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mercredi 10 octobre 2018

Maggie De Block




Maggie De Block




      L'actualité étant aux élections communales et provinciales en Belgique, j'ai parlé de politique avec mes étudiants. J'ai notamment évoqué les figures les plus importantes de chaque parti démocratique ; et en en venant à l'Open-VLD, le parti des libéraux flamands, on a cité Maggie De Block, la ministre fédérale de la santé. Et comme toujours quand on évoque Maggie de Block, cela suscite inévitablement un débat parmi mes élèves : comment une femme pareille peut être ministre de la santé ? Il faut savoir que Maggie de Block est très « enrobée » pour le dire gentiment, et même carrément obèse.


     Mes élèves pensent que quelqu'un de trop gros ne peut pas être ministre de la santé, parce que pour être ministre de la santé, il faut montrer l'exemple, incarner la forme et la santé. Pour moi, c'est clairement de la grossophobie, le rejet social des personnes trop grosses selon les standards de la société. Maggie de Block est médecin de formation : il est donc naturel qu'elle soit attirée en tant que femme politique par la fonction de ministre de la santé. Personne ne se poserait de question si un médecin ou un ministre de la santé fumait des cigarettes, ce qui n'est pas non plus un bon exemple à donner en matière. Cet argument de l'exemplarité revient dans toutes les classes : chaque fois qu'on évoque Maggie de Block, c'est toujours la même réaction, comme quoi elle ne devrait pas être ministre de la santé au regard de son physique.


     La question de l'exemplarité me semble donc très douteuse quand on évoque la figure de Maggie de Block : clairement, on lui reproche d'être grosse, de ne pas faire d'effort pour maigrir. Or il se trouve que Maggie de Block a fait de nombreux efforts pour maigrir quand elle était adolescente : « En 4ème humanité, j’avais pris une résolution : en septembre, je rentre à l’école avec un paquet de kilos en moins. Pendant les mois d’été, j’ai fait un tel régime et j’ai perdu tant de poids que ma mère s’est mise à lire des livres sur l’anorexie. En septembre, certaines copines ne m’ont même pas reconnue. J’avais aussi grandi pendant ces mois, ma transformation était remarquable (…) J’ai continué à perdre du poids, mais cela revenait rapidement. Effet de yo-yo typique. Mon poids avait clairement un rapport avec ma constitution, mon type ». Elle explique aussi à quel point ces régimes drastiques pouvaient être mauvais tant pour sa santé que pour son état psychique : « Je survivais grâce à une pomme, une tomate et quelques feuilles de salade par jour. Je pesais un peu moins de 60 kg. J’étais si affaiblie qu’il m’arrivait de m’évanouir. À 17 ans, j’étais si focalisée sur le fait de ne pas manger que j’en devins malade, apathique et presque dépressive 1 ».


     Beaucoup de personnes obèses font ou ont fait beaucoup d'effort pour maigrir. Il y a une injustice à toujours les culpabiliser de ne pas faire les efforts nécessaires comme le régime ou la pratique des sports pour diminuer son poids. Surtout que cette culpabilisation a généralement l'effet inverse sur ces personnes. Certes, Maggie de Block ne se cache pas d'aimer la bonne cuisine ; mais je ne vois pas pourquoi elle devrait se priver de ce genre de plaisirs sous prétexte que la société a un modèle très rigide de ce qui est bon et de ce qui est souhaitable. Derrière l'alibi de la santé (« ce n'est pas bon pour le cœur ou les artères d'être trop gros ») se dissimule souvent le rejet aigri de ce qui ne correspond pas avec les stéréotypes établis de la mode et du fitness.


      En tant que médecin, on demande à Maggie de Block de savoir soigner les gens, pas d'être un idéal de perfection. De même, en tant que ministre de santé, on lui demande de connaître ses dossiers, d'être élue démocratiquement et de servir l'intérêt du peuple belge. Si on demandait à Maggie de Block d'être coach en fitness, alors oui, je dirai qu'elle n'est pas compétente ; mais dans sa situation actuelle, elle a sa place à son poste de ministre. Si on doit critiquer Maggie de Block, ce n'est donc pas sur son poids ou son surpoids, mais bien sur ses positions politiques.


