Dans
une vidéo
récente de « I am Vegan TV », Tiphaine Lagarde,
porte-parole de l'association antispéciste 269Life, défend l'idée
que le problème n'est pas la souffrance des animaux (dans les
élevages, dans les abattoirs, dans les cirques, dans les corridas,
dans les laboratoires,...), mais l'exploitation des animaux. Tiphaine
Lagarde conteste les actions de sensibilisation d'une autre
association antispéciste L214 (on aime les chiffres chez les
véganes!). L214 met régulièrement en ligne des vidéos choquantes
d'élevage industriel et d'abattoirs qui font le tour d'internet et
des médias. On se souvient des vidéos des abattoirs d'Alès et du
Vigan dans le sud de la France qui ont suscité énormément d'émois
et de débats en France. Mais pour Tiphaine Lagarde, ce genre
d'actions ne fait que mettre l'accent sur certains comportements
inacceptables des ouvriers d'abattoirs sans remettre en question le
système spéciste en son entier qui permet que des animaux soient
élevés, exploités et tués, sans la moindre reconnaissance des
aspirations profondes de ces animaux. Pour elle, axer la
problématique des élevages ou des abattoirs sur la souffrance
présente le risque de se faire récupérer par l'industrie de la
viande et de l'élevage : il suffira de mettre quelques caméras
dans les abattoirs pour faire croire au grand public qu'on aime les
animaux et qu'on se préoccupe de leur bien-être.
Dès
lors, pour Tiphaine Lagarde, il faut replacer la question centrale au
cœur du débat à savoir : « peut-on
exploiter un être sensible au motif qu'il est différent de nous? »
La question de l'exploitation est donc centrale à ses yeux. Montrer
des actes de cruauté dans des abattoirs ne sert à rien selon elle
(sic!). Il faut tout axer sur l'exploitation et rattacher la
problématique des animaux aux luttes des humains pour contrer
l'exploitation de l'homme par l'homme, notamment les problématiques
du racisme et du féminisme.
En
réalité, cette thèse d'axer la lutte antispéciste sur le thème
de l'exploitation plutôt que sur la question de la souffrance n'est
pas neuve. On la retrouve chez les théoriciens du droit des animaux,
le plus connu d'entre eux étant Gary Francione (NB : je mets en
bas de ce texte les quelques articles que j'ai rédigé à l'encontre
de Gary Francione). Gary Francione pense que c'est l'exploitation des
animaux qui est le problème, et non les éventuels mauvais
traitements que les animaux subissent lors de cette exploitation.
Francione attaque spécifiquement le philosophe antispéciste et
utilitariste Peter Singer, l'auteur du très célèbre ouvrage de
1975, « Libération
animale » qui est
certainement un ouvrage fondateur de la cause antispéciste. Peter
Singer explique que l'exploitation des animaux crée une gigantesque
masse de souffrance pour les animaux alors qu'on peut très bien
éviter cette souffrance en devenant végane. D'un point de vue
éthique, le véganisme est donc justifié aux yeux puisqu'il permet
de soulager les souffrances des animaux.
Et
les nuages blancs sont fils de la montagne verte.
Les
nuages blancs tout le jour s'appuient
À
la montagne verte qui, toujours, les ignore.
Dongshan
Liangjie (807-869)
Dongshan
Liangjie était un grand maître Chan (ce courant du bouddhisme qui
est plus connu sous son nom de Zen en japonais). Il est un des deux
fondateurs de l'école Caodong (plus connue en Occident sous le nom
japonais de Sôtô, école dont maître Dôgen a repris l'héritage
au Japon en lui donnant une couleur locale).
Dongshan
Liangjie nous parle d'une montagne verte et des nuages blancs qui
l'entoure, comme c'est souvent le cas dans les montagnes chinoises
que les maîtres Chan affectaient tant. C'est là une allégorie de
la nature de l'esprit – la montagne – et des pensées qui
traversent l'esprit – les nuages. Les pensées existent en raison
de la nature de l'esprit : sans la nature de l'esprit, il ne
saurait y avoir de pensées. Un rocher dépourvu d'esprit ne saurait
se mettre à rêver et à faire des projets pour l'avenir. Pourtant,
la nature de l'esprit est indifférente aux pensées qu'elle produit.
C'est notre « moi » qui s'attache à ces pensées et leur
prête de l'importance. La méditation Chan consiste à revenir à la
montagne verte – demeurer dans la nature de l'esprit et laisser
apparaître et disparaître au gré des caprices de la météo. Cette
montagne est à la fois un roc inébranlable et une source de vie. De
grands oiseaux planent silencieusement autour d'elle.
Pour une explication
des grandes lignes de la pensée de John Rawls, je recommande
vivement de d'abord lire la première partie de « La justice
selon Rawls » : « John Rawls et la justice sociale ».
« La Théorie
de la Justice » se veut implicitement comme une critique de
l'utilitarisme très influent dans la philosophie anglo-saxonne. Que
reproche John Rawls à l'utilitarisme ? L'utilitarisme est cette
philosophie qui met en avant l'utilité d'une action morale ou
politique : quel bien-être ou quel plaisir produit une action ?
