On
me demande souvent ce que j'entends par méditation. Et répondre à
cette question est un exercice difficile, parce que c'est à la fois
trop simple à décrire comme activité, pour autant qu'on puisse
dire que c'est une activité, et en même temps la méditation
charrie avec elle toutes sortes d'éléments philosophiques et
existentiels subtils qui demandent une vie à être expérimentés et
compris pleinement. Je ne suis pas sûr que ça soit une activité,
même si l'on dit « je pratique la méditation » et que
l'on adopte généralement une posture déterminée, la posture en
tailleur ou du lotus. Mais la méditation ne se résume pas au temps
passé officiellement à méditer, ni à une posture : on peut
très bien méditer debout, assis sur une chaise ou étendu par
terre. En fait, je dis souvent que la méditation est une façon
extrêmement active de ne rien faire.
dimanche 9 octobre 2016
Méditer
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vision pénétrante
mardi 27 septembre 2016
Le courage de la goutte d'eau
Le
courage de la goutte d'eau, c'est qu'elle ose tomber dans le désert.
Proverbe
chinois
![]() |
Hougaard Malan - Dans le désert de Namibie |
J'aime
ce proverbe que l'on attribue à l'écrivain chinois Lǎo Shě (老舍, 1899-1966), car il exprime une vertu essentielle du véritable
courage : oser agir là où toutes les actions peuvent sembler
vaines. Agir là où on ne verra pas tout de suite de résultat et où
personne ne nous épaulera dans l'accomplissement de la tâche.
L'essentiel est de persévérer dans ce qui est juste. Fertiliser les
terres arides.
Le
courage ainsi compris flirte toujours avec le découragement. On
pratique le bien et rien ne vient. Par moment même, les ennuis
s'amoncellent au lieu de se résorber. Il est facile de fanfaronner
et de prendre des poses héroïques ; beaucoup plus dur est de
traverser les difficultés avec la même foi dans le progrès de
l'humanité qu'au premier jour. En fait, chaque fois qu'on se sent
abattu, il faut laisser notre « soi » mourir à lui-même,
laisser ce « soi » brûler dans le feu du désespoir ;
et pus patiemment, répandre dans le monde la bienveillance infinie,
la compassion infinie, la joie infinie et l'équanimité infinie, et
renaître de ses cendres comme une nouvelle aube. Avoir à nouveau
l'envie de se relever et d'apporter une force de vie au monde.
![]() |
Désert de Pilbara, Australie occidentale |
Voir aussi :
- Soûtra d'Udaya et son commentaire "Encore et encore"
Pour le Bouddha, il faut avoir le courage de renouveler son effort encore et encore.
Selon Etty Hillesum, surmonter les heures noires du désespoir en se rappelant que la vie est une choses merveilleuse et grande. "Nous avons le droit de souffrir, mais pas de succomber à la souffrance".
- Joie
La joie sacrée qui anime le méditant et pratiquant du Dharma.
Balzac disait : "La résignation est un suicide quotidien". Mais peut assimiler l'acceptation à la résignation ?
Poème de Victor Hugo
Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la philosophie bouddhique ici.
dimanche 25 septembre 2016
Méditation et technique
J'ai
récemment posté un article intitulé « Simplement
s'asseoir »
où je me posais la question si la méditation devait s'accompagner
de ritualisation (j'avais pris l'exemple des rites qui accompagnent
le zazen dans le Zen Sōtō,
mais j'aurais tout aussi bien pu prendre l'exemple du bouddhisme
tibétain...) ou si la méditation devait se faire comme une chose
spontanée, simplement s'asseoir pour reprendre un adage Zen.
Une internaute a réagi sur les réseaux sociaux en écrivant ce
petit commentaire : « Méditer,
ce n'est pas forcément être assis sur l'herbe ou un coussin dans un
temple ou un monastère....... c'est être présent... à l'écoute
de ce qui nous entoure.... aux pensées qui passent tels des
nuages..... ne rien retenir.... laisser circuler.... et surtout ne
pas s'obliger à
suivre une technique.... ».
