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samedi 31 décembre 2016

Faire rayonner les quatre qualités



Faire rayonner les quatre qualités



     Une dimension importante de la méditation bouddhique est la pratique des quatre qualités incommensurables. Ces quatre qualités incommensurables sont l'amour bienveillant incommensurable, la compassion incommensurable, la joie incommensurable et l'équanimité incommensurable. On appelle également cette pratique « les quatre demeures de Brahmā » parce que le monde divin de Brahmā est dépourvu d'éléments grossiers comme la terre, l'eau, le feu ou l'air comme dans notre monde physique, mais est entièrement composé d'amour, de compassion, de joie et d'équanimité qui s'étendent à l'infini.

      Je pense vraiment que c'est là une pratique essentielle que d'accoutumer sans cesse notre esprit à ces quatre qualités incommensurables, et je voudrais ici inviter tout le monde à découvrir à cette dimension de la méditation. Dans les soûtras, le Bouddha revient souvent avec la même formulation de la méditation des quatre qualités incommensurables :

vendredi 30 décembre 2016

Contre l'obsolescence programmée




   L'obsolescence programmée est vraiment un problème fondamental dans notre société de consommation : tous les objets, tous les produits que nous achetons s'usent à une vitesse effroyable. Parfois, c'est simplement le constructeur qui a économisé sur la qualité des matériaux pour minimiser son prix de revient et accroître ses marges. Mais souvent, c'est une stratégie délibérée des constructeurs qui demandent à leurs ingénieurs de concevoir des engins qui tiendront le temps de la garantie, mais qui tomberont en panne le plus tôt possible pour qu'on soit obligé d'en racheter et donc alimenter le système économique à nos dépens. Ce phénomène a très bien été décrit dans le documentaire « Prêt à jeter ». On peut le constater tous les jours avec nos smartphone, nos ordinateurs, nos imprimantes prévues pour s'enrayer après deux mille ou cinq mille copies, nos machines à laver, etc...

    Je me demande dans quelle mesure l’État ne devrait pas créer des entreprises publiques qui produiraient ces objets, mais sans toute l'obsolescence programmée et en cherchant même un but de durabilité. Ces entreprises publiques existeraient à côté des entreprises privées. Tout ce serait conçu pour que les objets technologiques soient ouverts et compréhensibles par le consommateur. Par exemple, la plupart des smartphones des marques privées ont une batterie à laquelle le consommateur ne peut pas accéder, parce qu'on a collé la coque. En cas de panne de la batterie, il faut casser le smartphone pour changer de batterie. Et encore, uniquement dans le cas où la batterie serait disponible sur la marché... Les pièces de rechange des objets technologiques sont souvent soit non-disponibles, soit vendues à un prix prohibitifs. Tout est fait pour qu'on rachète un nouveau smartphone : c'est plus rentable pour la multinationale qui les manufacture en Chine ou en Asie du Sud-Est, mais ce n'est pas rentable pour le citoyen, et ce n'est pas rentable pour l'environnement, parce qu'on épuise les ressources de la planète, sans parler de la production de gaz à effet de serre.

    L'entreprise publique à laquelle je pense faciliteraient le remplacement des pièces défectueuses. Elles organiseraient même des ateliers pour apprendre aux consommateurs à repérer et à réparer toutes les avaries du système. Les objets technologiques seraient eux-mêmes conçus pour repérer et identifier les sources de problèmes tant au niveau des matériaux que du code des programmes et applications qui font tourner l'engin. Pour bien faire, ces codes devraient être en open-source pour que les problèmes soient plus facilement identifiables. Nos smartphones, ordinateurs, imprimantes ne devraient pas être des boîtes noires totalement hermétiques pour le citoyen, et que les multinationales contrôleraient en faisant ce qu'ils en veulent, en extrayant les données de vie privée qui les intéresse à des fins qui nous restent inconnues. Les citoyens ou des groupes de citoyens devraient avoir la possibilité d'observer, de comprendre, voire de modifier les codes des machines qui sont omniprésentes dans notre vie quotidienne.

     L'entreprise publique devrait produire des objets ouverts, qui n'enchaînent pas le consommateur à la marque. Je pense par exemple aux imprimantes qui exigent que l'on achète un encre hors de prix. Certains se mis à produire une encre meilleure marché, mais les multinationales ont trouvé la parade en imposant que l'encre soit de la même marque que leur machine. Tout cela n'est pas sain. La plupart des options sur une imprimantes ne sont que de la frime. Pourquoi ne pourrais-je pas acheter une imprimante à un prix raisonnable avec une encre à un prix minime ? Franchement, je ne demande pas à mon imprimante qu'elle soit capable de reproduire un tableau de Michel-Ange !

     Cette entreprise publique ne serait pas dans un logique de vente à tout prix, où tous les bobards sont bons pour leurrer le gogo, où on vous raconte que « telle produit de lessive lave plus blanc que blanc ». Au contraire, cette entreprise publique veillerait à délivrer l'information la plus objective possible au consommateur : quelles sont les caractéristiques réelles de l'appareil ? Quelle est son espérance de vie ? Sa solidité ? Où a-t-il été produit ? Comment ? Dans quelle condition ? Il faudrait qu'un plan détaillé accompagne la notice.

