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lundi 27 avril 2020

Distinguer les quatre qualités





La semaine passée, j'ai parlé des quatre qualités incommensurables dans le bouddhisme : l'amour bienveillant, la compassion, la joie et l'équanimité. Un internaute m'a fait cette objection : « Compassion, joie, équanimité sont toutes contenues dans l'Amour. L'Amour au sens d'Agapé inclut absolument tout ». On peut défendre cette idée, pourquoi pas. L'amour bienveillant, illimité, inconditionné engloberait les autres qualités dans quelque chose de transcendant qu'on appellerait Amour, Agapé pour reprendre le mot grec qui désigne l'amour de charité ou Maitri. On pourrait appeler cela la « Grande Compassion », Maha Karuna, comme on le fait dans le bouddhisme du Grand Véhicule, la volonté de ne pas quitter sans monde de souffrance tant que tous les êtres n'auront pas connu l'extinction totale et définitive de la souffrance.


Pour moi, l'amour et la compassion sont les deux faces d'une même pièce. L'amour est le souhait d'ardent que tous les êtres sensibles soient heureux et connaissent les causes du bonheur. La compassion est le souhait ardent que tous les êtres soient sensibles soient libérés de la souffrance et des causes de la souffrance. La joie est le fait que cette pièce soit fait d'or et qu'on puisse acheter beaucoup de belles choses pour le bonheur du monde. L'équanimité est le fait que cette pièce d'or n'appartient à personne et enrichit le monde sans distinction et sans condition, au contraire de l'argent de ce monde qui suscite tous les égoïsmes, toutes les avidités.



Il serait peu pertinent de traiter ces quatre qualités, amour, compassion, joie et équanimité comme des entités distinctes et complètement séparées. Ces quatre qualités ont bien sûr un lien profond. Néanmoins, il me semble nécessaire de les distinguer d'un point de vue psychologique. Si on ne parlait que de l'amour ou que de la compassion, on pourrait tomber dans certains travers, confondre l'amour avec une illusion d'amour et confondre la compassion avec une illusion de compassion.


Pour prendre l'exemple de l'amour :
  • L'amour sans l'équanimité peut conduire à la partialité et à l'attachement : on confondrait l'amour impartial et inconditionnel avec l'amour passionnel ou l'amour pour sa famille qui se concentrent sur une ou quelque personnes, là où l'amour inconditionnel s'étend à l'ensemble de l'humanité, voire même à l'ensemble des êtres doués de conscience et de sensibilité dans le bouddhisme.

  • L'amour sans la compassion peut conduire à une béatitude indifférente aux misères du monde : on ne voit plus que le bonheur des êtres sans voir la face sombre de l'existence et sans être solidaire de ceux qui sont dans le tourment.

  • l'amour sans la joie est trop statique et sans communion. La joie se réjouit des potentialités de chacun pour s'améliorer et améliorer le monde. La joie donne l'enthousiasme de changer les choses et de faire tous les efforts qui vont contribuer à cela.


Cela vaut aussi pour la compassion. On ne peut pas la penser indépendamment des autres qualités qui la complètent :


  • La compassion sans l'amour conduirait à ce que les psychologues appellent la détresse empathique : on ne verrait plus que le côté négatif de l'existence et on serait englouti dans le malheur des autres.

  • La compassion sans la joie serait une sorte de marasme et de complaisance dans la fatalité : l'impression ou la conviction que les êtres ne sortiront jamais du marécage de l'existence où l'on s'enfonce inexorablement, comme ces films noirs qui n'entrevoient aucune issue, aucun happy end à leurs (anti)héros.

  • La compassion sans l'équanimité nous ferait tomber dans la partialité : estimer qu'une catégorie de personnes mériteraient d'être aidées et pas les autres. La compassion sans l'équanimité conduirait aussi à ne pas relativiser les choses, à voir tout comme une catastrophe indépassable.