Libellés :
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nature de l'esprit
jeudi 22 septembre 2016
L'attention au souffle
Dans
l'Ānāpānasati
Sutta (le
Soûtra de l'Attention au Va-et-vient du Souffle), le Bouddha
recommande 16 exercices spirituels de méditation afin de mieux
focaliser son attention. Chaque fois que nous inspirons et que nous
expirons, nous pouvons adjoindre à ce mouvement du souffle dans et
en-dehors de nos poumons une petite phrase qui va nous aider à
focaliser notre attention.
Les
4 premiers exercices sont reliés à l'attention
au corps :
1.
En inspirant longuement, il sait : ‘J’inspire longuement’.
En expirant longuement, il sait : ‘J’expire longuement’.
2.
En inspirant brièvement, il sait : ‘J’inspire brièvement’. En
expirant brièvement, il sait ‘J’expire brièvement’.
3.
‘J’inspire et je suis conscient de tout mon corps. J’expire et
je suis conscient de tout mon corps’. C’est ainsi qu’il
pratique.
4.
‘J’inspire et j’apaise tout mon corps. J’expire et j’apaise
tout mon corps’. Ainsi pratique-t-il.
Les
4 exercices suivant sont reliés à l'attention aux sensations :
5.
‘J’inspire et je me sens joyeux. J’expire et je me sens
joyeux’. Ainsi pratique-t-il.
6.
‘J’inspire et je me sens heureux. J’expire et je me sens
heureux’. Ainsi pratique-t-il.
7.
‘J’inspire et je suis conscient de mes formations mentales.
J’expire et je suis conscient de mes formations mentales’. Ainsi
pratique-t-il.
8.
‘J’inspire et j'apaise mes formations mentales. J’expire et
j'apaise mes formations mentales’. Ainsi pratique-t-il.
Les
4 exercices suivants sont reliés à l'attention à l'esprit :
9.
‘J’inspire et je suis conscient de mon esprit. J’expire et je
suis conscient de mon esprit’. Ainsi pratique-t-il.
10.
‘J’inspire et je rends mon esprit heureux. J’expire et je rends
mon esprit heureux’. Ainsi pratique-t-il.
11.
‘J’inspire et je concentre mon esprit. J’expire et je concentre
mon esprit’. Ainsi pratique-t-il.
12.
‘J’inspire et je libère mon esprit. J’expire et je libère mon
esprit’. Ainsi pratique-t-il.
Les
4 derniers exercices sont eux reliés à l'attention aux objets de
l'esprit.
13.
‘J’inspire et j’observe la nature impermanente de tous les
phénomènes. J’expire et j’observe la nature impermanente de
tous les phénomènes’. Ainsi pratique-t-il.
14.
‘J’inspire et j’observe l’extinction. J’expire et j’observe
l’extinction’. Ainsi pratique-t-il.
15.
‘J’inspire et je contemple la cessation. J’expire et je
contemple la cessation’. Ainsi pratique-t-il.
16.
‘J’inspire et je contemple le lâcher-prise. J’expire et je
contemple le lâcher-prise’. Ainsi pratique-t-il.
*****
Il
serait intéressant de lire ces 16 exercices, de les relire
fréquemment et même de les connaître par cœur pour les avoir à
disposition quand on pratique la méditation. Ces 16 pratiques
couvrent tous les aspects de l'existence sur lequel il est bon de se
focaliser pour progresser sur le chemin de la méditation. Il est bon
de les connaître et de pouvoir en disposer comme un ouvrier dispose
de ses outils dans sa boîte à outils. On peut aussi réciter le
Soûtra
de l'Attention au Va-et-Vient de la Respiration. Certes, sa
structure est assez répétitive, mais justement cette répétition a
le mérite de faire comprendre qu'il faut sans cesse revenir à ces
différents points de l'attention pour aller toujours plus loin dans
le pouvoir de la vision pénétrante. Par ailleurs, le soûtra met en
perspective ces 16 techniques de l'attention au souffle avec d'autres
techniques de méditation bouddhiste. Le soûtra indique également
la finalité de ces techniques, produire ainsi les sept facteurs de
l’Éveil afin de connaître la sagesse et la libération du cycle
des existences.