    Ce ne serait pas peut-être les appareils les plus performants du marché, ni ceux avec le design le plus à la mode. Mais au moins, ils rendraient un service certain à la population qui n'a pas nécessairement envie ou moins du dernier machin à la mode !


     Voilà. Je pense que c'est une idée intéressante à creuser. À ce stade, ce n'est qu'une idée. Je ne fais aucune étude de faisabilité, que ce soit sur plan technique, un plan économique ou même un plan juridique et politique. Je pense tout d'abord que les multinationales qui contrôlent le marché ne vont pas franchement être ravies de voir débarquer un concurrent potentiel qui ne joue pas les mêmes règles et les mêmes stratégies. Les multinationales jettent constamment de la poudre aux yeux du consommateur et cherchent systématiquement à le rendre passif. Ce projet de rendre à ce consommateur un pouvoir d'action et de lui fournir un appareil qui ne serait pas assujetti à l'obsolescence programmée risque donc d'être combattu impitoyablement. Mais l'idée vaut quand même la peine d'être avancée !










Voir aussi sur l'obsolescence programmée :








Menau, Portugal






Voir aussi : 





(sur l'horreur des travailleurs migrants accomplissant un travail de forçat dans les usines chinoises)




Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.






La machine à rêves - Kashink, Mister Pee, Gilbert, Graffarter et Konu


jeudi 29 décembre 2016

Sérénité et colère













     « Je médite, j'allume des bougies, je bois du thé vert, et pourtant j'ai toujours envie de taper les gens ». Voilà une boutade bien intéressante pour tous ceux qui ont le désir de purifier leur vie : purifier leur esprit avec la méditation, purifier leur foi par la prière et purifier le corps avec une alimentation. L'image d’Épinal qu'on associe avec ce genre de vie est celle d'un ascète plein de sagesse et de sérénité, que rien ne viendrait troubler et qui resterait impassible devant les pires insultes, voire les agressions physiques. Le mot « Zen » en japonais désigne la méditation ; mais il est passé dans la langue française comme un synonyme de calme et de contrôle de soi. Ne dit-on pas « rester zen » ? Ce qui, a priori, ne veut rien dire... Rester zen, c'est littéralement « rester méditation ». Cela n'a pas beaucoup de sens, sauf si on se réfère à l'image d'un maître spirituel qui se doit de baigner dans la sérénité et la paix de l'esprit. En ce sens, rester zen, c'est rester conforme à l'image qu'on attend d'un maître zen, c'est-à-dire être calme et maîtrisé en toutes circonstances.

      Mais voilà, il est tout de suite temps de dissiper une illusion : ce n'est pas parce qu'on pratique la méditation qu'on va devenir d'une sérénité à toute épreuve. Quelqu'un qui pratique la méditation reste un être humain traversé d'émotions et d'un ressenti particulier de la vie. Il peut donc arriver que, même après une séance de méditation et un bon thé chaud, on éprouve quand même l'envie de taper les gens parce qu'ils nous énervent de trop. Nous sommes des humains, et pas des surhommes, toujours parfaits, toujours complètement maîtres d'eux.

mardi 20 décembre 2016

Une spirale infernale




Une spirale infernale


     Hier à Berlin, un camion a foncé dans la foule d'un marché de Noël. L'auteur de l'attentat est apparemment un réfugié d'origine pakistanaise. Il n'en faut pas plus pour raviver un argument récurrent à l'encontre des migrants : ils cacheraient parmi eux des terroristes (voilà pourquoi il faut les refouler en-dehors de l'Europe). Voire pour les plus nationalistes, on passe très vite de la proposition particulière : « certains migrants sont des terroristes » à la proposition universelle « tous les migrants sont des terroristes, et ceux qui défendent leur cause des traîtres à la patrie ».

    Cet après-midi, sur twitter, j'ai vu une photo au slogan simpliste d'extrême-droite qui disait : « La gauche vise les crèches ; l'islam vise les marchés de Noël » (sic). Le sous-entendu est assez clair : deux idéologies menacent l'identité nationale et européenne qui est forcément une identité chrétienne. La gauche défendant la laïcité et l'islam qui n'est jamais rien d'autre qu'un jihadisme sournois. C'est premièrement oublier un peu vite en besogne que la laïcité et la critique de la religion sont incontestablement devenu des éléments des identités nationales en Europe. C'est ensuite sombrer dans l'amalgame de mettre sur le même pied un acte terroriste odieux et le refus des symboles religieux dans les édifices publics au nom de la laïcité. C'est encore plus sombrer dans l'amalgame que de réduire l'islam à l'acte crapuleux d'un fanatique.

