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lundi 25 septembre 2017

Choix et liberté




Choix et liberté




          Suite à un de mes articles récents (« Antispécisme et humanisme »), il y a eu une longue et intéressante discussion sur un cas moral sous forme d'expérience de pensée, que j'avais énoncé dans l'article en question : si, marchant le long d'un fleuve, vous voyez un homme et un chien, tous les deux en train de se noyer, et que vous plongez pour en sauver un des deux et le ramener à la berge, tandis que l'autre se noiera emporté par le courant, lequel allez-vous secourir ? Il y a toutes sortes d'arguments avancés de part et d'autre et de variantes de ce cas moral. Je ne reviendrai pas sur le cas moral en lui-même ; les personnes intéressées n'ont qu'à aller consulter la page de l'article. Je rappellerai juste que c'est une expérience de pensée, c'est-à-dire une situation qu'on ne risque pas de rencontrer dans la vie réelle. Il s'agit d'extraire de ce cas des principes philosophiques qui vont diriger des priorités dans l'action et les choix de société. Mais il ne faut pas non plus surinterpréter ce cas moral : si j'ai dit que je choisirai de sauver l'homme plutôt que le chien, il ne faut pas en tirer la conclusion que les chiens et les animaux ne méritent pas d'être aidés, et qu'on peut les exploiter sans vergogne. Au contraire, mon raisonnement cherchait à montrer que, même si on choisit l'homme plutôt que les animaux, on éprouver de la compassion envers les animaux et vouloir que ceux-ci ne soient pas chassés, maltraités, torturés ou abattus par la main de l'homme. L'humanisme n'est pas fondamentalement en contradiction avec l'antispécisme.


      Dans les commentaires de l'article, j'ai cité ce passage du « Plaidoyer pour les Animaux » de Matthieu Ricard que j'ai envie de citer à nouveau : « Ce livre a pour but de mettre en évidence les raisons et l'impératif moral d'étendre l'altruisme à tous les êtres sensibles, sans limitation d'ordre quantitatif ni qualitatif. Nul doute qu'il y a tant de souffrances parmi les êtres humains de par le monde que l'on pourrait passer une vie entière à n'en soulager qu'une partie infime. Toutefois, se préoccuper du sort de quelque 1,6 million d'autres espèces qui peuplent la planète n'est ni irréaliste, ni déplacé, car, la plupart du temps, il n'est pas nécessaire de choisir entre le bien-être des humains et celui des animaux. Nous vivons dans un monde essentiellement interdépendant, où le sort de chaque être, quel qu'il soit, est intimement lié à celui des autres. Il ne s'agit donc pas de ne s'occuper QUE des animaux, mais de s'occuper AUSSI des animaux ».






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         Enfin, une internaute, Tara, a aussi questionné le bien-fondé du choix dans la mesure où l'ego est une illusion qui se croit libre, mais en fait complètement déterminé par des causes extérieures. À quoi bon faire un choix, puisque nous sommes conditionnés à aller dans tel ou tel sens ?

jeudi 29 décembre 2016

Sérénité et colère













     « Je médite, j'allume des bougies, je bois du thé vert, et pourtant j'ai toujours envie de taper les gens ». Voilà une boutade bien intéressante pour tous ceux qui ont le désir de purifier leur vie : purifier leur esprit avec la méditation, purifier leur foi par la prière et purifier le corps avec une alimentation. L'image d’Épinal qu'on associe avec ce genre de vie est celle d'un ascète plein de sagesse et de sérénité, que rien ne viendrait troubler et qui resterait impassible devant les pires insultes, voire les agressions physiques. Le mot « Zen » en japonais désigne la méditation ; mais il est passé dans la langue française comme un synonyme de calme et de contrôle de soi. Ne dit-on pas « rester zen » ? Ce qui, a priori, ne veut rien dire... Rester zen, c'est littéralement « rester méditation ». Cela n'a pas beaucoup de sens, sauf si on se réfère à l'image d'un maître spirituel qui se doit de baigner dans la sérénité et la paix de l'esprit. En ce sens, rester zen, c'est rester conforme à l'image qu'on attend d'un maître zen, c'est-à-dire être calme et maîtrisé en toutes circonstances.

      Mais voilà, il est tout de suite temps de dissiper une illusion : ce n'est pas parce qu'on pratique la méditation qu'on va devenir d'une sérénité à toute épreuve. Quelqu'un qui pratique la méditation reste un être humain traversé d'émotions et d'un ressenti particulier de la vie. Il peut donc arriver que, même après une séance de méditation et un bon thé chaud, on éprouve quand même l'envie de taper les gens parce qu'ils nous énervent de trop. Nous sommes des humains, et pas des surhommes, toujours parfaits, toujours complètement maîtres d'eux.

mercredi 16 mars 2016

Détachement et amour



La Mystique du Détachement et de l’Amour chez Maître Eckhart.

