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mardi 2 août 2022

Justice et acte de guerre



Je viens de voir une vidéo du président Biden où celui-ci annonce la mort d'un des chefs d'Al-Qaida, Ayman Al-Zawahiri, qui a été une des têtes pensantes des attentats du 11 septembre aux USA en 2001. Al-Zawahiri a été abattu par des frappes aériennes de l'armée américaine à Kaboul en Afghanistan sur ordre du président Biden. Ce dernier conclut son allocution par la formule : « Justice has been delivered, and this terrorist leader is no more » (Justice a été rendue, et ce leader terroriste n'est plus).


Je n'ai pas de problème à ce que les Américains éliminent un chef terroriste. Al-Zawahiri publiait des vidéos appelant à des actes terroristes contre les intérêts occidentaux. On pourrait bien sûr espérer des méthodes plus pacifistes, mais nous vivons dans un monde violent avec des idéologies violentes dans lequel recourir à la violence est souvent, malheureusement, une nécessité.


L'élimination d'Al-Zawahiri ne me pose donc pas problème. Par contre, le fait de dire que justice a été faite est beaucoup plus problématique. Il n'y a pas eu là de justice, juste un acte de guerre. La justice, ce n'est pas envoyer un drone pour bombarder une position à Kaboul, au risque d'ailleurs de frapper des victimes collatérales. La justice, c'est tenir un procès équitable dans lequel les actes d'une personne seront examinés et jugés selon des règles de droit. Abattre Al-Zawahiri n'était pas de la justice, ou alors la « justice » du Far West. Confondre la justice avec un règlement de compte brutal et violent est très problématique quand on occupe le poste de président des USA, pays qui s'est toujours voulu d'ailleurs être le « gendarme du monde ».


On peut comprendre l'acte de guerre qui est d'éliminer une menace directe pour l'intégrité physique des Américains, des Occidentaux et même de nombreux musulmans dans le monde. Par contre, le glissement sémantique qui consiste à appeler cet acte de guerre un « acte de justice » me semble inquiétant et révélateur aux USA et dans les pays occidentaux de manière plus générale d'un affaiblissement des valeurs de l'État de droit et de la démocratie libérale, où un acte brutal et unilatéral ne peut en aucune façon être assimilé à une procédure de justice. Si on s'indigne de ce que Vladimir Poutine requalifie la guerre en Ukraine en « opération spéciale », on ne devrait pas accepter dans le même esprit que Joe Biden raconte que justice a été rendue quand il envoie un missile sur un balcon de Kaboul.




Frédéric Leblanc, le 2 aout 2022









Lucas Cranach l'Ancien, Allégorie de la Justice, 1537






Voir également : 

- Force et justice 



mardi 20 décembre 2016

Une spirale infernale




Une spirale infernale


     Hier à Berlin, un camion a foncé dans la foule d'un marché de Noël. L'auteur de l'attentat est apparemment un réfugié d'origine pakistanaise. Il n'en faut pas plus pour raviver un argument récurrent à l'encontre des migrants : ils cacheraient parmi eux des terroristes (voilà pourquoi il faut les refouler en-dehors de l'Europe). Voire pour les plus nationalistes, on passe très vite de la proposition particulière : « certains migrants sont des terroristes » à la proposition universelle « tous les migrants sont des terroristes, et ceux qui défendent leur cause des traîtres à la patrie ».

    Cet après-midi, sur twitter, j'ai vu une photo au slogan simpliste d'extrême-droite qui disait : « La gauche vise les crèches ; l'islam vise les marchés de Noël » (sic). Le sous-entendu est assez clair : deux idéologies menacent l'identité nationale et européenne qui est forcément une identité chrétienne. La gauche défendant la laïcité et l'islam qui n'est jamais rien d'autre qu'un jihadisme sournois. C'est premièrement oublier un peu vite en besogne que la laïcité et la critique de la religion sont incontestablement devenu des éléments des identités nationales en Europe. C'est ensuite sombrer dans l'amalgame de mettre sur le même pied un acte terroriste odieux et le refus des symboles religieux dans les édifices publics au nom de la laïcité. C'est encore plus sombrer dans l'amalgame que de réduire l'islam à l'acte crapuleux d'un fanatique.