     Voilà donc dans quel monde nous vivons : un monde dans lequel les propos haineux se répandent à la vitesse d'un tweet et dans lequel on essaye de monter les communautés les unes contre les autres. Rappelons que ce n'est pas là l'esprit de Noël qui se veut quand même être une fête célébrant la joie et l'amour, la victoire de la lumière sur les ténèbres.

     Mais fustiger les migrants, dénoncer le risque terroriste qui se cacherait derrière chaque humain cherchant dans nos contrées un refuge et un avenir meilleur, c'est tomber dans le piège que nous tendent les organisations terroristes comme Al Qaïda et Daesh. Haïr les migrants, c'est exactement ce que veulent ces organisations haineuses. Que les impies occidentaux se mettent à détester et à rejeter le simple migrant, et voilà un migrant qui sera tenté d'épouser les thèses des islamistes haineux : « Tu n'a rien à faire dans ces pays d'incroyants. Regarde comment ils te haïssent, comment ils veulent te faire du mal, comment ils te traitent comme du bétail... Non, rejoins le camp de ceux qui combattent jusqu'à la mort ces kouffars, ces chiens d'infidèles... » Comment les fascistes poussent certains réfugiés dans les bras du terrorisme islamistes. Ces migrants en perdition prêts à monter dans un camion qui ira s'écraser contre une foule d'inconnus quelque part dans l'Europe des infidèles sont certes très peu nombreux, voire insignifiants en nombre au regard des centaines de milliers de gens bien qui ont franchi les barbelés de la forteresse Europe. Mais ils suffit d'un seul de ces individus en perdition pour accomplir un acte de terrorisme aveugle qui fera naître la haine dans les populations européennes et qui pousseront des milliers et des milliers de gens vers les idées racistes et fascistes, ces idées d'exclusion et de rejet de l'autre. C'est là une spirale infernale.

« En vérité, disait le Bouddha,
La haine ne s'apaise jamais par la haine.
La haine s'apaise par l'amour.
Ceci est une loi éternelle ».

     Que Noël soit une célébration de la bienveillance, de la solidarité et de la fraternité. Qu'elle soit soit aussi un moment de compassion et de consolation pour les victimes de cette tragédie.





Berlin - 20 décembre 2016











Réfugiés, de l'aide au lieu de la haine









Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la philosophie bouddhique ici.



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dimanche 18 décembre 2016

Ne rien faire






  Je me suis lancé dans la méditation. C'est mieux que de rester bêtement assis par terre sans rien faire.

Jean Yanne






     J'aime cette boutade de Jean Yanne. J'imagine que son but était juste de faire rire l'assemblée. Mais cela pose une question qui droit au cœur de ce qu'est la méditation. Au fond, c'est le genre de propos irrévérencieux que ne renierait pas un maître Zen. Qu'est-ce qui distingue au fond la personne qui s'adonne à la méditation de celle qui reste assise là à ne rien faire du tout ? Et au fond, il n'y a qu'une différence très mince, mais essentielles entre ces deux activités, ou plutôt ces non-activités: c'est la pratique de l'attention. Pour moi, la méditation, c'est une façon extrêmement active de ne rien faire. 

mercredi 14 décembre 2016

Manichéisme





   « Manichéisme », voilà un mot que je dois systématiquement expliquer à mes élèves de rhétorique (l'équivalent en Belgique de la terminale en France). C'est gênant parce que le manichéisme est une attitude fondamentale de l'esprit et la source de trop problèmes sur cette Terre. Le manichéisme est donc cette façon de diviser le monde en deux parties clairement distinguables : les bons et les méchants. Le mot « manichéisme » désigne originellement une religion née en Perse (actuelle Iran) au IIIème siècle, dont Mani a été le prophète. Cette religion du manichéisme divisait le monde en deux : le monde de la lumière et le monde des ténèbres. Le monde de la lumière est, on s'en doute, « l'axe du Bien », l'esprit, l'éternité, etc... Le monde des ténèbres est ce bas-monde matériel où le Mal l'emporte sur les bons. L'homme est un mixte entre ces deux mondes avec son âme qui relève du monde de la lumière et son corps matériel entièrement mauvais. Pour Mani, il faut se détacher intégralement de ce monde matériel pour échapper au mal et à la mort, que la lumière soit intégralement libérée des ténèbres. La particularité du manichéisme est que bien et mal ont le même statut ontologique. Ces deux entités ne peuvent que s'affronter impitoyablement.

       Aujourd'hui, le mot « manichéisme » a perdu sa référence à cette religion perse et à son prophète, pour ne désigner plus qu'une attitude d'esprit, qui est malheureusement présente dans la tête des gens. Le président George Bush, après les attentats du 11 septembre 2001, avait cédé au manichéisme en divisant le monde en deux : l'axe du Bien contre l'axe du Mal. L'axe du Bien était évidemment les États-Unis d'Amérique, superpuissance meurtrie accompagnée de ses alliés dans sa nouvelle croisade, la « Guerre contre la Terreur » (War on Terror). Il s'agissait de combattre impitoyablement tous ceux qui incarnaient à tort ou à raison la « Terreur » : Oussama Ben Laden et sa nébuleuse terroriste Al-Qaïda, tous les pays qui soutenaient de manière réelle ou de manière imaginaire Al-Qaïda : l'Afghanistan des Talibans, l'Irak de Saddam Hussein, mais pas l'Arabie Saoudite qui, pourtant, finançait généreusement Ben Laden, mais qui restait un allié indéfectible des USA pour cause de réserves abondantes de pétrole dans le sous-sol saoudien.

