Les
ordinateurs prennent une place toujours plus importante dans tous les
aspects de la vie quotidienne, et notamment dans les aspects
économiques et financiers. Vous retirez votre argent au
distributeur, quand vous ne faites pas vos paiements directement au
moyen de votre carte bancaire. Vous faites vos virements en ligne ;
il n'y a plus que les vieilles personnes pour remettre un petit
papier à leur banquier. Les agences bancaires ferment les unes après
les autres, puisque tous les services que la banque peut vous offrir
sont à disposition à partir de votre ordinateur. À la bourse, tout
s'est automatisé. Au XXème siècle, on voyait les
traders crier et hurler à la bourse, se faisant les uns aux autres
de signes cabalistiques pour acheter ou vendre des actions à la
corbeille. Les traders travaillent maintenant derrière leur écran
d'ordinateur. Les traders ont tendance à eux-mêmes laisser la place
aux ordinateurs pour donner des ordres d'achat ou de ventes des
actions. C'est ce qu'on appelle le trading à haute fréquence.
Les
opérations boursières se font maintenant au rythme de la
milliseconde, voire de la microseconde. Il se passe tout un
brouillard d'activité boursière totalement inaccessible à l'être
humain, et qui, pourtant, a des conséquences concrètes sur les
humains, sur les gens qui jouent en bourse, sur les consommateurs et
sur les travailleurs qui subissent le contrecoup de cette activité
boursière numérique. La question que pose le trading à haute
fréquence, c'est quel est le sens de posséder une action pour une
milliseconde ou une microseconde (un millionième de seconde) avant
de la revendre. Dans le monde réel, si on possède quelque chose,
c'est pour en jouir d'une manière ou d'une autre. J'achète une
maison pour y habiter. J'achète du vin pour le savourer et
m’enivrer. J'achète une crème à la glace pour la déguster un
jour ensoleillé d'été. Il faut bien sûr plus de temps pour jouir
d'une maison que pour jouir d'une crème glacée. Ma crème glacée
va me procurer un plaisir de une ou deux minutes, cinq minutes tout
au plus. Mais malgré cela n'a aucun sens de jouir d'une crème
glacée durant seulement une milliseconde ou une microseconde.
Bien
sûr, je peux revendre ma maison comme je pourrai revendre ma crème
à la glace avant qu'elle ne fonde. Je chercherai à faire du
bénéfice à la revente. Et c'est le principe du trading à haute
fréquence : acheter/vendre, acheter/vendre, acheter/vendre, et
cela des milliers de fois sur une seconde. Mais ce commerce est alors
totalement détaché de l'usage que les humains peuvent en faire. Les
machines ne font plus que de l'argent que pour faire de l'argent.
Bien sûr, derrière ces machines, on suppose que de riches
financiers savourent les plantureux bénéfices que leur procurent
les ordinateurs qui accomplissent le trading à haute fréquence.
Mais si cela rapporte de l'argent à ces magnats de la bourse, à qui
est-ce que cela coûte de l'argent ? Aux citoyens, aux gens, au
peuple, ben entendu, qui n'ont aucun intérêt dans cette folie
numérique.
Le
trading à haute fréquence rend sûrement fou les acteurs du monde
de la finance qui essayent de faire des câbles de fibre optique pour
transporter l'information toujours plus vite pour pouvoir prendre de
court le concurrent qui se trouve sur une place boursière dans le
monde. En juin 2010, une société américaine, Spread Network, a
relié la bourse de Chicago au New Jersey avec un câble de fibre
optique, pour un coût total d’environ 300 millions de dollars.
L’objectif recherché était de permettre le passage d'information
entre les serveurs de la bourse de Chicago à ceux du NASDAQ (dans le
New Jersey, à proximité de New-York et donc de Wall Street) en
moins de 13 millisecondes aller-retour. La distance entre ces deux
points est de 1330 km à peu près. Si on fait le calcul, 13
millisecondes pour 2660 kilomètres (aller-retour), cela donne une
vitesse d’environ 200.000 km/seconde : une vitesse proche de la
vitesse de la lumière (300 000 km/seconde). Tout cela pour gagner un
avantage de quelques millisecondes sur son concurrent qui a agi à
partir d'une place comme Shanghai, Singapour ou Londres. Dans le cas
du câble mis en place par Spread Network est de bénéficier d'un
gain de 1,5 microseconde (0,0000015 seconde). Quel est l'intérêt
social de ce gain de temps qu'un être humain n'est même pas en
mesure d'identifier ? À
quoi cela peut-il servir le bien commun ? Franchement ?
Pour
moi, cela n'a pas de sens. Je ne suis certes pas économiste. Mais
en-dehors d'intérêts privés de peu de gens qui savent se rendent
maîtres de ces hautes technologies, je n'y vois pas d'intérêt pour
le peuple. S'il y a un, qu'on me l'explique ! Je propose donc
qu'on interdise au niveau européen, ou mieux encore au niveau
mondial, ce trading à haute fréquence. Il faudrait légalement
imposer l'idée que posséder quelque chose (une maison, une crème
glacée, une action boursière), c'est posséder cette chose pour au
moins une seconde, voire une minute. Le commerce doit être au
service des humains et s'intégrer dans les relations humaines, à
des échelles de temps que les humains maîtrisent. C'est pourquoi il
est temps de revenir à une échelle de temps qui est celle de la
seconde, voire de la minute. Ce qui est encore très rapide. Les
humains ou les ordinateurs ne pourraient revendre ce bien possédé
qu'après ce laps de temps minimum légal. Cela ne résoudrait pas
tous les problèmes de l'économie globale, loin s'en faut. Mais au
moins, cela n'en rajouterait pas en livrant l'économie aux seules
machines.
Voir aussi :
- Libéral
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