     Voilà donc dans quel monde nous vivons : un monde dans lequel les propos haineux se répandent à la vitesse d'un tweet et dans lequel on essaye de monter les communautés les unes contre les autres. Rappelons que ce n'est pas là l'esprit de Noël qui se veut quand même être une fête célébrant la joie et l'amour, la victoire de la lumière sur les ténèbres.

     Mais fustiger les migrants, dénoncer le risque terroriste qui se cacherait derrière chaque humain cherchant dans nos contrées un refuge et un avenir meilleur, c'est tomber dans le piège que nous tendent les organisations terroristes comme Al Qaïda et Daesh. Haïr les migrants, c'est exactement ce que veulent ces organisations haineuses. Que les impies occidentaux se mettent à détester et à rejeter le simple migrant, et voilà un migrant qui sera tenté d'épouser les thèses des islamistes haineux : « Tu n'a rien à faire dans ces pays d'incroyants. Regarde comment ils te haïssent, comment ils veulent te faire du mal, comment ils te traitent comme du bétail... Non, rejoins le camp de ceux qui combattent jusqu'à la mort ces kouffars, ces chiens d'infidèles... » Comment les fascistes poussent certains réfugiés dans les bras du terrorisme islamistes. Ces migrants en perdition prêts à monter dans un camion qui ira s'écraser contre une foule d'inconnus quelque part dans l'Europe des infidèles sont certes très peu nombreux, voire insignifiants en nombre au regard des centaines de milliers de gens bien qui ont franchi les barbelés de la forteresse Europe. Mais ils suffit d'un seul de ces individus en perdition pour accomplir un acte de terrorisme aveugle qui fera naître la haine dans les populations européennes et qui pousseront des milliers et des milliers de gens vers les idées racistes et fascistes, ces idées d'exclusion et de rejet de l'autre. C'est là une spirale infernale.

« En vérité, disait le Bouddha,
La haine ne s'apaise jamais par la haine.
La haine s'apaise par l'amour.
Ceci est une loi éternelle ».

     Que Noël soit une célébration de la bienveillance, de la solidarité et de la fraternité. Qu'elle soit soit aussi un moment de compassion et de consolation pour les victimes de cette tragédie.





Berlin - 20 décembre 2016











Réfugiés, de l'aide au lieu de la haine









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mercredi 14 décembre 2016

Manichéisme





   « Manichéisme », voilà un mot que je dois systématiquement expliquer à mes élèves de rhétorique (l'équivalent en Belgique de la terminale en France). C'est gênant parce que le manichéisme est une attitude fondamentale de l'esprit et la source de trop problèmes sur cette Terre. Le manichéisme est donc cette façon de diviser le monde en deux parties clairement distinguables : les bons et les méchants. Le mot « manichéisme » désigne originellement une religion née en Perse (actuelle Iran) au IIIème siècle, dont Mani a été le prophète. Cette religion du manichéisme divisait le monde en deux : le monde de la lumière et le monde des ténèbres. Le monde de la lumière est, on s'en doute, « l'axe du Bien », l'esprit, l'éternité, etc... Le monde des ténèbres est ce bas-monde matériel où le Mal l'emporte sur les bons. L'homme est un mixte entre ces deux mondes avec son âme qui relève du monde de la lumière et son corps matériel entièrement mauvais. Pour Mani, il faut se détacher intégralement de ce monde matériel pour échapper au mal et à la mort, que la lumière soit intégralement libérée des ténèbres. La particularité du manichéisme est que bien et mal ont le même statut ontologique. Ces deux entités ne peuvent que s'affronter impitoyablement.