       On a beaucoup reproché à George W. Bush l'emploi du mot « croisade » dans sa rhétorique guerrière parce que, dans la coalition de « l'axe du Bien », les gentils, il y avait des pays musulmans comme la Maroc ou la Turquie, alliés traditionnels de Washington. Or le mot « croisade » évoque des mauvais souvenirs aux musulmans. Au Moyen-Âge, les croisades étaient ce moment où le manichéisme a fait rage (l'attitude d'esprit, pas la religion), et où l'Europe et le Moyen-Orient était divisé en deux camps ennemis : l'Occident chrétien et l'Orient musulman. Notez bien qu'ici « Occident » et « Orient » n'étaient pas des concepts géographiques rigoureux puisque que le Maroc et l'Andalousie étaient des régions musulmanes, et situées à l'ouest de l'Europe chrétienne, et que la Russie était une terre chrétienne située à l'est de Bagdad ou Istanbul.... Remarquez aussi que cette division du monde pouvait faire place à d'autres divisions dans la division... L'Europe chrétienne s'est déchirée à partir du XVIème siècle entre catholiques et protestants dans des guerres de religions absolument atroces et sanguinaires. L'islam s'est déchirée entre factions sunnites et factions chiites, et cet antagonisme est toujours très vivaces jusque dans les rues d'Alep, de Riyad ou de Bagdad...




*****



       Je parle aujourd'hui de ce mot « manichéisme », parce que je lis, j'écoute et je regarde les informations sur la bataille d'Alep en Syrie et le massacre de civils qui a lieu au moment même où j'écris ces lignes. Cela fait cinq ans que la guerre civile fait rage en Syrie ; et cela fait cinq ans que j'assiste à des commentaires sur les réseaux sociaux relevant du manichéisme le plus pur sur ce conflit. Soit on présente l'Armée Syrienne Libre comme des héros de la liberté et Bachar comme un boucher. Soit on présente Bachar El-Assad comme le dernier rempart contre le terrorisme et les rebelles comme des jihadistes sanguinaires. Aucune place pour une place pour une analyse plus subtile des faits.

       Cela me rend infiniment triste, parce que ce manichéisme stupide est le véritable moteur de la guerre. Dans le manichéisme, on encourage un des camps en présence à massacrer l'autre. La victoire ou la mort. Aujourd'hui, l'aviation russe a pilonné Alep sans relâche : la ville n'est plus qu'un tas de cendre et de gravas, et personne n'envisage un traité de paix. Ce dont les Syriens auraient besoin, qu'ils soient sunnites, chiites, druzes, alaouites, kurdes ou chrétiens...

       Un traité de paix, mais on en est loin. Les Occidents ont abandonné la Syrie à la Russie et à la Turquie. Autre manichéisme : la Turquie contre les forces kurdes. Et là encore, la place n'est plus à la demi-mesure. Le régime turc d'Erdoğan bombarde les forces kurdes sur le sol turc et en Syrie. Ce ne sont que des terroristes. Tous des terroristes, même les modérés, même ceux qui voulaient vivre en paix ; même ceux qui ne demandaient qu'un peu de justice et de liberté. Tous ceux-là sont réprimés ou bombardés au nom d'un manichéisme étroit. De l'autre côté, les Kurdes répliquent par des attentats comme à Istanbul, il y a quelques jours.

    Alors que faire ? Que dire ? À vrai dire, je n'ai pas de solution toute faite à apporter à ce monde. Et devant le massacre, je me sens confronté à une abyssale impuissance à changer ce monde en mieux. Je ne vois pas d'espoir. Que l'on regarde vers Alep, vers Damas, vers Moscou, vers Téhéran, vers Istanbul, vers Beyrouth, vers Bruxelles et les bureaux de l'Union Européenne, je ne vois aucun espoir. Et si on se tourne vers Washington DC, l'élection récente d'un clown sordide à la tête de l'administration américaine n'est pas pour donner un quelconque espoir. Je en vois que la peur, la mort et la destruction pour les populations d'Alep. Exactions et représailles sans fin dans un monde où les cœurs s'endurcissent.