La joie a aussi besoin des autres qualités sur lesquelles elle peut s'appuyer et pour faire sens :


  • La joie sans l'amour viserait de mauvais buts : elle ne contribuerait pas au bonheur de tous. Comme des fêtards qui ne pensent qu'à la fête du soir sans soucier du lendemain et sans se soucier des voisins de l'étage en-dessous qui essaient de dormir.

  • La joie sans la compassion serait une sorte d'euphorie sans aucun réalisme. Ce serait une fuite des problèmes : comme le fêtard qui fait la fête pour oublier tous les problèmes qui s'accumulent et auxquels il n' a pas la force de faire face.

  • La joie sans l'équanimité serait comme un coureur qui démarrerait sa course avec un sprint alors qu'il a un marathon à courir. La joie a besoin de la paix de l'équanimité pour ne pas s'épuiser tout de suite.


Enfin, l'équanimité a également besoin de s'appuyer sur les autres qualités pour être cohérentes :


  • L'équanimité sans l'amour manquerait considérablement de chaleur humaine et de luminosité.

  • L'équanimité sans la compassion dériverait en une complète indifférence aux sorts des autres. Tout serait égal, bonheur et souffrance. Et on ne se soucierait pas des problèmes et des tragédies des autres.

  • L'équanimité sans la joie conduirait à une forme d'inertie où peu importerait la libération, l'effort vers le bonheur et le bien-être puisque tout serait égal, indifférent.




Frédéric Leblanc, 
le 27 avril 2020.






dimanche 19 avril 2020

Paradoxes de l'amour impartial





Dans son livre consacré à l'amour 1, le philosophe analytique français Ruwen Ogien (1947 – 2017), il y a un chapitre sur la question de savoir si l'amour est moral, s'il est est « par-delà le bien et le mal », évocation du livre de Nietzsche et de son aphorisme : « Tout ce qui se fait par amour se fait par-delà le bien et le mal ». Je ne m'étendrai pas sur la partie du chapitre où il traite de l'amour au sens sentimental et romantique du terme ou de l'amour filial. Pour faire bref, Ruwen Ogien constate les apories de l'amour sur un plan moral : soit l'amour est partial, soit l'amour est impartial. Si l'amour est partial, il n'est pas moral puisqu'il favorise les personnes aimées en-dehors de tout principe moral d'équité et de justice. Et si l'amour est impartial, on arrive à des choses manifestement très étrange : que penser de cet amoureux transi qui voit sa compagne, sa dulcinées se noyer dans un fleuve en compagnie d'une femme quelconque qui lui est totalement inconnue, et qui déciderait de tirer à pile ou face pour savoir qui il va sauver afin d'être impartial et de ne pas favoriser indûment son amoureuse adorée ?



Je reviendrai prochainement sur cette question plus tard ainsi que sur le livre « Philosopher ou faire l'amour » tout entier une prochaine fois. Ce qui m'intéresse ici, c'est ce qu'il dit de l'amour universel ou amour de bienveillance. Pour Ruwen Ogien, c'est le seul type d'amour qui puisse revendiquer de manière pertinente l'idéal d'impartialité. Mais cela ne va pas sans poser de problème non plus !


« C’est le sens de l’amour de charité, l’amour de bienveillance, celui qui est censé pouvoir être distribué équitablement à tous les humains. Mais cette conception impartialiste de l’amour (l’amour de charité ou de bienveillance) pose des problèmes conceptuels qui semblent insurmontables. Dans la mesure où l’amour est une valeur, il présente des degrés comme toute valeur. On peut être plus ou moins libre, plus ou moins heureux, etc. On peut aimer une personne un peu, beaucoup, passionnément, à la folie.