    Or il se trouve qu'en bonne libérale, elle a des positions très tranchées et agit constamment pour diminuer les aides sociales et réduire au maximum la sécurité sociale. Elle avait eu pour projet notamment de remettre le plus vite possible les malades de longue durée avec l'idée sous-jacente que tous les malades n'en sont pas vraiment et qu'ils profitent tous d'un système de santé trop généreux. Tout est bon pour cette libérale pour faire des coupes sombres dans le système des soins et défavoriser les plus pauvres et les plus fragiles au sein de le société. C'est en cela, il me semble, qu'il faut critiquer durement la ministre de la santé, et non sur ses kilos en trop qui ne regardent qu'elle. On retournerait alors avantageusement à l'essence de la politique.















Maggie de Block au parlement belge












mardi 6 décembre 2016

Tronc commun





     En Belgique, le ministère de l'enseignement vient de lancer une nouvelle réforme intitulée un peu pompeusement : « Pacte d'excellence ». Une mesure-phare de cette réforme est l'extension du tronc commun jusqu'à la troisième secondaire. Quelques mots d'explication : le système scolaire est divisé en trois types d'enseignement, général, technique et professionnel. L'enseignement général dispense une formation intellectuelle en vue de préparer aux études supérieures. Le technique tente de conjuguer les cours généraux (math, français, langues modernes, sciences....) avec des cours portant sur une branche socio-professionnelle plus précise : par exemple, électro-mécanique, bureautique, tourisme, agents d'éducation, etc... Le professionnel correspond à des élèves qui désirent rentrer dans le monde professionnel dès la sortie de l'enseignement secondaire : par exemple, menuiserie, soudure, mécanique, aide familiale, vente, horticulture, etc...

     Il faut savoir que ce principe est un peu perverti par le fait que la filière professionnelle est malheureusement trop souvent une filière-poubelle. Pas toujours, mais trop souvent. Quand un élève échoue dans l'enseignement général, la tendance est très souvent de l'aiguiller vers les filières techniques. Et si ça ne va vraiment pas, on l'aiguille vers le professionnel. La conséquence est qu'un certain nombre d'étudiants se retrouvent dans ces filières alors qu'ils n'ont pas vraiment la vocation pour la mécanique ou la soudure, et donc deviennent des poids morts et des élèves excessivement difficiles à gérer en classe et en plein décrochage scolaire.

     Le problème n'est pas neuf, mais la décision pour combattre cette tendance à reléguer dans le professionnel les élèves qui échouent dans l'enseignement général a été de prolonger le tronc commun jusqu'à la 3ème année. (Dans le système belge, on compte les années du secondaire de manière croissante de la 1ère à la 6ème, appelée « rhétorique »). Ce tronc commun oblige tous les élèves à suivre l'enseignement durant les 3 premières années. Jusqu'à présent, le tronc commun ne touchait que les deux premières années. Les élèves pouvaient entrer dans le professionnel dès la 3ème année. Il y a cinq ou six ans, les étudiants avaient accès au professionnel dès la 2ème année. Et jusque dans les années nonante, il n'y avait pas du tout de tronc commun. Cette idée de tronc commun a trouvé son chemin et s'est imposée en accord et avec l'aide d'une ribambelle de psycho-pédagogues qui n'ont aucune expérience de ce qu'est concrètement une classe, ce qui leur permet de théoriser à leur aise dans le vide.

    Je ne suis pas du tout d'accord avec cette évolution. L'allongement du tronc commun ne m'apparaît vraiment pas être une bonne idée. Les défenseurs de ce projet invoquent une idée d'égalité. Tout le monde devrait avoir accès au meilleur enseignement possible, et personne ne devrait être mis sur le bas-côté de la route. Voilà une idée noble : qui peut sérieusement s'opposer à des idées d'égalité ? Mais malheureusement, il y a une grosse faiblesse dans ce raisonnement. Les psycho-pédagogues et les sociologues de l'éducation en charge de la réforme perdent de vue un point important : dans leur conception des choses, la filière la plus enviable, celle que tout le monde devrait envier, c'est la filière générale. Tout simplement parce qu'eux-mêmes sont des universitaires, et que la voie royale vers l'université et les grandes écoles, c'est l'enseignement général. Mais ils ne voient pas que tout le monde n'a pas nécessairement envie de devenir médecin, avocat, ingénieur ou chercheur à l'université....