Les
4 premières exercices se rapportent à l'attention au corps. Le
corps est la base de notre expérience de la vie. Il est donc
important de connaître ce corps et de l'observer dans ses moindres
détails. Plus spécifiquement, le souffle est cet élément
physiologique qui nous fait vivre et que, pourtant, nous négligeons
la plupart du temps. C'est seulement quand on étouffe ou qu'on se
retrouve sous l'eau que l'on prend conscience de la nécessité
vitale de pouvoir inspirer et expirer l'air frais. Attention !
Le Bouddha ne demande pas de contrôler sa respiration, de respirer
brièvement ou plus longuement. Il s'agit ici de prendre attention à
ce phénomène qu'est la respiration, pas de vouloir le contrôler à
tout prix. On entend parfois dans les cours de yoga qu'on va
« apprendre à respirer ». C'est une ineptie : vous
savez comment respirer. Si vous ne le saviez pas, vous seriez mort
depuis longtemps. En fait, vous ne savez pas : la respiration se
produit en vous, indépendamment de votre volonté. Elle se produit
même quand vous n'y pensez pas. C'est ce phénomène étonnant de la
respiration, si proche, et pourtant si méconnu, qu'il s'agit
d'observer dans sa spontanéité première.
Une
fois que l'on a observé ce corps, on peut l'apaiser. C'est le sens
du dernier des quatre exercices d'attention au corps :
« J’inspire
et j’apaise tout mon corps. J’expire et j’apaise tout mon
corps ».
Le corps est souvent le champ de bataille de nos émotions :
gorges serrés, estomac noué, cœur qui bat la chamade, mais qui se
crispent, etc... La méditation est le lieu où on peut laisser tout
cela se dénouer. Ne plus alimenter cette tension du corps d'une part
et les laisser se dissoudre dans la conscience silencieuse de
l'instant présent d'autre part. Il s'agit d'entretenir une nouvelle
relation à notre corps, plus apaisée.
Les
4 exercices suivants se rapportent à l'attention aux sensations. On
est constamment traversés de sensations physiques et mentales ;
et celles-ci affectent grandement notre humeur. Il s'agit dans la
méditation de comprendre qu'on peut être autre chose que le pantin
de nos sensations. Ainsi les exercices 5 et 6 ont trait à la joie et
au bonheur qui peut naître en méditation malgré les sensations
douloureuses ou pénibles qui nous traversent : « J’inspire
et je me sens joyeux. J’expire et je me sens joyeux. J’inspire et
je me sens heureux. J’expire et je me sens heureux ».
Là encore, ce n'est pas une joie et un bonheur qu'on impose au
mental envers et contre tout. On a tous des moments où on est
malheureux ; mais il y a des ressources positives au plus
profond de nous-mêmes qui nous permettent d'affronter les
difficultés, qui nous donnent des ailes pour aller au-delà des
épreuves de l'existence. C'est cette joie-là et ce bonheur-là
qu'il s'agit de découvrir et de sentir dans la méditation.
Les
sensations nous amènent de toutes sortes de réactions, parfois trop
hystériques ou destructrices. Le premier temps est de prendre
conscience comment nous réagissons à des stimulus sensoriels :
« J’inspire
et je suis conscient de mes formations mentales. J’expire et je
suis conscient de mes formations mentales ».
Puis, à partir, de cette prise de conscience, on peut graduellement
apaiser notre manière de réagir aux événements : « J’inspire
et j'apaise mes formations mentales. J’expire et j'apaise mes
formations mentales ».