       Aujourd'hui, le mot « manichéisme » a perdu sa référence à cette religion perse et à son prophète, pour ne désigner plus qu'une attitude d'esprit, qui est malheureusement présente dans la tête des gens. Le président George Bush, après les attentats du 11 septembre 2001, avait cédé au manichéisme en divisant le monde en deux : l'axe du Bien contre l'axe du Mal. L'axe du Bien était évidemment les États-Unis d'Amérique, superpuissance meurtrie accompagnée de ses alliés dans sa nouvelle croisade, la « Guerre contre la Terreur » (War on Terror). Il s'agissait de combattre impitoyablement tous ceux qui incarnaient à tort ou à raison la « Terreur » : Oussama Ben Laden et sa nébuleuse terroriste Al-Qaïda, tous les pays qui soutenaient de manière réelle ou de manière imaginaire Al-Qaïda : l'Afghanistan des Talibans, l'Irak de Saddam Hussein, mais pas l'Arabie Saoudite qui, pourtant, finançait généreusement Ben Laden, mais qui restait un allié indéfectible des USA pour cause de réserves abondantes de pétrole dans le sous-sol saoudien.

       On a beaucoup reproché à George W. Bush l'emploi du mot « croisade » dans sa rhétorique guerrière parce que, dans la coalition de « l'axe du Bien », les gentils, il y avait des pays musulmans comme la Maroc ou la Turquie, alliés traditionnels de Washington. Or le mot « croisade » évoque des mauvais souvenirs aux musulmans. Au Moyen-Âge, les croisades étaient ce moment où le manichéisme a fait rage (l'attitude d'esprit, pas la religion), et où l'Europe et le Moyen-Orient était divisé en deux camps ennemis : l'Occident chrétien et l'Orient musulman. Notez bien qu'ici « Occident » et « Orient » n'étaient pas des concepts géographiques rigoureux puisque que le Maroc et l'Andalousie étaient des régions musulmanes, et situées à l'ouest de l'Europe chrétienne, et que la Russie était une terre chrétienne située à l'est de Bagdad ou Istanbul.... Remarquez aussi que cette division du monde pouvait faire place à d'autres divisions dans la division... L'Europe chrétienne s'est déchirée à partir du XVIème siècle entre catholiques et protestants dans des guerres de religions absolument atroces et sanguinaires. L'islam s'est déchirée entre factions sunnites et factions chiites, et cet antagonisme est toujours très vivaces jusque dans les rues d'Alep, de Riyad ou de Bagdad...




*****



       Je parle aujourd'hui de ce mot « manichéisme », parce que je lis, j'écoute et je regarde les informations sur la bataille d'Alep en Syrie et le massacre de civils qui a lieu au moment même où j'écris ces lignes. Cela fait cinq ans que la guerre civile fait rage en Syrie ; et cela fait cinq ans que j'assiste à des commentaires sur les réseaux sociaux relevant du manichéisme le plus pur sur ce conflit. Soit on présente l'Armée Syrienne Libre comme des héros de la liberté et Bachar comme un boucher. Soit on présente Bachar El-Assad comme le dernier rempart contre le terrorisme et les rebelles comme des jihadistes sanguinaires. Aucune place pour une place pour une analyse plus subtile des faits.

       Cela me rend infiniment triste, parce que ce manichéisme stupide est le véritable moteur de la guerre. Dans le manichéisme, on encourage un des camps en présence à massacrer l'autre. La victoire ou la mort. Aujourd'hui, l'aviation russe a pilonné Alep sans relâche : la ville n'est plus qu'un tas de cendre et de gravas, et personne n'envisage un traité de paix. Ce dont les Syriens auraient besoin, qu'ils soient sunnites, chiites, druzes, alaouites, kurdes ou chrétiens...