Tel doit être le critère pour juger le bienfait ou non d'une
action. Attention, certaines actions produisent de la peine ou de la
douleur, mais c'est en vue d'un plus grand bien. Par exemple, étudier
pour ses examens est la plupart du temps pénible et fastidieux, mais
c'est pour s'assurer l'accès à une carrière plaisante ou qui
rapporte de l'argent. Dans ce cas, le moindre mal qu'est l'étude est
compensée par le plus grand bien, l'accès à la profession
recherchée. Les utilitaristes généralise ce principe à la sphère
politique : certaines décisions politiques peuvent créer de la
peine du moment que cette peine soit compensée par un profit plus
grand pour l'ensemble de la société. Par exemple, augmenter les
impôts est pénible pour beaucoup de gens, mais cette augmentation
d'impôt est compensée par l'utilité pour l'ensemble de la société
que peut avoir la création d'un hôpital ou la construction d'une
autoroute. Il faut mettre dans la balance les utilités par rapport
aux peines que provoquent l'action politique, et choisir la meilleure
balance en faveur des utilités en terme de bien-être ou de plaisir.
« L'idée principale de l'utilitarisme est qu'une société
bien ordonnée et, par là même, juste, quand ses institutions
majeures sont organisées de manière à réaliser la plus grande
somme totale de satisfactions pour l'ensemble des individus qui en
font partie 1 ».
La
semaine passée, j'ai été profondément choqué par cette petite
phrase que le président Emmanuel Macron a sorti lors de son discours
pour l'inauguration de Station F : « Une gare, c'est un
lieu où on croise des gens qui réussissent et des gens qui ne sont
rien ». J'ai trouvé horrible cette façon de séparer le
monde entre des gens qui ont la réussite et l'argent pour eux, et
ceux qui ne sont rien, qu'on ne voit pas, qui ne comptent pour rien
dans le devenir du monde, qu'on peut mépriser à l'aise. Ce déni de
la dignité humaine est insupportable. D'autant que cela laisse
présager une politique qui écrase les moins nantis dans la société
pour garantir toujours plus de profits aux patrons et aux
entrepreneurs dans le vent.
Suite
à la controverse qui s'est déclenchée après la mise en évidence
de cette petite phrase, les macroniens ont répliqué en disant qu'il
fallait écouter tout le discours, que cette phrase ne peut pas être
sortie simplement de son contexte. Il est vrai que ce contexte mérite
d'être mentionné pour essayer de saisir ce que voulait vraiment
dire Emmanuel Macron. Ceci étant dit, je ne suis pas certain que
cela éteint complètement la controverse.
Je
mets donc en lien deux vidéos de cette inauguration de Station F :
une première assez courte, une autre plus longue du discours complet
d'Anne Hidalgo, maire de Paris, et d'Emmanuel Macron pour s'assurer
que le contexte soit pleinement restitué. Puis je me livrerai à
deux interprétations de ce discours : une interprétation
généreuse qui va dans le sens des macroniens et qui lisse la
polémique, et puis une interprétation plus sévère qui émet des
doutes face aux belles paroles du président. Je précise que j'ai
attendu quelques jours avant d'écrire cet article pour ne pas
l'écrire sous le coup de la colère.
John
Rawls est un philosophe américain né à Baltimore aux États-Unis
en 1921 et mort à Lexington en 2002. Il est un des plus importants
penseurs de la philosophie politique du XXème siècle.
Son ouvrage le plus célèbre est la « Théorie de la
Justice » (1971). C'est à cet ouvrage et différents
aspects le concernant que je voudrais consacrer ici quelques petits
articles.
Voilà
un extrait intéressant de l'Abécédaire du philosophe français
Gilles Deleuze où il parle de la gauche. Pour Deleuze, il ne peut
pas y avoir de gouvernement de gauche. Il ne peut y avoir au mieux
qu'un gouvernement qui se montre favorable à certaines exigences ou
réclamations de la gauche. C'est un peu provocateur de dire cela,
puisque la vidéo a été tournée en 1989 à un moment donc où la
gauche était au pouvoir en France. À l'époque, c'était François
Mitterrand qui était président de la République. Gilles Deleuze
invoque deux arguments pour appuyer ses dire.
Tout
d'abord, la gauche pour lui est d'abord une affaire de perception.
L'homme de droite pense d'abord à lui, puis à sa rue et son
environnement proche, sa famille, ses amis, puis sa ville, sa région,
son pays, et enfin l'Europe et le monde quand il a le temps de s'en
préoccuper. L'homme de gauche, lui, pense d'abord à ce qui est à
l'horizon et au-delà. L'homme de gauche est comme un Japonais qui,
quand il écrit une adresse sur une carte postale met d'abord le
continent, puis le pays, puis la province, puis la ville, puis la rue
et enfin le nom de la personne à qui il destine sa lettre. Selon
Deleuze, l'homme de gauche est touché par les souffrances et les
injustices dans le monde entier ; et il se sent dès lors plus
proche, plus solidaire des enfants du Tiers-Monde que des problèmes
de son quartier.