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jeudi 1 novembre 2018

Un nomade de la raison - 11ème partie






Un nomade de la raison 
sur les chemins d’Élis à Taxila

11ème partie


Pour lire les précédentes parties d'un Nomade la Raison, voir le sommaire.



L'indifférence de Pyrrhon


samedi 8 septembre 2018

Un nomade de la raison - 6ème partie



Un nomade de la raison 
sur les chemins d’Élis à Taxila

6ème partie




Pour lire les précédentes parties d'un Nomade la Raison, voir le sommaire.




Le Bouddhisme



     Le Bouddha a eu deux très grands disciples : Shâriputra et Maudgalyâyana. Il serait intéressant de se pencher sur le parcours spirituel de ces deux-là parce que leur évolution est emblématique d’une relation au doute et au scepticisme et du dépassement de ceux-ci. Shâriputra et Maudgalyâyana1, tous deux issus d’une famille de brahmanes, avaient décidé de quitter la vie laïque pour devenir ascètes errants dans la quête résolue de trouver la vérité. Après avoir écouté toutes sortes de doctrines de différents maîtres, les deux se rallièrent à un maître qui s’appelait Sanjaya Belatthiputta. 

mardi 4 septembre 2018

Un nomade de la raison - 4ème partie




Un nomade de la raison 
sur les chemins d’Élis à Taxila

4ème partie



Voir :

- la première partie 

- la 2ème partie   

- la 3ème partie




L’Inde philosophique



   Voilà donc pour les influences grecques que Pyrrhon emmena avec lui jusqu’en Inde. Et toutes ces influences ont certainement été ensemencées par la rencontre avec ces personnages si étranges et si déroutants qu’étaient les gymnosophistes aux yeux des grecs. Les mœurs de ces gymnosophistes, leur style de vie sans concession ont certainement marqué Pyrrhon de manière indélébile. Comme le dit Victor Brochard : « Cette résignation et ce renoncement qui sont les caractères distinctifs du scepticisme primitif, Pyrrhon en avait trouvé les exemples sur les rives de l’Indus : c’est encore un point par où l’expédition d’Alexandre a exercé sur les destinées du scepticisme une influence que nous croyons capitale. Il nous est expressément attesté que Pyrrhon a connu les gymnosophistes, ces ascètes qui vivaient étrangers au monde, indifférents à la souffrance et à la mort. Nul doute qu’il n’ait été vivement frappé d’un spectacle si étrange ; et il s’en souvint une fois revenu dans sa patrie (…). La dialectique lui avait peut-être appris le néant de la science telle qu’elle existait de son temps ; il apprit des gymnosophistes le néant de la vie, et crut, avec un autre sage de l’Orient, que tout est vanité1 ».

vendredi 31 août 2018

Les huit préoccupations mondaines




Les huit préoccupations mondaines



  Dans la philosophie bouddhique, on compte 8 préoccupations mondaines ou dharmas mondains. Ces préoccupations occupent notre esprit comme une armée occupe un pays, et tout ce que nous faisons est une forme d'asservissement à ces objectifs du monde. Ces préoccupations détournent l'individu de la pratique du Dharma, la Voie du Bouddha. Ces huit préoccupations sont classées par pairs d'opposés, de la manière suivante :

samedi 25 août 2018

L'idéal du bonheur - 2ème partie




L'idéal du bonheur

2ème partie



Voir la 1ère partie




      On pourrait se demander dès lors ce qu'il faut penser de ces arguments d'Emmanuel Kant du point de vue de l'eudémonisme. Est-ce que le bonheur n'est qu'une création fantaisiste de notre esprit ? Est-ce que la Raison ne peut pas quand même approfondir cette notion du bonheur ? Ce qui me frappe surtout en tant que philosophe bouddhiste, c'est que Kant n'aborde le bonheur qu'en tant que causé par un objet extérieur au sujet conscient : la richesse, la connaissance, la longue vie, la santé. Je ne suis heureux que dans la mesure où je rencontre de suffisamment près ces objets extérieurs ardemment désirés dans ma quête de bonheur. Mon état psychique est toujours lié à ces objets extérieurs : heureux quand je les ai, malheureux quand j'en suis privé. Mais ne faudrait-il pas considéré plutôt le bonheur comme une disposition de l'esprit qui, idéalement, se produirait même en l'absence de ces objets extérieurs ? N'est-il pas souhaitable de trouver un bonheur qui puisse se libérer de l'emprise des conditions extérieures ? Un bonheur qui soit une libération par rapport aux entraves émotionnelles de ce monde ?

samedi 14 juillet 2018

Attraper la lune dans l'eau





Le singe veut attraper la lune dans l'eau.
Tant que la mort n'aura pas eu raison de lui,
il s'obstinera.
Que ne lâche-t-il la branche
et ne disparaît-il dans l'étang profond:
Le monde entier resplendirait d'une clarté éblouissante!