     Beaucoup de gamins sont beaucoup plus à l'aise dans les métiers manuels. Par ailleurs, quelle société pourrait-elle sérieusement se passe de menuisiers, de plombiers, de maçons, de jardiniers, de soudeurs, d'aides familiales ? Le problème réel est que la bourgeoisie universitaire méprise ces petits métiers et donc dévalorise l'enseignement professionnel qui y mène. Ce qu'il faudrait, c'est revaloriser ces métiers manuels et les formations professionnelles, pas empêcher les élèves d'y accéder. Cela n'a rien de déshonorant d'exercer ces professions, que du contraire !

    Pour beaucoup d'élèves du professionnel, les cours généraux comme le français, le latin, l'anglais ou le néerlandais, les sciences et les mathématiques sont un véritable calvaire. Pourquoi les forcer à étudier des matières qui en font pas sens pour eux et dans lesquels ils sont faibles ? Devoir les étudier leur donne l'impression qu'ils sont bêtes, incapables et inutiles à la société. Pourquoi prolonger ce calvaire en étendant le tronc commun à trois ans ?

    On est plein de bonnes intentions à l'égard ; mais rappelons-nous le proverbe qui dit que l'enfer est pavé de bonnes intentions... On voudrait mettre de l'égalité dans l'école ; mais cela conduira toute une série d'élèves à récolter des mauvaises notes et des échecs scolaires dans une formation commune dans laquelle ils ne sentent pas à l'aise. Par ailleurs, cette volonté d'égalité renforcera les inégalités entre les écoles. Il y a d'un côté les écoles où il n'y a que de l'enseignement général : celles-là ne seront pas impactées par cette nouvelle mesure. De l'autre côté, il y a les écoles où on retrouve les trois filières, général, technique et professionnel. Dans ces écoles, les écoles comprendront les trois types d'élèves : les élèves qui relèvent du général seront dans la même classe que des élèves qui relèvent de l'enseignement professionnel. C'est peut-être super pour la mixité sociale, mais par expérience de prof, je peux dire que ce n'est pas super pour maintenir un bon niveau dans la classe. Les élèves « professionnels » risquent de tirer vers le bas les autres bas. Notez bien qu'il n'est pas impossible que se produise le contraire : que les bons élèves du général tire vers le haut les élèves plus faibles. Mais franchement, ce n'est vraiment pas ce qui arrive la plupart du temps ! Donc concrètement, cette réforme va encore creuser l'écart déjà grand entre les écoles élitistes et les écoles qui comptent plusieurs filières en leur mur. Voilà comment à partir d'une idéologie de l'égalité, on crée de l'inégalité !

      Je propose donc qu'on abandonne cette mesure purement et simplement. Tous les changements ne sont pas bons à prendre. L'idéal serait même de réduire le tronc commun à un an, voire même le supprimer. Comment dès lors résoudre le problème des élèves qui éjectés du système dans la filière professionnel ? Personnellement, je ne prétends pas avoir de solutions toutes faites. Mais une piste serait de provoquer un changement de mentalité dans la population : qu'on redore le blason des métiers tels que maçon, plombier, mécaniciens, aides familiales, tous ces métiers dont on a besoin dans notre société et dont on ne voit pas la vraie valeur. Par ailleurs, il serait utile de penser à des structures qui permettent à un élève de revenir dans l'enseignement général, moyennant certaines conditions afin de d'éviter cette dimension de la « relégation » de la filière professionnelle.





Frédéric Leblanc (enseignant), le 6 décembre 2016.










jeudi 21 juillet 2016

Plaidoyer pour la Belgique






   Tous les commentateurs belges ou étrangers s'accordent à dire que la Belgique vit ses dernières heures, tiraillée qu'elle est entre les Flamands et les francophones. En ce jour de fête nationale belge, je voudrais prendre la défense de la Belgique, non par patriotisme débordant ou par attachement à la famille royale, mais simplement pour rappeler que nous avons beaucoup plus à gagner à être ensemble qu'à se séparer et à être disloqué.


    Il y aurait beaucoup à dire à ce sujet, mais je vais être très bref. Je pense qu'il faudrait ressouder le sentiment d'unité nationale. On subit beaucoup trop le lavage de cerveau perpétrés par des gens haut placés qui disent que nous n'avons rien en commun, qui utilisent n'importe quel argument malhonnête pour diviser le pays. Si la pays se divise parce qu'il y a trois langues nationales, alors comment l'Europe avec un beaucoup plus grand nombre de langues pourraient-elles se former harmonieusement ? L'Europe des régions est une fadaise bonne seulement pour ceux qui ne veulent pas de l'Europe.