On peut donc aimer une personne plus qu’une autre puisqu’on peut aimer l’une juste un peu et l’autre énormément. C’est ce qu’on pourrait appeler le « gradualisme amoureux ». Il conduit à toutes sortes de paradoxes : « Ce gradualisme de l’amour, qui est déjà déconcertant en tant que tel, déconstruit aussi l’idée ou l’impératif d’aimer tout le monde équitablement : car ce serait aimer tout le monde à quel degré ? “À la folie” serait absurde et même inconvenant. “Un tout petit peu” léger et ridicule ! Et on imagine des problèmes moraux bizarres : mieux vaudrait-il aimer un tout petit peu tout le monde et personne à la folie, ou être indifférent à tout le monde et n’aimer qu’une personne à la folie ? 2 »

mercredi 26 décembre 2018

Aimer et être aimé





Voici un principe simple : on n'aime jamais assez, et on n'est jamais assez aimé. Comme on ne peut pas faire grand-chose par rapport fait d'être aimé, qui ne dépend pas de nous (certes, on peut essayer de plaire à tout prix et de se rendre aimable quoiqu'il en coûte, mais cela reste toujours incertain, source de tensions et limité à un certain nombre de personnes), il faut porter ses efforts sur le fait d'aimer les gens autour de soi, apporter encore et encore de l'amour et de la bienveillance dans ce monde. Cela vaut pour l'amour spirituel qui s'étend à toute l'humanité ainsi qu'à tous les êtres sensibles dans toutes les directions du monde, mais cela vaut également pour les relations amoureuses, la famille, les amis et les gens avec qui on peut partager une cause.


Partant de ce principe, la question devient : « Comment est-ce que je peux aimer plus ? » Plutôt que de chercher à tout prix à se rendre aimable ou estimable auprès des autres pour qu'éventuellement il nous aime un peu, beaucoup, à la folie, voire pas du tout, il faut chercher à voir comment on peut grandir en amour. Cela suppose de transformer un grand nombre de choses dans notre vision du monde et de la vie : ne pas attendre que les autres nous aiment ou nous apprécient pour les aimer à notre tour. Et c'est un travail toujours à recommencer parce qu'on espère toujours, on attend toujours quelque chose en retour. Encore et encore, avoir le courage d'aimer et se détacher des rancœurs, des ressentiments et des conflits. Revenir à la bienveillance fondamentale.

































Voir aussi à propos de l'amour : 




Les différentes formes de l'amour (l'amour qui prend, l'amour qui donne et l'amour universel, inconditionnel qui s'étend à tous les êtres ). Et comment concilier ces différentes formes avec sagesse.















Sur la méditation  de l'amour bienveillant et des Quatre Qualités Incommensurables :


Les Quatre Demeures de Brahmā : amour illimité, compassion illimitée, joie illimité et équanimité illimitée



- Faire rayonner les quatre qualités


Méditation des Quatre Incommensurables




Esprit d’Éveil


     Comment produire l'esprit d’Éveil ou bodhicittaL'esprit d’Éveil est le souhait que tous les êtres soient libérés de la souffrance et deviennent des êtres pleinement éveillés. Les enseignements du lama tibétain Dza Patrül Rimpotché (XIXème siècle). 




Empathie et altruisme

   Développer l'empathie et l'altruisme selon la philosophie bouddhiste











Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la philosophie bouddhique ici.



Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.
















Keith Haring. — Sans titre, 1985






dimanche 24 décembre 2017

Joyeux Noël




Bonsoir,


     Je voudrais souhaiter à tout le monde un joyeux Noël et de très bonnes fêtes. Plein de joie et de bonheur, si possible sans foie gras et sans cruauté à l'égard des animaux. Amusez-vous, riez, partagez, soyez heureux.