Hakuin Ekaku, maître zen, XVIIIème siècle


jeudi 5 juillet 2018

Hédonisme et eudémonisme




Hédonisme et eudémonisme



       Je viens de lire un article de Matthieu Ricard daté du 3 juillet 2018 et intitulé : « Hédonisme et eudémonisme, bonheur et plaisir : la grande confusion » (c'est la première partie, j'imagine que la seconde sera publiée les jours qui viennent). Matthieu Ricard y oppose l'hédonisme et l'eudémonisme, en donnant clairement le mauvais rôle à l'hédonisme et en faisant l'apologie de l'eudémonisme. Rappelons que l'hédonisme est une doctrine philosophique pour qui le plaisir est le souverain bien (le bien le plus important de tous) - hédoné en grec ancien signifiant simplement plaisir – tandis que l'eudémonisme est la doctrine philosophique pour qui le souverain bien est le bonheur – eudaimôn en grec signifiant bonheur.

mercredi 16 mai 2018

Certains me sont chers




Certains me sont chers,
d'autres me sont odieux,
parce que vainement
ce monde occupe ma pensée,
moi qui suis toujours tourmenté.


Empereur Go-Toba ( 後鳥羽 ), Japon, 1180-1239.


(La traduction est de la rédactrice du blog Sukinanihongo).









Takeuchi Seihō (1864 - 1942)









Je viens de trouver ce poème inspirant sur ce blog très intéressant, Sukinanihongo tournant autour de la culture japonaise. J'invite tout le monde à y jeter un œil. En plus de la version japonaise et de la traduction proprement dite, il y a là une analyse sérieuse qui décortique le poème et chacun des termes employés.


    On sent dans ce poème une influence bouddhique : nos attachements et nos répulsions envers les êtres et les choses de ce monde nous perturbent, nous égarent et nous jettent dans des conflits émotionnels incessants. S'ensuit l'invitation de renoncer au monde et de mener une vie plus spirituelle détachée du monde.


    L'empereur Go-Toba était contemporain de Dōgen Zenji (1200 – 1253) ; la sœur de Dōgen a d'ailleurs épousé Go-Toba. Son règne a particulièrement été troublé : le shogun Yoritomo régnant à Kamakura l'a obligé à se retirer et à abandonner le pouvoir à leur pouvoir. Go-Toba avait bien tenté de se rebeller après la mort de Yoritomo ; mais les forces du shogunat ont emporté et vaincu les forces soutenant Go-Toba, envoyant ce dernier en exil. Peut-être le sentiment d'inquiétude qui se dégage de ce poème vient de ces préoccupations politiques ; mais en même temps, nul besoin d'être empereur du Japon pour éprouver les tracas de la vie mondaine ainsi que les troubles que suscitent tant les personnes aimées que les personnes détestées.


    De manière générale, la philosophie bouddhique dénombre huit préoccupations mondaines qui viennent troubler la sérénité de l'esprit, huit préoccupations vaines dont il conviendrait de se dégager le plus vite possible, même si ce n'est pas facile. Ces préoccupations mondaines vont toujours par paires, comme le couple du positif et du négatif qui traverse et polarise notre existence :

  • 1°) le gain et 2°) la perte ;
  • 3°) le plaisir et 4°) le déplaisir, la souffrance ;
  • 5°) la bonne réputation, la gloire et 6°) la mauvaise réputation, le fait de tomber en disgrâce ;
  • 7°) la louange et 8°) le blâme.























Concernant Dōgen Zenji :



Sanshô Doei : - la voix des gouttes de pluie
                          - Adoration
                          - Trésor de l'Œil du Véritable Dharma
                           - Quand nous n'avons lieu où demeurer
                           - Une goutte d'eau


Poèmes chinois de l'Eihei Kôroku:
     - Sur mon portrait




Voir aussi : 


- Sans savoir pourquoi (Sōseki Natsume)


- Rosée que ce monde (Kobayashi Issa)


- Espérant le cri du coucou (Bashō)


j'habite une forêt profonde (Ryokan)


- La vie humaine comme nuage et eau (Ci'an Shoujing)


Choses qui ne font que passer (Sei Shōnagon)


- Pour toi mon amour (Prévert)


- Une fête en larmes (Jean d'Ormesson)


Il faut beaucoup aimer les hommes


- Lotobiographie (Claude Pélieu)


Nanti d'un seul œil (Jim Harrison)


- Il n'y a pas d'amour heureux (Aragon)







Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la philosophie bouddhique ici.


Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.






lundi 2 avril 2018

Aimer et souffrir




Aimer c’est souffrir.
Pour éviter de souffrir, il faut éviter d’aimer.
Mais alors on souffre de ne pas aimer.
Par conséquent,
aimer c’est souffrir,
ne pas aimer c’est souffrir,
et souffrir c’est souffrir.

Woody Allen



mercredi 27 décembre 2017

Pour toi mon amour




Je suis allé au marché aux oiseaux
Et j'ai acheté des oiseaux
Pour toi
Mon amour

Je suis allé au marché aux fleurs
Et j'ai acheté des fleurs
Pour toi
Mon amour

Je suis allé au marché à la ferraille
Et j'ai acheté des chaînes, de lourdes chaînes
Pour toi
Mon amour

Et puis, je suis allé au marché aux esclaves
Et je t'ai cherchée
Mais je ne t'ai pas trouvée
Mon amour



Jacques Prévert, Paroles, 1946.



mercredi 15 novembre 2017

Une charogne





Une charogne


Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d'été si doux :
Au détour d'un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,

Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d'exhalaisons.

Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu'ensemble elle avait joint ;

Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s'épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l'herbe
Vous crûtes vous évanouir.

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D'où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.

Tout cela descendait, montait comme une vague,
Ou s'élançait en pétillant ;
On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague,
Vivait en se multipliant.

Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l'eau courante et le vent,
Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.

Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,
Une ébauche lente à venir,
Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève
Seulement par le souvenir.

Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d'un œil fâché,
Épiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu'elle avait lâché.

- Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
A cette horrible infection,
Étoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion !

Oui ! telle vous serez, ô la reine des grâces,
Après les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.

Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j'ai gardé la forme et l'essence divine
De mes amours décomposés !




Charles Baudelaire, Spleen & Idéal, Les Fleurs du Mal, 1857.

samedi 14 octobre 2017

Deuil et consolation




Deuil et consolation




      Un ami me demande comment mieux vivre son deuil. Dans son cas, il s'agit de ces animaux domestiques dont la mort l'affecte beaucoup. Mais en fait, que ce soit des personnes humaines et que des personnes animales, il s'agit d'être cher dont le décès peut nous accabler du jour, des semaines, voire des mois. Comment mieux vivre son deuil ? Un penseur de l'Antiquité, Boèce, voyait dans la philosophie une source de consolation. C'est d'ailleurs le titre de son ouvrage le plus célèbre : « Consolation de la philosophie ». Boèce l'a écrit alors qu'on l'avait jeté en prison et qu'il se lamentait au fond de sa geôle en attendant d'être exécuté . Tout le livre consiste en un dialogue avec la Philosophie incarnée sous la forme d'une déesse. Mon propos se veut moins grandiose, mais il s'agit quand même de se poser la question de la consolation que comporte la transformation philosophie de sa être et la transformation de sa vision du monde.


      Tout d'abord, un constat d'humilité : la philosophie peut aider à mieux vivre un deuil, mais elle ne nous enlève pas notre nature humaine, trop humaine. Elle ne fait pas de nous des robots complètement insensibles à la douleur du monde. Et c'est tant mieux. Je précise ce point parce que notre société fait miroiter aux gens le projet d'une maîtrise totale de soi-même et de ses affects ; et souvent malheureusement, la méditation bouddhique est pensée comme un moyen d'atteindre une impartialité totale doublé d'un contrôle entier sur soi-même. On va pratiquer la méditation pour devenir plus efficace et rentable sur la marché du travail. Pour ma part, je ne pense pas que ce soit là un but à atteindre, ni que ce soit possible, ni que ce soit souhaitable. Le but n'est pas de devenir insensible et imperturbable, mais d'apaiser doucement cette tristesse et ce désespoir au fil des heure sou au fil des jours. Permettre à la joie et à la vie de rejaillir sous les cendres.




*****



   Tout d'abord, il est important de méditer sur l'impermanence : tous les phénomènes composés sont voués à vieillir, à péricliter, à disparaître, à être détruit en fin de compte. Rien n'est éternel. Les êtres vivants sont aussi des phénomènes composés de cellules, de tissus, d'organes, le tout mêlé à de la conscience et à la capacité de ressentir les choses ; et eux aussi sont voués à vieillir, à être malade, à disparaître, à mourir en fin de compte. Il ne suffit pas seulement de le savoir intellectuellement et d'avoir une notion claire de ce qu'est la mort. Il faut s'imprégner de la conscience de cette impermanence dans tous les moments de notre vie. Il faut voir le grand cycle de la Nature où tout ce qui naît vit, évolue, périclite et meurt pour être transformé par un nombre considérable d'autres êtres vivants et réintégrer ce cycle de la vie. Ce n'est pas seulement la raison de votre cerveau qui doit acquiescer à cette vérité, mais tout votre être, votre corps et votre intuition. Voir sans cesse l'éternelle transformation des choses qui passent.