       Un traité de paix, mais on en est loin. Les Occidents ont abandonné la Syrie à la Russie et à la Turquie. Autre manichéisme : la Turquie contre les forces kurdes. Et là encore, la place n'est plus à la demi-mesure. Le régime turc d'Erdoğan bombarde les forces kurdes sur le sol turc et en Syrie. Ce ne sont que des terroristes. Tous des terroristes, même les modérés, même ceux qui voulaient vivre en paix ; même ceux qui ne demandaient qu'un peu de justice et de liberté. Tous ceux-là sont réprimés ou bombardés au nom d'un manichéisme étroit. De l'autre côté, les Kurdes répliquent par des attentats comme à Istanbul, il y a quelques jours.

    Alors que faire ? Que dire ? À vrai dire, je n'ai pas de solution toute faite à apporter à ce monde. Et devant le massacre, je me sens confronté à une abyssale impuissance à changer ce monde en mieux. Je ne vois pas d'espoir. Que l'on regarde vers Alep, vers Damas, vers Moscou, vers Téhéran, vers Istanbul, vers Beyrouth, vers Bruxelles et les bureaux de l'Union Européenne, je ne vois aucun espoir. Et si on se tourne vers Washington DC, l'élection récente d'un clown sordide à la tête de l'administration américaine n'est pas pour donner un quelconque espoir. Je en vois que la peur, la mort et la destruction pour les populations d'Alep. Exactions et représailles sans fin dans un monde où les cœurs s'endurcissent.


    La seule chose que je puisse dire, c'est demander d'abandonner les simplismes du manichéisme. Les choses sont souvent plus complexes qu'il n'y paraît. Depuis la plus tendre enfance, nous sommes bercés avec des histoires où le bien et le mal sont clairement identifiables : le petit chaperon, la grand-mère et le valeureux chasseur d'un côté et de l'autre, l'Axe du Mal en la personne du Grand Méchant Loup, Batman contre le Joker, la communauté de l'Anneau contre les orques du Mordor gouvernés par Sauron, Luke Skywalker contre Dark Vador et l'Empire, James Bond et sa Gracieuse Majesté contre le Spectre... Mais je pense qu'il faut faire l'effort de prendre la pleine mesure de la complexité du monde. Les gens ne sont pas tout bons d'un côté et tout mauvais de l'autre. Il faut dépasser le manichéisme pour adoucir le monde.












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lundi 28 mars 2016

Cette semaine dans le monde




    Il y a une semaine, Bruxelles était frappé par les attentats. En Belgique, on n'a parlé que ça. Mais depuis une semaine, l'organisation terroriste État Islamique a ensanglanté d'autres points du globe, notamment Al-Asriya, un village au sud de Bagdad et à Lahore au Pakistan. Je suis Belge : il est donc normal que je me sente préoccupé de ce qu'il se passe de grave dans la capitale. Mais il n'est pas normal que l'on passe sous silence d'autres attentats aussi graves, voire plus graves que ceux qui se sont produits dans des endroits où je suis déjà allé. L'attentat d'Al-Asriya a été commis dans un stade de football et a frappé principalement des jeunes. C'était là une violence répugnante et elle doit nous dégoûter autant que nos morts. Ces jeunes ne méritaient en rien ce sort horrible.

samedi 26 mars 2016

Faut-il arrêter de bombarder Daesh ?



    Je suis tombé ce matin par la grâce des réseaux sociaux sur cette page de la télévision suisse RTS qui donnait la parole à Jacques Baud, spécialiste suisse du renseignement et du terrorisme. Selon lui, « si l'on arrêtait les bombardements sur la Syrie, les attentats cesseraient probablement ». Jacques Baud prend l'exemple de l'attentat à la gare d'Atocha de Madrid en 2004 pour appuyer ses dire. Quelques jours après les attentats, les élections avaient balayé les partis de droite au pouvoir, et l'Espagne avait retiré ses troupes d'Irak. Plus aucun attentat islamiste n'a été perpétré dans ce pays depuis lors. Jacques Baud fait valoir aussi que quand Daesh revendique les attentats de Bruxelles, de Paris ainsi que les autres sur le sol européen, il le fait en donnant comme cause explicite les bombardements occidentaux. Jacques Baud rappelle que ceux-ci ont fait entre 2000 et 4000 victimes civiles, soit plus que les victimes civiles de tous les attentats perpétrés sur le sol européen (mais moins que la somme totale des victimes du terrorisme de Daesh si l'on considère les attentats commis au Moyen-Orient, en Afrique ou Asie, plus de dix mille morts au total). C'est un fait que les médias et les experts invités à longueur de journée sur les plateaux de télévision passent généralement sous silence.