     Il est vrai que les fêtes ne sont pas toujours un moment de bonheur pour beaucoup de gens qui sont seuls ou qui se sentent abandonnés. Armistead Maupin disait d'ailleurs à ce sujet : « Noël est une conspiration pour bien faire sentir aux célibataires qu'ils sont seuls ». À tous ceux-là, à tous ceux qui ont le cafard en cette veille de Noël, à tous ceux qui voient les choses en noir, à tous ceux qui sont malades ou blessés, à tous ceux qui passent les fêtes de Noël sur un lit d'hôpital, à tous ceux qui sont dans la rue, à tous qui ont froid, à tous ceux qui ont faim, à tous ceux qui ont un peur dans un camp de réfugié ou dans une ville en état de guerre, à tous ceux-là, j'ai une pensée de compassion. Puissiez-vous être libérés de toute souffrance, de toute peur, de tout inconfort ! Puissiez-vous voir la lumière dans la nuit obscure, puissiez-vous retrouver le réconfort ! Que ce monde ait un plus de chaleur humaine et de fraternité à offrir !


     Une pensée émue aussi pour tous ceux qui doivent endurer leur belle-mère insupportable lors de ce réveillon de Noël ou les discours du vieil oncle raciste. Une pensée pour tous ceux qui voudraient être ailleurs, ceux pour qui l'ambiance est un peu lourde, ceux qui en ont marre des fêtes, ceux qui s'ennuient, ceux qui font attention à leur ligne et qui voient les calories défiler à l'apéro, à l'entrée, aux plats de résistances, au dessert, à ceux qui sont saouls et qui auront demain une gueule de bois, à ceux qui sont saouls et qui feraient mieux de ne pas reprendre le volant ! Que ce moment de fête soit vraiment un moment de fête, et s'il ne l'est vraiment pas, rappelez-vous ce que le Bouddha a dit à propos de l'impermanence !


      Enfin, je me rappelle qu'on m'a souvent dit que le jour de Noël et le jour de l'an étaient les jours des hypocrites, parce que tout le monde souhaite « Joyeux Noël ! Bonne année ! » à des gens qu'ils n'apprécient pas nécessairement, avec qui ils sont en froid ou qu'ils détestent même cordialement. Je ne suis pas d'accord. Il y a quelque chose d'essentiel de souhaiter de bonnes choses, même aux gens que l'on n'aime pas nécessairement. Dans la philosophie bouddhique, on parle de l'esprit d’Éveil, bodhicitta en sanskrit. Cet esprit d’Éveil s'étend à tout le monde, y compris à nos pires ennemis ou aux gens qui nous semblent méprisables. Il y a un moment où il faut pouvoir dépasser ses haines et ses aversions. Souhaiter le bien même aux gens avec qui on est en conflit, ce n'est pas de l'hypocrisie, c'est planter des graines pour la paix future, pour l'entente et la concorde à venir. Et il faut s'exercer à cet esprit d’Éveil le plus souvent possible. Que tous les êtres soient heureux et qu'ils soient libérés de toute souffrance !


     Comme le Bouddha le dit dans le Soûtra de l'Amour (Metta Sutta) :

« Que tous les êtres soient heureux.
Qu’ils soient en joie et en sûreté.
Tout être vivant, faible ou forte, élevé
Moyen ou bas, petit ou grand, visible ou invisible,
Près ou loin, né ou à naître,
Que tous ces êtres soient heureux.


Que nul ne déçoive un autre ni ne méprise aucun être
Si peu que ce soit.
Que nul, par colère ou par haine, ne souhaite du mal à un autre.


Ainsi qu’une mère au péril de sa vie,
surveille et protège son unique enfant,
Ainsi, avec un esprit sans entrave
doit-on chérir toute chose vivante,
aimer le monde en son entier,
Au dessus, au dessous, et tout autour, sans limitation
Avec une bonté bienveillante et infinie. »




mercredi 6 septembre 2017

Arachnophobie








      C'est la saison : les araignées reviennent en force dans les recoins de notre maison : des petites, des toutes petites, mais aussi des plus grosses. Ces bestioles ont l'art de provoquer chez nous des peurs irrationnelles, surtout dans les pays du nord de l'Europe – comme la Belgique où j'habite – où on ne risque pas de croiser des araignées venimeuses comme les mygales ou les tarentules. Mais rien n'y fait : de très nombreuses personnes ont une phobie très marquée des araignées, surtout si elles sont grosses et velues. Ce petit article se propose de donner quelques conseils pour dépasser ces peurs et cette arachnophobie ambiante.












