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mercredi 4 février 2015

Plutarque : être sensible à la vie animale



Voilà cependant ce que nous faisons ; nous ne sommes sensibles ni aux belles couleurs qui parent quelques uns de ces animaux, ni à l'harmonie de leurs chants, ni à la simplicité et à la frugalité de leur vie, ni à leur adresse et à leur intelligence; et, par une sensualité cruelle, nous égorgeons ces bêtes malheureuses, nous les privons de la lumière des deux, nous leur arrachons cette faible portion de vie que la nature leur avait destinée. Croyons-nous d'ailleurs que les cris qu'ils font entendre ne soient que des sons inarticulés, et non pas des prières et de justes réclamations de leur part? Ne semblent-ils pas nous dire : Si c'est la nécessité qui vous force à nous traiter ainsi, nous ne nous plaindrons pas, nous ne réclamons que contre une violence injuste. Avez-vous besoin de nourriture? égorgez-nous. Ne cherchez-vous que des mets plus délicats ? laissez-nous vivre, et ne nous traitez pas avec tant de cruauté. C'est un spectacle dégoûtant que devoir servir sur les tables des riches ces corps morts que l'art des cuisiniers déguise sous tant de formes différentes ; mais c'en est un plus horrible encore que de les voir desservir. Les restes sont toujours plus considérables que ce qu'on a mangé. Combien donc d'animaux tués inutilement ! D'autres ne touchent point à une partie des mets qu'on leur a servis, ils ne souffrent pas qu'on coupe les viandes qu'ils ont laissées, et eux-mêmes ils n'ont pas honte de mettre en pièces des animaux vivants.

Plutarque, Sur l'usage des viandes, Œuvres morales, tome IV, 994 d-f.




     Plutarque était un philosophe grec du premier et second siècle de notre ère. Le texte « Sur l'usage des viandes » est un vibrant plaidoyer pour le végétarisme que j'invite vraiment à lire car il reste encore d'actualité. (On trouvera une traduction en ligne librement accessible ici).

     Dans cet extrait, Plutarque dénonce notre insensibilité à la beauté de la vie animale. Pour notre seul plaisir teinté de cruauté, nous faisons abattre ces vies qui vibraient de la lumière de leur adresse et de leur intelligence. Au lieu d'apprendre de ces bêtes, notamment leur simplicité et leur frugalité qui peut inspirer un sage, nous préférons les anéantir pour satisfaire notre voracité. Nous ne le faisons même pas pour notre propre survie, parce que nous pourrions parfaitement vivre en bonne santé en se nourrissant des produits des champs et des vergers ; non, nous le faisons pour assouvir une gourmandise sordide.

     Ce qui est encore plus triste, c'est le gâchis que cela crée : on ne retire qu'une petite partie de la carcasse des animaux pour la consommation humaine, le reste va à la poubelle. « Les restes sont toujours plus considérables que ce qu'on a mangé ». Que de sacrifices inutiles ! Aujourd'hui, la situation n'a fait que s'aggraver ! Quand on voit, par exemple, la pêche industrielle qui utilise des filets de plusieurs kilomètres de long et qui prend dans ces filets un nombre considérable d'espèce qui ne devait pas être pêchées, dont des dauphins (phénomènes dits de la « prise accessoire » ou du « by-catch » en anglais), on se dit que l'absurdité de la consommation des animaux n'a fait que prendre de l'ampleur au cours des siècles.







Lire L'usage des viandes de Plutarque ici.

Voir de Plutarque: 

Voir aussi :
- Ovide : Vous avez le blé
- "S'occuper aussi des animaux" de Matthieu Ricard ici.
Jeremy Bentham: peuvent-ils souffrir ?

Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la libération animale ici..

    Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour du végétarisme 
ici.

Voir tous les articles et les citations à propos de la philosophie antique ici.

Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.


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