    La seule chose que je puisse dire, c'est demander d'abandonner les simplismes du manichéisme. Les choses sont souvent plus complexes qu'il n'y paraît. Depuis la plus tendre enfance, nous sommes bercés avec des histoires où le bien et le mal sont clairement identifiables : le petit chaperon, la grand-mère et le valeureux chasseur d'un côté et de l'autre, l'Axe du Mal en la personne du Grand Méchant Loup, Batman contre le Joker, la communauté de l'Anneau contre les orques du Mordor gouvernés par Sauron, Luke Skywalker contre Dark Vador et l'Empire, James Bond et sa Gracieuse Majesté contre le Spectre... Mais je pense qu'il faut faire l'effort de prendre la pleine mesure de la complexité du monde. Les gens ne sont pas tout bons d'un côté et tout mauvais de l'autre. Il faut dépasser le manichéisme pour adoucir le monde.












Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.
















mardi 13 décembre 2016

Les choses, les êtres, les ancêtres




Le Souffle des Ancêtres

(Birago Diop)

Écoute plus souvent
Les choses que les êtres,
La voix du feu s'entend
Entends la voix de l'eau
Écoute dans le vent
Le buisson en sanglot :
C'est le souffle des ancêtres.

Ceux qui sont morts ne sont jamais partis
Ils sont dans l'ombre qui s'éclaire
Et dans l'ombre qui s'épaissit,
Les morts ne sont pas sous la terre
Ils sont dans l'arbre qui frémit,
Ils sont dans le bois qui gémit,
Ils sont dans l'eau qui coule,
Ils sont dans l'eau qui dort,
Ils sont dans la case, ils sont dans la foule
Les morts ne sont pas morts.

mercredi 7 décembre 2016

La voiture et le travail






Ces derniers jours, je repense à cette caricature qu'on retrouve dans les revues d'écologie radicale et de décroissance. On y voit un homme qui dit détester la voiture, mais qui en a besoin pour aller travailler. Et puis, on voit le même homme qui dit qu'il déteste son boulot, mais qu'il doit travailler pour payer sa voiture. Cercle particulièrement vicieux. C'est dans ce cercle vicieux dans lequel j'ai vraiment l'impression d'être enfermé ces derniers temps. Depuis un an et demi, j'ai une voiture et je multiplie les difficultés financières pour la payer. Or si j'ai acheté une voiture, c'est pour pouvoir me rendre au boulot parce que je travaille dans plusieurs écoles et qu'il est difficile de faire la jonction en temps et en heures sans une voiture... Cercle vicieux et infernal....










      Avant, j'allais en vélo et en train au boulot. Je faisais de l'effort physique et je prenais l'air. Ce n'était pas toujours commode, surtout pas temps de grand vent, par temps de pluie ou de neige (le vent étant le pire des trois en fait). Mais j'étais heureux d'avoir accompli l'effort et heureux de vivre en accord avec mes principes écologiques.Comme je me bouge moins qu'avant, je fréquente désormais une salle de sport. C'est très bien de faire de l'exercice physique, mais là encore, c'est complètement absurde. Je passe une heure à pédaler sur des vélos immobiles alors qu'avant, je passais nettement plus de temps à pédaler sur un vrai vélo.

        La voiture pollue, la voiture coûte cher, la voiture fait un bruit d'enfer, la voiture prend des vies. Pourquoi a-t-on un tel culte de la voiture dans notre société ? Parfois, c'est certainement utile, mais on devrait partager la voiture à plusieurs au lieu de la prendre tout le temps et d'en faire le rempart ultime de l'existence individualiste.


      Conclusion : vive le vélo ! Vive la mobilité douce ! (Et je vais commencer à réfléchir à revendre cette putain de bagnole).













Voir également ce documentaire de la série "Data Gueule" : ne voiture rien venir ?






Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.







Fernand Flausch, La mort de l'automobile, Sart-Tilman (Liège, Belgique), 1980
Dans les années '80, quelqu'un a malicieusement tagué sur le toit de la voiture :
"La voiture, c'est la liberté"





mardi 6 décembre 2016

Tronc commun





     En Belgique, le ministère de l'enseignement vient de lancer une nouvelle réforme intitulée un peu pompeusement : « Pacte d'excellence ». Une mesure-phare de cette réforme est l'extension du tronc commun jusqu'à la troisième secondaire. Quelques mots d'explication : le système scolaire est divisé en trois types d'enseignement, général, technique et professionnel. L'enseignement général dispense une formation intellectuelle en vue de préparer aux études supérieures. Le technique tente de conjuguer les cours généraux (math, français, langues modernes, sciences....) avec des cours portant sur une branche socio-professionnelle plus précise : par exemple, électro-mécanique, bureautique, tourisme, agents d'éducation, etc... Le professionnel correspond à des élèves qui désirent rentrer dans le monde professionnel dès la sortie de l'enseignement secondaire : par exemple, menuiserie, soudure, mécanique, aide familiale, vente, horticulture, etc...

     Il faut savoir que ce principe est un peu perverti par le fait que la filière professionnelle est malheureusement trop souvent une filière-poubelle. Pas toujours, mais trop souvent. Quand un élève échoue dans l'enseignement général, la tendance est très souvent de l'aiguiller vers les filières techniques. Et si ça ne va vraiment pas, on l'aiguille vers le professionnel. La conséquence est qu'un certain nombre d'étudiants se retrouvent dans ces filières alors qu'ils n'ont pas vraiment la vocation pour la mécanique ou la soudure, et donc deviennent des poids morts et des élèves excessivement difficiles à gérer en classe et en plein décrochage scolaire.

