Choix et liberté
Suite
à un de mes articles récents (« Antispécisme et humanisme »), il y a eu une longue et intéressante discussion
sur un cas moral sous forme d'expérience de pensée, que j'avais
énoncé dans l'article en question : si, marchant le long d'un
fleuve, vous voyez un homme et un chien, tous les deux en train de se
noyer, et que vous plongez pour en sauver un des deux et le ramener à
la berge, tandis que l'autre se noiera emporté par le courant,
lequel allez-vous secourir ? Il y a toutes sortes d'arguments
avancés de part et d'autre et de variantes de ce cas moral. Je ne
reviendrai pas sur le cas moral en lui-même ; les personnes
intéressées n'ont qu'à aller consulter la page de l'article. Je
rappellerai juste que c'est une expérience de pensée, c'est-à-dire
une situation qu'on ne risque pas de rencontrer dans la vie réelle.
Il s'agit d'extraire de ce cas des principes philosophiques qui vont
diriger des priorités dans l'action et les choix de société. Mais
il ne faut pas non plus surinterpréter ce cas moral : si j'ai
dit que je choisirai de sauver l'homme plutôt que le chien, il ne
faut pas en tirer la conclusion que les chiens et les animaux ne
méritent pas d'être aidés, et qu'on peut les exploiter sans
vergogne. Au contraire, mon raisonnement cherchait à montrer que,
même si on choisit l'homme plutôt que les animaux, on éprouver de
la compassion envers les animaux et vouloir que ceux-ci ne soient pas
chassés, maltraités, torturés ou abattus par la main de l'homme.
L'humanisme n'est pas fondamentalement en contradiction avec
l'antispécisme.
Dans
les commentaires de l'article, j'ai cité ce passage du « Plaidoyer
pour les Animaux » de Matthieu Ricard que j'ai envie de
citer à nouveau : « Ce
livre a pour but de mettre en évidence les raisons et l'impératif
moral d'étendre l'altruisme à tous les êtres sensibles, sans
limitation d'ordre quantitatif ni qualitatif. Nul doute qu'il y a
tant de souffrances parmi les êtres humains de par le monde que l'on
pourrait passer une vie entière à n'en soulager qu'une partie
infime. Toutefois, se préoccuper du sort de quelque 1,6 million
d'autres espèces qui peuplent la planète n'est ni irréaliste, ni
déplacé, car, la plupart du temps, il n'est pas nécessaire de
choisir entre le bien-être des humains et celui des animaux. Nous
vivons dans un monde essentiellement interdépendant, où le sort de
chaque être, quel qu'il soit, est intimement lié à celui des
autres. Il ne s'agit donc pas de ne s'occuper QUE des animaux, mais
de s'occuper AUSSI des animaux ».
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Enfin,
une internaute, Tara, a aussi questionné le bien-fondé du choix
dans la mesure où l'ego est une illusion qui se croit libre, mais en
fait complètement déterminé par des causes extérieures. À quoi
bon faire un choix, puisque nous sommes conditionnés à aller dans
tel ou tel sens ?