    De cette méditation de l'impermanence découlent deux choses : l'acceptation et le détachement. Cela demande tout un travail spirituel : accepter la mort de soi-même ou de ses proches, c'est souvent demander d'accepter l'inacceptable. Pour autant, il est possible de se transformer soi-même et de cultiver cette acceptation des choses et cette dynamique de vie et de mort. Le détachement ne coule pas de source non plus, tant nous sommes attachés émotionnellement aux êtres qui nous sont chers. Mais en s'imprégnant de l'omniprésence de l'impermanence encore et encore au fil de nos séances de méditation, l'attachement perdra progressivement de s'agripper à la présence des êtres qui nous sont chers.
 

     Pour autant, ce détachement n'est pas un signe de froideur envers le monde ou les êtres qui nous sont chers. En même temps que cette méditation de l'impermanence, il convient de pratiquer la méditation des Quatre Qualités Incommensurables. Ces quatre qualités sont l'amour, la compassion, la joie et l'équanimité. Souvent notre amour ou notre compassion se referme sur une seule personne ou un petit groupe de personnes. Ce faisant, la mort de ces personnes sont vécus comme une catastrophe comme si notre amour était englouti dans le grand froid intersidéral et perdu à jamais. Lamartine a écrit : « Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé !1 ». Pratiquer les Quatre Qualités Incommensurables, c'est se rendre compte que l'on peut aimer beaucoup plus de personnes dans le monde. L'amour n'est pas absorbé dans une personne ou un petit être, mais se libère en rayonnant vers tous les êtres. Vous n'êtes pas dépeuplé à la mort d'un proche, mais vous vous rendez compte que vous êtes vous-mêmes peuplé d'une infinité d'êtres à aimer, envers qui éprouver de la compassion, avec qui célébrer la grande joie sacrée et à insuffler la paix dans l'existence. La tristesse est encore là, mais ce n'est plus une calamité. Avec les Quatre Qualités Incommensurables, vous pouvez vivre cette tristesse avec beaucoup plus de sérénité. Et cette tristesse est comme une résonance subtile avec le chagrin de tous les êtres sensibles.




lundi 28 août 2017

Il n'y a pas d'amour heureux



Il n'y a pas d'amour heureux




Rien n'est jamais acquis à l'homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son cœur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
Il n'y a pas d'amour heureux


Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes
Qu'on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu'on retrouve au soir désœuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
Il n'y a pas d'amour heureux


Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-là sans savoir nous regardent passer
Répétant après moi les mots que j'ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent
Il n'y a pas d'amour heureux


Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos cœurs à l'unisson
Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare
Il n'y a pas d'amour heureux


Il n'y a pas d'amour qui ne soit à douleur
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l'amour de la patrie
Il n'y a pas d'amour qui ne vive de pleurs
Il n'y a pas d'amour heureux
Mais c'est notre amour à tous les deux


Louis Aragon (1897-1982), La Diane Francaise, Seghers 1946.


jeudi 13 juillet 2017

Le son du tonnerre








Le son du tonnerre, bien qu'assourdissant, est inoffensif ;
L'arc-en-ciel, malgré ses couleurs chatoyantes, ne dure pas ;
Ce monde, même s'il apparaît plaisant, est semblable à un rêve ;
Les plaisirs des sens, bien qu'agréables, n'apportent au bout du compte que désillusions.


Jetsun Milarepa (1040-1123), extrait des Cent Mille Chants.

mardi 20 juin 2017

La joie et le don







« Si je donne, comment jouirai-je ? »
Cette pensée égoïste appartient aux démons.
« Si je jouis, comment donnerai-je? »
Cette pensée altruiste est une qualité divine.


Shāntideva, L'Entrée dans la Conduite des Bodhisattvas (Bodhisattvacaryāvatāra), VIII, 1251.






Mudra du don et de l'absence de peur 



mercredi 22 mars 2017

Choses qui ne font que passer





Choses qui ne font que passer
Un bateau dont la voile est hissée.
L'âge des gens.
Le printemps, l'été, l'automne et l'hiver.


Sei Shōnagon, Notes de Chevet.