     Le problème n'est pas neuf, mais la décision pour combattre cette tendance à reléguer dans le professionnel les élèves qui échouent dans l'enseignement général a été de prolonger le tronc commun jusqu'à la 3ème année. (Dans le système belge, on compte les années du secondaire de manière croissante de la 1ère à la 6ème, appelée « rhétorique »). Ce tronc commun oblige tous les élèves à suivre l'enseignement durant les 3 premières années. Jusqu'à présent, le tronc commun ne touchait que les deux premières années. Les élèves pouvaient entrer dans le professionnel dès la 3ème année. Il y a cinq ou six ans, les étudiants avaient accès au professionnel dès la 2ème année. Et jusque dans les années nonante, il n'y avait pas du tout de tronc commun. Cette idée de tronc commun a trouvé son chemin et s'est imposée en accord et avec l'aide d'une ribambelle de psycho-pédagogues qui n'ont aucune expérience de ce qu'est concrètement une classe, ce qui leur permet de théoriser à leur aise dans le vide.

    Je ne suis pas du tout d'accord avec cette évolution. L'allongement du tronc commun ne m'apparaît vraiment pas être une bonne idée. Les défenseurs de ce projet invoquent une idée d'égalité. Tout le monde devrait avoir accès au meilleur enseignement possible, et personne ne devrait être mis sur le bas-côté de la route. Voilà une idée noble : qui peut sérieusement s'opposer à des idées d'égalité ? Mais malheureusement, il y a une grosse faiblesse dans ce raisonnement. Les psycho-pédagogues et les sociologues de l'éducation en charge de la réforme perdent de vue un point important : dans leur conception des choses, la filière la plus enviable, celle que tout le monde devrait envier, c'est la filière générale. Tout simplement parce qu'eux-mêmes sont des universitaires, et que la voie royale vers l'université et les grandes écoles, c'est l'enseignement général. Mais ils ne voient pas que tout le monde n'a pas nécessairement envie de devenir médecin, avocat, ingénieur ou chercheur à l'université....

     Beaucoup de gamins sont beaucoup plus à l'aise dans les métiers manuels. Par ailleurs, quelle société pourrait-elle sérieusement se passe de menuisiers, de plombiers, de maçons, de jardiniers, de soudeurs, d'aides familiales ? Le problème réel est que la bourgeoisie universitaire méprise ces petits métiers et donc dévalorise l'enseignement professionnel qui y mène. Ce qu'il faudrait, c'est revaloriser ces métiers manuels et les formations professionnelles, pas empêcher les élèves d'y accéder. Cela n'a rien de déshonorant d'exercer ces professions, que du contraire !

    Pour beaucoup d'élèves du professionnel, les cours généraux comme le français, le latin, l'anglais ou le néerlandais, les sciences et les mathématiques sont un véritable calvaire. Pourquoi les forcer à étudier des matières qui en font pas sens pour eux et dans lesquels ils sont faibles ? Devoir les étudier leur donne l'impression qu'ils sont bêtes, incapables et inutiles à la société. Pourquoi prolonger ce calvaire en étendant le tronc commun à trois ans ?

    On est plein de bonnes intentions à l'égard ; mais rappelons-nous le proverbe qui dit que l'enfer est pavé de bonnes intentions... On voudrait mettre de l'égalité dans l'école ; mais cela conduira toute une série d'élèves à récolter des mauvaises notes et des échecs scolaires dans une formation commune dans laquelle ils ne sentent pas à l'aise. Par ailleurs, cette volonté d'égalité renforcera les inégalités entre les écoles. Il y a d'un côté les écoles où il n'y a que de l'enseignement général : celles-là ne seront pas impactées par cette nouvelle mesure. De l'autre côté, il y a les écoles où on retrouve les trois filières, général, technique et professionnel. Dans ces écoles, les écoles comprendront les trois types d'élèves : les élèves qui relèvent du général seront dans la même classe que des élèves qui relèvent de l'enseignement professionnel. C'est peut-être super pour la mixité sociale, mais par expérience de prof, je peux dire que ce n'est pas super pour maintenir un bon niveau dans la classe. Les élèves « professionnels » risquent de tirer vers le bas les autres bas. Notez bien qu'il n'est pas impossible que se produise le contraire : que les bons élèves du général tire vers le haut les élèves plus faibles. Mais franchement, ce n'est vraiment pas ce qui arrive la plupart du temps ! Donc concrètement, cette réforme va encore creuser l'écart déjà grand entre les écoles élitistes et les écoles qui comptent plusieurs filières en leur mur. Voilà comment à partir d'une idéologie de l'égalité, on crée de l'inégalité !

