Suite
à mon article « L’œuf
et la poule » où je défendais l'idée que ce n'est pas
nécessairement un mal de consommer les œufs de la poule que l'on
aurais recueilli dans son jardin., j'ai eu un débat sur le réseau
social Twitter. Un internaute m'a dit que, par définition, le
véganisme impliquait de ne jamais manger aucune substance animale.
Ce à quoi j'ai répondu que la question est : faut-il une
définition du véganisme à la lettre ou suivre l'esprit du
véganisme ? Pour moi, la compassion est l'esprit véritable du
véganisme, l'idée de vouloir éviter de faire souffrir inutilement
tout être vivant doué de conscience. Dans les rares cas où
consommer un produit animal (comme un œuf par exemple) n’entraîne
pas de souffrance et de cruauté, je ne pense pas qu'il y ait un mal à
le faire. Cela ne veut pas dire qu'il faille le faire nécessairement,
mais ce n'est pas quelque chose de condamnable moralement. Je permets
d'insister sur le terme « rare ». En effet, les cas où
la consommation de produits animaux n'entraîne pas de souffrances
sont très rares : ramasser les œufs de la poule que vous
traitez bien (sans avoir l'intention qu'elle produise pour vous une
nourriture), trouver de la viande dans une poubelle et la manger,
manger un animal qui vient de se faire écraser sur la route.... On
admettra là que ce sont des cas marginaux, absolument pas
représentatifs de ce qu'implique généralement la production
d'aliments d'origine animale.
Enfin,
l'internaute m'a objecté ceci : « Il faut privilégier
la question de la moralité : l'homme peut-il s'octroyer une
supériorité morale par rapport aux autres animaux ? ».
Est-ce que l'homme a un droit moral de posséder des animaux (des
poules dans son jardin en l'occurrence), de bénéficier du travail
fourni par ses animaux et de jouir des ressources que ces animaux
produisent (des œufs en l'occurrence) ? Les 140 caractères
autorisés par Twitter étant un espace un trop restreint pour un
débat philosophique et éthique, je me propose de répondre ici à
la question.
Au
risque de choquer les antispécistes, je commencerai par répondre
« oui » à la question posée par l'internaute :
oui, l'homme est doué d'une supériorité morale par rapport aux
animaux. Du fait de ses capacités cérébrales hautement
développées, l'homme a le pouvoir de développer une morale et une
réflexion sur le bien et le mal beaucoup plus que n'importe quelle
espèce animale. On voit la moralité à l’œuvre dans le monde
animal : des dauphins qui viennent en aide à des nageurs en
perdition, des rhinocéros qui viennent à la rescousse d'un bébé
éléphant menacé par des prédateurs. Les éthologues se sont
rendus compte qu'il y a des bases naturelles à la morale. Mais
l'homme a la capacité de faire évoluer sa réflexion bien au-delà
de ce que peuvent faire les animaux. Je vois mal les tigres, les
loups et les requins militer soudainement pour le véganisme et
l'antispécisme. Or l'homme a cette capacité de remettre en question
ses comportements et d'étendre sa compassion, sa sollicitude et son
souci à bien d'autres espèces que lui et à des distances
considérables. Les êtres humains peuvent se soucier du sort des
baleines à bosse qui sont en train de nager quelque part dans les
eaux de l'Antarctique. On voit plus rarement les baleines à bosse se
préoccuper de la détresse des enfants syriens. Non pas qu'elles
soient méchantes ou indifférentes, mais cela n'entre tout
simplement pas dans leurs capacités mentales.
Il
en ressort que si l'homme a une supériorité morale, ce n'est pas
que celle-ci lui permet d'exiger tous les droits moraux de vie et de
mort sur les animaux, mais cette supériorité morale exige de
l'Homme des responsabilités morales qu'il doit respecter envers les
animaux et que les animaux ne sont pas en mesure de respecter. L'être
humain a donc des capacités qui lui permettent de juger si son
comportement est bon ou mal envers les animaux. Il se doit de bien se
comporter envers eux. Et justement le constat est amer :
l'humanité ne se comporte pas très bien envers les animaux. On peut
même dire que les humains se comportent de manière crapuleuse et
monstrueuse envers eux. Prenant conscience de ce mal, l'homme se doit
de réagir moralement et de prendre les mesures nécessaires pour
faire cesser ce mal. La première mesure, la plus évidente, celle
qui est à portée de notre être individuel, c'est de ne pas tuer,
blesser ou torture des animaux nous-mêmes et de ne pas faire que
d'autres du fait de nos actions soient obligés de tuer, blesser ou
torturer des animaux. Concrètement, cela signifie devenir végane:
ne pas consommer de produits animaux, viande, poissons, œufs, lait
de vache ou de chèvre et produits laitiers, parce que cela implique
de tuer des animaux, de les enfermer, de les plonger dans la plus
grande détresse et de les faire vivre dans la peur.