       Il y deux pôles dans ce problème : le sujet, c'est-à-dire nous qui ne pouvons nous empêcher de tressaillir de dégoût face à ces petites bêtes, et l'objet, l'araignée elle-même. La raison ne fait pas grand-chose à l'affaire : on peut essayer de se rassurer, de se raisonner en se disant : « mais non, ici, elles ne sont pas dangereuses », cela n'enlève pas la peur. Par contre, essayer de se documenter sur elles, de s'informer, de faire des araignées un objet de connaissance renforcera le pouvoir de la raison sur nos réactions émotionnelles. Une nuit, j'ai été appelé en urgence par une amie traquée chez elle par une araignée à croix blanche. Elle était persuadée que c'était une araignée extrêmement venimeuse et maléfique. J'avais beau lui dire qu'aucune araignée n'était venimeuse en Belgique, cela ne la calmait pas. Je suis donc arrivé, j'ai capturé la dite araignée avec un bocal et un carton, et je l'ai relâchée à une centaine de mètres de distance de la maison. Puis j'ai simplement googlisé le nom « araignée à croix blanche ». La plupart des sites expliquaient clairement que ce type d'araignée n'était en rien venimeuse pour l'homme. La dangerosité supposée de ces araignées n'était qu'une rumeur. Ce qui a eu pour effet de soulager grandement mon amie. Le fait de se renseigner contribue à amoindrir la charge émotionnelle.


       Ensuite, je conseillerai de développer la bienveillance et la compassion envers les araignées. Comme tout être sensible, les araignées recherchent le bien-être et fuient la douleur et la souffrance. On peut donc éprouver de la bienveillance et de la compassion à leur égard, c'est-à-dire souhaiter qu'elles soient heureuses et connaissent les causes du bonheur d'une part et qu'elles soient libres de toute souffrance et des causes de la souffrance d'autre part. Le fait de vouloir du bien à ces bestioles ne nous libérera peut-être pas tout de suite de la peur parfois panique qu'elles nous causent, mais cela aidera grandement à faire basculer notre point de vue sur elles. Cela nous fera comprendre plus facilement que ces petites araignées (même quand elles sont grosses) ont beaucoup plus à craindre cette énorme créature qu'est l'homme que l'être humain ne doit craindre ces petits bêtes. Que peuvent les quelques grammes de l'araignée contre les dizaines de kilo de l'homo sapiens ? Dans quel camp est vraiment la terreur ?


       Il faut aussi essayer de comprendre d'où vient notre peur antique des araignées. Peut-être que dans des vies antérieures nous avons été des mouchettes engluées dans la toile d'une de ces araignées et que le traumatisme s'est perpétuée de renaissances en renaissances. D'accord, mon explication vaut ce qu'elle vaut. Mais c'est vraiment une peur fondamentale. Qu'il suffise de regarder les films fantastiques ou de science-fiction où les héros sont confrontés à des araignées géantes. Je pense notamment à la scène du Seigneur des Anneaux de Tolkien où Frodon et Sam sont aux prises avec l'horrible Arachnée. Je pense qu'il faut observer cette peur en nous avec les outils de la Pleine Conscience, et essayer d'en comprendre le mécanisme. L'influence culturelle est importante. Si des proches sont facilement effrayés par les araignées, il est probable qu'il vous aient transmis cette peur, voire cette phobie.


       Inversement, si vous montrez à des enfants toute la beauté d'une toile d'araignée, si vous vous montrez curieux envers les araignées, et pas effrayés comme si vous étiez en face d'un revenant, il y a beaucoup de chances pour que ces enfants ne développent de dégoût exacerbé ou de phobie à l'égard d'elles. Votre comportement dit de lui-même qu'il n'y a pas à avoir peur d'elles. Dans mon jardin, je suis désolé quand je dois briser des toiles d'araignée. Quel manque de respect envers le travail d'autrui ! Mais une grosse bête comme moi doit bien avancer en occupant un certain espace...