Par exemple, au lieu de réagir à une insulte par une autre insulte,
à un coup de poing par un autre coup de poing, à un coup de couteau
par un autre coup de couteau, on apprend à dégager plus d'espace et
à avoir une réaction plus constructive : entamer un dialogue,
parer ou éviter un coup, calmer le jeu, apaiser les situations
conflictuelles. Dans la méditation, il s'agira surtout d'apaiser
toutes les pensées de vengeance, de ressentiment ou au contraire, se
ressaisir face aux réactions dépressives ou désespérées face aux
événements. On pourra aussi apaiser notre avidité par rapport à
ce qui nous obsèdent et vivre dans le contentement de ce qu'on a,
sans vouloir à tout prix toutes les richesses du monde.
Les
4 exercices suivants se rapportent à l'attention à l'esprit. Là
encore il s'agit de connaître et comprendre son propre esprit ainsi
que le fonctionnement de son esprit, sa dynamique qui le conduit à
produire telle ou telle pensée, telle ou telle émotion, à vivre
dans le passé ou à fantasmer sur le futur. Cela correspond au vieil
adage de l'oracle de Delphes : « Connais-toi
toi-même ».
À
partir de cette connaissance intime de soi-même, peut rendre
l'esprit heureux, plus à même de trouver des solutions aux défis
de l'existence : « J’inspire
et je rends mon esprit heureux. J’expire et je rends mon esprit
heureux ».
Étant plus satisfait de sa propre vie, ayant un mental plus radieux,
on peut d'autant plus facilement concentrer cet esprit sur un point :
« J’inspire
et je concentre mon esprit. J’expire et je concentre mon esprit ».
Cette concentration permet de franchir les étapes supérieures de la
méditation, ce qu'on appelle les absorptions méditatives (dhyāna
en sanskrit, jhāna en langue pâlie). « J’inspire
et je concentre mon esprit. J’expire et je concentre mon esprit ».
Cette capacité de se concentrer et d'entrer dans les hauts états
d'absorption méditative permet aussi d'augmenter son pouvoir de se
libérer des conditionnements de l'existence. « J’inspire
et je libère mon esprit. J’expire et je libère mon esprit ».
Les
4 derniers exercices se rapportent aux objets de l'esprit, à tout ce
dont l'esprit peut prendre conscience. Le monde est bien trop vaste
pour commencer à observer tous les phénomènes qui composent ;
mais quand nous percevons quelque chose. On peut commencer par voir
l'impermanence de ces phénomènes. Tout en ce monde est transitoire.
Tout passe, rien n'est figé dans une existence durable. D'instant
en instant, le monde et les choses changent. C'est pour quoi le
Bouddha nous demande d'observer : « J’inspire
et j’observe la nature impermanente de tous les phénomènes.
J’expire et j’observe la nature impermanente de tous les
phénomènes ».
À
partir de ce constat de l'impermanence, on peut commencer à se
détacher par rapport à eux. Notre envie de se saisir d'eux
s'estompe en nous : « J’inspire
et j’observe l’extinction. J’expire et j’observe
l’extinction ».
On peut alors réaliser que tous les phénomènes arrivent tôt ou
tard à leur cessation d'une part, et voir aussi que notre esprit est
susceptible d'entrer dans le degré ultime de la méditation :
la sphère méditative de cessation des sensations et des
perceptions, qui correspond à la vision du Nirvāna. « J’inspire
et je contemple la cessation. J’expire et je contemple la
cessation ».
Enfin, une fois que l'on a vu cet état de cessation des sensations
et des perceptions, on regarde le monde beaucoup plus librement et on
cultive le lâcher-prise par rapport aux phénomènes :
« J’inspire
et je contemple le lâcher-prise. J’expire et je contemple le
lâcher-prise ».
*****
Deux
petites remarques pour conclure. Tout d'abord, en méditation, on
n'est pas du tout obligé de pratiquer ces exercices dans l'ordre.
Selon les besoins du moment, on utilisera tel ou tel exercice à la
meilleure convenance. Parfois, il importera de se recentrer sur le
corps. Parfois il faudra faire le point sur le mental. Parfois
contempler l'impermanence des phénomènes nous apportera un
bienfait ; à d'autres moments, ce sera le fait de cultiver la
sensation de joie et de bonheur. C'est là tout un processus. Ces
petits exercices sont là pour nous aider dans la méditation. Bien
sûr, avec l'expérience et la sagesse, on apprendra à mieux
utiliser ces exercices. Au début, c'est toujours un peu maladroit,
mais il faut bien se lancer un moment où à un autre ! On ne
devient pas un nageur hors-pair avec une seule séance à la
piscine !