Du
fait de sa supériorité morale, l'homme a des responsabilités
envers les animaux, des devoirs plus que des droits. C'est un point
important à souligner. Mais dans cette perspective, l'homme a-t-il
le droit moral de posséder des animaux ? En fait, non. Il n'a
pas le droit spécifique de le faire, mais il a le pouvoir de le
faire. L'homme impose sa volonté non seulement aux animaux, mais
également aux plantes et à la Nature : les êtres humains
bâtissent des routes, des maisons, des constructions sans demander
leur avis au monde naturel qui vit à cet endroit. Est-ce que c'est
bien ou mal ? Je ne sais pas. Je constate simplement que l'homme
impose sa volonté à la Nature. Dans cette optique, la question
n'est pas de savoir si c'est bien de posséder ou pas des animaux,
mais de prendre en compte que les animaux étant doués de conscience
et de sensibilité, on ne doit pas les faire souffrir inutilement.
Je
sais que certains courants de l'antispécisme militent ardemment pour
que l'humanité abandonne définitivement tout pouvoir sur les
animaux : selon ceux-ci, on devrait ne pas posséder d'animaux
domestiques, pas de chien, pas de chat, pas de hamster, pas de
poisson rouge, pas de poule dans son jardin non plus. Tous devraient
retourner à la vie sauvage, loin des méchants humains. Mais en
fait, les chiens et les chats se sont accommodés de la présence
humaine, en tirent avantage et seraient très malheureux s'ils
devaient retourner dans la Nature où la lutte pour la survie est
omniprésente, stressante et douloureuse. Pour moi, le problème
n'est pas que les humains aient des chiens, mais que certains les
maltraitent et les rejettent, et qu'ils finissent à la fourrière où
ils vont finir leur vie, gazés dans l'indifférence générale. Le
problème n'est pas qu'on ait des poules dans son jardin et qu'on
mange ponctuellement les œufs qu'elle pourrait pondre, mais tout le
système d'exploitation des poules pondeuses qui conduit à des
souffrances inimaginables.
Je
n'ai donc pas de problème à ce que les humains puissent posséder
des animaux, qu'ils bénéficient de leur travail, par exemple les
chiens policiers qui reniflent de la poudre d'explosif et protègent
le citoyen, voire qu'on valorise les ressources que ces animaux
produisent, qu'un agriculteur utilisent les excréments d'animaux
comme engrais pour son champ. En fait, la société des humains
exigent des humains qu'ils travaillent pour le profit de cette
société. Par exemple, je suis enseignant, et comme le fermier qui
va mettre ses vaches dans leur prairie, on m'impose d'être de telle
heure à telle heure dans une classe déterminée avec des élèves.
C'est ce qu'on appelle le travail. Je ne pense pas que c'est le
travail qui soit le problème, mais l'exploitation. Si on exige des
horaires complètement contraignant, un salaire ridicule, qu'on vous
insulte ou qu'on maltraite dans l'accomplissement de la tâche, alors
il y a exploitation. Mais le travail en lui-même n'est pas de
l'exploitation.
Pareillement,
les hommes possèdent des animaux et exigent certaines choses venant
d'eux. En soi, ce n'est ni bien, ni mal. Par contre, l'homme doit
respecter l'exigence morale de bien les traiter, de ne pas les
blesser, de ne pas les tuer et de leur accorder de la nourriture et
un logement décent au regard des besoins spécifiques de l'animal.
C'est cela que nous devons garder à l'esprit en tant qu'être
humain, être conscient qui devrait se rendre digne de ses capacités
morale qui sont les siennes. Je dis bien « devrait »
parce, malheureusement, l'homme se rend rarement digne des capacités
morales qui sont les siennes.
Voir aussi sur le même sujet :
Raphaël Enthoven pense que les antispécistes cherchent à devenir meilleurs que les animaux. Un loup ne cherche pas à abandonner la consommation de la viande. C'est pourquoi il qualifie les véganes de "superspécistes". Mais ces réflexions ont-elles seulement un soupçon de validité ?
La domestication des animaux est-elle une mauvaise chose ? Je pense que non. Ce qui est mal, c'est la cruauté et les abus de pouvoirs dans les hommes se rendent souvent coupables, pas la domestication en elle-même.
Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour du végétarisme et du véganisme ici.
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