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mardi 7 avril 2015

Tomber sept fois




Telle est la vie
Tomber sept fois,
Se redresser huit.

Proverbe japonais











     L'origine de se proverbe est à chercher du côté de la figure très vénérée au Japon de Daruma. Daruma est le nom japonais de Bodhidharma, le maître indien de dhyâna (l'absorption méditative) qui est venu en Chine enseigner le Dharma au monastère de Shaolin et qui est à l'origine de cette branche du bouddhisme du Grand Véhicule qu'on appelle Chan en Chine et Zen au Japon. Selon la légende, Bodhidharma serait resté neuf ans absorbé dans sa méditation devant un mur du monastère de Shaolin ; et ce faisant, il aurait perdu ses jambes et ses bras. Ce qui fait qu'il est souvent représenté au Japon sous la forme d'une figurine ovale en papier mâché qui a la particularité de se redresser de lui-même quand on la bouscule, un peu comme les jouets de culbuto chez nous. Dans les années '80, on appelait cela des bidibulles. La figurine est lestée à sa base ; ce qui fait qu'elle revient à la position debout quand on la renverse.





    Ces figurines de Daruma ont donc inspiré ce proverbe « Tomber sept fois, se relever huit ». Il va à l'encontre du culte de la performance dans laquelle la société actuelle nous emmène de gré ou de force. L'important n'est pas de toujours être parfait et de tout réussir du premier coup comme le management contemporain voudrait nous le faire croire, mais savoir que les échecs et les fractures dans l'existence font aussi partie d'une vie digne d'être vécue. Et quand on est tombé, ne pas complaire dans sa détresse ou son chagrin, mais tout faire pour se redresser. Et quand bien même, on connaît à nouveau l'échec ou la défaite, ne toujours pas se résigner, mais toujours avancer malgré les épreuves.

     Il est intéressant de comprendre ce proverbe en le mettant en perspective avec les figurines de culbuto des Daruma. Le Daruma revient à la position debout de lui-même. On pourrait interpréter ce proverbe japonais « Tomber sept fois, se relever huit » dans une optique très volontariste. Vous savez les gens qui vous disent « Quand on veut, on peut ».... Mais la figurine de Daruma n'a pas la volonté de se relever, elle se relève, voilà tout. C'est ce qu'on appelle dans la pensée chinoise, le wuwei 無為, le non-agir. Le non-agir ne fait pas appel à la volonté de changer les choses en faisant effort, voire en faisant violence à soi-même ou aux choses. Le non-agir s'abandonne à l'évolution naturelle des choses, se laisser entraîner par le cours des choses. Le non-agir laisse les choses se transformer spontanément d'elle-même sans vouloir toujours intervenir et tout contrôler. 

     C'est une expérience fondamentale en méditation : on peut définir le méditation comme une façon particulièrement active de ne rien faire. Vous maintenez l'attention et vous ramener l'attention quand celle-ci se disperse, mais vous n'essayez pas de contrôler ce qui vous arrive : les émotions qui vous traversent, vos sautes d'humeurs, les pensées de désespoir ou de noirceur qui habitent un temps votre mental tout comme les nuages noirs peuvent occuper le ciel quelques moments.

   En fait, ces émotions noires se déposent d'elles-mêmes dans la méditation. Elles perdent de leur puissance et de leur emprise. L'esprit d'Éveil les disperse comme le soleil disperse la brume matinale. Si votre esprit est animé par l'enthousiasme, la joie profonde et la bienveillance, alors votre mental qui était accablé se relève de lui-même et se trouve à nouveau capable d'affronter les épreuves de la vie. Souvent on présente le mental des grands méditants comme une montagne ou un roc imperturbable ; mais ce n'est pas nécessairement vrai, je peux avoir des humeurs sombres et être sujet au désespoir, mais quand je médite et que je cultive les quatre qualités incommensurables que sont la bienveillance, la compassion, la joie et l'équanimité, alors les humeurs sombres disparaissent d'elles-mêmes et le mental se régénère et se montre à nouveau confiant et empli d'enthousiasme pour affronter les difficultés de la vie.


    J'avais lu qu'il ne fallait pas plus d'une seconde pour que le sang se mette à coaguler lorsqu'on se coupe. Notre corps a une capacité étonnante à la guérison. Pareillement, notre esprit a aussi une capacité étonnante à la guérison pour peu qu'on se libère des émotions négatives et destructrices comme la colère, le ressentiment, le désespoir, l'envie, le mépris... La méditation est vraiment le lieu de cette transformation du mental. Il faut ne pas l'oublier.   






Ajahn Chah





Autre citation de Bodhidharma : 



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