    Je trouve que cela mérite réflexion. On ne peut pas sans cesse voir uniquement l'aspect des pays européens frappés par un terrorisme que l'on ne comprend pas et de l'autre ce qui passe en Syrie et en Irak et qui est complètement occulté par les médias européen avec cette idée que les bombardements européens frapperaient uniquement les méchants barbares terroristes, barbus et tout de noir vêtus, sans toucher le moindre cheveu d'un civil innocent. C'est la vieille idéologie des « frappes chirurgicales » qui est constamment remise sur le tapis. On ne peut pas vivre dans le déni de cette violence-là. Pour autant, est-il vraiment judicieux pour les pays occidentaux de cesser de combattre l'idéologie haineuse de Daesh ? Peut-on vraiment arrêter les jihadistes avec des fleurs ?

jeudi 24 mars 2016

Contre la haine



    Je voudrais réagir ici à la déferlante de haine qui se dessine suite aux attentats de Bruxelles, et notamment contre le hashtag #stopIslam qui a apparemment été plus employé que le hashtag #PrayForBrussels mardi le jour de l'attentat (102 000 tweets avec la hashtag #prayforBrussels, 250 000 pour #stopIslam). Je trouve déplorable cette utilisation bête et stupide de ce genre de slogan. Si les terroristes qui ont perpétré leurs crimes répugnants se revendiquaient bien de l'islam, tous les musulmans ne se reconnaissent pas dans cet islam-là. En fait, les combattants de Daesh combattent en priorité des musulmans : ils font la guerre aux musulmans chiites d'Irak, ils affrontent les forces de Bashar El-Assad qui sont composées de musulmans chiites, alaouites, druzes et aussi de sunnites. Ils massacrent aussi tous les musulmans sunnites qui s'opposent à leur vision totalitaire et barbare de leur pseudo-califat. Et en matière de terrorisme, les premiers pays touchés sont la Turquie à Ankara ou à Istanbul, l'Irak, la Tunisie, l’Égypte, la Libye, le Mali, tous des pays musulmans. Et je ne parle pas des pays ensanglantés depuis plus de vingt ans par les attentats à répétition et le climat de guerre civile féroce que l'on doit imputer aux jihadistes fidèles à Al-Qaida et sa nébuleuse : l'Afghanistan, le Pakistan, l'Inde, l'Indonésie, là aussi des pays musulmans ou des pays où la population musulmane est très représentée...

    Par ailleurs, ce qui est gênant avec cette stigmatisation incessante des musulmans, c'est que cela contribue à un climat de haine propice à la discrimination, aux tensions sociales et aux différentes petites injustices. Or c'est exactement ce que veut le prétendu État Islamique : plus les populations musulmanes se sentiront malheureuses et mal intégrées dans les pays occidentaux, plus il sera facile facile de faire passer un message de haine et de faire basculer plus de jeunes paumés dans la radicalisation et l'extrémisme religieux.

mardi 22 mars 2016

Ce matin à Bruxelles



    Bruxelles a été frappée à plusieurs reprises par les déflagrations de la barbarie terroriste ce matin. Il est encore trop tôt pour tirer quelques conclusions, mais il semble probable que ce soit là une réponse à l'arrestation de Salah Abdeslam vendredi. La Belgique doit payer son tribut à la violence meurtrière aveugle, comme à Paris, à Istanbul, à Ankara, à Grand-Bassam en Côte-d'Ivoire, à Ouagadougou, à Tunis et dans d'autres endroits où la folie des hommes l'emporte sur la raison.