    Personnellement, je pense qu'il faudrait faire en sorte que les deux grandes communautés linguistiques du pays, Flamands et francophones, reparlent ensemble (sans oublier non plus les germanophones). Je pense notamment qu'il faudrait une télévision nationale en français, flamand et allemand un peu sur le modèle d'Arte, télévision culturelle franco-allemande. C'est une proposition parmi d'autres pour renouer les liens dans le pays.







Léon Spilliaert, Ostende, 1881






Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.


















Magritte - L'Empire des lumières - 1954












lundi 28 mars 2016

Cette semaine dans le monde




    Il y a une semaine, Bruxelles était frappé par les attentats. En Belgique, on n'a parlé que ça. Mais depuis une semaine, l'organisation terroriste État Islamique a ensanglanté d'autres points du globe, notamment Al-Asriya, un village au sud de Bagdad et à Lahore au Pakistan. Je suis Belge : il est donc normal que je me sente préoccupé de ce qu'il se passe de grave dans la capitale. Mais il n'est pas normal que l'on passe sous silence d'autres attentats aussi graves, voire plus graves que ceux qui se sont produits dans des endroits où je suis déjà allé. L'attentat d'Al-Asriya a été commis dans un stade de football et a frappé principalement des jeunes. C'était là une violence répugnante et elle doit nous dégoûter autant que nos morts. Ces jeunes ne méritaient en rien ce sort horrible.

samedi 26 mars 2016

Faut-il arrêter de bombarder Daesh ?



    Je suis tombé ce matin par la grâce des réseaux sociaux sur cette page de la télévision suisse RTS qui donnait la parole à Jacques Baud, spécialiste suisse du renseignement et du terrorisme. Selon lui, « si l'on arrêtait les bombardements sur la Syrie, les attentats cesseraient probablement ». Jacques Baud prend l'exemple de l'attentat à la gare d'Atocha de Madrid en 2004 pour appuyer ses dire. Quelques jours après les attentats, les élections avaient balayé les partis de droite au pouvoir, et l'Espagne avait retiré ses troupes d'Irak. Plus aucun attentat islamiste n'a été perpétré dans ce pays depuis lors. Jacques Baud fait valoir aussi que quand Daesh revendique les attentats de Bruxelles, de Paris ainsi que les autres sur le sol européen, il le fait en donnant comme cause explicite les bombardements occidentaux. Jacques Baud rappelle que ceux-ci ont fait entre 2000 et 4000 victimes civiles, soit plus que les victimes civiles de tous les attentats perpétrés sur le sol européen (mais moins que la somme totale des victimes du terrorisme de Daesh si l'on considère les attentats commis au Moyen-Orient, en Afrique ou Asie, plus de dix mille morts au total). C'est un fait que les médias et les experts invités à longueur de journée sur les plateaux de télévision passent généralement sous silence.

    Je trouve que cela mérite réflexion. On ne peut pas sans cesse voir uniquement l'aspect des pays européens frappés par un terrorisme que l'on ne comprend pas et de l'autre ce qui passe en Syrie et en Irak et qui est complètement occulté par les médias européen avec cette idée que les bombardements européens frapperaient uniquement les méchants barbares terroristes, barbus et tout de noir vêtus, sans toucher le moindre cheveu d'un civil innocent. C'est la vieille idéologie des « frappes chirurgicales » qui est constamment remise sur le tapis. On ne peut pas vivre dans le déni de cette violence-là. Pour autant, est-il vraiment judicieux pour les pays occidentaux de cesser de combattre l'idéologie haineuse de Daesh ? Peut-on vraiment arrêter les jihadistes avec des fleurs ?

mardi 22 mars 2016

Ce matin à Bruxelles



    Bruxelles a été frappée à plusieurs reprises par les déflagrations de la barbarie terroriste ce matin. Il est encore trop tôt pour tirer quelques conclusions, mais il semble probable que ce soit là une réponse à l'arrestation de Salah Abdeslam vendredi. La Belgique doit payer son tribut à la violence meurtrière aveugle, comme à Paris, à Istanbul, à Ankara, à Grand-Bassam en Côte-d'Ivoire, à Ouagadougou, à Tunis et dans d'autres endroits où la folie des hommes l'emporte sur la raison.