Enfin,
ces exercices mentaux impliquent de produire des pensées :
« J'inspire et je.... J'expire et je... », alors que la
méditation consiste à laisser passer les pensées qui nous
obsèdent, un peu comme le ciel laisse passer les nuages sans
s'accrocher à eux. C'est vrai, mais nous sommes tellement envahis
par les pensées que nous avons besoin parfois d'une petite pensée
qui va nous aider à nous recentrer sur nous-mêmes et la méditation.
Si une pensée nous aide à éviter la dispersion des pensées, c'est
une bonne chose. Pour autant, il ne faudrait pas non plus s'accrocher
à ces techniques de méditation, croire qu'on est obligé de
constater mentalement toutes ses inspirations et ses expirations avec
ce genre de petites pensées. Si on est suffisamment détaché des
pensées et concentré sur le moment présent, on peut observer
silencieusement notre respiration et ce qui se passe en nous. Le
Bouddha comparait la pratique du Dharma à un radeau. Le radeau sert
à traverser la rivière, mais une fois la rivière traversée, rien
ne sert de porter le radeau sur son dos ! Pareillement, ces
seize techniques de méditation nous aident à nous concentrer ;
mais une fois que cela est fait, on n'est pas obligé d'alimenter ces
pensées et troubler le calme mental. Mais tôt ou tard, la
dispersion et l'agitation reviendront ; à ce moment, on pourra
reprendre l'un des 16 techniques de l'Ānāpānasati
Sutta,
la plus appropriée au moment présent.
Voilà.
Je souhaite à tous de progresser le plus loin dans la méditation.
F.L., le 22 septembre 2016.
![]() |
Phra Ajan Jerapunyo, abbé de Watkungtaphao, en méditation |
Pour un commentaire beaucoup plus détaillé des pratiques du Soûtra de l'Attention au Va-et-Vient de la Respiration, voir :
- En compagnie du souffle :
Commentaire au Soûtra de l'Attention au Va-et-vient de la Respiration
Voir également :
- Commentaires sur « L’Art de la Méditation » de Matthieu Ricard : voir le texte
Pourquoi les enseignements du Bouddha sont-ils si rarement cités par les lamas du bouddhisme tibétains ? Est-ce que la méditation sur la nature de l'esprit n'occulte pas l'établissement de l'attention portée sur le corps (telle que le Bouddha l'enseigne dans le Soutra des Quatre Etablissements de l'Attention) ? Les soutras du Petit Véhicule ont-ils un intérêt dans la méditation sur la vacuité telle que l'expriment les soutras de la Perfection de Sagesse ? Comment intégrer les différents Véhicules du bouddhisme ?
- Slowly, slowly, slowly.... : voir le texte
Le progrès lent et graduel de la méditation. Comment arriver à la pleine conscience ?
- Méditer à la piscine
- Méditer à la piscine
Beaucoup de gens aiment faire quelques longueurs à la piscine pour se relaxer. C'est effectivement quelque chose de délassant de se baigner dans l'eau et d'activer l’entièreté de son corps. Mais je trouve que la piscine est aussi excellent endroit pour pratiquer la méditation et l'attention.
- Faut-il une bonne respiration pour méditer ?
On m'a récemment posé la question : je ne peux pas pratiquer la méditation de l'attention portée à la respiration, puisque je suis asthmatique. Que dois-je faire ? Il se trouve que je suis, moi aussi, asthmatique. En fait, le fait de respirer bien ou mal n'a rien à voir avec la pratique de l'attention telle qu'est enseignée par le Bouddha. Il s'agit de prêter attention à la respiration, pas de la réguler à tout prix. Même pendant une crise d'asthme, on continue à inspirer et expirer. Vous le faites difficilement du fait de la crise, mais vous le faites, sinon vous seriez mort. Il faut seulement prendre conscience de cette conscience de cette respiration et laisser l'esprit se calmer et se libérer de lui-même.