     Tout cela est terriblement triste. Il est temps, plus que temps de couper le mal à la racine. Or on sait que le centre névralgique de ce mal se trouve actuellement en Syrie et dans le nord de l'Irak. J'imagine que la réaction sera d'ordonner encore plus de bombardements dans ces régions complètement sinistrées par cinq ans de guerre civile. Mais il est temps aujourd'hui de de se poser la question d'une réaction efficace qui réglera durablement le problème, et pas d'ajouter du chaos au chaos déjà existant.

dimanche 20 mars 2016

La Belgique et le terrorisme



    Vendredi soir, la police belge a opéré à l'arrestation du terroriste présumé Salah Abdeslam dans la commune bruxelloise de Molenbeek. Salah Abdeslam est supposé avoir activement participé aux attentats de Paris qui ont décimé 130 personnes le soir du 13 novembre 2015. Les réactions du monde entier n'ont pas tardé. Partout dans le monde, les médias ont couvert l'événement. Les réactions sont aussi évidemment venues de France, pas toujours très amènes. Un député français, Alain Marsaud, membre du parti « Les Républicains », s'est lancé à la radio dans une diatribe contre les Belges et la Belgique. Selon lui, les attentats de Paris sont la faute unique des Belges. Les services de police et de renseignement belges sont nuls. Heureusement, les Français sont là pour récupérer le coup. Il se dit « écœuré par l’incapacité des Belges au cours des derniers mois, des dernières années à régler ce problème » dans une interview accordée à la radio française Europe 11.

     Il accuse les Belges de n'avoir rien fait contre le terrorisme et le jihadisme. Selon lui, les Belges « ont vu se développer ce nœud de vipères terroriste, dont ils connaissaient la dangerosité ». Il dénonce la « naïveté des Belges ». Plus grave, il fait porter la responsabilité des attentats à l’entièreté des Belges : « Les 130 morts que nous avons eu à Paris, nous les devons aux Belges, à l’équipe de Molenbeek ». Le député demande une réaction du gouvernement de la République Française contre ces salopards de Belges : « Moi j’attends que le gouvernement français demande des comptes. Qu’on demande aux Belges ‘pourquoi vous avez laissé faire tout ça ?’   ». On se souvient qu'Eric Zemmour avait publiquement demandé qu'on bombarde Molenbeek pour combattre soi-disant le terrorisme à sa racine.

   Je trouve ce genre de commentaires complètement consternants de bêtise. Procédons par ordre. On reproche de ne pas avoir été suffisamment vigilant concernant la préparation des attentats de Paris. Certes, mais c'est facile de faire ce genre de commentaires après coup.... Le député français explique que ce sont les « Belges » qui ont monté toute l'opération dans cette antre du diable qu'est Molenbeek. Peut-être, mais dans les terroristes du 13 novembre, il y avait aussi des Français : Ismaël Omar Mostefai, Samy Amimour, Fouad Mohammed-Aggar sont les trois tueurs du Bataclan, soit l'attaque qui a fait le plus de mort. Alain Marsaud est curieusement silencieux à leur égard.... Par ailleurs, les frères Abdeslam ne sont pas Belges, mais bien Français, même ils ont principalement vécu en Belgique, tout comme Bilal Hadfi. Les terroristes avaient une planque à Saint-Denis qui se situe, je le rappelle, en France dans la grande banlieue de Paris, logé par Jawad de nationalité française, qui est devenu depuis lors la risée du net....