     Tout cela est terriblement triste. Il est temps, plus que temps de couper le mal à la racine. Or on sait que le centre névralgique de ce mal se trouve actuellement en Syrie et dans le nord de l'Irak. J'imagine que la réaction sera d'ordonner encore plus de bombardements dans ces régions complètement sinistrées par cinq ans de guerre civile. Mais il est temps aujourd'hui de de se poser la question d'une réaction efficace qui réglera durablement le problème, et pas d'ajouter du chaos au chaos déjà existant.

dimanche 20 mars 2016

La Belgique et le terrorisme



    Vendredi soir, la police belge a opéré à l'arrestation du terroriste présumé Salah Abdeslam dans la commune bruxelloise de Molenbeek. Salah Abdeslam est supposé avoir activement participé aux attentats de Paris qui ont décimé 130 personnes le soir du 13 novembre 2015. Les réactions du monde entier n'ont pas tardé. Partout dans le monde, les médias ont couvert l'événement. Les réactions sont aussi évidemment venues de France, pas toujours très amènes. Un député français, Alain Marsaud, membre du parti « Les Républicains », s'est lancé à la radio dans une diatribe contre les Belges et la Belgique. Selon lui, les attentats de Paris sont la faute unique des Belges. Les services de police et de renseignement belges sont nuls. Heureusement, les Français sont là pour récupérer le coup. Il se dit « écœuré par l’incapacité des Belges au cours des derniers mois, des dernières années à régler ce problème » dans une interview accordée à la radio française Europe 11.

     Il accuse les Belges de n'avoir rien fait contre le terrorisme et le jihadisme. Selon lui, les Belges « ont vu se développer ce nœud de vipères terroriste, dont ils connaissaient la dangerosité ». Il dénonce la « naïveté des Belges ». Plus grave, il fait porter la responsabilité des attentats à l’entièreté des Belges : « Les 130 morts que nous avons eu à Paris, nous les devons aux Belges, à l’équipe de Molenbeek ». Le député demande une réaction du gouvernement de la République Française contre ces salopards de Belges : « Moi j’attends que le gouvernement français demande des comptes. Qu’on demande aux Belges ‘pourquoi vous avez laissé faire tout ça ?’   ». On se souvient qu'Eric Zemmour avait publiquement demandé qu'on bombarde Molenbeek pour combattre soi-disant le terrorisme à sa racine.

   Je trouve ce genre de commentaires complètement consternants de bêtise. Procédons par ordre. On reproche de ne pas avoir été suffisamment vigilant concernant la préparation des attentats de Paris. Certes, mais c'est facile de faire ce genre de commentaires après coup.... Le député français explique que ce sont les « Belges » qui ont monté toute l'opération dans cette antre du diable qu'est Molenbeek. Peut-être, mais dans les terroristes du 13 novembre, il y avait aussi des Français : Ismaël Omar Mostefai, Samy Amimour, Fouad Mohammed-Aggar sont les trois tueurs du Bataclan, soit l'attaque qui a fait le plus de mort. Alain Marsaud est curieusement silencieux à leur égard.... Par ailleurs, les frères Abdeslam ne sont pas Belges, mais bien Français, même ils ont principalement vécu en Belgique, tout comme Bilal Hadfi. Les terroristes avaient une planque à Saint-Denis qui se situe, je le rappelle, en France dans la grande banlieue de Paris, logé par Jawad de nationalité française, qui est devenu depuis lors la risée du net....

      L'attentat au musée juif de Bruxelles a été commis par un ressortissant français, Medhi Nemmouche. Les Belges doivent-ils demander des comptes aux Français pour cet acte ignoble ? Les attentats contre Charlie Hebdo et contre l'Hyper-Casher ont été commis par des Français, les frères Kouachi et Coulibaly. Très curieusement, la police avait cessé de protéger les locaux de la rédaction alors que le journal était toujours menacé par les jihadistes. Mohammed Merah, enfin, était Français et agi aussi sur le sol français. Sous-entendre que les Belges sont les seuls à avoir des terroristes sur leur territoire est évidemment une farce ignoble... Peut-être que la police et les services de renseignement belges ont commis des erreurs. C'est tout à fait possible et ce ne serait pas la première fois. Mais j'ai bien peur que les services français soient logés à la même enseigne...