- Qu'est-ce que la compassion?
On pense parfois que la compassion consiste à s'affliger soi-même de la détresse des autres, mais, dans la philosophie du Bouddha, rien de tout cela : la compassion est définie comme le souhait ardent que les autres soient libérés de la souffrance et des causes de la souffrance.
Qu'est-ce que la joie spirituelle prônée par le Bouddha ?
L'équanimité dans la méditation, l'apaisement des remous de la vie. Comment la pratiquer ? Comment la mettre en œuvre dans la vie de tous les jours ?
![]() |
Méditation dans le creux du séquoia "Heart Tree" dans le parc national de Californie |
mercredi 21 septembre 2016
Love hides
Yeah
Love hides in the strangest places.
Love hides in the strangest places.
Love
hides in familiar faces.
Love
comes when you least expect it.
Love
hides in narrow corners.
Love
comes to those who seek it.
Love
hides inside the rainbow.
Love
hides in molecular structures.
Love
is the answer.
Jim
Morrison, The Doors, 1969.
dimanche 18 septembre 2016
Végane, consommateur ou acteur politique ?
Je
voudrais réagir à une vidéo-interview d'Yves Bonnardel, fondateur
des Cahiers Antispécistes, sur la
page facebook de « I am vegan TV ». Yves Bonnardel
défend dans cette vidéo une ligne selon laquelle le véganisme
n'est pas la solution-miracle pour sauver les animaux de l'immense
boucherie qu'est devenu le globe terrestre. Yves Bonnardel y déclare
notamment : « Je ne
crois pas qu'on change le monde par une sorte d'accumulation de
changements individuels ».
Pour Bonnardel, le combat pour la cause animale doit nécessairement
passer par un combat politique. Selon lui, il faut changer le monde
en s'attaquant à ses structures sociales, à des idéologies. Il
faut « s'affronter à des
groupes sociaux adversaires ».
Yves
Bonnardel réfute le « Go Vegan » comme alpha et omega de
la lutte antispéciste, car cela revient à avoir un traitement
individuel de la question animale. On essaye de convaincre les gens
uns par uns à devenir végane. C'est tout d'abord une méthode très
lente qui risque d'aboutir seulement dans deux siècles. Mais en plus
cela conduit à une crispation identitaire dans la communauté végane
où on passe son temps à se demander ce qui est végane et ce qui ne
l'est pas. On lit les étiquettes dans les supermarchés pour bien
s'assurer qu'il n'y a aucun produit animal dans le produit que l'on
va acheter. Et en plus, on surveille le comportement des animale
véganes pour s'assurer qu'il ne commette pas des « péchés »
en mangeant un œuf de la poule du jardin ou de temps en temps une
barre de chocolat au lait. C'est ce qu'on a appelé la « police
végane ». En-dehors des disputes extrêmement désagréable
que ce flicage végane peut engendrer au regard des conséquences
réelles très minimes de ces écarts, Yves Bonnardel souligne aussi
que cela réduit l'activiste de la cause à sa seule condition de
consommateur perdu au sein de la société de consommation, et que
celui-ci cesse alors de se voir en tant qu'acteur politique.
Selon
lui, il faut revenir à un sens de la justice générale :
l'exploitation animale est quelque chose d'intrinsèquement mauvais,
comme pouvait l'être par le passé le servage et le régime féodal,
l'esclavage, le racisme et la discrimination à l'encontre des
femmes. Pour vaincre cela, il a fallu un combat politique tenace pour
en venir à bout, combat qui doit bien souvent d'ailleurs être
maintenu et prolongé. Pareillement, pour défendre la cause animale,
il faut « avoir un esprit
constructif pour créer collectivement un mouvement politique qui va
intervenir dans l'arène publique ».