        Enfin, motivé par la bienveillance et la compassion, je vous recommande de regarder les araignées le plus souvent possible. Ne détournez pas le regard. Observez-les dans leur milieu naturel, émerveillez-vous des trésors de géométrie et d'architecture qu'elles déploient pour créer leur toile. Observez toute la diversité qui existe parmi l'ensemble des araignées. Je pense que peu à peu vos peurs ou votre phobie perdront de l'emprise sur vous. Les araignées pourront alors devenir vos amies !









Lisa Gill








Voir aussi : 


Penser l’homme et l’animal au sein de la Nature











Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.








Quand vous êtes triste, rappelez-vous
que les araignées sauteuses portent parfois une goutte d'eau en guise de chapeau.






















lundi 28 août 2017

Il n'y a pas d'amour heureux



Il n'y a pas d'amour heureux




Rien n'est jamais acquis à l'homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son cœur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
Il n'y a pas d'amour heureux


Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes
Qu'on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu'on retrouve au soir désœuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
Il n'y a pas d'amour heureux


Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-là sans savoir nous regardent passer
Répétant après moi les mots que j'ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent
Il n'y a pas d'amour heureux


Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos cœurs à l'unisson
Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare
Il n'y a pas d'amour heureux


Il n'y a pas d'amour qui ne soit à douleur
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l'amour de la patrie
Il n'y a pas d'amour qui ne vive de pleurs
Il n'y a pas d'amour heureux
Mais c'est notre amour à tous les deux


Louis Aragon (1897-1982), La Diane Francaise, Seghers 1946.


dimanche 23 avril 2017

Le rythme de l'amour

Être heureux, rendre heureux, voilà le rythme de l'amour.

Sri Nisargadatta Maharaj

samedi 31 décembre 2016

Faire rayonner les quatre qualités



Faire rayonner les quatre qualités



     Une dimension importante de la méditation bouddhique est la pratique des quatre qualités incommensurables. Ces quatre qualités incommensurables sont l'amour bienveillant incommensurable, la compassion incommensurable, la joie incommensurable et l'équanimité incommensurable. On appelle également cette pratique « les quatre demeures de Brahmā » parce que le monde divin de Brahmā est dépourvu d'éléments grossiers comme la terre, l'eau, le feu ou l'air comme dans notre monde physique, mais est entièrement composé d'amour, de compassion, de joie et d'équanimité qui s'étendent à l'infini.

      Je pense vraiment que c'est là une pratique essentielle que d'accoutumer sans cesse notre esprit à ces quatre qualités incommensurables, et je voudrais ici inviter tout le monde à découvrir à cette dimension de la méditation. Dans les soûtras, le Bouddha revient souvent avec la même formulation de la méditation des quatre qualités incommensurables :

mardi 20 décembre 2016

Une spirale infernale




Une spirale infernale


     Hier à Berlin, un camion a foncé dans la foule d'un marché de Noël. L'auteur de l'attentat est apparemment un réfugié d'origine pakistanaise. Il n'en faut pas plus pour raviver un argument récurrent à l'encontre des migrants : ils cacheraient parmi eux des terroristes (voilà pourquoi il faut les refouler en-dehors de l'Europe). Voire pour les plus nationalistes, on passe très vite de la proposition particulière : « certains migrants sont des terroristes » à la proposition universelle « tous les migrants sont des terroristes, et ceux qui défendent leur cause des traîtres à la patrie ».

