Nous
allons sans doute humilier ici l'orgueil de l'homme, en le rabaissant
au rang de toutes les autres productions de la nature, mais le
philosophe ne caresse point les petites vanités humaines ;
toujours ardent à poursuivre la vérité, il la démêle sous les
sots préjugés de l'amour-propre, l'atteint, la développe et la
montre hardiment à la terre étonnée.
Qu'est-ce
que l'homme, et quelle différence y a-t-il entre lui et les autres
plantes, entre lui et tous les animaux de la nature ? Aucune
assurément (...) Si les rapprochements sont tellement exacts qu'il
devienne absolument impossible à l’œil examinateur du philosophe
d'apercevoir aucune dissemblance, il y aura donc alors tout autant de
mal à tuer un animal qu'un homme, ou tout aussi peu à l'un qu'à
l'autre, et dans les préjugés de notre orgueil se trouvera
seulement la distance, mais rien n'est malheureusement absurde comme
les préjugés de l'orgueil ; pressons néanmoins la question.
Vous ne pouvez disconvenir qu'il ne soit égal de détruire un homme
ou une bête ; mais la destruction de tout animal qui a vie,
n'est-elle pas décidément un mal, comme le croyaient les
pythagoriciens, et comme le croient encore quelques habitants du
Gange ?
Donation
Alphonse François, marquis de Sade, La philosophie dans le
boudoir, V, 1795, cité dans : Jean-Baptiste Jeangène
Vilmer, Anthologie d'éthique animale (Apologie des bêtes),
PUF, Paris, 2011, p. 116.