Je
pense qu'effectivement, un mouvement végane qui ne se préoccuperait
que de ce qui se trouve dans sa propre assiette et qui aurait pour
but ultime de lire les étiquettes des produits au supermarché
n'irait pas bien loin. Mais néanmoins, je reste sceptique face à
cette exaltation du combat politique. Yves Bonnardel dit d'abord
qu'il faut s'affronter aux groupes sociaux adversaires, mais sans les
nommer. Qui sont-ils ? Tout d'abord, au niveau le plus
fondamental, c'est la société carniste dans laquelle nous vivions.
Notre société est dans sa quasi-entiereté composée de gens qui
mangent de la viande, du poisson et des produits animaux, sans que
cela leur pose trop de problèmes de conscience. En tous cas, ils
font tout pour ne pas garder à la conscience tout le massacre des
animaux, le zoocide permanent et l'enfer que nous leur faisons vivre.
Une société dans sa quasi-entiéreté, cela fait beaucoup de
monde ! Le rapport des forces est clairement en notre défaveur.
Bien sûr, on peut manifester contre les abattoirs. Mais je pense
qu'à l'heure actuelle, le meilleur moyen de résister et d'opposer
son refus au carnisme, c'est de devenir végane. Quand vous dites à
quelqu'un qui vous êtes végane et que ce n'est pas pour des raisons
de santé, la personne en face de vous comprend tout de suite que
vous mettez en accusation tout le système de l'exploitation animale.
Même si vous ne vous êtes pas du tout justifié et que vous n'avez
rien dit.
Les
autres « groupes sociaux adversaires », ce sont le lobby
de la viande, le lobby de la pêche, le lobby du lait, le lobby de
l'élevage et puis toutes sortes d'autres groupes dont les activités
tournent autour de la chasse, de la vivisection, de l'expérimentation
animale, du cirque, des zoos, etc... Cela fait beaucoup d'argent et
beaucoup d'emplois en jeu. Si on les attaque directement comme le
voudrait Yves Bonnardel, ils vont réagir violemment pour préserver
leur gagne-pain. Cela se produit déjà : récemment des
activistes de la cause animale qui avaient organisé des « Nuits
Debout » devant des abattoirs ont été violemment été pris à
partie par des éleveurs en colère.
Si
maintenant on fait l'apologie du passage au véganisme ou en tous cas
d'une alimentation plus végétale, les choses se passent plus
pacifiquement. On trouve ainsi de plus en plus de laits végétaux
dans les magasins bio, mais aussi dans les supermarchés classiques :
lait de soja, lait de riz, lait d'avoine, etc... Ce n'est pas
d'ailleurs uniquement pour des raisons de souci de la condition
animale, mais souvent pour des raisons de santé, pour le souci de
garder la ligne ou des questions d'allergie au lait de vache.
Toujours est-il que la demande est grandissante dans cette niche, à
tel point que la marque Alpro qui vend ces laits végétaux dans les
grandes surfaces a été racheté par Dean Foods. Les véganes ont
crié au scandale car Dean Foods est en fait une multinationale
texane de produits laitiers. Cela peut paraître choquant, mais en
fait pas du tout. Dean Foods a très bien compris que la production
de lait de vache est en baisse et la production de lait végétal est
elle par contre en nette hausse. Racheter Alpro est une opération
logique pour garder des parts de marché dans le domaine du lait. Les
multinationales agro-alimentaire s'adaptent au changement d'habitude
des consommateurs. En cela, appeler à un changement de consommation,
soit devenir végane dans sa version la plus radicale, soit devenir
végétarien ou flexitarien a un impact réel sur la globalité du
système agro-alimentaire.
Il
me semble aussi qu'on faut prendre en compte un fait important. Comme
le disait Aristote : « L'homme est un animal politique ».
