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mardi 5 mai 2020

Une certaine obsolescence des relations humaines




« Le coronavirus, au contraire, devrait avoir pour principal résultat d'accélérer certaines mutations en cours depuis pas mal d'années. L'ensemble des évolutions technologiques, qu'elles soient mineures – les vidéos à la demande, le paiement sans contact – ou majeures – le télétravail, les achats par internet, les réseaux sociaux – ont eu pour principale conséquence, pour principal objectif, de diminuer les contacts matériels et surtout humains. L'épidémie de coronavirus offre une magnifique raison d'être à cette tendance lourde, une certaine obsolescence qui semblent frapper les relations humaines ».


Michel Houellebecq dans une tribune intitulée dans « En un peu pire. Réponse à quelques amis » (lue sur France Inter, le 4 mai 2020).







Peter Stewart - Yellow Passages (Hong-Kong, Kennedy Town)







Je ne suis pas un fan de Michel Houellebecq, je n'ai lu aucun de ses romans. Je sais que c'est un écrivain encensé et adulé, mais j'avoue que ses livres ne m'ont jamais attiré. À tort peut-être. Il est souvent décrit comme l'écrivain majeur de notre temps. Je ne sais donc pas si ses livres manquent à ma culture, ou si je fais bien de m'en passer. Toujours est-il que je suis tombé sur cette lettre de Houellebecq lue à France Inter où il tempère quelque peu l'enthousiasme de ses collègues écrivains. Non, il n'y aura pas un monde « d'après » le coronavirus, juste le même monde un peu en pire.


Ce qui m'intéresse le plus dans cette lettre, c'est justement le passage que j'ai cité plus haut. Cette idée que le monde dérive toujours un peu plus vers la distanciation sociale me parle. Et cela a commencé bien avant le coronavirus. Les réseaux sociaux ont remplacé la vie sociale, les centres historiques se désertent de ses habitants au profit des grands centres commerciaux, quand ce n'est pas au profit désormais d'Amazon et de ses livraisons impersonnelles que bientôt une armée de drones accomplira. Ces drones auront aussi bientôt remplacé nos oiseaux dans le ciel. Plus question aujourd'hui de rencontrer une charmante personne dans une fête ou un bistrot, les applications de rencontre sont là en façade pour assouvir nos désirs de la proximité momentanée d'un autre corps, mais surtout pour garder nos distances la majeure partie du temps.


Au début de la crise du coronavirus, on ne parlait pas encore de distanciation sociale. On n'employait que l'expression anglaise « social distancing ». Ce terme m'a beaucoup dérangé, pas parce qu'il me dérangeait de faire barrière au virus, mais parce qu'il sonnait trop comme un mot d'ordre de la Start-Up Nation. Un mot d'ordre qui s'insérait trop bien dans une mentalité pré-existante d'atomisations des individus, qui n'attendait qu'une crise pour faire son chemin dans les cerveaux et s'imposer un peu plus dans les attitudes et les mentalités.


Vers où ira le monde ? Je ne peux pas le dire. Vers quelque chose d'un peu pire ? Ou de beaucoup pire ? Vers moins de chaleur humaine, certainement. Et c'est à cela qu'il faut résister. Et mettre toute notre joie et notre humanité dans la bataille. Le côté dépressif de Houellebecq qui contemple désabusé un monde décadent n'est franchement pas ma tasse de thé. Il faut résister à cette marche du monde qui voudrait faire de nous des machines et nous mettre comme dans des petites cases. Il faut plus de bienveillance, plus de camaraderie, plus de solidarité et plus d'amitié. Un apéro-skype n'est pas un apéro. Un fil d'actualité n'est pas une fête. J'aime la solitude, mais j'apprécie aussi la compagnie. Faites en sorte que votre compagnie soit agréable. Faites-en sorte que le monde soit un peu meilleur chaque jour. On ne peut pas se penser séparément du monde sans aller vers la catastrophe. Pensons alors à être solidaire et fraternel, pas « après », mais maintenant et à tout moment de notre vie.



Frédéric Leblanc, 
le 5 mai 2020.






samedi 29 décembre 2018

Mon ombre solitaire




Depuis toujours je suis resté à méditer
Sur la Montagne Froide
Et ainsi s'écoulèrent une trentaine d'années.
Hier des amis chers vinrent me visiter,
Plus de la moitié sont aux Sources Jaunes.
Peu à peu tout s'efface et la bougie s'éteint.
La rivière suit son cours et disparaît au loin.
Ce matin je regarde mon ombre solitaire
Et malgré moi deux larmes descendent
sur mes joues.