      L'attentat au musée juif de Bruxelles a été commis par un ressortissant français, Medhi Nemmouche. Les Belges doivent-ils demander des comptes aux Français pour cet acte ignoble ? Les attentats contre Charlie Hebdo et contre l'Hyper-Casher ont été commis par des Français, les frères Kouachi et Coulibaly. Très curieusement, la police avait cessé de protéger les locaux de la rédaction alors que le journal était toujours menacé par les jihadistes. Mohammed Merah, enfin, était Français et agi aussi sur le sol français. Sous-entendre que les Belges sont les seuls à avoir des terroristes sur leur territoire est évidemment une farce ignoble... Peut-être que la police et les services de renseignement belges ont commis des erreurs. C'est tout à fait possible et ce ne serait pas la première fois. Mais j'ai bien peur que les services français soient logés à la même enseigne...

       En ce qui concerne le terreau sociologique des certains quartiers des villes belges, on ne peut pas nier avoir des problèmes. La politique d'urbanisme a parfois été accomplie en dépit du bon sens. Il est clair que Molenbeek a accueilli une énorme population marocaine et on n'a pas tout ce qu'il fallait pour que cette population puisse s'intégrer harmonieusement. De la même façon, Schaerbeek, autre commune de Bruxelles, est majoritairement peuplé par une population turque qui dialogue très peu avec la population belge. Ce n'était certainement pas la meilleure façon de régler le problème de l'intégration. Et Molenbeek est devenu un terreau propice pour le fondamentalisme musulman. Ceci étant dit, Molenbeek n'est pas l'enfer sur Terre que certains journalistes français ou américains veulent bien décrire avec leur complaisance habituelle. C'est un quartier pauvre et défavorisé, mais tout n'y est pas noir pour autant. C'est un quartier qui vit, qui bouge, qui évolue. Il y a une présence d'islamistes radicaux, de salafistes, et également quelques groupuscules jihadistes, c'est indéniable ; mais tout le monde n'est pas comme ça à Molenbeek... En fait, la grande majorité des gens à Molenbeek sont des personnes tout à fait respectables. Les journalistes français ou américains devraient fournir une vision plus nuancée de la réalité...

     Par ailleurs, est-ce que la France est au-delà de tout soupçon ? Franchement ! Quand on voit la violence des émeutes dans le 93... Quand on voit les fusillades à répétition dans les quartiers à Marseille... Quand on voit cette vidéo où l'actuel premier ministre de la République Française Manuel Valls se plaint qu'à Évry (dont il était maire à l'époque), il y a (je cite) « trop de blackos et pas assez de whites, de blancos »... On est en droit de se demander si, vraiment, la Belgique est pire que la France...

    Enfin, ce qui me gêne le plus, c'est cette façon pour certains politiciens et journalistes français de prendre un bouc émissaire facile (les Belges, la Belgique) pour mieux dissimuler ces propres fautes. La logique du bouc émissaire ne peut conduire qu'à plus de violence et faire empirer un problème suffisamment compliqué... Qu'on voit la façon dont les Turcs de prendre les Kurdes comme boucs émissaires de tous leurs problèmes.

       Il me semble que s'il y a des coupables, des fautifs, des responsables dans les attentats odieux de Paris, il faut aller les chercher du côté de Daesh, du front Al-Nosra et toutes les filières jihadistes qui répandent un message de haine et de barbarie au nom de l'islam. Voilà les coupables, voilà les ennemis. Que dans la lutte contre le terrorisme, des erreurs soient commises par tel ou tel service de police, c'est possible. On peut bien entendu apporter des critiques pour que ces erreurs ne soient pas reproduites. Mais il faut bien comprendre que les attentats qui ont eu lieu à Paris en janvier et en novembre 2015 ne demandent pas une logistique énorme : une dizaine d'hommes armés de fusils d'assaut, cela passe facilement sous les radars... La plupart des jihadistes ont un passé de criminel : il leur est donc assez facile de se procurer des armes sur le marché noir. Il est fort probable que d'autres attentats soient commis à l'avenir sur le sol belge ou français ou quelque part en Europe. Mais là encore, les coupables, les fautifs, ce sont les terroristes, pas les Belges, les Tchèques ou les Français.... Je pense qu'il est important de s'en souvenir et ne pas se tromper d'ennemis...