On pourrait même dire le seul animal politique. Il y a bien des
animaux sociaux (fourmis, abeilles, loups, dauphins, etc...) et des
rapports de force dans ces groupes, mais aucune possibilité chez les
animaux non-humains de penser l'organisation collective de la société
et de penser d'une manière ou d'une autre les changements à
accomplir au sein de cette organisation. Dans le cas de la lutte pour
la libération animale, ce seront toujours des êtres humains qui
demanderont à d'autres humains d'accorder plus de droits aux animaux
et de faire le moins de mal possible aux animaux. Il s'ensuit que ce
combat doit passer par un consensus largement partagé au sein de la
population qui veut que les animaux soient des êtres doués de
sensibilité et qu'il est mal et injuste de les faire souffrir
inutilement. Ce consensus doit aussi arriver à la conclusion logique
qu'une fois qu'on a pris conscience de cela, il est juste d'adopter
un comportement qui soit en accord avec cette prise de conscience.
Au
niveau individuel, le comportement le plus en adéquation avec cette
prise de conscience est le véganisme. Au niveau collectif et
politique, c'est de demander l'abolition de la viande et de
l'exploitation animale. Mais je vois mal comment on pourrait défendre
sérieusement l'abolition de la viande avec des associations et des
mouvements où tout le monde mangerait de la viande. Donc le
véganisme est pour moi la base de tout mouvement politique en faveur
des animaux. Il faut montrer aux gens que l'on peut végétaliser son
alimentation sans danger pour sa santé, sans perte du plaisir de
vivre. Le mouvement politique ne peut pas qu'être un mouvement
d'interdiction et de pénalisation des pratiques d'exploitation
animale. Il faut montrer et démontrer aux gens qu'abandonner
l'exploitation est profitable aux exploiteurs que sont les humains,
que ce soit sur un plan écologique, de santé ou humanitaire. Il
faut encourager les gens à avoir une attitude non-violente envers
les animaux plus que d'avoir une attitude coercitive envers tel ou
tel « groupe social adversaire ».
Frédéric Leblanc, le 18 septembre 2016.
![]() |
Yves Bonnardel |
J'ai développé de manière plus développées ces idées sur le rapport entre démarche individuelle végane et une démarche plus globale, plus politique dans un article intitulé : "La vertu du véganisme".
Voir aussi :
- Approches du véganisme : Le véganisme doit-il uniquement "zoocentré" (tourné vers le seul intérêt des animaux) ou faut-il aussi faire valoir les arguments écologiques, humanitaires et de santé en faveur du véganisme.
- Tom Regan, une passion disciplinée
- Tom Regan, une passion disciplinée
Tom Regan donne une image intéressante du travail intellectuel et philosophique afin de justifier et d'argumenter en faveur des animaux et de faire avancer la cause : l'image d'une danseuse étoile qui vit une passion disciplinée.
Le philosophe antispéciste Yves Bonnardel s'affirme comme anti-humaniste, voyant dans l'humanisme un rejet de la condition animale. L'humanisme est-il pour autant nécessairement une forme de mépris envers l'animal ? N'y a-t-il pas des penseurs humanistes qui ont mis en doute cette tendance à placer l'homme sur le piédestal de la Création et renvoyer les animaux à leur bêtise et à leur bestialité ? Montaigne en est peut-être le plus grand exemple. Et n'y a-t-il pas aussi dans l'humanisme une dimension de progrès et d'égalitarisme qui doit finir nécessairement par toucher les animaux ?
- Humanisme et égalité : réponses à Yves Bonnardel et David Olivier
- Humanisme et égalité : réponses à Yves Bonnardel et David Olivier
- Penser l’homme et l’animal au sein de la Nature
Yves Bonnardel et David Olivier, deux contributeurs des Cahiers Antispécistes, ont critiqué l'idée de Nature dans une perspective antispéciste. D'une part, parce que l'idée de Nature suppose une hiérarchie naturelle où les animaux sont considérés comme inférieurs aux être humains. Et d'autre part, parce que l'idée de Nature suppose de voir une harmonie qui régit les écosystèmes, là où il n'y a qu'une lutte infernale pour la survie. Cet article se propose de considérer ces arguments et de se demander si une mystique de la Nature est tout de même possible.
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Vincent Bozzolan, Marche contre les abattoirs, Paris, juin 2016 |
Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour du végétarisme et du véganisme ici.
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