     Sei Shōnagon (清少納言) était une femme de lettre japonaise qui a vécu au Xème et XIème siècle de notre ère, durant la dynastie Heian. On lui doit des courts poèmes où elle inventorie les choses de l'existence avec grâce et délicatesse. Dans les choses qui ne font que passer, elle inventorie ce glissement de l'être, l'impermanence de toutes choses. Les bateaux qui font voile pour le départ. La succession des années et la succession des saisons. Le mouvement des humains sur la Terre, le glissement dans le temps des êtres humains, qui fait les rides et les cheveux blancs, et le perpétuel mouvement de la Nature qui rejoue sans cesse la partition de la vie et de la mort. Parfois, on gagne à être le spectateur qui prend un peu de recul pour contempler le mouvement du monde, le devenir des êtres et des choses. Le spectateur qui, en silence, laisse passer le monde, les êtres et les choses, et qui ne s'y attache pas. Et ce laisser-être, ce laisser-passer est comme l'expression de sa bienveillance envers le monde.

       Printemps, été, automne et hiver, revenir à la présence au monde.









Sei Shōnagon 








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Shibata Zeshin 柴田 是真 (1807-1891)








mercredi 30 mars 2016

Empathie et altruisme


      Arte a récemment diffusé un documentaire de Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade intitulé « Vers un monde altruiste ? » et qui s'inspire clairement de l'ouvrage de Matthieu Ricard, « Plaidoyer pour l'altruisme ». La thèse générale tant du livre que du documentaire est de dire que nous ne sommes pas seulement motivés par les intérêts égoïstes, le désir de conquête et d'affirmation de soi, comme cela a été martelé par la philosophie, l'économie et les sciences humaines depuis fort longtemps, mais les motivations se teintent aussi largement d'entraide, de fraternité et de solidarité, en un mot : d'altruisme. Preuve à l'appui dans le monde animal et chez les bébés : l'altruisme et le sens moral sont présents dès le plus jeune âge. Ainsi des bébés à qui on présente une gentille peluche chat qui aide une autre peluche et une méchante peluche qui fait tout pour l'embêter, les bébés dans leur immense majorité choisiront de préférence la gentille peluche.

mercredi 16 mars 2016

Détachement et amour



La Mystique du Détachement et de l’Amour chez Maître Eckhart.

   Maître Eckhart accorde dans son œuvre une place prépondérante à la vertu du détachement (abegescheidenheit). Ce détachement s’articule comme une pièce maîtresse de sa pensée, et qui ouvre à cette relation mystique avec un Dieu dépouillé de tous les déguisements ou travestissements conceptuels grâce à la méthode apophatique, un « Dieu au-delà de Dieu ». Cette approche audacieuse de Dieu a suscité quelques remous, c’est le moins que l’on puisse dire, dans ce début de XIV siècle déjà en pleine effervescence religieuse et mystique dans un contexte historique et politique troublé par les guerres et l’affrontement entre le pape et l’Empereur d’Allemagne. Les sermons de maître Eckhart en allemand allaient ainsi connaître un engouement intense au sein de mouvements comme celui des béguines et des bégards et marquer ce qu’on appelé par la suite la « mystique rhénane ». Cette liberté d’esprit octroyée au bon peuple a fait frémir les autorités ecclésiastiques qui ont finir par réagir en lançant une procédure d’Inquisition contre le Maître de Théologie allemand, cas unique dans l’Histoire du catholicisme médiéval où un professeur d’université s’est vu traîné dans un procès en hérésie et finalement condamné alors qu’il était déjà décédé depuis un an, en 1329 dans la ville d’Avignon.

*****

    Aux yeux de maître Eckhart, la plus haute des vertus chrétiennes est sans conteste le détachement. Dans un sermon en allemand qui a justement pour nom « Du détachement1 », notre théologien place explicitement le détachement au-dessus de l’amour, de l’humilité et de la miséricorde : « Et lorsque j’approfondis tous les écrits autant que mon intellect peut en venir à bout et en connaître, je ne trouve rien d’autre que le limpide détachement qui tout surpasse, car toutes les vertus ont quelque regard sur les créatures alors que le détachement est dépris de toutes les créatures2 ». Se préoccuper charitablement des créatures est un bien évidemment, mais à ce niveau, on reste dans la multiplicité, et donc dans un certain dispersement de l’âme. Le problème de ce dispersement est qu’il n’empêche de s’imprégner de la seule unicité, unicité qui n’est autre bien sûr que Dieu. C’est pourquoi maître Eckhart cite les paroles de Jésus à Marthe : « Unum est necessarium », ce qui veut dire selon Eckhart : « Marthe, celui qui veut être sans trouble et limpide, celui-là doit avoir une chose – le détachement3 ».