       En ce qui concerne le terreau sociologique des certains quartiers des villes belges, on ne peut pas nier avoir des problèmes. La politique d'urbanisme a parfois été accomplie en dépit du bon sens. Il est clair que Molenbeek a accueilli une énorme population marocaine et on n'a pas tout ce qu'il fallait pour que cette population puisse s'intégrer harmonieusement. De la même façon, Schaerbeek, autre commune de Bruxelles, est majoritairement peuplé par une population turque qui dialogue très peu avec la population belge. Ce n'était certainement pas la meilleure façon de régler le problème de l'intégration. Et Molenbeek est devenu un terreau propice pour le fondamentalisme musulman. Ceci étant dit, Molenbeek n'est pas l'enfer sur Terre que certains journalistes français ou américains veulent bien décrire avec leur complaisance habituelle. C'est un quartier pauvre et défavorisé, mais tout n'y est pas noir pour autant. C'est un quartier qui vit, qui bouge, qui évolue. Il y a une présence d'islamistes radicaux, de salafistes, et également quelques groupuscules jihadistes, c'est indéniable ; mais tout le monde n'est pas comme ça à Molenbeek... En fait, la grande majorité des gens à Molenbeek sont des personnes tout à fait respectables. Les journalistes français ou américains devraient fournir une vision plus nuancée de la réalité...

     Par ailleurs, est-ce que la France est au-delà de tout soupçon ? Franchement ! Quand on voit la violence des émeutes dans le 93... Quand on voit les fusillades à répétition dans les quartiers à Marseille... Quand on voit cette vidéo où l'actuel premier ministre de la République Française Manuel Valls se plaint qu'à Évry (dont il était maire à l'époque), il y a (je cite) « trop de blackos et pas assez de whites, de blancos »... On est en droit de se demander si, vraiment, la Belgique est pire que la France...

    Enfin, ce qui me gêne le plus, c'est cette façon pour certains politiciens et journalistes français de prendre un bouc émissaire facile (les Belges, la Belgique) pour mieux dissimuler ces propres fautes. La logique du bouc émissaire ne peut conduire qu'à plus de violence et faire empirer un problème suffisamment compliqué... Qu'on voit la façon dont les Turcs de prendre les Kurdes comme boucs émissaires de tous leurs problèmes.

       Il me semble que s'il y a des coupables, des fautifs, des responsables dans les attentats odieux de Paris, il faut aller les chercher du côté de Daesh, du front Al-Nosra et toutes les filières jihadistes qui répandent un message de haine et de barbarie au nom de l'islam. Voilà les coupables, voilà les ennemis. Que dans la lutte contre le terrorisme, des erreurs soient commises par tel ou tel service de police, c'est possible. On peut bien entendu apporter des critiques pour que ces erreurs ne soient pas reproduites. Mais il faut bien comprendre que les attentats qui ont eu lieu à Paris en janvier et en novembre 2015 ne demandent pas une logistique énorme : une dizaine d'hommes armés de fusils d'assaut, cela passe facilement sous les radars... La plupart des jihadistes ont un passé de criminel : il leur est donc assez facile de se procurer des armes sur le marché noir. Il est fort probable que d'autres attentats soient commis à l'avenir sur le sol belge ou français ou quelque part en Europe. Mais là encore, les coupables, les fautifs, ce sont les terroristes, pas les Belges, les Tchèques ou les Français.... Je pense qu'il est important de s'en souvenir et ne pas se tromper d'ennemis...



F. Leblanc, le 20 mars 2016




NB : Juste une petite remarque pour terminer qui s'adresse aux lecteurs français : Molenbeek se prononce avec un « é » long à la fin, Molenbééék, et pas Molenbèk comme le disent tous les journalistes français et les prétendus experts qui polluent les plateaux des chaînes de télévision française et qui ne sont pas fichus de prononcer correctement le nom des quartiers de Bruxelles dont ils se prétendent spécialistes. La commune de Forest où s'est caché Salah Abdeslam se prononce comme une forêt, et pas Foreste. Je sais que les noms flamands ne sont pas toujours faciles à prononcer, mais là, ce n'est pas très difficile, me semble-t-il.












1Voir l'article du Soir du 19 mars :




Molenbeek avec un ciel bleu




Molenbeek avec un ciel gris au-dessus du canal



Molenbeek, un jour de pluie
(il pleut souvent à Molenbeek comme partout en Belgique)



Non, tout n'est pas sinistre à Molenbeek !