      Je propose donc qu'on abandonne cette mesure purement et simplement. Tous les changements ne sont pas bons à prendre. L'idéal serait même de réduire le tronc commun à un an, voire même le supprimer. Comment dès lors résoudre le problème des élèves qui éjectés du système dans la filière professionnel ? Personnellement, je ne prétends pas avoir de solutions toutes faites. Mais une piste serait de provoquer un changement de mentalité dans la population : qu'on redore le blason des métiers tels que maçon, plombier, mécaniciens, aides familiales, tous ces métiers dont on a besoin dans notre société et dont on ne voit pas la vraie valeur. Par ailleurs, il serait utile de penser à des structures qui permettent à un élève de revenir dans l'enseignement général, moyennant certaines conditions afin de d'éviter cette dimension de la « relégation » de la filière professionnelle.





Frédéric Leblanc (enseignant), le 6 décembre 2016.










dimanche 4 décembre 2016

Une cure d'extraordinaire



Une cure d'extraordinaire




Je me suis fait à l'idée que la vie n'avait pas à être extraordinaire.

Robert Smith





Robert Smith







     D'ordinaire, je mets en exergue sur mon blog « Le Reflet de la Lune » des sentences qui font sens, qui me touchent ou qui exprime une parole de sagesse. Ici, c'est l'exact contraire. Cette phrase, prononcée par Robert Smith, le chanteur et leader du groupe de rock « The Cure », exprime tout ce contre quoi j'essaye de résister au jour le jour: la dépression, le fait d'être blasé de la vie et se complaire dans la négativité pour le plaisir de se complaire dans la négativité, ou encore par paresse de ne pas se remettre en question et de ne pas fournir des efforts pour améliorer les choses. Quand j'ai entendu cette réflexion de Robert Smith à un moment de ma vie où j'étais particulièrement déprimé, cela fut très douloureux, parce que, précisément, l'idée qu'il faut se faire à l'idée qu'au fond la vie est moche, sans éclat, terne et qu'il n'y a rien à attendre d'elle m'était complètement insupportable. Je sentais qu'il fallait résister contre ce marasme ; mais ce n'est pas facile quand on est traversé par plein d'idées noires.

    La vie doit être extraordinaire. Pas seulement notre vie, mais la vie de tout un chacun. Je ne veux pas dire que l'on doive impérativement faire des choses extraordinaires pour que notre vie soit extraordinaire, comme faire l'ascension de l'Everest, gagner un milliard de dollars ou se baigner dans sa piscine privée avec les stars de Hollywood. L'extraordinaire peut se manifester dans une vie parfaitement ordinaire. L'extraordinaire demeure dans la conscience et la perception de celui qui s'étonne et s'émerveille de la vie. En même temps, l'extraordinaire se trame dans nos relations aux autres. L'extraordinaire surgit dans des moments de vie, et il faut être prêt à le saisir que l'on soit seul ou avec les autres.

jeudi 1 décembre 2016

Les zones d'ombre d'une icône



Les zones d'ombre d'une icône



    En Birmanie, Aung San Suu Kii est le symbole incontestable d'une vie consacrée à la lutte pour la démocratie. Elle a été incarcérée et assignée à résidence par la junte birmane qui a dirigé le pays pendant 50 ans d'une main de fer. Elle s'est inlassablement battu pour que le régime dictatorial cesse son emprise et ses destructions. En 1991, elle a reçu le prix Nobel de la paix.



Aung San Suu Kyi par Claude Truong Ngoc, octobre 2013




      Après des années de lutte, elle et son parti, la Ligue Nationale pour la démocratie, a obtenu une transition lente, mais certaine vers la démocratie. Des élections libres ont été organisées, et la victoire de la Ligue Nationale pour la Démocratie a été incontestable. Cependant, le pays se débat toujours dans d'incessantes conflits ethniques et plusieurs guerres civiles. La communauté des Rohingyas est notamment fortement touchée par le racisme et l'islamophobie d'une partie importante de la population bouddhiste. On dit souvent que les Rohingyas sont la minorité ethnique la plus persécutée au monde. Depuis 1982, ils ont perdu la nationalité birmane au prétexte qu'ils sont originaires du Bangladesh et du monde arabe. Ils subissent des discriminations importantes dans leur liberté de mouvement, dans la recherche d'emploi, dans l'accès aux soins de santé, etc... Pour eux, la situation est tout à fait tragique. Le gouvernement birman et l'armée font tout pour expulser les Rohingyas du pays. Les pays aux alentours comme le Bangladesh musulmans ne sont pas très chauds à l'arrivée de centaine de milliers. Souvent, les Rohingyas qui s'exilent sont refoulés, maltraités et sont en proie au trafic d'être humain.

      Face à cette tragédie, le silence de la prix Nobel de la Paix est tout simplement assourdissant. Depuis que son parti participe au pouvoir, Aung San Suu Kii n'a jamais pris la parole officiellement sur le sort des Rohingyas. Beaucoup lui reprochent cette inaction face à cette crise humanitaire qu'est la situation des Rohingyas. Beaucoup voudraient aussi qu'on lui cette prestigieuse distinction. Une lauréate du prix Nobel peut-elle ne rien dire quand une partie de son peuple se fait massacrer dans son propre pays ?