    Cet après-midi, sur twitter, j'ai vu une photo au slogan simpliste d'extrême-droite qui disait : « La gauche vise les crèches ; l'islam vise les marchés de Noël » (sic). Le sous-entendu est assez clair : deux idéologies menacent l'identité nationale et européenne qui est forcément une identité chrétienne. La gauche défendant la laïcité et l'islam qui n'est jamais rien d'autre qu'un jihadisme sournois. C'est premièrement oublier un peu vite en besogne que la laïcité et la critique de la religion sont incontestablement devenu des éléments des identités nationales en Europe. C'est ensuite sombrer dans l'amalgame de mettre sur le même pied un acte terroriste odieux et le refus des symboles religieux dans les édifices publics au nom de la laïcité. C'est encore plus sombrer dans l'amalgame que de réduire l'islam à l'acte crapuleux d'un fanatique.

     Voilà donc dans quel monde nous vivons : un monde dans lequel les propos haineux se répandent à la vitesse d'un tweet et dans lequel on essaye de monter les communautés les unes contre les autres. Rappelons que ce n'est pas là l'esprit de Noël qui se veut quand même être une fête célébrant la joie et l'amour, la victoire de la lumière sur les ténèbres.

     Mais fustiger les migrants, dénoncer le risque terroriste qui se cacherait derrière chaque humain cherchant dans nos contrées un refuge et un avenir meilleur, c'est tomber dans le piège que nous tendent les organisations terroristes comme Al Qaïda et Daesh. Haïr les migrants, c'est exactement ce que veulent ces organisations haineuses. Que les impies occidentaux se mettent à détester et à rejeter le simple migrant, et voilà un migrant qui sera tenté d'épouser les thèses des islamistes haineux : « Tu n'a rien à faire dans ces pays d'incroyants. Regarde comment ils te haïssent, comment ils veulent te faire du mal, comment ils te traitent comme du bétail... Non, rejoins le camp de ceux qui combattent jusqu'à la mort ces kouffars, ces chiens d'infidèles... » Comment les fascistes poussent certains réfugiés dans les bras du terrorisme islamistes. Ces migrants en perdition prêts à monter dans un camion qui ira s'écraser contre une foule d'inconnus quelque part dans l'Europe des infidèles sont certes très peu nombreux, voire insignifiants en nombre au regard des centaines de milliers de gens bien qui ont franchi les barbelés de la forteresse Europe. Mais ils suffit d'un seul de ces individus en perdition pour accomplir un acte de terrorisme aveugle qui fera naître la haine dans les populations européennes et qui pousseront des milliers et des milliers de gens vers les idées racistes et fascistes, ces idées d'exclusion et de rejet de l'autre. C'est là une spirale infernale.

« En vérité, disait le Bouddha,
La haine ne s'apaise jamais par la haine.
La haine s'apaise par l'amour.
Ceci est une loi éternelle ».

     Que Noël soit une célébration de la bienveillance, de la solidarité et de la fraternité. Qu'elle soit soit aussi un moment de compassion et de consolation pour les victimes de cette tragédie.





Berlin - 20 décembre 2016











Réfugiés, de l'aide au lieu de la haine









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Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici

vendredi 9 septembre 2016

Un autre monde est possible



Un autre monde est possible, mais il est dans celui-ci.

Paul Éluard



Un jour, une photo




     Voilà une citation intéressante du poète Paul Éluard : cela sonne comme un slogan altermondialiste, l'espoir toujours renouvelé d'un monde meilleur, mais il indique que cet autre monde possible est comme à l'état de graine dans ce monde-ci. On ne fait pas la révolution, on la plante ! C'est à partir de ce monde-ci que se produira un autre monde avec moins d'injustice et plus de fraternité.