F. Leblanc, le 20 mars 2016




NB : Juste une petite remarque pour terminer qui s'adresse aux lecteurs français : Molenbeek se prononce avec un « é » long à la fin, Molenbééék, et pas Molenbèk comme le disent tous les journalistes français et les prétendus experts qui polluent les plateaux des chaînes de télévision française et qui ne sont pas fichus de prononcer correctement le nom des quartiers de Bruxelles dont ils se prétendent spécialistes. La commune de Forest où s'est caché Salah Abdeslam se prononce comme une forêt, et pas Foreste. Je sais que les noms flamands ne sont pas toujours faciles à prononcer, mais là, ce n'est pas très difficile, me semble-t-il.












1Voir l'article du Soir du 19 mars :




Molenbeek avec un ciel bleu




Molenbeek avec un ciel gris au-dessus du canal



Molenbeek, un jour de pluie
(il pleut souvent à Molenbeek comme partout en Belgique)



Non, tout n'est pas sinistre à Molenbeek !









vendredi 4 décembre 2015

On ne naît pas avec le désir de couper des têtes



     Il y a trois semaines ont eu lieu les attaques terroristes dans les rues de Paris. Les médias commencent à parler d'autres choses, l'attention médiatique devant toujours se porter sur d'autres sujets pour ne pas lasser les spectateurs en demande de nouveauté. Les nations européennes sont maintenant dans l'après-attentat où la question se porte sur la réaction adéquate face à ce terrorisme. Deux points majeurs sont au cœur des débats : que faire des migrants ? Que faire de Daesh ?

       En ce qui concerne les migrants, ceux-ci risquent de faire les frais des nouvelles politiques sécuritaires mises en place au lendemain des attentats. Manuel Valls a d'ailleurs signé la fermeture des frontières après plusieurs mois de débats houleux sur la question en déclarant : «  L’Europe doit dire qu’elle ne peut plus accueillir autant de migrants, ce n’est pas possible . Le contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne est essentiel pour le futur de l’UE. Si nous ne le faisons pas, alors les peuples vont dire  : ça suffit l’Europe !   ». En effet, il y aurait un des kamikazes qui serait un migrant qui serait passé par la Grèce (tout cela est à mettre au conditionnel) : une passeport a été retrouvé « miraculeusement » intact près du corps d'un des terroristes qui s'était fait explosé. On oublie qu'il est bien établi aujourd'hui que tous les autres terroristes étaient soit Français, soit Belges... Mais l'état d'urgence n'incite pas à avoir une réflexion nuancée sur le sujet... C'est tout profit pour l'extrême-droite européenne, et notamment le Front National français qui a le vent en poupe après les attentats.

      En ce qui concerne la réaction face à l’État Islamique, j'ai bien aimé une réflexion du moine bouddhiste Matthieu Ricard sur son blog : Sortir de l'enfer grâce à la compassion. Matthieu Ricard y explique notamment : « Dans le cas d’une organisation comme Daesh, il ne s’agit pas de tolérer leurs actions innommables. Nous devons tout faire pour y mettre fin. Dans le même temps, il faut se rendre compte que ces gens ne sont pas nés avec le désir de couper des têtes et de massacrer tous les habitants d’un village. Un ensemble de causes et de conditions les a conduits à ce terrible comportement. La compassion, dans ce cas, c’est le désir de remédier aux causes, comme un médecin souhaite mettre fin à une épidémie. Cela implique, parmi d’autres moyens, de remédier aux inégalités dans le monde, de permettre aux jeunes d’accéder à une meilleure éducation, d’améliorer le statut des femmes, etc., pour que disparaisse le terreau social dans lequel ces mouvements extrêmes prennent racine ».