   Maître Eckhart accorde dans son œuvre une place prépondérante à la vertu du détachement (abegescheidenheit). Ce détachement s’articule comme une pièce maîtresse de sa pensée, et qui ouvre à cette relation mystique avec un Dieu dépouillé de tous les déguisements ou travestissements conceptuels grâce à la méthode apophatique, un « Dieu au-delà de Dieu ». Cette approche audacieuse de Dieu a suscité quelques remous, c’est le moins que l’on puisse dire, dans ce début de XIV siècle déjà en pleine effervescence religieuse et mystique dans un contexte historique et politique troublé par les guerres et l’affrontement entre le pape et l’Empereur d’Allemagne. Les sermons de maître Eckhart en allemand allaient ainsi connaître un engouement intense au sein de mouvements comme celui des béguines et des bégards et marquer ce qu’on appelé par la suite la « mystique rhénane ». Cette liberté d’esprit octroyée au bon peuple a fait frémir les autorités ecclésiastiques qui ont finir par réagir en lançant une procédure d’Inquisition contre le Maître de Théologie allemand, cas unique dans l’Histoire du catholicisme médiéval où un professeur d’université s’est vu traîné dans un procès en hérésie et finalement condamné alors qu’il était déjà décédé depuis un an, en 1329 dans la ville d’Avignon.

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    Aux yeux de maître Eckhart, la plus haute des vertus chrétiennes est sans conteste le détachement. Dans un sermon en allemand qui a justement pour nom « Du détachement1 », notre théologien place explicitement le détachement au-dessus de l’amour, de l’humilité et de la miséricorde : « Et lorsque j’approfondis tous les écrits autant que mon intellect peut en venir à bout et en connaître, je ne trouve rien d’autre que le limpide détachement qui tout surpasse, car toutes les vertus ont quelque regard sur les créatures alors que le détachement est dépris de toutes les créatures2 ». Se préoccuper charitablement des créatures est un bien évidemment, mais à ce niveau, on reste dans la multiplicité, et donc dans un certain dispersement de l’âme. Le problème de ce dispersement est qu’il n’empêche de s’imprégner de la seule unicité, unicité qui n’est autre bien sûr que Dieu. C’est pourquoi maître Eckhart cite les paroles de Jésus à Marthe : « Unum est necessarium », ce qui veut dire selon Eckhart : « Marthe, celui qui veut être sans trouble et limpide, celui-là doit avoir une chose – le détachement3 ».

dimanche 13 septembre 2015

En compagnie du souffle - 6ème partie



Commentaire au Soûtra de l'Attention au Va-et-vient de la Respiration (Ānāpānasati Sutta)



4ème groupe : l'attention aux objet de l'esprit dans les objets de l'esprit


« 13. ‘J’inspire et j’observe la nature impermanente de tous les phénomènes. J’expire et j’observe la nature impermanente de tous les phénomènes’. Ainsi pratique-t-il.

14. ‘J’inspire et j’observe l’extinction. J’expire et j’observe l’extinction’. Ainsi pratique-t-il.

15. ‘J’inspire et je contemple la cessation. J’expire et je contemple la cessation’. Ainsi pratique-t-il.

16. ‘J’inspire et je contemple le lâcher-prise. J’expire et je contemple le lâcher-prise’. Ainsi pratique-t-il ».



La quatrième et dernière série de techniques des quatre établissement de l'attention exposée dans la Soûtra de l'Attention au Va-et-Vient de la Respiration. Il s'agit ici de prêter attention aux dharmas ; et l'on traduira ici ce terme sanskrit par « objet de l'esprit » ou par « phénomène » ; mais il faut bien se rendre compte que le mot « dharma » est particulièrement polysémique. Il peut désigner la Voie et l'Enseignement du Bouddha, sa doctrine autant que sa mise en pratique. Dans le contexte de l'hindouisme, « dharma » désigne l'ordre cosmique du monde dans le quel il faut s'intégrer pour réaliser la réalité absolue en respectant les prescriptions sociales, rituelles, religieuses et s'adonnant aux différents yogas. Le dharma au sens hindouiste du terme justifie ainsi le système des castes ; alors que dans le bouddhisme, la position sociale s'explique par le karma, les actes des vies passées, mais cette position dans la société peut tout à fait évoluer. De manière plus générale, le mot « dharma » peut désigner n'importe quelle doctrine ou une façon particulière de penser. Par extension, « dharma » désigne aussi tout objet dont on peut prendre conscience. On pourrait aussi traduire ce terme par « phénomène » si l'on revient au sens étymologique du terme : phénomène vient du grec « phainomenon », ce qui apparaît (sous entendu : dans le champ de la conscience ».




Après avoir examiné le corps, les sensations, l'esprit, le Bouddha nous demande d'être attentif à tous les objets qui se présentent à l'esprit, qu'ils soient matériels ou mentaux. Les objets de l'esprit sont tout ce par quoi nous nous relions au monde et aux autres. Or notre problème existentiel est précisément l'attachement à ces objets de l'esprit : nous nous attachons à certains choses ou êtres et nous éprouvons de la répulsion pour d'autres. Or plus nous créons d'attachement, plus nous voilà enchaînés à ce monde. Et plus nous sommes enchaînés à ce monde, plus nous sommes contraints de connaître les souffrances de ce monde, les souffrances existentielles comme la faim, la soif, la chaleur, le froid, la maladie, la vieillesse, la mort, la perte des êtres chers, mais aussi les souffrances psychologiques comme la peur, le désespoir, le désarroi ainsi que les souffrances qui naissent des situations conflictuelles dans lesquelles nous sommes jetés inexorablement.