Lungtok:
« Lungche
(cher Lung) ! As-tu dit que tu ne connaissais pas la véritable
nature de l'esprit? Oh, il n'y a rien là qui ne doive être connu,
dit Patrül. Viens donc ici ».
Lungtok
s'approcha.
« Étends-toi
là, tout comme moi, continua Patrül, et regarde le ciel».
Lungtok s'exécuta, et la conversation continua:
« Vois-tu
les étoiles dans le ciel!
-
Oui.
-
Entends-tu les chiens qui aboient au monastère de Dzogchen au loin?
-
Oui.
-
Eh bien, c'est cela la méditation ».
A
cet instant, Lungtok accéda à la confiance dans la réalisation en
tant que telle. Il avait été libéré des chaînes conceptuelles de
"est" ou "n'est pas". Il avait réalisé la
sagesse primordiale, l'union nue de la vacuité et de la conscience
intrinsèque, l'Esprit de Bouddha.»
Tulku
Thondup, Les maîtres de la Grande Perfection, traduction par
Nathalie Koralnik, éd. Le Courrier du Livre, Paris.
Michael Shainblum, Self Portrait over the Anza Borrego Badlands |
C'est
un passage typique de l'esprit du Dzogchen que ne renierait pas un
maître Zen. Contempler la réalité absolue dans la simplicité
totale des manifestations sensorielles. Être touché par les
étoiles, laisser filer les bruits environnants, éprouver la
sérénité de l'expérience de non-dualité. Dza Patrül Rimpotché
a ouvert à son disciple un champ d’Éveil spontané. À
lui de voir, à lui d'entendre.
La
méthode du Dzogchen pour introduire le disciple à la vérité
ultime est originale et mérite d'être expliquée. Le bouddhisme du
Grand Véhicule connaît deux voies pour atteindre l’Éveil :
la voie graduelle où l'on se rapproche de l’Éveil
progressivement, en franchissant les paliers un à un grâce à une
longue et patiente persévérance et la voie subite où l'on
considère que l’Éveil étant par essence libre et inconditionné,
il ne peut pas être atteint par des pratiques spirituelles qui sont
autant d'actes conditionnés et où l’Éveil se gagne d'un seul
coup, par un saut ou un basculement soudain, dans notre véritable
nature. Le Dzogchen, plutôt que de trancher dogmatiquement pour
l'une ou l'autre voie, trouve plus sage de jouer sur les deux
tableaux : on introduit soudainement le disciple à la véritable
nature de l'esprit. S'il réalise cette nature, c'est très bien, son
esprit s'éveille spontanément à la Grande Perfection. Mais s'il ne
s'éveille pas directement, ce n'est pas grave ; il pourra
cheminer graduellement en suivant les enseignements des soûtras et
des tantras et agir sur les conditionnement qui l'empêche de voir ce
qui est véritablement. Il faut parfois passer par la complexité
pour s'éveiller à la simplicité.
La
toute simplicité du déploiement des phénomènes.
Michael Shainblum |
J'avoue au passage avoir piqué l'idée de cette histoire de Dza Patrül que je connaissais déjà, au très intéressant blog de José Le Roy, Eveil et philosophie, dont voici le lien:
http://eveilphilosophie.canalblog.com/archives/2015/06/27/32280372.html
http://eveilphilosophie.canalblog.com/archives/2015/06/27/32280372.html
Autres citations de Dza Patrül Rimpotché
Wahou vrai que le blog de José le Roy est hyper bien, merci pour le lien , merci pour la belle histoire de Dza Patrül que je ne connaissait pas . Au plaisir :)
RépondreSupprimerMerci :-)
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