vendredi 2 septembre 2016

Les quatre demeures de Brahmā





      Il y a dans le bouddhisme cette pratique méditative que l'on appelle les « quatre demeures de Brahmā » : il s'agit de l'amour illimité, de la compassion illimitée, de la joie illimitée et de l'équanimité illimitée. Ce nom fait référence au dieu de l'hindouisme Brahmā ; et on retrouve cette pratique des quatre qualités illimitées ou incommensurables dans les textes hindous, dans le Yoga Sûtra de Patañjali par exemple. On la retrouve aussi dans les textes jaïns. Le Bouddha voulait très probablement qu'on admette que les religions et les courants spirituels et philosophiques partagent une base commune, même si ils diffèrent, voire s'opposent sur certains points. Mais il y a une autre raison à ce que l'amour illimité, la compassion illimitée, la joie illimitée et l'équanimité illimitée soient appelées « quatre demeures de Brahmā » : selon la cosmologie bouddhique, le monde divin de Brahmā qui chapeaute tous les mondes ayant une existence physique est composé d'amour, de compassion, de joie et d'équanimité. Tout comme notre monde matériel sur la Terre est faite de terre, d'eau, de bois, de métal, d'air, de feu et de tous les éléments matériels ont fabriqué à partir des ressources de la nature comme le verre, la brique, le plastique, etc..., les éléments constituants de l'univers de Brahmā sont matériellement faits de cet amour, de cette compassion, de cette joie et de cette équanimité, et cela à perte de vue, au-delà de tout ce qu'on peut imaginer. On ne veut pas simplement dire que l'amour règne dans ce monde, un peu comme dans le monde des bisounours, mais que l'amour, la compassion, la joie et l'équanimité sont les briques et les atomes de ce monde. Non pas un univers clos, mais une vastitude infinie dans laquelle nous nous sentons immergés, en communion avec tous les êtres.

samedi 16 juillet 2016

Une chose merveilleuse et grande




      Oui la détresse est grande, et pourtant il m'arrive souvent, le soir, quand le jour écoulé a sombré derrière moi dans les profondeurs, de longer d'un pas souple les barbelés, et toujours je sens monter en mon cœur – je n'y puis rien, c'est ainsi, cela vient d'une force élémentaire – la même incantation: la vie est une chose merveilleuse et grande. Après la guerre, nous aurons à construire un monde entièrement nouveau, et, à chaque nouvelle exaction, à chaque nouvelle cruauté, nous devrons opposer un petit supplément d'amour et de bonté à conquérir sur nous-mêmes. Nous avons le droit de souffrir mais non de succomber à la souffrance. Et si nous survivons à cette époque indemnes de corps et d'âme, d'âme surtout, sans amertume, sans haine, nous aurons aussi notre mot à dire après la guerre


Etty Hillesum, extrait de son journal, 1941






Roman Vishniac, Garçon se tenant sur une montagne de gravats, Berlin, 1947.







      Etty Hillesum était une juive néerlandaise qui a écrit son journal intime, un témoignage spirituel très fort, entre 1941 et 1943, année où elle mourut à Auschwitz. Je trouve ce passage de son journal très fort. Au fond, il n'est déjà pas aisé de parvenir à trouver la vie belle et magnifique quand on traverse un moment de déprime ou une situation difficile comme une perte d'emploi. Mais il y a une incroyable force à s'émerveiller encore de la vie quand l'étau se resserre inexorablement sur les juifs d'Europe en 1941. Et à trouver l'envie de déjà vouloir tout reconstruire alors que la guerre ne fait que commencer, et de penser l'après de cette guerre, et de se dire qu'il faudra apporter encore plus d'amour et de beauté à ce monde et s'opposer encore et encore à toutes les injustices futures, à toutes les exactions que la cruauté des hommes rend possible. « Nous avons le droit de souffrir mais non de succomber à la souffrance ». Voilà une très belle phrase qui désigne toute notre humanité : notre condition humaine assujettie souvent à la souffrance, mais aussi notre humanité en tant qu'idéal moral de bienveillance et de justice, de considération pour autrui qui doit faire une société meilleure. Nous souffrons, mais nous devons vaincre ce ressentiment qui naît de la souffrance et des injustices. Nous devons dépasser les vieilles haines et rancunes. Dépasser cela et construire quelque chose de meilleur. Voilà une exigence morale essentielle.  






Etty Hillesum







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