Hanshan (寒山, VIIème - VIIIème siècle)


jeudi 4 août 2016

Visite à un moine sans le rencontrer




Composé lors d'une visite à un moine de la montagne sans le rencontrer


le sentier pavé de pierres pénètre dans un val de cinabres
le portail en branchages de pin est bloqué par de la mousse verte
sur le perron désert, des traces d'oiseaux
dans la salle de méditation, personne pour ouvrir
je regarde par la fenêtre, une brosse blanche,
couverte de poussière, est accrochée au mur
vaine visite, je soupire
sur le point de repartir, je musarde un moment
des nuages parfumés s'élèvent de la montagne
une pluie de pétales de fleurs tombe du ciel
joyeuse est la musique céleste
plus encore, les cris plaintifs des gibbons
allègre, dégagé des affaires du monde,
ici, je me sens à l'aise


Li Bo (Chine, 701-762)1.








      Voilà un poème très intéressant d'un des plus grands poètes de la Chine ancienne, Li Bo2. Li Bo, à cette époque, voyageait par monts et par vaux pour rencontrer des maîtres Chán ainsi que des maîtres taoïstes. Il n'hésitait pas à faire la route jusque dans leur ermitage de montagne. Dans ce poème, c'est ce que fait Li Bo. Il va pour rencontrer un maître de sagesse et écouter leurs paroles spirituelles. Mais ce pèlerinage est vain puisque le maître en question est absent de son ermitage. « Vaine visite, je soupire ». Pourtant, cette absence n'est pas rien ; il reste une subtile présence en ce lieu, une ouverture à la méditation et à la contemplation, une invitation au lâcher-prise et à la joie de l'instant présent. Il arrive qu'un sage brille par son absence.








1 Li Po, « L'immortel banni sur terre buvant seul sous la lune », traduction de Cheng Wingfun et Hervé Collet, Albin Michel, Paris, 2010, pp. 40-41.

2 Li Po en transcription Wades et EFEO. 












Voir aussi  ces poèmes : 


Dôgen Zenji


Sanshô Doei : - la voix des gouttes de pluie

                          - Adoration

                          - Trésor de l'Œil du Véritable Dharma

                           Quand nous n'avons lieu où demeurer









Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour du Chan et du Zen ici: 

Voir tous les articles et les essais autour de la philosophie bouddhique  du "Reflet de la Lune" ici.


Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.






dimanche 18 octobre 2015

Épicure, amitié et sagesse

  De tous les biens que peut procurer la sagesse, le plus précieux est l'amitié.

Épicure, Maximes Capitales, XXVI.


Matthieu Ricard



   Pour Épicure, la sagesse nous rend plus tolérants, plus agréables et plus justes envers les autres. C'est pourquoi la sagesse facilite et permet une véritable amitié avec les gens qui nous entourent. Il ne s'agit pas d'une amitié qui s'effondre à la moindre discorde, à la moindre crise de jalousie ou qui cède sous le poids des mondanités ou des ambitions personnelles. Les relations humaines sont fondamentales aux yeux d'Épicure, car ce sont dans ces relations que l'on peut trouver l'entraide, la solidarité, le partage, mais aussi la joie, les plaisirs, le bien-être, la dimension festive de l'existence. Certes, les relations humaines sont souvent frappées du sceau de la déception, des tromperies, des querelles. Mais justement la sagesse est là pour favoriser notre empathie à l'égard des autres, la compréhension. Elle crée cette véritable amitié qui accroît et célèbre la jouissance d'exister.

lundi 6 avril 2015

Les sons de la vallée, la forme des montagnes

Su Dongpo,
par Zuigan Ryûsei, XVe s.
Les sons de la vallée naissent de la voix énorme du Bouddha
Les formes des montagnes n'est autre que son corps pur.
Les quatre-vingt-quatre mille stances entendus au cours de la nuit,
Comment, le jour venu, les transmettre aux hommes ?

Su Dongpo 蘇東坡












dimanche 25 janvier 2015

La parabole des hérissons



        Par une froide journée d'hiver, un troupeau de hérissons s'était mis en groupe serré pour se protéger contre le froid et la gelée grâce à la chaleur de leur propre corps.

      Mais tout aussitôt ils ressentirent des douleurs à cause de leurs piquants, ce qui les fit s'éloigner les uns des autres. Mais là, ils se retrouvèrent seuls à souffrir du froid.

      Quand le besoin de se chauffer les eut rapprochés de nouveau, le même inconvénient se renouvela, de façon qu'ils étaient ballotés de ça de là entre deux souffrances, jusqu'à ce qu'ils eussent fini par trouver une distance moyenne qui leur rendît la situation supportable.

        Ainsi, le besoin de société pousse les hommes les uns vers les autres ; mais leur nature méchante et leurs insupportables défauts les dispersent de nouveau. La distance moyenne qu'ils finissent par découvrir et à laquelle la vie en commun devient possible, c'est la politesse et les bonnes manières[1].






vendredi 9 janvier 2015

Au pied de la montagne émeraude

j'habite au pied du mont Kugami
la porte ouvre sur la montagne d'émeraude
si la solitude ne te rebute pas,
viens donc frapper à ma porte au milieu de la forêt

Ryôkan