     Néanmoins, il me semble que la situation est plus complexe et que l'attitude d'Aung San Suu Kii est plus nuancée qu'il n'y paraît. Pour commencer, il faut rappeler que la Birmanie est dans une phase de transition démocratique : on est encore loin de ce que nous appelons en Occident une « démocratie ». L'armée a certes reculé en abandonnant le pouvoir absolu en Birmanie, mais elle est toujours extrêmement présente dans le jeu politique. Elle contrôle un nombre important des sièges du parlement. Dans les actuels affrontements qui ont eu lieu ce mois de novembre 2016 suite à des attaques de poste-frontières dans le nord de l’État de l'Arakan, seul l'armée s'occupe de la situation. Les membres du gouvernement civil n'ont même pas le droit de se rendre sur place ! L'armée, non seulement, contrôle la situation, mais elle boucle complètement l'information.

     Dans ce contexte, Aung San Suu Kii n'est pas dans la situation d'un chef d’État ou de gouvernement qui aurait à son service la police et l'armée, et qui pourrait appuyer sur des leviers politiques et économiques. L'armée birmane joue cavalier seul dans ces affrontements. Par ailleurs, les fondements de la démocratie sont beaucoup trop précaires pour qu'Aung San Suu Kii puisse prendre le risque de se mettre ouvertement à dos l'armée birmane qui n'attend qu'une étincelle pour renverser la jeune démocratie. Il est donc fort possible qu'Aung San Suu Kii soit pieds et poings liés dans la situation actuelle.

      Par ailleurs, le racisme et l'islamophobie est attisé par un moine bouddhiste, U Wirathu, qui ne rate aucune occasion pour dépeindre les musulmans comme des barbares qui rêvent d'envahir et d'asservir le peuple birman et d'imposer la sharia sanguinaire. Ce discours rencontre énormément d'échos en Birmanie, pas seulement auprès des sympathisants de Wa Ba Tha (le mouvement nationaliste 969), mais dans une large part de la population birmane et même au sein de la Ligue Nationale pour la Démocratie, le parti d'Aung San Suu Kii.

    Wirathu n'a pas hésité à déclarer qu'Aung San Suu Kii était une traîtresse à la nation birmane, car elle n'a pas officiellement condamné les Rohingyas. Nous, les Occidentaux, ainsi que les musulmans, nous reprochons à Aung San Suu Kii son silence sur le sort des Rohingyas, mais le moine Wirathu et ses partisans du mouvement 969 aussi ! Sauf que nous lui reprochons le silence quant au fait de ne pas prendre parti en faveur des Rohingyas tandis qu'U Wirathu reproche à Aung San Suu Kii le fait qu'elle se taise sur la nécessité de se battre et de pratiquer l'épuration ethnique à l'encontre des « barbares » Rohingyas.



Le moine Wirathu




       Il faut préciser que plusieurs intellectuels se sont retrouvés en prison pour avoir dit que le discours du moine Wirathu allait à l'encontre des idées de tolérance, de bienveillance, de compassion et de non-violence du bouddhisme. Dans ce contexte, critiquer ouvertement les idées racistes et xénophobes de Wirathu et du mouvement 969 n'est pas sans risque. Je pense qu'Aung San Suu Kii a compris que les nationalistes haineux attendent le moindre faux pas pour déstabiliser le régime démocratique et embarquer la Birmanie dans une spirale de haine dont elle n'a absolument besoin.

   En outre, on sait que certains membres de l'armée soutiennent le moine Wirathu, non pas par sympathie pour sa cause (Wirathu a passé plusieurs années en prison parce qu'il avait déclaré début des années 2000 que la junte birmane favorisait les musulmans pour combattre les bouddhistes de Birmanie), mais parce que c'est justement un excellent moyen de déstabiliser Aung San Suu Kii et de la faire tomber de son piédestal d'icône de la démocratie.


    En conclusion, je dirais qu'on peut à raison critiquer le silence de la « Dame de Rangoon », mais il ne faut pas être dupes des manœuvres de l'armée qui entend garder une « main invisible » (comme disent eux-mêmes les Birmans) sur les affaires du pays. Les Rohingyas sont très loin d'être le seul conflit ethnique en Birmanie : les Kachins, les Shans, les Karens, les Karennis et d'autres encore sont en guerre ouverte contre le gouvernement central avec parfois des avancées dans le processus de paix, mais aussi des embrasements réguliers comme les affrontements qui viennent d'avoirlieu dans les États Shan et Kashin. La dictature militaire a duré plus de cinquante ans et a laissé beaucoup de traces et de meurtrissures à travers le pays. Celles-ci ne guériront pas immédiatement : il faudra de la persévérance et de la patience pour que la situation soit complètement apaisée.    









Voir aussi : 







Articles critiques contre Aung San Suu Kii: 


- "L’auréole ternie d’Aung San Suu Kyi", Le Temps, mars 2013.